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Qu'est-ce qu'une métropole de dimension européenne ?

Un triple contexte

 

Ce dossier en ligne s'inscrit dans un triple contexte : tout d'abord, celui de la réalité d'un changement, d'un bouleversement majeur dans l'économie mondiale ("l'économie-monde" de Fernand Braudel et Immanuel Wallerstein¹) souvent appelé mondialisation en France, globalisation aux États-Unis ou en Allemagne. Cette globalisation "correspond à une ouverture des marchés, des frontières et à une interaction constante entre les nations, les régions et les villes" (Jean Pierre Paulet) et est sous-tendue par des innovations technologiques et notamment par la mise en place de systèmes de communications de plus en plus perfectionnés.
D'autre part, depuis 1989 et la chute du "rideau de fer", c'est non seulement au niveau institutionnel, politique, ou militaire qu'il faut repenser notre continent mais également au niveau de son organisation spatiale, et donc des villes et de leur rayonnement.
Enfin, cette étude intervient également dans un contexte de reprise du débat sur l'aménagement du territoire. La fin de la coupure en deux du continent mais aussi et surtout l'ouverture du marché unique européen et la signature du traité de Maastricht (1992) dans le cadre du grand marché européen ont largement contribué à cette reprise. Ce débat dramatisé à l'extrême aboutit en 1994 à l'adoption de la loi d'orientation et de développement du territoire.

Les villes, les métropoles comptent et compteront de plus en plus parmi les acteurs majeurs de cette transformation puisqu'elles sont, par excellence, porteuses de l'innovation comme le rappellent avec force les géographes de l'équipe PARIS auteurs du livre "Le système des villes européennes".
Même si le livre précurseur de Roger Brunet, qui a fait grand bruit à l'époque (1989), date quelque peu, il a eu le mérite de relancer l'étude des villes en mettant l'accent sur ce qui fait leur caractéristique : ce sont des lieux d'échanges et de production mais aussi des lieux de plus en plus interdépendants dans des réseaux hiérarchisés. Plus rien ne semble pouvoir freiner la construction d'un véritable réseau de villes à l'échelle de tout le continent et cela alors même que la construction politique de l'Europe piétine.
Dans ce contexte général, la concurrence entre les villes devient de plus en plus exacerbée. Rarement la géographie n'aura autant justifié sa vocation d'aide à la décision, que dans ce type d'études sur les villes : pour un chef d'entreprise choisir une ville afin d'y implanter une filiale ou une unité de production c'est surtout comptabiliser ces avantages comparatifs ainsi que le montre le petit livre très suggestif de Panayotis Soldatos. Il reste que l'ambition des lignes suivantes est de définir la notion de ville.

Le problème de la définition de la ville

La définition administrative du fait urbain pose problème depuis longtemps et varie très largement selon les pays. Mais, dans ce travail nous considérerons avant tout la ville dans ses rapports d'interdépendance avec les autres villes sans que le nombre d'habitants soit toujours déterminant, ainsi que le rappelle l'atlas de la ville de Strasbourg (ADEUS). Cette étude prend en compte trois villes qui avec leurs agglomérations dépassent largement les 200 000 habitants, seuil fixé arbitrairement par l'équipe PARIS pour définir les villes particulièrement concernées par l'ouverture internationale. Il faut souligner en effet que la croissance démographique n'est qu'un indicateur très partiel de bonne santé urbaine.

La notion de métropolisation

Elle est au cœur de cette étude mais ce n'est pas une notion simple à aborder. Ce néologisme a semble t-il été inventé au début des années 80. Beaucoup d'observateurs (géographes, aménageurs, sociologues) constatent le changement amorcé dans les métropoles et notamment l'insertion de plus en plus poussée dans les réseaux, ainsi que la concentration des activités majeures, sans guère parvenir à lui donner une définition claire. Il faudra attendre les années 90 pour que Jacques Bonnet propose enfin une définition de la métropolisation dans son livre "Les grandes métropoles mondiales". La métropolisation est la concentration des pouvoirs dans les métropoles mais c'est également un processus dynamique qui vise à intégrer par le renforcement des réseaux et grâce à la maîtrise des pouvoirs décisionnels, économiques, relationnels et culturels. Elle peut se mesurer et s'apprécier à l'aide de toute une série de critères structurels, fonctionnels, ou encore dynamiques qui ont servi à établir des hiérarchies des villes d'Europe.

Comment appréhender le processus d'internationalisation des métropoles ?

Elle est évidemment largement liée à la notion précédente. L'une des difficultés de ce type de recherche provient du fait que peu de travaux permettent de faire une étude comparative rigoureuse et détaillée des échanges, des flux interurbains. D'autre part, ce type d'étude est souvent parasité par une tendance au marketing territorial de plus en plus important : chacune des métropoles se présente volontiers comme étant au centre du continent. Panayotis Soldatos appelle ce phénomène une "démarche trompeuse d'internationalité".
Même si les définitions de ce qu'est une ville internationale diffèrent selon les auteurs nous pourrons retenir celle assez complète du géographe Bonneville (1992), "les villes internationales sont d'abord des grandes villes, caractérisées par la densité et la diversité de leur population et de leurs activités économiques, elles sont aussi celles qui captent à leur avantage et sur le long terme les fonctions rares à portée géographiques supranationales, celles qui occupent des nœuds essentiels dans les réseaux internationaux de pouvoir, de production, de communication et d'échange."
Concrètement, les auteurs de l'étude la plus récente ("Le système des villes européennes") démontrent que l'internationalisation ou l'insertion d'une ville dans les réseaux de villes peut se mesurer avec :

  • les échanges et l'accessibilité des villes grâce à l'insertion des villes dans les réseaux d'échanges et de transport.
  • le rôle et le développement des multinationales. La localisation des sièges sociaux mais aussi des filiales. Le poids des investissements des firmes étrangères.
  • le rôle et le développement des congrès qui sont l'"expression de l'importance du processus d'internationalisation et ferment de ce processus". (Equipe PARIS).

Soldatos dans son étude insiste lui sur la paradiplomatie que ces "nouvelles" villes internationales ont mises en place.

L'étude du groupe PARIS distingue également deux types d'internationalisation des villes : d'une part celles où la masse, la dimension, le contrôle et le pouvoir économique et politique priment ; d'autre part celle qui dépend d'une ouverture très accentuée des sociétés, des économies et des infrastructures.
Les géographes ont essayé de dégager certains caractères communs à l'internationalisation des villes. Ainsi, peut-on citer la forte proportion de jeunes adultes actifs ou encore la forte présence de sièges sociaux d'entreprise. Néanmoins il ne faudrait pas uniformiser à outrance ces propriétés communes. En effet, chaque trajectoire des villes est différente et dépend pour une large part de son passé, de son histoire.
Nous vérifierons si ces villes sont spécialisées dans un type donné d'activités. Cette spécialisation procure souvent des avantages puisqu'elle permet de rattraper un certain retard même si la diversité socio-économique semble pour bien des observateurs être un bien plus grand avantage. Beaucoup de villes européennes sont en effet à la recherche d'un créneau qui leur permettrait d'accéder à une position internationale plus affirmée.

La question du processus de métropolisation qui caractérise les eurocités aujourd'hui amène à nous poser de nombreuses questions et dés lors que l'on considère l'apparition de ces nouvelles fonctions urbaines de type métropolitain comme le facteur déterminant de la dimension européenne, comment se positionnent Lille, Lyon et Strasbourg ? Comment les trois villes étudiées s'insèrent-elles dans les réseaux internationaux ? Peuvent-elles alors prétendre véritablement au titre de métropoles européennes alors même que tous les observateurs soulignent avec raison l'extrême polarisation du réseau urbain national autour de Paris ? Dans un tel contexte comment exister au niveau européen pour ces trois villes ? La "lutte" n'est plus tellement au niveau national mais à l'échelle européenne.
Peut-on alors parler de "masse critique" à atteindre ? Peut-on considérer que ce sont des métropoles spécialisées ? Qu'en est-il alors de la spécialisation technopolitaine (hautes technologies) qui émerge depuis quelques décennies ?

En quoi la construction européenne modifie la dynamique des métropoles ? Quels sont les liens entre l'émergence de ces métropoles et l'affirmation de régions moteurs à l'échelle européenne ?
On comprend d'autant mieux ce que cette étude comparative a d'intéressant, que les processus mis en œuvre à l'échelle européenne sont marqués par une forte inertie lorsqu'on les observe sur le temps long. Les auteurs du groupe de recherche PARIS rappellent avec force qu' "il est probable que pour de longues décennies encore, le système des villes européennes gardera sa spécificité". La hiérarchie lentement mise en place durant des siècles ne sera pas renversée de sitôt. Il nous faudra donc aussi nous demander quel est l'avenir de ces métropoles puisque ce renforcement des capacités du niveau supérieur des hiérarchies urbaines, entraîne un affaiblissement relatif des petites villes.

De plus, dans cette étude nous serons amenés à nous interroger sur l'une des conséquences de cette mise en réseau des villes : l'effacement des frontières, volontiers proclamé par les aménageurs n'est-il pas largement exagéré ? Peut-on à l'exemple de Soldatos proclamer que "l'avenir de nos collectivités humaines sera urbain, transnationales, définitivement global". Ne constate-t-on pas au contraire une vigueur encore importante du cadre national ? Ainsi, le processus de métropolisation est encore largement lié à la taille des villes dans leur réseau national plutôt qu'à l'échelon européen : "Dans son principe et dans sa mise en œuvre, le processus de mise en réseau à l'échelon européen demeure donc fortement dépendant des configurations nationales des réseaux urbains". (Equipe PARIS).

D'autre part ne faut-il pas aussi insister sur les côtés négatifs que l'internationalisation peut avoir : Soldatos affirme que le "déploiement interne d'une métropole est de plus en plus lié au développement international" : qu'en est-il alors des populations qui ne sont guère liées à ce développement international, exclues de plus en plus de ce mouvement de fond ?

¹ - IMMANUEL WALLERSTEIN Directeur du Centre Fernand-Braudel de Binghamton et chercheur associé à l'université de Yale, Etats-Unis.

 
© CRDP d'Alsace - thém@doc - Strasbourg, métropole européenne, 2002
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