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La tête des Faux :
Le champ de bataille

Page mise à jour le 28/10/2015

La Tête des Faux : état du champ de bataille début 1918. La Tête des Faux : carte du champ de bataille et ses vestiges. Le sommet et sa croix coté français. Le sommet et sa croix coté français.
La partie supérieure de l'abri sommital, où est plantée la croix. Crète sommitale avec barbelés et chevaux de frise, coté français. Le sommet de la Tête des Faux. Vue du sommet vers le col du Bonhomme.
Entrée d'un abri français à côté de l'abri sommital. Entrée d'un abri français à côté de l'abri sommital. Le monument Demmler en contrebas du sommet. Partie supérieure du
Partie supérieure du Bastion. Tranchée principale menant au bastion depuis la pente tenue par les Allemands. Le Bastion : vue arrière de la partie sommitale. Le Bastion : une des entrées arrière de la partie sommitale.

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INTRODUCTION


« Ce champ de bataille extraordinaire pourrait être aisément celui des superlatifs… Il fut en effet l’un des premiers en date dès le début décembre 1914 ; le plus élevé après l’Hilsenfirst ; puis le plus petit en surface et le plus bref en durée ; le plus limité aussi au point de vue des pertes, moins d’un millier. Ce fut enfin le plus prodigieux sur le plan technique des installations et des fortifications ». Armand Durlewanger, « Les grands orages sur les Vosges », 1969, éd. Dernières Nouvelles d’Alsace.

Le sommet de la Tête des Faux, « Buchenkopf » en allemand, domine de ses 1208m les villages du Bonhomme, de Lapoutroie et d'Orbey et surtout le col du Bonhomme considéré en 1914 par les Français comme stratégique. Le sommet tire son nom de la forêt de hêtres (« fagus sylvatica » en latin, « Fau » en ancien français, « Faou » en breton) qui jadis le recouvrait.

Avec la Petite Tête des Faux (Felseneck, 1171m), la Tête des Immerlins (1216m) et la Petite Tête des Immerlins, il forme une crête dont le versant ouest, occupé par les Français descend en pente assez douce vers le col du Calvaire et les lacs Blanc et Noir, et le versant est plonge abruptement sur la cuvette de la tourbière du Devin. C’est sur cette pente que les Allemands vont s’accrocher.


LA BATAILLE


Les Allemands s’installent début août sur le sommet, excellent observatoire : ils y dirigent les tirs de leur artillerie, spécialement sur le col du Bonhomme (949m), passage de première importance vers la plaine d’Alsace. Un de leurs bombardements tue le 8 septembre le chef de la 41ème division d’infanterie le général Marie Désiré Bataille (1962-1914) et un capitaine de son état-major, ainsi que le médecin Hector Malègue et le lieutenant Pierre Simon du 28ème B.C.A.

Le général Dubail décide de déloger les Allemands. Le 2 décembre 1914, les 28ème et 30ème bataillons des Chasseurs Alpins ainsi qu'un bataillon du 215ème R.I. prennent d’assaut la Tête des Faux et en délogent les soldats du Bayerisches Landwehr Infanterie Regiment (L.I.R.) 12. Le commandant Duchesne du 215ème est tué au cours de l’assaut. Le 18, le 30ème B.C.A. prend la relève au sommet.

Le 24 décembre à 22h30, dans des conditions extrêmes (40cm de neige, température jusqu’à -18°) le 14ème Mecklenburgische Jäger Regiment monte à l’assaut dans la pente abrupte vers le sommet. Durant plus de 6 heures, dans la nuit une bataille extrêmement violente, confuse et meurtrière permet aux Allemands de s’emparer de la première ligne sur une largeur de 50 mètres seulement. Mais il échouent devant la seconde ligne en arrière du sommet et sont finalement repoussés dans la pente par les Chasseurs Alpins, qui y gagnent de la part de leurs adversaires le surnoms de « Blaue Teufel », « Diables Bleus », tant leur résistance est opiniâtre. Le bilan de cet assaut est terrible : près de 550 tués, dont 137 français.

Le 21 février, les Allemands tentent une nouvelle attaque qui se solde à nouveau par un par un échec retentissant. Les Français restent maîtres du sommet. Les Allemands s’installent alors juste en contre-bas et construisent sur le flanc est de la Tête des Faux d’impressionnantes fortifications qui figent définitivement la situation jusqu’à la fin du conflit. Hormis quelques escarmouches, les positions ne bougeront plus.


L’EVOLUTION DU SECTEUR ENTRE 1915 ET 1918


A partir de 1915, tout le secteur, qui s’étende environ sur 5 kilomètres entre les Lacs et les Basses-Huttes est occupé par le 3ème brigade du colonel Georges Brissaud-Desmaillet (1869-1948) comprenant les 14ème, 30ème, 52ème, 62ème B.C.A. et le 229ème R.I. côté Français, et côté allemand la VIème Bayerische Landwehr Division du General der Kavallerie Otto Ritter von Schmidt (1856-1929), qui se battra plus tard au Linge.

Les actions militaires de grande envergure font désormais place aux coups de mains, aux escarmouches entre patrouilles, aux duels d’artillerie et de grenades.

Comme la guerre va durer, on s’attache de chaque côté à poursuivre les travaux d’aménagement et à renforcer ses défenses. Avec une différence notable entre Allemands et Français : les premiers défendent leur territoire, ils s’y installent donc pour y demeurer ; les second veulent le conquérir, et ne sont donc sur place que très provisoirement avant de progresser à nouveau…


Les positions allemandes : la « Bunkérisation du massif »

Le versant est du sommet de la Tête des Faux concentre, sur une dénivellation d’environ 300 mètres, un nombre impressionnant d’ouvrages, formant une forteresse défensive accrochée à la contre-pente et réalisée sur 4 ans. A partir du 2 décembre un chantier de construction presque permanent se met en place. Il s’intensifie avec la fin des combats de l’automne-hiver 1914-1915 et la mise en service d’une liaison téléphérique à partir d’avril 1915. Des travaux titanesques sont entrepris pour permettre aux « Jägers » de tenir leurs positions face aux Français, et ce dans les meilleurs conditions possibles (eau, électricité, sanitaire).

Outre les abris, bunkers et autres installations logistiques, la présence de multiples voies de communications vers les arrières est une des caractéristiques essentielles du système défensif allemand. L’Étang du Devin sert de base logistique rapprochée : cette base comporte une forge, une unité de production de courant électrique, un hôpital et un poste de commandement souterrains, une station de pompage qui captait plusieurs sources situées au fond de l’étang et permettait d’approvisionner en eau l’ensemble des positions du triangle défensif, tous les ateliers nécessaires à l’entretien des troupes et du matériel, un abri réservé au matériel de communication, une cuisine, des dépôts de tous genres, deux cimetières et un terrain d’exercice…


Les positions françaises

A partir du printemps 1915, comme la priorité est donnée à d’autres secteurs par l’état-major français (Vallée de Munster, vallée de la Thur), le front de la Tête des Faux devient défensif. Les Français s’emploient donc à des travaux de consolidation et de fortification. Les positions françaises de la Tête des Faux sont, donc d’assez bonne qualité et relativement confortables (le chauffage était disponible dans la plupart des abris). Mais leur « légèreté » en comparaison du dispositif allemand explique leur érosion rapide. Le bois et la pierre constituent en effet le matériel de base des travaux de fortification et d’aménagement. Les maîtres mots demeurent l’adaptation et l’improvisation.

Au final, le tout fonctionne relativement bien avec une économie de moyens importante en comparaison du dispositif allemand. Ainsi, aujourd’hui, l’essentiel des vestiges se limite à des amas de pierres et des entonnoirs dont dépassent parfois quelques barbelés, une tôle ondulée ou un rail. Les bases arrière françaises se situaient autour des Hautes-Chaumes : Louschbach, Lac Noir (3 camps), Lac Blanc (1 camp, base logistique), Tinfronce, carrefour Duchesne (cimetière, P.C., dépôts, lavoir, poste téléphonique…)

Commentaire des illustrations par Georges Brun.