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L'abbatiale St-Léger de Murbach

Page mise à jour le 20/03/2014

Saint-Léger de Murbach : l’abbatiale Saint-Léger en 1764, au moment de sa dissolution. Saint-Léger de Murbach : plan. Saint-Léger de Murbach : vue sur le chevet-transept depuis la chapelle Notre-Dame de Lorette. Saint-Léger de Murbach : vue sur le chevet-transept depuis le sud-est.
Saint-Léger de Murbach : structure générale du chevet-transept et distribution des volumes. Saint-Léger de Murbach : abbatiale Saint-Léger : vue générale sur le chevet-transept. Saint-Léger de Murbach : structure et décors de la partie supérieure du chœur. Saint-Léger de Murbach : détail du décor du pignon du chevet.
Saint-Léger de Murbach : éétails du décor du pignon du chevet. Saint-Léger de Murbach : croisillon sud du transept. Saint-Léger de Murbach : portail méridional du croisillon sud du transept. Saint-Léger de Murbach : tympan du portail du croisillon sud.
Saint-Léger de Murbach : chapelle nord du chevet. Saint-Léger de Murbach : partie supérieure de la face ouest de la tour nord du transept. Saint-Léger de Murbach : la voûte du chœur. Saint-Léger de Murbach : de gauche à droite : élévation du chœur, chapelle nord du chevet, bras du transept.

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A la robustesse de Marmoutier répond et s'oppose l'élancement de Murbach, l’église la plus grandioses et la plus achevée de l’art roman alsacien.


L'abbaye de Murbach fut une des abbayes médiévales des plus illustres du Saint-Empire-Romain-Germanique. Son abbé portait le titre de prince du Saint-Empire, ne relevant au spirituel que du pape et au temporel que de l'empereur, ayant avec ceux de Fulda, Kempten et Wissembourg droit de séance et voix dans les diètes, avant tous les autres princes-abbés. Pour être admis à Murbach, il fallait faire preuve de seize quartiers de noblesse. Rapidement, les abbés deviennent de véritables princes temporels, parmi les plus puissant d’Alsace, se heurtant souvent aux autres dynastes, comme les Ferrette, les Habsbourg, ou à leur voisins les abbés de Munster… n’hésitant pas à traiter très durement la population de leurs domaines. D’où l’expression populaire : « Orgueilleux comme le chien de Murbach », le lévrier noir figurant en effet sur le blason de l’abbaye.


HISTOIRE


Vers 726 le duc d’Alsace Eberhard projette la construction d'un monastère dans son alleu haut-rhinois et fait appel à l'évêque Pirmin (670-753), le fondateur de la Reichenau. Pirmin installe son monastère, le « Vivarius peregrinorum » dans le vallon de Murbach et le soumet à la règle de saint Benoît. Le roi Thierry confirme l'abbaye en 727, la prend sous sa protection et lui accorde l'immunité. Peu après l'abbaye obtient la libre élection de l'abbé et l'exemption de la juridiction diocésaine (728). L'abbaye est largement dotée de biens et rapidement le royal protecteur met à sa tête de très hauts dignitaires : Baldebert, évêque de Bâle (751-762), Sindbert, évêque de Ratisbonne (788-791). En 780 la déjà célèbre école de Murbach reçoit la visite d'Alcuin, le conseiller de Charlemagne (730-804). Au IXè il règne à Murbach une intense vie religieuse, et l'abbaye entretient de solides relations avec La Reichenau, Brescia, Saint-Gall, Remiremont. Vers 850 elle possède plus de 300 manuscrits !


En 925 les Hongrois dévastent l'abbaye et massacrent 7 moines au « Mordfeld », sur les pentes du Grand Ballon. En 962 Otton confirme les biens de l'abbaye rétablie. Odilon de Cluny s'y arrête en 996, ainsi que le pape Léon IX en 1049 qui vient consacrer l'église de Bergholtzzell en l'honneur de saint Benoît.


En 1135 l'abbé Berthold favorise la fondation du prieuré de Goldbach, et en 1139 il assiste au concile du Latran où Innocent II confirme par bulle les possessions et privilèges de l'abbaye. En 1149, après quelques désordres Conrad III charge Egilolf de réformer la vie monastique. En 1228 l'abbé Hugues de Rotenbourg est en Terre Sainte avec Frédéric II ; il y reçoit le titre de Prince d'Empire. Deux ans plus tard, en conflit avec les comtes de Ferrette, il fait ériger le château de Hugstein à l'entrée du Florival. Dans les années 1260-1285 l'abbé Berthold de Steinbronn fortifie Gildwiller, Wattwiller et Saint-Amarin et érige les châteaux de Hohenrupf, Hirtzenstein et Friedberg.


Le 10 septembre 1382 un incendie dévaste l’abbaye. L'abbé Guillaume Stoer restaure rapidement les bâtiments. En 1513-1525 l’abbé Georges de Masevaux s'oppose à l'introduction de la Réforme et en 1544 Charles Quint confère à Murbach le droit de battre monnaie. Dix ans plus tard est prononcée l'union perpétuelle entre les abbayes de Lure et de Murbach. En 1584 l'abbaye est assignée à des abbés commanditaires dont les évêques de Strasbourg, des princes d'Autriche, de Rohan, de Furstenberg...


Entre 1625 et 1640 les troupes du duc de Weimar saccagent l'abbaye qui reste inhabitée. L’abbatiale reste cependant intacte. Un chapitre noble devient possesseur des lieux, et de nouveaux bâtiments conventuels sont reconstruits en 1726 dans le style du temps. Mais le chapitre décide de se « reloger » plus confortablement à Guebwiller. En 1759 le pape Clément III prononce la sécularisation de l'abbaye. En 1764 il ne subsiste que l'ancien chœur de l'abbatiale, et le site est peu à peu abandonné.


DESCRIPTION


De l'ancienne église abbatiale ne reste que l'harmonieux chevet – transept : transept largement débordant précédé d'un chevet plat accosté de deux chapelles étroites et hautes. Nef et bas-côtés furent détruits au XVIIIè par les chanoines eux-mêmes.


Se différenciant des basiliques cruciformes traditionnelles avec transept et nef entrecroisés de même hauteur, l'église de Murbach dresse ses toitures dans une savante gradation. Le chœur règle toute la composition : en plan, il fait saillie sur les bas-côtés, et en élévation le gâble de sa toiture domine les rampants des chapelles à deux étages qui l'épaulent, tels des contreforts. Derrière s'élève le majestueux écran du transept : au centre, deux massives tours carrées encadrent et calent les murs surélevés de la croisée, servant d'appui aux combles du chœur et de la nef.


Le transept se manifeste à l'extérieur des deux tours par deux saillies surmontées d'un fronton, qui reproduisent la silhouette du chevet. Avec une sensibilité parfaite des volumes a été créé un ensemble d'éléments complexes qui se détachent nettement les uns des autres mais se réunissent dans un rapport harmonieux et équilibré.


Il existe peu de constructions de l'époque romane où les tendances ascendantes et horizontales s'équilibrent en un accord aussi idéal.

Commentaire des illustrations par Marie-Georges Brun.