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La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe de Lautenbach

Page mise à jour le 20/03/2014

La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : La façade occidentale. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : Le chœur et le chevet plat. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : Partie sud de la nef et du bas-coté. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : lithographie du XIXè siècle. J.B. Jung, éditeur à Guebwiller. Document BNU Strasbourg (Vidéodisque, 1/616184, NBI NP).
La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : plan de l’édifice. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : le porche. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : la triple arcade du porche. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : le porche.
La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : colonne monolithe sud du porche soutenant les ogives de la voûte. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : travée ouest du porche et voussure sud de la porte d’entrée de la nef. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : colonne monolithe sud du porche soutenant les ogives de la voûte. La collégiale Saint-Michel-et-Saint-Gangolphe : frise à hauteur des chapiteaux, partie nord du porche.

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HISTOIRE


Etabli à faible distance des deux vieilles et puissantes abbayes bénédictines, « Vivier des pèlerins » (Murbach) et « Moutier de Saint Grégoire » (Munster), le prieuré de Lautenbach a des origines obscures. La fondation remonte sans doute au VIIIè, à l'époque où l'autorité de l'évêque de Strasbourg s'étendait très loin en Haute Alsace, particulièrement sur cette région du « Mundat Supérieur ». La création serait due à des moines irlandais venus de l'abbaye de Honau au nord de Strasbourg, ou à la volonté des comtes de Lenzbourg en Argovie, déjà fondateurs des établissements de Beromünster et d’Aschaffenbourg. L’établissement est bientôt confié par l’évêque à un collège de chanoines.

Lautenbach attire l'attention au XIè siècle lors de la querelle des Investitures (1075-1121) avec les violentes prises de position du prieur Manegold de Lautenbach (1030-1103) en faveur du pape Grégoire VII, ce qui vaut à la collégiale d’être dévasté en 1080 par les troupes impériales d'Henri IV. Manegold réorganisa plus tard l'abbaye proche de Marbach.

Le XIIè est une ère : vers 1134, son avoué Werner de Habsbourg active la reconstruction de l'église de Lautenbach, ainsi que celles de Gundolsheim et Soultzmatt. A la fin du siècle le pape Luce III (1181-1185) confirme tous les privilèges et maintient à l'évêque de Strasbourg le droit de nommer titulaires et prébendes de la collégiale. Le Chapitre de la collégiale devient rapidement le propriétaire de toute la vallée supérieure de la Lauch (rive gauche, jusqu’à la crête) et le resta jusqu’à la révolution. La révolution française met fin à la communauté et tous les biens son dispersés.


PLAN ET TRANSFORMATIONS


Malgré les transformations, le plan primitif de la collégiale peut aisément être dégagé : plan cruciforme, alternance des supports dans la nef, petites fenêtres dans les murs gouttereaux, croisée à quatre arcades, chœur à chevet plat flanqué d'absidioles, massif de façade à porche profond surmonté de deux tours carrées.

L’œuvre n'est pas homogène : nef et bas-côtés, couverts de charpente, sont les parties les plus anciennes : le parement en pierre de taille des arcades de la nef se retrouve à Constance, Stein am Rhein, Schaffhouse, Hattstatt et date du dernier quart du XIè. La nef centrale s'ouvre sur les bas côtés par 6 grandes arcades retombant alternativement sur des piliers carrés et des colonnes. A l’étage du massif occidental s'ouvrait à l'origine une tribune à arcades donnant sur la nef. Comme on sait que l'abbatiale carolingienne primitive détruite en 1080 était toujours en ruines en 1084, le terme extrême de la construction ne peut être ultérieur à 1100.

Les murs de fond des croisillons, ajourés de six fenêtres superposées trois par trois sont copiés sur ceux de Murbach et datent de 1130-1140. Un document de 1269 relate que les murs menacent ruine. S'en suit la construction du chœur rappelant par certains détails ceux de Wissembourg et de Marmoutier ; il date du dernier tiers du XIIIè. Les voûtes sont postérieures à l'incendie de 1457.

La façade appartient à une troisième campagne de l'époque romane : L'appareil est régulier, décoré d'arcades aveugles, lésènes et arcs lombards. Il n’en reste que le porche et les tribunes ouvrant sur la nef. Jusqu’à la restauration de 1859, ce massif était surmonté d'une tour - porche construite après l'incendie de 1457, mais dont le poids risquait d'écraser le massif. Les nouvelles tours et le gâble sont loin de rallier les suffrages.


LE PORCHE


Le porche, l’un des plus riches et des plus beaux de l’Alsace romane, a gardé son caractère primitif malgré sa déposition en 1859. Il ouvre vers l'extérieur par un triplet et comprend trois vaisseaux de deux travées chacun. Celui du milieu, plus large, abrite le portail de la nef.

En façade, les piliers rectangulaires sont ornés d'un faisceau de baguettes répondant à celles qui suivent les archivoltes. Une demi-colonne est adossée à la face interne de chaque pilier. De telles colonnes se trouvent au milieu des murs sud et nord du porche, alors que des fûts en quart de rond sont engagés dans les angles. Enfin deux demi - colonnettes flanquent l'ouverture du portail.

Au centre, les supports sont deux colonnes monolithes très élancées aux chapiteaux à palmettes et rinceaux soulignés d'un câble.

Au dessus des supports reliés par une corniche à triple torsade et biseau chargé d'un damier, s'élèvent les voûtes. Doubleaux, formerets et ogives ont le même profil (plate bande avec tore), et constituent un réseau assez dense. Il n'y a aucune clé, et les claveaux sont alternativement en grès rose et blanc. Colonnes et piliers à base attique reposent sur une banquette et des dés carrés.

Le portail est surmonté de trois voussures toriques plein cintre retombant sur trois baguettes et un bandeau de frise sculptée, et se prolongeant dans les pieds-droits de même facture. L'ornement sculpté en méplat recouvre imposte, bandeaux et plinthes des bases : l'élément végétal y alterne avec torsades et damiers. Cette conception du décor est personnelle au sculpteur et constitue son style propre. Il y a quelques similitudes avec le décor de la façade de Marmoutier...

Le cadre de la porte se différencie nettement par ses archivoltes toriques prolongées jusqu'au sol, bien qu'interrompues par une imposte : d'inspiration italienne (San Simpliciano de Milan, Sainte Marie de Bergame, Borgo San Donnino à Fidenza), on ne le retrouve nulle part ailleurs en Alsace.

De ce porche se dégage une grande impression de légèreté due aux proportions élancées des supports et des faisceaux de la voûte de section identique (plus de lourds doubleaux). Cette légèreté se retrouve dans certaines architectures de salle, comme dans les chapelles palatines de Nuremberg et d'Eger en Tchécoslovaquie.


LES SCULPTURES


Le tympan a malheureusement été martelé, mais des traces révèlent un Christ dans sa mandorle, entre saint Michel et le dragon à gauche et saint Gangolphe en armes à droite.

La frise de l'imposte, remarquable, se lit de l'intérieur vers l'extérieur :

• Sur le jambage gauche, une femme portant un enfant est en butte aux avances d'un homme nu ; une bête aux longues oreilles symbolise le tentateur. Suivent l'homme et le femme enlacés, puis le mari battant sa femme qui tombe avec l'enfant ; enfin l'enfant couché sous un serpent, l'homme nu ouvrant la gueule du monstre.

• Sur le jambage droit, deux groupes d'hommes enlacés, un homme faisant voltiger un enfant dans chaque main, l'un enlacé par un serpent, l'autre mordu par un porc. Cette brute ricanant est l'image du maître des Enfers, tout comme le tricéphale de Marmoutier.

Le sens de ces scènes n'est pas très clair. La représentation de l'adultère est sans doute en relation avec les fonctions de saint Gangolphe, les scènes démoniaques pouvant se rattacher au cycle de Saint Michel.

L’angle sud-ouest : à l'angle sud-ouest du porche une sculpture mérite attention : deux personnages en un jardin, habillés et chaussés, représentent les élus en possession du fruit du Paradis. On retrouve cette scène au portail de l'église franciscaine de Salzbourg et dans passablement de miniatures (Manuscrits de l'école de Thuringe).

Commentaire des illustrations par Georges Brun.