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Abbatiale St-Etienne de Marmoutier

Page mise à jour le 20/03/2014

L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : Vue aérienne de l’abbatiale. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : le flanc sud de l’édifice.  L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : la façade occidentale. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : partie supérieure de la façade occidentale.
L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : façade sud du porche roman. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : plan de l’église abbatiale. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : plans et coupes de l’église abbatiale. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : plan du porche roman à diverses hauteurs de l’édifice.
L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : façade occidentale : décors de l’étage surmontant le porche, partie droite. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : décors de l’étage surmontant le porche de la façade occidentale, détail. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : façade occidentale : décors de l’étage surmontant le porche. L'église abbatiale Saint-Etienne de Marmoutier : façade occidentale : décors de l’étage surmontant le porche

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A l'élancement de Murbach répond et s'oppose la robustesse de Marmoutier. Si le roman n'a guère construit d'églises aussi grandioses et ascendantes que Murbach, il n'a pas élevé non plus d'églises plus fortes et plus puissantes que celle de Marmoutier.


HISTOIRE


La fondation de Marmoutier est entourée de légende dont se détachent deux figures : Léobard, le premier abbé et disciple de saint Colomban, et Maur le restaurateur, qui lui donna son nom de « Mauri Monasterium ». Marmoutier reste la plus ancienne fondation monastique d'Alsace.

Vers 590 Childebert II, roi d’Austrasie, autorise Léobard à s'installer sur une terre du fisc royal, la « Marca Aquileiensis ». Vers 724, suite à un incendie, Maur, le cinquième abbé, reconstruit l’abbaye et Thierry IV confirme à Maur la donation et accorde des privilèges. En 740 Marmoutier fait partie des édifices « pirmiens » (restaurés par saint Pirmin, (670-753) avec Murbach, Neuwiller, Schutten et Gengenbach. En 814 Benoît d'Aniane passe au monastère et le réforme. L'abbaye est exempte de fournir un contingent militaire. En 828 un incendie ravage l'abbaye. Drogon (801-855, fils illégitime de Charlemagne), évêque de Metz, la rétablit et en prend possession. En 975 Erchambauld, évêque de Strasbourg, consacre l'église.

En 1115, le prieur Richwin fonde un monastère destiné à des bénédictines (Sindelsberg), puis un prieuré dans le domaine vosgien de l'abbaye, à Saint-Quirin. Entre 1132 et 1146, l'abbé Meinhard tente de restaurer la fortune immobilière de Marmoutier appauvrie par deux siècles d'inféodations répétées. En 1163, Frédéric Barberousse confirme l'abbaye dans ses possessions et privilèges. Une bulle papale de 1179 confirme l'abbaye dans ses droits.

1225 marque le début de la construction de la nouvelle église abbatiale ; l'œuvre sera poursuivie sous les abbés Otton (1224-1245), Jean (1253-1288) et Conrad (1288-1301).

Aux XIV-XVèmes surgissent de grosses difficultés financières, et la ruine arrive en 1525 avec la guerre des paysans, puis l'occupation par les reîtres de Mansfeld en 1621.

Le renouveau débute en 1705 par le rachat de la marche, l'érection de nouveaux bâtiments (1737-51) et du choeur des moines (1761-69). La Révolution interrompt brutalement cet essor : la communauté est dispersée, les bâtiments vendus, mais la façade est sauvée.


STRUCTURE ET VOLUMES


La façade de l’édifice est formée d'un gros massif occidental rectangulaire à deux étages, percée au centre d'une triple arcature. Elle est couronné par trois tours s'échelonnant en hauteur et entrecoupée de frontons.

Derrière la façade se succèdent deux éléments perpendiculaires à l'axe de la nef : un porche et un narthex. Le porche est surmonté, au nord et au sud, de deux tourelles octogonales sur souche carrée ornée de gables coiffées d'un toit en pavillon.

Le narthex quant à lui est surmonté sur sa travée centrale d’un clocher carré plus haut et plus massif, percé d’arcades géminées. Cette tour est flanquée au nord et au sud d'une toiture à double pente, alors qu'un toit de même largeur et hauteur recouvre le porche à l'ouest de la tour ; dans l'encoignure de cette croix s'inscrivent les tourelles reliées à la tour au niveau des pignons par un passage couvert.


ORDONNANCEMENT ET DECOR DE LA FACADE


Le soubassement de la façade est divisé en deux étages :

• En bas, il forme un rectangle dont la hauteur est la moitié de la longueur ;

• En haut la hauteur de l'étage supérieur correspond au coté de la tourelle d'angle et est contenue trois fois dans la longueur.

Des bandeaux fortement moulurés séparent les étages. Le décor des murs est fait de lésènes de faible saillie, reliées par des arcatures, qui divisent les deux étages en une série de champs élancés, celui du centre en bas étant occupé par les arcatures. Trois champs correspondent aux tourelles, cinq au pignon et à la tour (à l'étage uniquement). Les lésènes de l’étage reposent sur des consoles diversement ornées.

Le porche s’ouvre par trois arcades en plein cintre et à double rouleau dont la centrale est plus large. Les arcs retombent sur les cotés sur des pieddroits à imposte moulurée et au centre sur des colonnes monolithiques aux chapiteaux cubiques à palmettes et rinceaux. De petites baies éclairent les escaliers des tours d'angle.

A l'étage les trois fenêtres en plein cintre de la partie centrale présentent un ébrasement magnifiquement sculpté. Au-dessus, les pignons des deux tours sont ornés de quatre arcades aveugles ; celui du centre est nu. Les rampants des pignons s’ornent de bandes d'arcatures. Les tambours octogonaux des tourelles sont décorés de trois petits arcs reliant les bandes qui sur chaque face renforcent les arêtes.

L'étage du clocher carré est ajouré de chaque coté de baies géminées groupées sous deux arcades, surmontées de petits oculi soulignant les arceaux de la corniche. Un cordon à billettes ceinture la tour au droit plancher d'étage.

Quelques éléments sculptés animent la façade : personnages au sommet des gables des tours, masques, gargouilles, modillons d'animaux, reliefs taillés en cuvette encastrés dans les champs des façades : lions nimbés, lion à langue pendante, corps grotesque à trois têtes, ours au rayon de miel… On retrouve certains de ces éléments à Rosheim, Saint Jean les Saverne, Guebwiller...

C'est dans la composition de l'élévation extérieure que le maître de Marmoutier a donné toute sa mesure : harmonie des masses, équilibre des volumes, économie du décor, perfection de l'appareil et de la taille des pierres. Les verticales et les horizontales sont autant soulignées : il se dégage de l’ensemble une impression de puissance et de sécurité. Sur un plan transcendantal, la façade de Marmoutier est la porte du ciel, l'entrée de la Cité Céleste.


LE PORCHE


Peu profond, largement ouvert sur l'extérieur, le porche se concentre autour du portail. La double archivolte en plein cintre profilée encadre un tympan nu et repose sur de fines colonnettes aux fûts décorés de chevrons et cannelures torses et aux chapiteaux cubiques à billettes. L'arête des jambages est torse. Des ogives non dégagées et en sifflet couvrent la travée centrale du porche, les deux autres étant couvertes d'arêtes. Elles sont plus décoratives que porteuses.


LE NARTHEX


Le narthex est constitué de trois travées ouvertes vers la nef et les bas cotés, mais n'ayant pas à l'origine fait partie intégrante du vaisseau. Des voûtes d'arêtes coupoliformes les couvrent. Les arcades transversales sont divisées en deux arcades jumelles séparées par une colonne à chapiteau cubique et appuyées vers l'extérieur sur des pilastres. Un grand arc en plein cintre ouvre sur la nef ainsi que sur les bas cotés. Deux rangées superposées de deux fenêtres plein cintre ouvrent sur les cotés. Celles du dessous sont encadrées d'arcades aveugles séparées par une colonne.

Le narthex est surmonté des trois salles charpentées auxquelles on accède par deux escaliers hélicoïdaux aux extrémités du porche. La salle du milieu ouvrait autrefois sur la nef, telle une tribune, et sur les salles latérales par une arcade. De la salle centrale une petite porte permet d’accéder à une salle barlongue surmontant le porche et voûtée d'arêtes aujourd'hui effondrées.

Au dessus de la tribune centrale s'élève le clocher carré, sur deux étages. On y accède par deux escaliers logés dans les tourelles et d'étroits couloirs voûtés débouchant dans les angles de la tour. La destination de ces salles demeure inconnue.


LES PARTIES GOTHIQUES


Nef, chœur et transept romans ont disparu et furent remplacés par des œuvres de construction complexe : participant à l'évolution du gothique en Alsace, ils subissent diverses influences dont celle d'Obersteigen, Neuwiller-lès-Saverne, Notre-Dame de Strasbourg et Notre-Dame de Rouffach.

Piliers du chœur, enceinte du croisillon nord, murs des bas-côtés sous érigés sous l'abbé Otton (1224-45). Grandes arcades, piliers et voûtes de la nef et des bas-côtés sont élevés à partir de 1275 sous Jean (1253-88). Croisillon sud et dernière travée de la nef vers le chœur sont l'œuvre de l'abbé Bernard (1301-1323) le chœur est l'œuvre de l'abbé Anselme Chenin (1763-1784) malgré ses formes gothiques. Il faut enfin citer le superbe buffet d'orgue du à André Silbermann (1678-1734).


CONCLUSION


Ainsi, la façade de Marmoutier présente un ensemble parfaitement homogène ; par la vigueur de la plastique architecturale, l'esprit du décor, certains détails de la structure, Marmoutier est parent et contemporain de Rosheim : sa construction se fit entre 1150 et 1160, sous les abbatiats d'Anselme (1146-54) ou de Conrad (1154-1163).

Commentaire des illustrations par Marie-Georges Brun.