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Abbatiale Saints-Pierre-et-Paul d'Ottmarsheim

Page mise à jour le 20/03/2014

Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : vue générale. Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : vue du nord est sur la chapelle Sainte-Croix, la sacristie et le chœur (de gauche à droite). Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : vue sur la tour-porche. Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : plan de l’édifice.
Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : coupe de l’édifice. Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : l’élévation interne. Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim :  la coupole. Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : arcade haute du déambulatoire formant la tribune.
Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : arcade haute du déambulatoire formant la tribune. Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : la tribune de l’étage du déambulatoire. Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : arcade de la tribune Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Ottmarsheim : fresque de la tribune.

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L’Eglise d’Ottmarsheim n’est pas une église romane au sens strict du terme, car elle précède l’âge roman. Mais c’est est un des monuments les mieux conservés de l'architecture ottonienne, dont elle porte encore nettement la marque d'origine : celle de l'octogone d'Aix-la-Chapelle érigé par Eudes de Metz (742-814).


HISTOIRE


Vers 1030 le comte Rodolphe d'Altenbourg-Habsbourg érige à Ottmarsheim un monastère dédié à sainte Marie pour les religieuses de saint Benoît. L'église est consacrée en 1049 par le pape Léon IX d’Eguisheim. En 1063-64 Cunégonde, veuve de Rodolphe, reçoit de l'empereur Henri IV l'avouerie et les privilèges de l'abbaye pour ses possessions sundgauviennes et transrhénanes.

En 1272 le cloître est incendié par les bourgeois de Neubourg alliés de l'évêque de Bâle Henri de Neuchâtel, en guerre contre Rodolphe de Habsbourg, avoué d'Ottmarsheim.

En 1445 les Bâlois en guerre contre l'archiduc Sigismond d'Autriche pillent le monastère dont les chanoinesses se réfugient à Colmar. Nouvelle attaque le 8 juin 1446 : l'église, incendiée, résiste grâce à ses voûtes. L'abbesse Adélaïde de Flachslanden sera dédommagée par Albert d'Autriche. En 1460 le chœur et l'étage des tribunes sont ornés de fresques dédiées à saint Pierre, et en 1495 on érige une chapelle sur le flanc sud-est de l'abbatiale.

En 1582, après une longue période de troubles et de ruines, l'abbaye retrouve son dynamisme grâce à Agnès de Dormentz : construction d'une chapelle au nord du chœur, nouveaux bâtiments au nord-ouest, transformation de l'ancienne Pfalz (Palatium) en Pfalzwirt (Hôtellerie). Le nombre de chanoinesses est fixé à 10 en 1584, et de nouveaux statuts approuvés par l'évêque de Bâle Jacques-Christophe Blarer de Wartensee.

En 1687, suite aux ruines des guerres successives, Louis XIV donne à l'abbaye 4 villages de la Hardt ; Anne Charlotte de la Touche (1692-1726) restaure l'abbaye. En 1790 le chapitre est dissous, les bâtiments vendus comme biens nationaux puis démolis, sauf l'église.


L'EXTERIEUR


Le noyau roman est le mieux conservé dans le tambour octogonal ; les faces sont percées chacune d'une fenêtre plein cintre et bordées sous la corniche de 5 arceaux en faible relief dont les branches extrêmes se perdent dans la maçonnerie. La toiture et la corniche à billettes sont du XIXè.

La partie inférieure de l'octogone a été refaite partiellement aux XVIII-XIXè siècles dans le style néo-roman (baies géminées). Le percement de la porte donnant sur le presbytère est récent. Les faces de l'octogone devaient être lisses et nues, et les fenestrages gothiques ont remplacé des fenêtres en plein cintre. Seules deux fenêtres du chœur sont d'origine, ainsi que la base de la tour.

L'extérieur de l'église fut donc fortement modifié au long des âges. A peine la moitié des murs d'enceinte sont d'époque romane. Cependant les nouvelles maçonneries ont conservé les volumes primitifs.


L'INTERIEUR


Répartition et équilibre des volumes, dépouillement des surfaces, sobriété du détail et éclairage contribuent à la tension centralisatrice et à la fluidité de l'espace. La rotonde communique avec les galeries circulaires par des arcades basses et des baies à claire-voie ; d'elles vient aussi la lumière extérieure : par un effet de réfléchissement le polygone central parait plus éclairé que les galeries.

Le plan est simple : deux octogones concentriques prolongés à l'est par un modeste chœur carré. Les arcades s'ouvrant sur le déambulatoire sont percées à cru dans d'épaisses parois qui donnent à ce rez-de-chaussée l'aspect d'un soubassement.

Les hautes et larges baies d'étage des tribunes sont chacune divisées dans le bas par des colonnes en trois arcades, et en haut par des colonnes étrésillonnant l'arche supérieure en recoupant le tympan évidé. Les chapiteaux, cubiques, sont en grès des Vosges.

Au dessus des baies, le tambour est percé dans chaque face par une petite baie en plein cintre et se ferme dans une haute voûte en arc de cloître à 8 coté et au tracé circulaire.

Les bas-côtés forment déambulatoire et sont couverts de voûtes d'arêtes carrées alternant avec des voûtes triangulaires. Dans les tribunes, les doubleaux sont disposés comme à l'étage inférieur, mais le voûtement est différent. Sur l'axe est-ouest la voûte est en berceau horizontal et reprise par celle de la chapelle haute superposée au choeur.


OTTMARSHEIM ET AIX-LA-CHAPELLE


L'octogone d'Ottmarsheim a pris modèle sur celui d'Aix la chapelle, par ailleurs fort imité entre Rhin et Meuse. Mais l'église reste cependant très éloignée de son prototype.

Similitudes

• Identité de la composition du plan : tambour octogonal entouré d'un déambulatoire surmonté d'une tribune continue avec choeur à deux étages à l'est et clocher - porche à l'ouest

• Identité dans l'ordonnance du noyau central: soubassement percé d'arcades basses et grandes baies recoupées par une triple claire-voie.

• Identité dans le voûtement de l'étage de la tribune où les compartiments correspondant à chaque arcade maîtresse sont couverts de berceaux rampants.

Divergences :

• Simplification du plan et de la structure : à Aix, déambulatoire à 16 cotés, escaliers en colimaçon...

• Modification des proportions : celles d'Aix sont plus élancées, l'entrecolonnement est plus large au centre...

• Rejet du décor antique : à Aix le décor imite l'antique (colonnes corinthiennes), tout comme le chœur occidental d'Essen qui imite volontairement Aix, alors qu'Ottmarsheim rejette l'ornementation, tout comme la conception de l'espace...

La chapelle palatine d’Aix fut imitée pour de multiples raisons : salle de couronnement de l'empereur, elle est aussi le mausolée et le centre de culte de l'empereur Charles, la siège du chapitre prétendant au premier rang dans l'empire et un important pèlerinage à la Vierge...

Les principales imitations de l’époque carolingienne se trouvent à Thionville (chapelle palatine de Louis le Pieux, aujourd’hui Musée de la ville), à Compiègne, (abbaye Saint-Corneille par Charles le Chauve), à Nimègue (Chapelle Saint-Nicolas, sous Conrad II, vers 1030), à Bruges (Cathédrale Saint-Donatien, aujourd’hui disparue, par Arnoul I de Flandre, vers 950), à Goslar (Chapelle palatine Saint-Ulrich, par Henri III, vers 1050, fortement remaniée), à Bamberg (Chapelle, palatine du XIIIè, détruite).

L’architecture ottonienne va elle aussi imiter la chapelle palatine d’Aix, l’octogone étant considéré comme la plus parfaite expression de l'architecture impériale (octogone du massif occidental de l'église capitulaire d'Essen), mais aussi du mausolée (Mausolées de l'évêque Notgar à Liège et de l'abbé Liutwart à Mettlach). Ainsi l'idée d'Empire est à l'origine de la plupart des imitations de la chapelle palatine d'Aix...

Il est donc probable que l'imitation d'Aix par Ottmarsheim soit celle du plus important sanctuaire de la Vierge en Germanie ; cela est plus vraisemblable que la théorie souvent évoquée que l’octogone d’Ottmarsheim serait la chapelle « palatine » d'un petit dynaste haut-rhinois…

Commentaire des illustrations par Marie-Georges Brun.