Retour à Humanisme rhénan
Page mise à jour le 20/03/2014
| 1 | 2 |
L’église Saints-Pierre-et-Paul de Rosheim, étape de la Route Romane d'Alsace est sans doute l’exemple le plus achevé de l’architecture romane-rhénane du XIIè siècle en Alsace. L'art roman et ses influences stylistiques s'y expriment magnifiquement, avec son bestiaire sculpté et ses chapiteaux ouvragés. Ce monument est le plus complet et le plus typique de l'architecture romane alsacienne.
HISTOIRE
A l'origine, la paroisse de Rosheim est formée de deux églises bien connues à partir du XIè : la Niederkirch, dédiée aux Saints Pierre et Paul, et l’Oberkirch s'honorant du vocable de Saint-Etienne. En 1051 l'église inférieure est possession de l'abbaye des moniales de Hesse. En 1132 les paroisses sont détruites au cours de la lutte entre Frédéric de Souabe et l'évêque Gebhard de Strasbourg. A la suite d’un l'incendie, l'église Saints-Pierre-et-Paul est reconstruite, mais seuls les murs de l'ancienne chapelle de la Vierge remontent à cette époque. En 1137 Saint-Etienne est agrandi, et vers 1150 s'ouvre le nouveau chantier des Saints-Pierre-et-Paul : l'édifice, trop petit, est remplacé par une église plus vaste. En 1385 la ville est ravagée par un terrible incendie : les deux églises brûlent, les clochers et les charpentes des tours s'effondrent dans le brasier...
A partir du XVè l'abbaye de Hesse périclite et elle est finalement incorporée à l'abbaye de Haute-Seille avec toutes ses possessions. Nouvel incendie en 1572 qui ravage le clocher. En 1622 les troupes de Mansfeld ruinent le village mais épargnent Saints-Pierre-et Paul. Début XVIIIè l'intérieur de l'édifice est remis au goût du jour : peinture claire, mobilier nouveau, orgue Silbermann...
En 1859 l'architecte Ringeisen est chargé de restaurer l'église : toutes les adjonctions post-romanes sont supprimées, sauf la partie supérieure de la tour. Le mobilier baroque est enlevé et l'orgue reléguée à l'étage de la nouvelle sacristie. En 1968 on ôte le badigeon du chœur.
Les dates de construction varient entre 1132 et 1190. La plus probable est 1150, car on connaît l'influence exercée par Murbach et Lautenbach. Le changement dans le voûtement de l'église eut sans doute lieu entre 1155 et 1165 après l'achèvement de l'église de Dorlisheim.
L'EXTERIEUR
• La façade occidentale : la façade est de tradition rhénane avec son décor de lésènes et d’arcatures lombardes ; cette façade est divisée en trois registres par deux bandes horizontales :
− L'étage du bas comprend sept champs; celui du centre est occupé par le portail, ceux des cotés surmontés chacun par trois arcatures. Les piédroits du portail se composent de bandes plates et de boudins cannelés. Un tympan domine la porte. Au-dessus de la cimaise du portail, dans un cadre rectangulaire, on distingue les traces d'un bas-relief martelé représentant une crucifixion.
− L'étage du milieu repose sur un bandeau ourlé et s'arrête à la naissance du pignon principal sous une corniche à doucine.
− l'étage supérieur est constitué du pignon : Une bande horizontale d'arcatures subdivise la surface triangulaire en un champ inférieur (niche centrale) et un champ supérieur (oculus). Les rampants du pignon sont bordés d'une corniche à arcatures soulignées par une file de corbeaux. Sous la rose, dans la niche, la statue de Pierre foulant le lion.
• les bas-côtés : le décor des bas-côtés souligne la subdivision intérieure. L'ordonnance se répète sur les murs gouttereaux, bien qu'à deux champs corresponde une travée unique à l'intérieur. Dans les bas-côtés s'ouvrent deux portes. Le portail nord est encadré de boudins continus et surmonté d’une sorte d'auvent de pierre reposant sur deux consoles. Sur la corniche reposent des animaux enchevêtrés à coté d'un personnage accroupi. Le portail sud est plus richement décoré : arcades de deux colonnes couvertes de chevrons et de spirales avec archivolte moulurés sur chapiteaux cubiques. Largement ébrasé, il est orné d'un cordon à palmettes et d'un maillage d'anneaux.
• Les croisillons : les façades des croisillons sont divisées par un cordon au nord, et avec des palmettes au sud. La partie haute comporte trois champs de lésènes. Un cordon de damier divise le pignon sud percé d'un oculus décoré d’un homme enfonçant son bras dans la gueule du dragon ; les arcatures lombardes retombent sur des modillons alternant billettes et tètes sculptées. La partie du bas comporte quatre niches plates bordées d'une double baguette. A l’ange du pignon sud, un chevalier délivre un compagnon englouti par un dragon, allégorie de la victoire du Christ.
• Toute la richesse du décor est étalée sur l'abside semi-circulaire. Six pilastres délimitent sept champs, dont le central est plat. Au sommet, deux arcades se rejoignent sur des corbeaux « à grappes », et la corniche est décorée de quatre rangs de billettes. Les deux fenêtres latérales sont percées à cru. L'encadrement de la centrale en est d'autant plus riche : bordure de palmettes avec haute arcade retombant sur deux colonnes à fut hélicoïdal. De part et d'autre sont sculptés les symboles des évangélistes, l'Homme ayant été martelé lors de la révolution. Le décor de l'abside latérale est moins riche : lésènes sans chapiteaux et arcatures jumelées soutenues par des animaux. La chapelle rectangulaire au sud-est est de facture plus archaïque : arceaux à double ressaut assemblés à claveaux reposant sur des pilastres bordés de tores.
• Le clocher, octogonal, est de facture gothique (grandes baies en tiers point et à meneaux). Mais à la naissance de l'octogone sur les glacis triangulaires de l'ancienne tour se trouvent encore deux marmousets (sur quatre) que l'on retrouve à la tour de croisée de Guebwiller.
L'INTERIEUR
A l'intérieur, la nef sombre et lourde est dominée par la puissante ossature des voûtes. Piliers, colonnes et arcades dégagent une force impressionnante. Néanmoins les proportions ne sont nullement archaïques : 6,14m de large sur 11,37m de large pour la nef, soit un rapport de 1 à 1,8. Le regard ne rencontre que pierres de taille ; seuls les champs des voûtes, crépis, contrebalancent cette extraordinaire massivité de l'ensemble.
• La nef : deux travées doubles un peu plus profondes que larges, précédées d'une travée barlongue constituent la nef. A chaque travée double correspondent deux travées carrées des bas-côtés. D'où l'alternance des supports traitée selon la tradition rhénane : larges piliers cruciformes au socle de 2,60m de coté, puis grosses colonnes à fut monolithe et tronconique qui portent les arcades plein cintre. Les énormes bases sont de type attique à griffes aux angles. Les quatre chapiteaux sont à forme et décor chaque fois différents :
− Le premier comporte huit chapiteaux cubiques avec bande ornementale à méplat et astragale à natte tressée.
− Le second comporte un quadruple feston avec une couronne de 21 tètes humaines.
− Le troisième quatre cubes avec décor de feuilles à peine esquissé, palmettes et anneau.
− Le quatrième présente un calice de feuilles d'acanthe et une dalle ronde.
Les colonnes sont proportionnées : la hauteur du tambour du fût est égale à la circonférence à la base, et la hauteur totale de la colonne mesure 4,5 fois celle du chapiteau. Pour l'époque romane, ceci est assez rare.
Les arcades à faible rouleau sont parfaitement circulaires, sauf deux. Sous l'étage des fenêtres un bandeau profilé règne sur le pourtour de la nef et se poursuit dans les croisillons et le chœur. Les fenêtres sont jumelées dans les lunettes des travées doubles. Les branches d'ogives sont constituées d'un simple tore de forte section, n'ont pas de support particulier et vont se perdre en s'amincissant entre le doubleau et le formeret. La retombée commune du doubleau et du formeret est soutenue par une figure d'atlante ou un masque sculpté engagé dans l'angle du pilier de la paroi.
• Les bas-côtés : ils sont couverts de voûtes d'arêtes construites en moellons bruts, et crépies. Les formerets reposent sur des dosserets rectangulaires et les doubleaux sur des colonnettes engagées. Une seule fenêtre est percée dans chaque travée. Dans l'avant dernière, elle est remplacée par une porte.
• Le transept : il est d'une extrême nudité : seul décor : le cordon mouluré. Deux fenêtres surmontées d'une baie plus petite ajourent les murs de fond. Une seule fenêtre éclaire l'absidiole nord et au sud une arcade à double rouleau ouvre sur la chapelle de la Vierge couverte d'une voûte d'arêtes. La croisée est couverte d'ogives toriques, alors que les ogives des croisillons sont à section rectangulaire.
• Le chœur : au Moyen-âge l'abside était peinte d’un Christ bénissant la Vierge. Trois fenêtres, celle du centre plus large, éclairent l'abside. La paroi nord de la travée droite est ajourée de deux fenêtres superposées. Les ouvertures sud et celles des chapelles furent percées bien plus tard. La voûte est faite d'ogives à section rectangulaire chargée d'un demi tore. Les ogives retombent comme dans les croisillons sur des colonnettes engagées dans les angles des murs.
Ainsi l'église de Rosheim offre toute une variété de voûtes : voûtes d'arêtes, voûtes sur ogives de section carrée, voûtes d'ogives à demi tore engagée sur une bande rectangulaire, voûtes d'ogives à gros boudin terminé en cône renversé. La même variété règne dans les supports particuliers.
Commentaire des illustrations par Georges Brun.