- CRDP d'Alsace - Banque Numérique du Patrimoine Alsacien -

Retour à Humanisme rhénan

Abbatiale Sainte-Foy de Sélestat

Page mise à jour le 06/06/2014

Sélestat, église Sainte-Foy : vue générale de la façade occidentale.  Sélestat, église Sainte-Foy : la partie centrale de la façade occidentale. Sélestat, église Sainte-Foy : Le porche en façade occidentale. Sélestat, église Sainte-Foy : détail de la fenêtre géminée de droite de la façade occidentale.
Sélestat, église Sainte-Foy : chapiteau de la fenêtre géminée de droite de la façade occidentale. Sélestat, église Sainte-Foy : lion couché à la base de la colonne d’entrée du porche. Sélestat, église Sainte-Foy : les deux tours de façade. Sélestat, église Sainte-Foy : détail de la tour nord de la façade.
Sélestat, église Sainte-Foy : le chevet. Sélestat, église Sainte-Foy : l’abside axiale du chevet. Sélestat, église Sainte-Foy : détail du décor de l’abside axiale, partie centrale-droite. Sélestat, église Sainte-Foy : détail du décor de l’abside axiale, partie gauche.

Vue suivante | 1 | 2 | Vue suivante

L'église Sainte Foy de Sélestat frappe par son caractère monumental et son aspect grandiose. Le clocher du transept est un des plus beaux d'Alsace. Par le seul jeu des formes, l'architecte de Sainte Foy a su donner à l'église une majesté, une dignité, une ampleur sans rapport avec les données matérielles de l'édifice. Il faut faire abstraction de la noirceur de l'édifice (grès rouge original) et des parties reconstruites (couronnement des tours de façade, parties hautes de la nef, chapelles latérales de la nef...)


HISTOIRE


Sainte-Foy de Sélestat, prieuré de l'abbaye bénédictine de Sainte-Foy de Conques, fut jusqu'en 1498 le seul monastère ayant accueilli des moines de culture et de langue françaises. Vers 1087, Hildegarde, veuve de Frédéric Büren Hohenstaufen fait élever sur son domaine de Sélestat une chapelle du Saint-Sépulcre consacrée par son fils Othon, évêque de Strasbourg… sans doute en expiation de l’assassinat en 1089, en pleine querelle des Investitures, lors d’Hugues VI d’Eguisheim, neveu du pape Léon IX, adversaire des Hohenstaufen et partisan de la papauté…

Vers 1092 l’évêque Othon fait étape à Conques, sur le chemin de Saint-Jacques, avec Frédéric et Conrad de Hohenstaufen, où étaient vénérées les reliques de sainte Foy, jeune fille de 12 ans martyrisée à Agen sous Dioclétien (284-305). Il fait venir en 1094 des moines de Conques à Sélestat : par charte, le petit monastère est donné à l'abbaye de Conques avec tous les privilèges y afférant. Le prieuré de peut ainsi subsister jusqu'à la fin du Moyen-âge malgré les prétentions et vexations sans nombre du magistrat de Sélestat, érigée ville en 1216 par Wölflin. Pendant plus de deux siècles de nombreux différents vont opposer le prieuré à la ville.

En 1498 l'évêque de Strasbourg Albert achète les droits sur le monastère au cardinal Carafa, et en 1503, les revenus de Sainte-Foy sont incorporés à la mense épiscopale : l'ancien prieuré de Sainte-Foy de Conques en Alsace a cessé d'exister.

En 1614 les Jésuites de la Province de Mayence y établissent un collège. Dès 1616 ils érigent des tribunes au dessus des bas cotés. La nouvelle toiture défigure la silhouette médiévale de l'édifice. En 1734 la tour nord de la façade est surélevée d'un étage et coiffée d'une flèche bulbeuse. En 1767, la ville de Sélestat achète les bâtiments conventuels. Le Cardinal de Rohan réussit à sauver l'édifice de la destruction, la ville voulant construire à sa place une promenade pour les officiers.

A partir de 1878 l'église est restaurée sous la direction de l'architecte Winckler et profondément modifiés, avec plus ou moins de bonheur…


L'EXTERIEUR


L'église actuelle n'est pas celle qui fut érigée en 1095 sur ordre d'Hildegarde. Elle fut construite entre 1150 et 1200 : elle est de plan basilical avec nef à trois travées doubles, collatéraux à six travées, transept peu saillant à trois travées s'ouvrant à l'est sur le chœur flanqué de deux chapelles. La nef est précédée d'un porche à deux tours, et sur la croisée s'élève une puissante tour octogonale coiffée d'une flèche de pierre.

Avant la restauration de Winckler les bas cotés étaient à deux étages et les trois nefs recouvertes d'une seule toiture à forte pente. Coté chevet, la chapelle nord et son abside étaient tronquées, et celle du sud remplacée par une sacristie cubique.

Les restaurations furent heureuses dans la restitution de la silhouette romane des toitures, mais beaucoup moins dans le nouveau pignon qui surmonte la fenêtre de la tribune et dans le nouveau couronnement des tours. Corniches et fenêtres sont neuves (sauf deux, plus petites) et les murs gouttereaux de la nef ont été refaits.

Les restaurations sont si nombreuses qu'il ne reste que trois éléments romans suffisamment intacts pour mériter étude : la façade, le chevet et la tour de croisée.


La façade occidentale

Deux tours élancées donnent le ton. Il y a opposition entre la nudité du soubassement et la richesse décorative des beffrois. Le beffroi de chaque tour comporte deux étages : celui du bas est orné sur chaque face d'une triple arcature aveugle retombant sur des colonnettes, les arcs étant percés d'ouïes. L'étage du haut est ajouré sur chaque face de deux grandes baies géminées aux arcs à double ressaut richement sculptés, reposant au centre sur trois colonnettes, et aux extrémités sur deux colonnettes. Un cordon à billettes cerne les voussures et se prolonge en remontant en gradin jusqu'aux angles de la tour. Les horizontales marquent le massif : chaque tailloir des chapiteaux extrêmes est prolongé le long des tours aux deux étages ; une corniche à billettes sépare les étages, et, sous la flèche, court une frise de feuilles à godrons.

L'entrée du porche est surmontée de trois arcatures aveugles dans les archivoltes ornées de torsades retombent sur de fines colonnettes. L'arcature du centre en plein cintre est percée d'une grande arcade ronde ; celles des cotés, en ogive, sont percées de deux baies géminées. Sur les clés de chaque arc et sur leurs retombées reposent sept colonnettes supportant, à hauteur du ressaut du soubassement des tours, un bandeau à dessin de losanges doublé d'une frise à rosaces. Ce réseau d'arcatures n'a aucune fonction structurale. Par l'utilisation du grès rouge de Schirmeck et du granit gris d'Andlau, le maître roman a su faire vibrer et donner de la vie aux grandes surfaces nues et monotones des façades.

A l’intérieur, le porche est divisé transversalement en trois travées. A celle du milieu correspond le portail, les deux latérales étant percées de deux baies jumelées à colonnettes prise sous une archivolte. Le portail est creusé de trois ressauts à colonnettes torsadées, à palmettes ou feuillages. Le tympan repose sur deux atlantes formant console. Il est plat et recouvert d'une peinture moderne. Les travées latérales sont voûtées en berceau, la centrale en ogives avec clé décorée de l'Agnus Dei.

Le chevet

Depuis la restauration, les décrochements et l'étagement progressif des diverses parties du chevet sont parfaits. L'ensemble est puissamment équilibré: absidioles adossées aux chapelles latérales, et couvertes en bâtière, grande abside centrale proéminente, choeur et bras des croisillons dominés par des pignons à chaperon et venant buter contre la tour octogonale de croisée.

L'abside : elle comprend une triple arcature largement étalée autour du tambour dont les colonnes interrompues trahissent une reprise dans la construction. Cette triple arcature en plein cintre encadre trois fenêtres percées à cru. Les colonnettes ne portent pas directement l'arc à billettes, mais reçoivent leur retombée par un bandeau horizontal. Au-dessus règne un ordre de colonnettes à fût lisse, dont les bases sont posées tantôt sur les clés, tantôt sur les impostes des arcades inférieures. Les chapiteaux de ces colonnes supportent, en alternance avec de petites consoles, une série d'arceaux simplement équarris, surmontés d'une corniche moulurée. Ce réseau est entièrement décoratif, et il est possible qu'il ait été influencé par les miniaturistes qui l'utilisaient pour servir de table de concordance aux textes des Evangiles.

Le décor sculpté, d’une qualité artistique très moyenne, est constitué par les chapiteaux et consoles de l'arcature supérieure et de la corniche et de quelques sculptures du bas-côté nord :

• Têtes humaines ou têtes animales (lion, taureau, bélier, dragon), seules ou jumelées...

• Personnage agenouillé formant atlante, animal passant ou lion couché...

• Personnages ou animaux luttant, scènes à valeur symbolique : le centaure est figure du diable, le cerf de l'âme chrétienne...


La tour de croisée

La tour s'élève à 43 mètres du sol. Le soubassement repose sur des trompes coniques assemblées d'énormes claveaux de grès ; à l'extérieur des glacis triangulaires en dallage réalisent le raccord aux toitures de la nef et du transept. Les deux étages du beffroi reproduisent les mêmes divisions et le même décor que le haut des clochers de la façade. Mais les motifs sont bien plus variés. L'ensemble est coiffé d'une haute flèche de pierre aux côtés légèrement bombés. La tour est un chef d'œuvre de la stéréotomie (technique de la coupe et de la taille des matériaux de construction) romane en Alsace.


Le porche

Le porche est divisé transversalement en trois travées. A celle du milieu correspond le portail, les deux latérales étant percées de deux baies jumelées à colonnettes prise sous une archivolte.

Le portail est creusé de trois ressauts à colonnettes torsadées, à palmettes ou feuillages. Le tympan repose sur deux atlantes formant console. Il est plat et recouvert d'une peinture moderne.

Les travées latérales sont en berceau, la centrale en ogives avec clé décorée de l'agnus dei.


L'INTERIEUR


La nef et les bas-côtés

La nef compte trois travées doubles de plan carré voûtées d'ogives, auxquelles correspondent les six travées barlongues voûtées d'arêtes des bas-côtés. Surmontant le porche, la tribune est couverte en berceau.
L'élévation de la nef se compose des grandes arcades et des fenêtres hautes. Il y a alternance des supports selon l'usage rhénan. Le fait nouveau est la forme donnée aux supports : massif carré flanqué de quatre demi-colonnes pour les piliers principaux et faisceau de quatre demi-colonnes pour les piliers intermédiaires. Les piliers principaux supportent toute la voûte alors que les piliers intermédiaires ne jouent aucun rôle dans la structure des voûtes : leur utilité serait plutôt de raidir les murs comme dans certaines églises de France (contreforts intérieurs).


Le transept et le choeur

Le transept comprend trois travées; seule la croisée est parfaitement carrée. Voûté comme la nef avec doubleaux à double rouleau, formerets et croisées d'ogives.

Le chevet, fortement restauré, rétablit les trois baies de l'abside.


La crypte

La crypte se situe sous la croisée et on y accède par deux escaliers coudés sis de chaque coté de l'entrée du choeur. Un vestibule barlong mène dans un caveau carré voûté d'arêtes dont les formerets retombent sur des piedsdroits engagées dans les angles. Le sol primitif devait se situer bien en dessous du dallage actuel vu la faible hauteur des impostes. Il s'agit en fait d'une chapelle rappelant la reproduction du tombeau du Christ.

Commentaire des illustrations par Georges Brun.