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Lettre d'A. Saum au maire de Strasbourg
Image interactive (voir aide) - Strasbourg, 1871. Médiathèque André Malraux, fonds patrimonial (Ms 751). Photo Pierre Kessler - CRDP d'Alsace
Auguste Saum, bibliothécaire en charge de la bibliothèque de la Ville lorsqu'éclata la guerre de 1870, ne put obtenir au début du mois d'août du maire Humann les moyens de mettre les livres à l'abri des bombardements. Après l'anéantissement des collections, il écrit un long texte de défense au maire (alors Émile Kuss), pour restituer de mémoire les richesses et l'organisation des bibliothèques dont plus rien, même pas des catalogues, ne pouvait témoigner.
Transcription :
Strasbourg, 31 janvier 1871
à Monsieur le Maire de la Ville de Strasbourg
Organisation générale : préambule
Dès le lendemain du désastre qui a ruiné l'ancienne bibliothèque de la ville détruite par les boulets allemands, dans la soirée néfaste du 24 août 1870, et qui, du même coup, a brisé ma carrière, j'avais songé avant de me retirer du poste que votre prédécesseur avait bien voulu me confier, à recueillir tous mes souvenirs pour pouvoir vous présenter au moment de ma retraite le tableau des richesses que des siècles avaient accumulées qu'une seule nuit a réduit en un monceau de cendres. Mais pendant la première semaine j'étais, je l'avoue, trop directement sous l'impression de cette catastrophe pour pouvoir suffisamment rassembler et coordonner mes idées. Remis à présent de l'ébranlement causé dans ma tête par les émotions de cet incendie, je vais me forcer d'évoquer mes souvenirs afin de rédiger un travail aussi complet ou du moins aussi consciencieux que possible.
[plus loin, p. 26-27]... Car l'un de nos principaux avantages résultant de notre filiation au confluant de deux nationalités, était de pouvoir ainsi puiser à la fois dans les travaux des érudits des deux pays. La France et l'Allemagne se donnaient de la sorte de pacifiques rendez-vous à notre bibliothèque ; les libres sur les rayons de nos étagères, les savants dans notre salle de lecture ouverte à tous jusqu'à ce que les boulets soient venus incendier nos collections en semant la ruine et faisant germer la haine où régnait une fraternelle union.