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Le vignoble
et les collines sous-vosgiennes

St Hippolyte et le chateau du Haut-Koenigsbourg

St Hippolyte et le chateau du Haut-Koenigsbourg
Photo Patrick Bantzhaff - Voir géolocalisation

Le vignoble alsacien s’étend sur 15 678 ha le long du piedmont des Vosges où il tend à se rassembler entre Thann et Marlenheim. On le retrouve aussi plus au nord, autour de Cleebourg, dans quelques communes typiquement viticoles annonçant le vignoble du Palatinat. En 2008, la région a produit 1 169 265 hl de vins, essentiellement des blancs dans les sept principaux cépages AOC cultivés en Alsace.

La photo montre un paysage viticole des collines sous-vosgiennes près de St-Hippolyte en Alsace centrale. St Hippolyte, 1050 habitants, est un village de la communauté de communes du Pays de Ribeauvillé, situé sur la Route des vins à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Sélestat. Il se situe aussi dans le périmètre du Parc naturel des Ballons des Vosges créé en 1989. L’identité de ce paysage, décor de carte postale s’il en est, repose sur deux éléments : au premier plan, la vigne qui habille entièrement les versants des collines sous-vosgiennes et, couronnant ces collines, les premiers contreforts forestiers du massif vosgien que surmonte la haute silhouette du château du Ht-Koenigsbourg. Le paysage du vignoble montre un caractère géométrique lié à l’espacement régulier des ceps, aux alignements d’échalas et à la taille uniforme de vignes. Cela donne au paysage une clarté et une lisibilité remarquables. Les parcelles de vignes, petites et trapues, parfois retenues par des murets, s’étagent entre 200 et 350 m d’altitude sur l’escalier de failles, au rejet souvent inversé, qui établit le contact entre le massif vosgien et le fossé rhénan. Modelés en glacis par l’érosion, ces blocs faillés et basculés aux orientations multiples forment un ensemble plus ou moins large de collines qui portent entre Colmar et Sélestat parmi les meilleurs vignobles d’Alsace. La vigne est ici omniprésente. Mis à part les fonds de vallons abandonnés aux taillis, on peut véritablement parler de monoculture. La forte valeur ajoutée de la vigne permet le maintien de nombreuses exploitations de petite taille faisant travailler une main-d’œuvre nombreuse. La commune de St-Hippolyte compte en 2000 plus de 80 exploitations viticoles et 157 actifs familiaux travaillant sur celles-ci. La situation du village au milieu des vignes est représentative de beaucoup de villages du vignoble. Son finage s’étend sur 1786 ha dont 274 en vignes (près de 60% de la SAU). Disposé transversalement de la plaine à la montagne, le ban communal associe des secteurs de forêt dans les hauteurs, de vignes sur le piedmont, de prairies et de cultures dans l’avant-pays de plaine. Ce contact entre terroirs aux aptitudes différentes a, de longue date, fait du piedmont vosgien une frange privilégiée par rapport à la montagne et la plaine. La vigne a trouvé ici sa terre d’élection. Les collines situées au pied des Vosges bénéficient d’un microclimat abrité plus sec et plus ensoleillé. Leurs pentes principalement orientées vers l’est connaissent un bon ensoleillement qui favorise la dissipation des brumes printanières ou d’arrière-saison et empêche les vignes de baigner dans une humidité froide propice aux gelées. Enfin, des sols de nature variée donnent aux vins leurs caractères particuliers. En raison de la structure faillée, les roches du sous-sol et les sols forment une véritable mosaïque qui, combinée à l’exposition, fait de chaque colline un terroir singulier. Les viticulteurs ont d’ailleurs ajouté au nom du cépage celui du lieu-dit géographique dont il est issu.

On trouvera à St-Hippolyte des rieslings ou des kleveners du Burgreben, des sylvaners, des pinots noirs et des gewurztraminers du Schlossreben, ou, en partage avec la localité voisine de Rodern, sur un substrat granitique, les Alsace grands crus du Gloeckelsberg. Mais le milieu naturel n’est pas tout. Le travail répété sur les mêmes sols de génération en génération depuis fort longtemps fait de ces terroirs viticoles densément occupés des paysages achevés et entièrement humanisés. Le caractère soigné de la culture confirme cette impression de maîtrise et de rigueur.

Les collines sous-vosgiennes portent des densités de plus de 150 habitants par km² et un chapelet serré de bourgs et de petites villes qui ont connu grâce au commerce du vin et à l’artisanat une prospérité précoce. Ces petites cités souvent fortifiées ont atteint leur apogée au cours du 16ème siècle et beaucoup d’entre elles ont conservé de cette période une riche architecture Renaissance. Serré autour de son église, le village de St-Hippolyte a gardé des vestiges de son enceinte médiévale et une partie de son tissu urbain des 16ème et 17ème siècles. Ses ruelles étroites montent vers l’église et la maison des Marianistes, édifiée à l’emplacement de l’ancien château des ducs de Lorraine détruit pendant la guerre de Trente ans. La reconversion du bâtiment religieux qui fut successivement un collège, puis une maison de retraite, en hôtel d’une quarantaine de chambres est envisagée.

Avec la viticulture, le tourisme constitue dans ces villages de la route des vins un secteur important de l’économie locale. La Route des Vins d’Alsace, la plus ancienne route de ce type en France, a été créée en 1953. C’est une route balisée qui sillonne le piedmont des Vosges sur 170 km. Sa renommée tient à la fois à l’attrait du vignoble (dégustation et achat de vins), aux richesses touristiques des localités (gastronomie, fêtes du vin, patrimoine historique) et à la qualité des paysages du piedmont. Les 66 localités qu’elle traverse sont autant d’étapes fréquentées. Ainsi St-Hippolyte possède 3 hôtels, 42 chambres d’hôtes et deux gites ruraux, soit 334 lits au total.

La localité bénéficie aussi de la proximité du château du Haut-Koenigsbourg qui domine la plaine d’Alsace à près de 800 mètres d’altitude. Sa silhouette imposante est reconnaissable de loin. Cette ancienne forteresse de montagne ayant appartenu à trois dynasties impériales germaniques, puis réduite à l’état de ruines, fut entièrement reconstruite dans les années 1890, alors que l’Alsace était annexée au Reich, par la volonté personnelle d’un empereur d’Allemagne. Le château appartient aujourd’hui au Conseil général du Bas-Rhin. C’est un monument que visitent chaque année plus d’un demi-million de visiteurs. Plusieurs mutations paysagères sont visibles sur la photo. Certaines sont liées à la culture de la vigne dont les surfaces progressent vers le haut des coteaux par le défrichement de nouvelles parcelles et la disparition des friches, des pelouses et des vergers qui faisaient la transition avec la forêt. D’autres sont dues à la périurbanisation qui gagne cette partie centrale du vignoble comprise entre Colmar et Sélestat.

St-Hippolyte est moins touchée que les autres communes du canton, plus proches de Colmar, où on voit, à la sortie des villages, l’habitat résidentiel progresser le long des routes de façon plus ou moins anarchique. Dans ce contexte d’augmentation de la population résidentielle se posent des problèmes de mitage de l’espace communal et de développement d’une architecture pas toujours en phase avec celle du vignoble.

Par sa position particulière et privilégiée entre le massif vosgien et la plaine d’Alsace, le piémont viticole offre des paysages riches et variés sur le plan agricole, environnemental et touristique. Mais sa situation géographique par rapport à Colmar dont l’attraction est forte et, dans une moindre mesure à Sélestat, le soumet à une forte pression périurbaine des villes de la plaine, pression périurbaine certainement appelée à s’intensifier.

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