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L'Alsace, région frontière

Neuf-Brisach : vue aérienne

Neuf-Brisach : vue aérienne
Photo Patrick Bantzhaff - Voir géolocalisation - Voir base Mérimée

Neuf-Brisach ne peut dissimuler longtemps son origine. Elle constitue un archétype de citadelle Vauban avec son enceinte étoilée octogonale à bastions et fossés, avec son plan orthogonal centré sur la Place d'Armes et l'église -Saint-Louis bien sûr-, avec le bel ordonnancement des hautes bâtisses de pierres à toits mansardés dans une région où l'architecture vernaculaire est faite de torchis et de poutres. L'arrivée d'eau nécessaire à la protection de la citadelle est assurée par un système de canaux. On voit ici la rigole de Widensohlen filer droit vers le nord-ouest pour déverser les surplus dans l'Ill, une dizaine de kilomètres plus au nord.

La Hardt, cette partie caillouteuse de la plaine du Rhin, présente un milieu xérique par la combinaison de précipitations faibles (moins de 500 mm) et de la forte capacité de drainage de ses sols. Ses formations végétales de forêt (une chênaie charmaie rare) et de pelouses steppiques en enclaves forestières, exceptionnelles en Europe occidentale, lui ont valu le redoutable classement de site Natura 2000. Les forêts à l'arrière plan à gauche sont l'un des sites retenus. Les champs, probablement de maïs pour ceux qui sont verts, sont irrigués : les jets des structures pivotantes s'y déploient çà et là.

Neuf-Brisach, ville-frontière du pré carré louisquatorzien, devait contrôler le passage du Rhin face à la place forte de Breisach adossée au volcan du Kaiserstuhl, sur la rive droite du fleuve. La frontière aujourd'hui n'est plus un enjeu militaire et les menaces orientales ont disparu.

Le Rhin, à 3 kilomètres vers l'est, dans le dos du photographe, est maintenant l'axe dont il faut tirer parti : le port de Neuf-Brisach, géré par la CCI de Colmar sur les terrains des communes voisines, remplit cette fonction. De l'électricité y est produite par un barrage au fil de l'eau et l'industrie concerne plus de la moitié des actifs du canton. L'usine la plus importante, l'entreprise Alcan-Neuf-Brisach mais qui se trouve en réalité sur le ban communal de Biesheim, produit des tôles d'aluminium. Elle a été un moment été menacée de revente suite à une décision européenne souhaitant contrer la position monopolistique du groupe qui venait d'absorber Péchiney.

Le déclin de la traditionnelle fonction militaire aggrave les difficultés de la cité : l'emploi y a diminué de plus de 30% dans la décennie 1990, avec entre autres la dissolution d'un régiment de génie (sur la commune voisine de Volgelsheim) et la quasi disparition des Forces françaises en Allemagne qui donnaient à la cité une certaine activité. Les fortifications ont été rénovées, mais leur entretien coûte cher pour un tourisme assez marginal tant le patrimoine régional est varié.

Neuf-Brisach est désormais un bourg essoufflé qui oscille entre son passé militaire et ses fonctions de centralité dans un canton agricole et industriel dynamique. Ville née des rivalités entre Etats modernes naissants qui se relève difficilement la paix désormais assurée sur le continent. Canton industriel bien connecté au Rhin craignant des directives de la commission européenne pour son site le plus important. Région d'agriculture productiviste issue de la PAC qui menace des forêts et des prairies protégées par la directive Natura 2000.

Le pays de Neuf-Brisach est ainsi un petit concentré des paradoxes de la construction européenne.

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