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Les industries

Une nouvelle friche industrielle : la raffinerie  de Reichstett-Vendenheim au nord de Strasbourg

Une nouvelle friche industrielle : la raffinerie de Reichstett-Vendenheim au nord de Strasbourg
Photo Patrick Bantzhaff

La France compte actuellement 14 raffineries en activité dont 13 en Métropole et une aux Antilles, qui traitent 100 millions de tonnes de pétrole brut par an.

La photo montre une partie des installations de la raffinerie de Reichstett-Vendenheim située sur le territoire de ces deux communes à une dizaine de km au nord de Strasbourg. On aperçoit au premier plan les réservoirs de stockage des produits pétroliers et, à droite de l'image, les cheminées et les tours de craquage et de distillation de la raffinerie proprement dite. Celle-ci est implantée sur un terrain de 650 ha à la limite du Ried de l’Ill et du cône de déjection de la Zorn occupé par la forêt, en haut de la photo.

Les installations industrielles s’étendent sur environ 160 ha. Le reste est en terrains agricoles, prairies et forêts. Une réserve naturelle volontaire de 150 ha a été aménagée autour d’une ancienne ballastière qui sert de réserve d’eau pour l’alimentation du réseau incendie du site. Alimentée par l’oléoduc sud-européen la raffinerie a été mise en service en 1963 sous le nom de la Compagnie Rhénane de Raffinage (CRR) dont SHELL était l’actionnaire principal.

Lors de sa création, la raffinerie disposait de beaucoup moins d’unités qu’aujourd’hui. Elle était en configuration semi-complexe, c’est-à-dire avec une capacité de produire des fiouls lourds relativement élevée par rapport aux carburants. Dans les années 1980, elle bénéficie d’une extension importante, avec la construction d’une unité de cracking catalytique et de nouvelles utilités comme la production de vapeur et d‘électricité. La raffinerie devient ainsi une raffinerie complexe avec une production accrue de carburants et une production fortement diminuée de fiouls lourds. Sans cette modernisation réalisée au lendemain des deux chocs pétroliers, la raffinerie de Reichstett aurait certainement subi le même sort que la Raffinerie de Strasbourg à Herrlisheim (groupe TOTAL) qui ferma ses portes en 1984. La CRR appartient depuis 2008 à une société spécialisée dans le raffinage du pétrole, PETROPLUS, dont le siège social est en Suisse. Celle-ci possède également la raffinerie de Petit-Couronne près de Rouen et exploite au total huit raffineries dans plusieurs pays européens.

La raffinerie de Reichstett a une capacité de traitement d’environ 4 millions de tonnes de pétrole brut par an, soit une production de 85 000 barils par jour. L’effectif de la raffinerie est de 250 personnes auquel s’ajoute environ une centaine de personnes des sociétés contractantes qui travaillent en permanence sur le site. L’approvisionnement en pétrole brut se fait à 99% par l’intermédiaire d’un oléoduc en provenance du port pétrolier de Fos/Mer en Méditerranée. Cet oléoduc exploité par la Société du Pipeline Sud Européen (PLSE) alimente le long de son parcours trois autres raffineries : Feyzin près de Lyon, Crassier en Suisse et Karlsruhe en Allemagne. En 2008, il a acheminé 23 millions de tonnes de brut, soit 30% des tonnes/km de pétrole brut en Europe.

À partir du pétrole brut la raffinerie fabrique toute une gamme de produits commercialisables : bitumes et fiouls lourds, essences et carburants pour les avions, gazole, fioul domestique, gaz liquéfiés et soufre essentiellement. Le pétrole brut est d’abord séparé par distillation atmosphérique, puis sous vide, en une dizaine de produits des plus lourds aux plus légers. On peut apercevoir les tours et les colonnes de distillations à droite sur la photo. Ces différents produits subissent ensuite un certain nombre de traitements : des traitements de craquage (cracking thermique ou catalytique) au cours desquels les produits lourds sont transformés en produits légers très demandés sur le marché (essences et fioul domestique) et des traitements visant à améliorer la qualité des produits ( par exemple l’indice d’octane des carburants) et à éliminer le soufre des produits finis. Les produits bruts, intermédiaires ou finis sont stockés dans de nombreux bacs de différentes tailles. Comme on peut le voir sur la photo, certains réservoirs sont à toit fixe et d’autres avec un toit flottant qui monte ou descend selon le niveau du produit dans la cuve. Le propane et le butane liquéfiés sont stockés à part. Les produits sont ensuite expédiés vers des clients (revendeurs et industriels) ou des dépôts intermédiaires. Suivant leur destination, les produits sont acheminés par pipeline, rail, barges fluviales ou camions. La raffinerie dispose d’une gare routière où plusieurs centaines de camions sont chargés chaque jour. Il s’agit principalement de flux de distribution à l‘échelle locale. La raffinerie possède aussi, au port aux pétroles de Strasbourg distant de quelques kilomètres, un dépôt relié par pipeline et un terminal pour le transport fluvial. Un autre pipeline appelé ODC (Oléoduc de Défense Commune) qui fait partie d’un réseau initialement construit par l’OTAN pour des approvisionnements militaires et sert aussi aujourd’hui pour les besoins de l’économie civile, alimente en produits finis des dépôts localisés en Lorraine et dans le Nord de la France. Une bonne partie de la production de la raffinerie de Reichstett dessert en produits pétroliers l’Est de la France, l’autre partie est exportée vers l’Allemagne et la Suisse. La raffinerie, on le voit, est un immense complexe de tours, de colonnes, de tuyaux et de réservoirs de stockage des produits bruts et raffinés. Et la nuit un véritable spectacle de lumière aussi.

Mais c’est surtout un site à risques où on traite de grosses quantités de produits inflammables, polluants, explosifs et toxiques. L’établissement de Reichstett est classé SEVESO seuil haut dans la nomenclature des installations classées en raison de ses stockages de liquides inflammables et de gaz de pétrole liquéfiés (GPL). Les risques associés à ces produits sont l’incendie et l’explosion. Il existe aussi un risque toxique lié au rejet massif d’hydrogène sulfuré. Ces risques ont conduit à restreindre ou interdire les constructions dans un périmètre de plusieurs centaines de mètres autour des installations. Un Plan Particulier d’Intervention (PPI) a été établi par l‘entreprise pour organiser les secours en cas d’accident grave. Son périmètre d’application autour de la raffinerie et du dépôt BUTAGAZ recouvre une zone assez peu urbanisée. Elle inclut cependant plusieurs zones d’activités, une partie de la commune de Reichstett et l’hôpital de Hoerdt. Les risques chroniques portant sur l’eau, l’air, les déchets et les sols font aussi régulièrement l’objet, au sein de l’entreprise, de contrôles et de traitements divers. Un Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) concernant le site et ses abords a été signé.

Mais en octobre 2010, le suisse Petroplus Holding AG, propriétaire de la majorité du capital de la raffinerie de Reichstett, a annoncé sa décision de cesser, faute de repreneur, toute activité de raffinage du site pour ne conserver que le dépôt de stockage et d'expédition, situé au Port aux pétroles de Strasbourg, soit une quinzaine de salariés.

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