Les Vosges et le piémont

Des ballons à perte de vue au-dessus d’une mer de nuages recouvrant la plaine d’Alsace. Au loin, la Forêt-Noire. Ces paysages de la montagne vosgienne qui réfléchissent une lumière bleutée ont inspiré la célèbre formule de « la ligne bleue des Vosges » empruntée au testament de Jules Ferry. Député et sénateur du département des Vosges, il souhaitait être enterré dans sa ville natale de St-Dié face « à cette ligne bleue des Vosges d’où monte jusqu’à mon cœur fidèle la plainte touchante des vaincus » (1893). La ligne bleue des Vosges a longtemps symbolisé la frontière franco-allemande tracée au lendemain de la défaite de 1870 et l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace-Moselle. Elle invitait chaque Français, dans un esprit de revanche, à ne pas oublier les provinces perdues. Si pendant 150 ans, la géographie militaire de la France a pu se résumer à cette célèbre formule, depuis la fin de la Guerre froide le temps de la ligne bleue des Vosges est révolu. Le centre de gravité militaire s’est déplacé. Beaucoup de garnisons ont quitté les villes de l’Est de la France où elles étaient nombreuses. Plus précisément, la redistribution des régiments à laquelle on a assisté, obéit à une évolution radicale de l’idée même de défense qui eut longtemps partie liée avec la terre et le territoire et, par conséquent, avec la frontière. Aujourd’hui, on ne se bat plus pour un champ ni pour l’Alsace-Lorraine, mais pour une conception occidentale de la paix ou des droits de l’homme. Les missions consistent en des opérations extérieures et que les régiments soient localisés à Colmar ou à Tarbes importe peu contrairement à l’époque où les régions de la France de l’Est étaient considérées comme un glacis militaire face à l’ennemi, l’Allemagne d’abord puis le bloc soviétique.