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Agriculture de montagne et tourisme : la ferme auberge du Haag au pied du Grand Ballon
Photo Alain Rueff - Voir géolocalisation
On dénombre une centaine de fermes-auberges dans le massif vosgien, localisées pour la plupart dans les Hautes-Vosges où elles sont les héritières d’un système agro-pastoral ancien fondé sur la transhumance des troupeaux que les éleveurs de la vallée menaient paître en été sur les sommets. Installés sur les chaumes d’altitude ou dans de vastes clairières défrichées, ces établissements saisonniers se résumaient autrefois à un simple bâtiment, appelé une « marcairie », qui servait en été de fromagerie et d’abri pour les hommes. La proximité d’une source était indispensable pour faire boire les animaux et conserver au frais le lait trait chaque matin pour la fabrication du fromage. Les randonneurs y trouvèrent dès la fin du 19°s de quoi se ravitailler en lard et en fromage.
Aujourd’hui, les fermes-auberges ont un tout autre visage. Les plus proches des villages de la vallée ont été souvent transformées en ferme ou en habitation permanente. Les plus éloignées ou isolées dans la montagne restent, comme par le passé, fermées tout l’hiver et ne reprennent vie qu’avec la montée du troupeau au printemps. Mais elles ont été agrandies et modernisées pour pouvoir accueillir dans un cadre rustique et convivial marcheurs et promeneurs et, quand elles sont ouvertes en hiver, skieurs et fondeurs. C’est le cas de la ferme-auberge du Haag ouverte toute l’année mais inaccessible en voiture en hiver en raison de la fermeture de la route des Crêtes qui passe à côté. La ferme est située au pied du Grand Ballon, à 1230m d’altitude, sur une crête séparant les vallées de Thann et Guebwiller. Les bâtiments, installés au milieu d’une vaste clairière forestière qui prolonge les chaumes du Grand Ballon, comprennent l’étable, la fromagerie et l’auberge. L’exploitation à caractère familial repose sur la double activité d’éleveur et d’aubergiste. « Il faut d’abord être un bon éleveur » dit l’exploitant de la ferme du Haag. Son troupeau est composé d’une quarantaine de bêtes dont la moitié de vaches laitières. Les terres exploitées sont presque toutes des prairies permanentes qui se partagent entre deux sites. En bas, dans la vallée, des prés de fauche pour le fourrage d’hiver et, sur les premiers versants, des prairies permanentes pour accueillir les génisses. En haut dans la montagne, 34 ha de pâturages réservés aux 18 vaches laitières du troupeau. Ce sont des vaches de race vosgienne, une race rustique bien adaptée à la rudesse du milieu montagnard qui avait bien failli disparaître après la Seconde Guerre mondiale. Le lait est transformé tous les jours en fromage. Le plus connu est le munster fermier au lait cru qui répond à une appellation d’origine contrôlée (AOC Munster fermier).
Pour avoir cette appellation, le producteur ne doit utiliser que son propre lait et fabriquer le fromage sur son exploitation, à la différence du munster laitier fabriqué à partir d’un lait homogénéisé en provenance de différentes exploitations. L’affinage se fait généralement dans la cave du producteur mais celui-ci n’est pas tenu de l’affiner sur place. Dans ce cas, des fromages encore blancs sont vendus à des caves d’affinage de la zone d’appellation. L’affinage ne peut être inférieur à 21 jours. Géographiquement, l’aire délimitée AOC munster fermier correspond au massif vosgien. La vente a lieu en direct à la ferme, sur les marchés locaux ou en magasin. Les fermiers produisent aussi d’autres fromages au lait de vache comme la tomme de montagne (« le bargkas ») et des produits laitiers comme la crème et le beurre. Quelques veaux et cochons sont également élevés à la ferme du Haag, principalement pour les besoins de l’auberge. On y propose des spécialités du terroir, notamment le traditionnel repas marcaire réalisé à partir des produits de la ferme : tourtes, viandes fumées, pommes de terre à l’étouffée, fromage et tarte à la myrtille. Le respect de la charte des fermes-auberges demande que 51% des produits servant aux repas proviennent de la ferme. La cuisine et l’accueil sont souvent le travail de l’épouse, mais aussi celui des enfants en fin de semaine et pendant les vacances. Les revenus tirés du tourisme complètent les revenus de l’élevage et de la vente du fromage. Des subventions ont été accordées pour moderniser les fermes et l’accueil touristique.
Les petits producteurs de munster fermier sont une centaine dans le massif. Ils fabriquent chaque année environ 650 tonnes de fromage AOC dont la moitié est affinée à la ferme. C’est peu, soit environ 8% de la production totale de fromage de munster dont l’essentiel de la fabrication se fait chez des artisans affineurs et des producteurs industriels de la région. Mais leur rôle est important. Ils maintiennent une tradition fromagère réputée, ils participent à l’accueil touristique en montagne et sont les premiers acteurs de la reconquête pastorale des versants tombés en friches dans les vallées et sur les sommets. Ainsi, depuis les années 1990 dans la communauté de communes de Fellering, dans la vallée de la Thur, ce sont 800 ha de pâtures en friches qui ont été repris par les éleveurs. L’activité agricole pratiquée sur les chaumes permet le maintien de paysages ouverts et la conservation de milieux naturels riches et variés, notamment au contact des prairies et de la forêt. Elle fournit des produits du terroir aux commerçants et restaurateurs locaux. Depuis peu, une maison du fromage de munster a été créée près de Munster pour la promotion touristique des fermes-auberges et leurs productions fromagères.