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Les Vosges et le piémont

Le Hohneck

Le Hohneck
Photo Patrick Bantzhaff

Le Hohneck est le deuxième sommet le plus élevé des Vosges culminant à 1363 mètres d’altitude mais le nom désigne aussi le massif qui comprend, avec le Hohneck proprement dit, les sommets voisins du Petit Hohneck (1289m), du Kastelberg (1350m), du Rainkopf (1305m) et du Haut de Falimont (1306m).

Le Hohneck et la ligne des crêtes qui court de la Schlucht au Rainkopf font la limite entre le département des Vosges et celui du Haut-Rhin. Depuis 1972 il est, avec la Schlucht, inscrit à l’inventaire des sites et depuis 1989 inclus dans le Parc régional naturel des Ballons des Vosges. Tous ces sommets à plus de 1200 mètres d’altitude ont un même air de famille avec leur modelé massif taillé dans les granits du socle ancien et leurs croupes arrondies en forme de ballons héritées des phases d’érosion post-hercynienne et tertiaire. La dissymétrie entre les deux versants lorrain et alsacien, liée à l’effondrement de la plaine du Rhin, est d’autant plus marquée que l’érosion glaciaire a profondément incisé le relief comme on le voit ici sur le flanc sud du Hohneck entaillé par la combe de la Wormsa qui domine de plusieurs centaines de mètres le reflet noir des eaux du lac du Schiessrothried.

L’ancien cirque glaciaire est en forme d’amphithéâtre, ses parois rocheuses sont raides et recouvertes d’éboulis. Elles se terminent par un verrou sur lequel on a construit à la fin du 19°s.la digue de retenue du lac. Avec d’autres ouvrages de la vallée, la retenue devait empêcher la Fecht de tomber à sec en été et fournir de l’eau aux nombreuses usines installées dans la vallée. Le lac de retenue d’une capacité de 325 000m3 est alimenté par les eaux de ruissellement des couloirs chargés de neige jusqu’au mois de mai et les nombreuses sources des versants. Le fond des cirques abrite souvent un étang et/ou une tourbière aux espèces végétales remarquables comme l’étang Noir au pied du Frankenthal dont on aperçoit la falaise verticale à droite de la photo.

L’ensemble du site est aujourd’hui protégé (Réserve naturelle du Frankenthal-Missheimle). Les actions périglaciaires déclenchées par le froid ont aussi laissé des traces importantes dans le massif comme la gélifraction des parois rocheuses, les éboulis au pied des parois et les chaos de blocs formant les arêtes rocheuses des Spitzkoepfe (à gauche sur la photo). Au printemps, les parties hautes et abritées des crêtes ont encore des névés qui donnent une note alpine à ces paysages vosgiens.

Le climat en hiver est rigoureux, les brouillards sont fréquents et l’humidité permanente. L’enneigement est important et compte pour moitié dans le total annuel des précipitations comprises entre 1 800 et 2 000 mm. Neige et vent conjuguent leurs effets pour créer des congères puis des névés qui tiendront jusqu’au début de l’été. On dénombre 160 jours de gel dans l’année dont 75 de façon continue. Le printemps est assez tardif, redoux et pluies y favorisent la pousse rapide de la végétation. La végétation est étagée en fonction de l’altitude et de l’exposition des pentes. Aux forêts de hêtres et de sapins qui montent jusqu’à 1000 mètres succède, sur la crête, une pelouse d’altitude, appelée les chaumes. Il s’agit d’une succession de landes, de pelouses et de pâturages. Les chaumes sont d’origine naturelle sur les sommets les plus exposés aux vents et aux précipitations. Mais il s’agit le plus souvent d’une formation végétale secondaire d’origine anthropique née du déboisement, dès le Moyen Âge, des sommets vosgiens par les bergers et les éleveurs en quête de pâturages pour leurs troupeaux.

Chaque été, les marcaires (de l’allemand Melker qui signifie traire) montaient de la vallée vers les chaumes avec leurs troupeaux et s’installaient pour toute la saison dans des marcairies où ils fabriquaient du fromage. Toute une tradition folklorique est née de cette transhumance estivale qui a de nos jours considérablement diminué. Les familles d’éleveurs qui la pratiquent encore, ont diversifié leurs activités et ajouté à l’élevage une activité de restauration. Ainsi la ferme-auberge du Schiessroth dont on aperçoit les toits de tôle au premier plan, située au pied du Petit Hohneck à près de 1200 mètres d’altitude, est ouverte du 1er mai au 15 octobre. Les fermiers exploitent en location des chaumes d’altitude qui appartiennent aux communes de Mulhbach et Metzeral. On peut y acheter du fromage de munster et s’y restaurer en consommant les produits de la ferme et de la montagne. Un petit nombre de fermes accessibles en voiture sont ouvertes à l’année, les autres uniquement pendant l’été.

Les revenus tirés de l’agro-tourisme sont appréciables. Ils ont permis à l’agriculture de montagne de retrouver à partir de 1960 un certain dynamisme. Le massif du Hohneck compte une douzaine de ces fermes-auberges. Une partie de la production de fromage de munster est vendue sur place pendant la saison estivale, une autre partie est achetée par des caves d’affinage de la région ou vendue sur des marchés locaux de producteurs de la vallée. La diversification des activités a permis aussi la conservation des paysages ouverts d’altitude bien que, dans le secteur du Hohneck, un tiers des landes et des chaumes soit dégradé du fait d’une exploitation pastorale intensive et de l’érosion par le piétinement liée à la fréquentation touristique. On estime actuellement à 200 000 le nombre annuel de visiteurs au Hohneck et à plus de 2000 certains dimanches d’été particulièrement fréquentés.

La mise en valeur touristique des Hautes-Vosges est ancienne. Elle s’est amorcée dans la seconde moitié du 19ème siècle avec le désenclavement de la vallée de Munster du côté alsacien et de la Vologne dans le département des Vosges. Cette ouverture est le fait des industriels de la vallée et notamment de Hartmann à Munster En 1860, la route de la Schlucht est ouverte. La voie ferrée Munster-Colmar réalisée en 1868 est prolongée en 1893 jusqu’à Metzeral. La vallée s’ouvre au tourisme de randonnée et de villégiature. La section du Club vosgien de Munster, fondée en 1873, ouvre de nombreux sentiers de randonnée dans le massif. La Schlucht et le Hohneck deviennent des hauts-lieux touristiques où se côtoient Alsaciens et Lorrains séparés depuis 1871 par la frontière franco-allemande. Un petit train à crémaillère monte jusqu’au Hohneck. La Route des Crêtes construite pendant la Guerre 1914-1918 comme route militaire est aujourd’hui une route touristique très fréquentée l’été. Elle est fermée l’hiver en raison de l’enneigement. L’essor touristique a également amené la construction d’hôtels et de chalets de vacances comme l’hôtel du sommet du Hohneck ou ceux que possèdent au bord du lac du Schiessrothried des associations de tourisme populaire et des colonies de vacances. Des domaines skiables ont également été aménagés au Gaschney sur les pentes du Petit Hohneck, et au col de la Schlucht, mais la grande variabilité de l’enneigement d’une année sur l‘autre reste un problème pour ces petites stations de moyenne montagne. La station la plus importante, celle de La Bresse-Le Hohneck, se situe sur l‘autre versant du massif, côté vosgien.

La recherche d’un équilibre entre le développement économique du massif fondé sur l’agriculture de montagne, la forêt et l’agro-tourisme d’une part, et la préservation d’un patrimoine naturel remarquable à l’équilibre fragile d’autre part, constitue le principal enjeu pour l’avenir du massif.

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