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Automoteur porte-conteneurs entrant dans l’écluse de Vogelgrun
Photo Giljean Klein
Le Rhin est la première voie de navigation fluviale en Europe. Son delta appartient à l’une des plus grandes façades maritimes de la planète et le fleuve, navigable sur 850 km entre Rotterdam et Bâle, est une artère vitale pour la mégalopole européenne. À lui seul, le Rhin transporte 320 millions de tonnes de marchandises par an, soit environ les 2/3 du trafic fluvial de l’Europe occidentale. Le Rhin et ses aménagements offrent une bonne infrastructure avec une hydrologie relativement stable garantissant un tirant d’eau suffisant la plus grande partie de l’année. Canalisé sur 165 km de Bâle à Iffezheim, le cours supérieur du Rhin permet aux automoteurs de gros tonnage et aux convois poussés de quatre barges de naviguer en toute sécurité, de jour comme de nuit, en toutes saisons. L’écluse de Vogelgrun voit passer entre 60 et 100 bateaux par jour. L’écluse comporte deux sas de même longueur (185 mètres) mais de largeurs différentes (23 et 12 mètres), permettant à des convois de 10 000 tonnes de franchir le bief. Depuis un poste de conduite situé en hauteur, l’éclusier EDF, organise le placement des bateaux dans le sas et commande les éclusages 24h /24. Il faut compter une vingtaine de minutes pour passer l’écluse.
On aperçoit à l’arrière plan les silos de stockage de céréales du port de Colmar-Neuf-Brisach dont le trafic fluvial en 2007 s’élève à 522 000 tonnes. La voie fluviale alimente en matières premières les usines de la zone industrielle rhénane. Neuf autres sites portuaires, associés à des zones industrielles, jalonnent le Rhin supérieur de Bâle à Karlsruhe. Ils réalisent ensemble un tonnage annuel d’environ 35Mt. Les plus importants sont en 2006 : Strasbourg (8,7Mt), Karlsruhe (7Mt), Bâle (6,7Mt), Mulhouse-Rhin (5,7Mt) et Kehl (3,4Mt). Le port de Mulhouse-Rhin, gestionnaire des sites de Huningue, Ile-Napoléon et Ottmarsheim, se situe au 3è rang des ports fluviaux français et le Port Autonome de Strasbourg (site principal à Strasbourg et plusieurs sites portuaires entre Marckolsheim et Lauterbourg) au 2è rang, après Paris. Bâle, terminus de la navigation rhénane, réalise par la voie fluviale 15% du commerce extérieur de la Suisse dont 40% de ses hydrocarbures.
Le charbon et les produits de la sidérurgie ont longtemps constitué la base du transport fluvial. Ils en demeurent une part importante mais cette activité s’est diversifiée avec l’essor des produits pétroliers et chimiques, les matériaux de construction, les produits agricoles et, de plus en plus, les produits manufacturés. Ces derniers ont enregistré une véritable explosion à partir des années 1990, passant de 4 à plus de 12 millions de tonnes aujourd’hui. Il en résulte une forte croissance du transport par conteneurs dans la vallée du Rhin. Les trois modes de transport routier, ferroviaire et fluvial sont généralement combinés. On en a un bon exemple sur la photo où une barge automotrice chargée de deux couches de conteneurs de 20 et 40 pieds s’apprête à remonter le Grand Canal d’Alsace après avoir passé l’écluse de Vogelgrun.
Sur le Rhin, le transport fluvial de conteneurs qui dispose, comme tout autre transport de marchandises, d’une liberté de circulation pour les navires immatriculés dans les pays riverains du fleuve, connait un succès croissant et ne cesse d’augmenter. Sur la partie du Rhin hors Delta, comprise entre la Suisse et la frontière hollandaise, le trafic des conteneurs a presque doublé de 1999 à 2007, passant de 1,1 à 2 millions evp (Equivalent vingt pieds = unité de mesure correspondant à un conteneur de 20 pieds). La part du fleuve sur ce marché est importante : environ 30% des conteneurs en provenance ou à destination de Rotterdam et Anvers utilisent le Rhin. La Seine pour Le Havre et le Rhône pour Marseille et Fos n’en transportent que 7%. Des navettes fluviales régulières avec ou sans escales ont été mises en service par les transporteurs entre les ports fluviaux de l’arrière-pays rhénan et les ports de la façade maritime Rhin-Meuse. Par exemple, la Compagnie Française de Navigation Rhénane (CFNR) qui a son siège à Strasbourg dessert cinq fois par semaine les ports de Bâle, Ottmarsheim, Strasbourg, Anvers et Rotterdam. Un automoteur transportant des conteneurs descend de Strasbourg à Rotterdam sur 700 km en 40 heures et en remonte en 70 heures. La CFNR s’est associée avec d’autres transporteurs fluviaux au sein d’un groupement de transport (Penta) pour obtenir un meilleur taux de remplissage des barges et optimiser leurs coûts d’utilisation. Ces groupes logistiques apparus dans les années 1990 couvrent par leurs filiales l’ensemble des ports du bassin rhénan et de la façade maritime de la Mer du Nord. Ils intègrent également tous les éléments de la chaîne logistique de transport : le transport fluvial ou ferroviaire longue-distance, la manutention, le pré-acheminement et la livraison par camion. En Alsace, la plus importante plate-forme multimodale est celle du Port Autonome de Strasbourg qui vient d’aménager dans le bassin du Commerce un deuxième terminal pouvant accueillir des barges de grande capacité et bien connecté au transport ferroviaire. Pour renforcer ses liens avec l’hinterland, le port de Strasbourg a mis en service, depuis son terminal, des trains de conteneurs qui effectuent plusieurs fois par semaine des rotations avec Anvers et Zeebruge, Le Havre et Marseille-Fos/Mer. Les nouvelles dessertes ferroviaires sont développées, non seulement sur des axes parallèles au Rhin en direction des ports maritimes de la Mer du Nord, mais aussi vers Le Havre et la Méditerranée. Elles permettent d’accroître les débouchés et de renforcer le rôle de plate-forme multimodale des ports fluviaux considérés par les transporteurs comme des ports avancés des terminaux maritimes. Ou comme se plaisent à dire les Bâlois : Bâle est le port le plus au sud de la Mer du Nord. La qualité de la desserte terrestre des ports du Rhin Supérieur constitue donc un intérêt majeur pour leur développement.
En 2008, le trafic conteneurs du Port de Strasbourg, tous modes confondus, approche 285 000evp. L’acheminement par le Rhin en représente un peu moins du tiers. Le trafic du terminal de Mulhouse-Ottmarsheim s’élève à 120 000evp en 2007 alors que la plate-forme de Colmar-Neuf-Brisach a un trafic beaucoup plus modeste de 5100evp. Le transport de marchandises par la voie fluviale a augmenté en moyenne de 4% par an depuis la fin des années 90. C’est le mode de transport qui a le plus progressé. Cette augmentation du trafic est due à la diversification des marchandises transportées qui ne se limitent plus aux pondéreux, et au développement des conteneurs qui permettent à présent de faire voyager par la voie fluviale tous les types de marchandises. Le trafic de conteneurs représente un trafic à haute valeur ajoutée. Les atouts de la voie d’eau sont de plusieurs ordres. Elle permet une massification des transports et donc une baisse des coûts unitaires. Si on y ajoute les coûts externes non intégrés au coût du transport (congestion, bruit, pollution, accident), le transport fluvial est de loin le plus compétitif. Autres avantages : sa fiabilité et sa sécurité. Ce mode de transport ne va pas vite mais tout est livré à temps. La performance environnementale du transport fluvial n’est plus à démontrer, qu’il s’agisse de rejets de CO² dans l’atmosphère ou de consommation d’énergie. Le transport fluvial a de beaux jours devant lui.