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Strasbourg : port aux pétroles
Photo Patrick Bantzhaff
Le port aux pétroles dont on voit les terre-pleins et la centaine de cuves entourant le bassin Albert Auberger, s’étend sur environ 85 ha en lisière du quartier de la Robertsau, à l’entrée nord du port de Strasbourg et du canal de la Marne au Rhin. C’est un bassin indépendant des autres bassins du port, spécialisé dans le stockage et la distribution des hydrocarbures.
Mis en service au milieu des années 1920 et partiellement détruit durant la 2e guerre mondiale, il a été considérablement agrandi lors de la mise en service en 1963 de l’oléoduc sud-européen et des deux raffineries de Reichstett et Herrlisheim qu’il approvisionnait en pétrole brut depuis le terminal de Lavéra près de Marseille. Le trafic des hydrocarbures atteint un maximum de 5 millions de tonnes en 1972. Les deux chocs pétroliers, puis la fermeture de la raffinerie de Herrlisheim en 1984 réduisent par deux son activité au point que les 25 ha de terre-pleins supplémentaires prévus au SDAU et retenus dans le POS à l’époque n’ont pas été utilisés.
Depuis 1976, l’aire de stockage n’a plus été agrandie. La capacité des installations, de l’ordre de 420 000 m3, est utilisée pour un volume nettement moindre par les cinq entreprises qui se trouvent sur place. Citons la SOCIETE EUROPEENNE DE STOCKAGE (SES) qui exploite deux dépôts situés de part et d’autre du bassin (à droite de la photo), RUBIS STOCKAGE, appartenant au même groupe, produits chimiques et hydrocarbures (au premier plan à gauche), BOLLORE ENERGIES, carburants et fuel, et la COMPAGNIE RHENANE DE RAFFINAGE (PRR) qui exploite la raffinerie de Reichstett et dispose ici d’un terminal et de bacs de stockage. Les dépôts de carburants sont desservis depuis la raffinerie par plusieurs conduites.
Le long du bassin sont installés des appontements disposés en épis où viennent accoster les barges fluviales transportant les produits pétroliers. Sur les terre-pleins, des aires de chargement pour camions et des voies ferrées où attendent des wagons-citernes. Deux usines, l’une de traitement des déchets industriels (TREDI), l’autre de fabrication d’oxygène et d’azote liquide (PRODAIR), sont également présentes sur le site sans avoir de lien direct avec les produits pétroliers. Les activités de stockage, on le voit, sont prépondérantes, elles utilisent beaucoup d’espace et totalisent assez peu d’emplois : 80 pour les activités de stockage et de distribution et 70 pour les activités industrielles.
La proximité de la ville fait du port aux pétroles un site industriel en zone urbaine. Le port ouvert sur le fleuve tourne complètement le dos au quartier de la Robertsau. Contrairement à Kehl, c’est une caractéristique plus générale du port de Strasbourg que de s’interposer entre la ville et le Rhin. Située au nord-est de l’agglomération strasbourgeoise, entre l’Ill et le Rhin, la Robertsau est un ancien quartier de maraîchers dont la population s’élève aujourd’hui à 22 567 habitants. Ce sont les maraîchers qui ont créé l’identité du quartier réputé pour son aspect villageois, son bâti peu dense et la proximité de la forêt du Rhin. Il est vrai que l’urbanisation a longtemps laissé subsister des parcelles libres donnant au quartier son aspect aéré. On peut encore le voir sur l’image aux parcelles non bâties laissées libres à l’intérieur du tissu urbain.
Mais soumis à une intense pression immobilière, le tissu interstitiel se densifie rapidement. Hormis la Cité de l’Ill, le quartier a connu, depuis 1970, d’importants développements immobiliers sous la forme de petits collectifs attirant une population aisée. Entre 1990 et 1999, la population de la Robertsau a augmenté de 16%, c’est trois fois le taux de croissance de toute l’agglomération strasbourgeoise pendant les années 90. La poussée urbaine s’est fait vers l’Est, en direction du Rhin, où elle s’est trouvée brutalement bloquée par le port aux pétroles et l’interdiction de construire à proximité d’installations dangereuses. Il n’y a pas ici d’accès au Rhin sinon en contournant le port aux pétroles par le quai Jacoutot et la route de service EDF ou, à pied, en suivant des chemins de traverse depuis la digue dans la forêt de la Robertsau. L’espace intermédiaire est en partie occupé par un important lotissement de jardins familiaux qui fait tampon entre les cuves du port aux pétroles, le canal de la Marne-au-Rhin et les premiers espaces bâtis du quartier. La poussée urbaine s’est aussi dirigée vers le nord en se rapprochant de la forêt de la Robertsau qui s’étend sur 393 ha. Comme la forêt du Neuhof au sud, c’est une forêt alluviale qui était autrefois recouverte lors des crues du Rhin et où subsiste encore aujourd’hui tout un lacis de bras morts avec une végétation spécifique des milieux humides rhénans.
Sa situation aux portes de la ville en fait une forêt périurbaine très fréquentée par les Strasbourgeois qui viennent s’y promener, courir, faire du vélo ou pratiquer des activités sportives et de loisirs comme l’équitation, la pêche ou la baignade dans les étangs et les gravières qui la parsèment entre l’ancienne digue des hautes eaux du Rhin et le Rhin aménagé. Déjà reconnue zone Nature 2000, son classement comme réserve naturelle est en cours. On trouve à sa lisière, comme le montre la photo, les dernières grandes surfaces agricoles de la ville ainsi que le parc public du Château de Pourtalès distant de quelques centaines de mètres seulement des citernes d’hydrocarbures du port aux pétroles.
Ces espaces au dense réseau hydrographique sont exposés à des risques d’inondations par remontée des eaux de la nappe phréatique mais aussi à des nuisances et des risques industriels majeurs en raison du voisinage des dépôts d’hydrocarbures. Un risque industriel ou technologique majeur est la possibilité qu’un accident se produise sur un site industriel comme celui-ci et entraîne des conséquences graves pour les salariés des entreprises, les riverains, les biens et l’environnement. Afin d’en limiter les conséquences, les établissements à risque sont soumis à une réglementation stricte et des contrôles réguliers. Toutes les entreprises du port aux pétroles de Strasbourg sont classées à risque pour la population (risque SEVESO). Les dangers peuvent provenir d’explosions, d’incendies, de ruptures de canalisations et de fuites dans les bacs, de pollution de l’air par émission de gaz toxiques et pollution des sols et des eaux par infiltration d’hydrocarbures. Ils concernent aussi le transport des matières dangereuses par les barges fluviales, par wagons de chemin de fer ou camions-citernes empruntant les accès routiers du port. Dans le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) établi pour le port aux pétroles en 2008, quatre zones de danger ont été délimitées en fonction de la source accidentelle et des distances d’éloignement des établissements, depuis les risques de danger mortel à effets immédiat dans la zone la plus proche – le port, ses installations et ses salariés- au risques d’effets graves mais différés dans le temps et permettant l’isolement et l’évacuation des populations dans la couronne externe. Cette dernière zone dite d’évacuation éloignée inclut une partie du port de Kehl et un secteur habité au sud-est de la Robertsau de l’ordre de 1800 personnes. À ce plan de prévention des risques s’ajoute le Plan Particulier d’Intervention (PPI), sorte de plan de secours déclenché par le préfet en cas d’accident grave dans une des entreprises classées SEVESO du secteur. Ce site industriel fait par ailleurs l’objet d’une surveillance par les services de la DRIRE en raison de la présence de sols pollués dans son voisinage. La situation est aujourd’hui gelée. Les installations du port aux pétroles ne s’étendront plus alors que le plan local d’urbanisme recommande de protéger la forêt de la Robertsau et de soustraire sa lisière à l’urbanisation.