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Le Rhin

Vogelgrun : centrale hydro-électrique sur le Grand Canal d’Alsace

Vogelgrun : centrale hydro-électrique sur le Grand Canal d’Alsace
Photo Giljean Klein

La centrale EDF de Vogelgrun, à 15 km à l’est de Colmar, est une de dix centrales aménagées sur le Rhin supérieur entre Bâle et Lauterbourg. Toutes ces centrales sont dites de basse chute ou au fil de l’eau car elles exploitent en continu le débit du fleuve dérivé par un barrage. La centrale de Vogelgrun, photographiée depuis le canal de force d’amenée des eaux en amont du barrage, est équipée de quatre turbines disposées verticalement produisant 800 millions de KWh par an. Les dix centrales exploitées en chaîne par EDF le long du Rhin produisent au total 8,7 milliards de kWh par an, soit les deux tiers de la consommation d’une région comme l’Alsace ou 12% de la production française d’énergie renouvelable.

Le bâtiment de la centrale est décoré d’une fresque extérieure éclairée la nuit qui représente la fée électricité sous l’apparence de Nymphes se rattachant à la mythologie du Rhin. La centrale n’est qu’un élément de l’aménagement du bief de Vogelgrun qui comporte également un chenal de navigation avec une écluse à double sas. Et à l’est du Grand Canal, le Rhin sur lequel un barrage agricole vient d’être mis en service. L’ensemble est largement automatisé, une vingtaine de personnes assurent localement l’exploitation de la centrale et de l’écluse. Le bief est aussi un point de franchissement du Rhin, très fréquenté, entre Neuf-Brisach et Vieux-Breisach qu’on aperçoit en arrière-plan sur la photo.

L’écluse et le barrage de Vogelgrun sont le quatrième et dernier aménagement du Grand Canal d’Alsace qui se termine à quelques centaines de mètres en aval de la centrale. La France avait obtenu au Traité de Versailles en 1919 le droit de construire un canal latéral au Rhin en amont de Strasbourg afin de rendre le fleuve navigable jusqu’à la frontière suisse. Il s’agissait de contourner une barre rocheuse dans le lit du fleuve un peu en aval de Bâle. L’idée était aussi de produire de l’électricité. Le premier bief du Grand Canal, celui de Kembs, est construit entre 1929 et 1932. L’entreprise se poursuit après la guerre. Trois autres biefs sont construits entre 1948 et 1960, toujours sous la forme d’un canal latéral au Rhin : Ottmarsheim (1952), Fessenheim (1956) et Vogelgrun (1959). D’immenses écluses à double sas pouvant recevoir des convois de 10000 T, accompagnent chaque bief. Elles permettent de franchir une chute dont la hauteur varie de 10 à 16 mètres. Les emprises au sol du canal et des équipements se font sur la rive gauche du Rhin, la rive alsacienne, au détriment de la forêt rhénane. On en attend une industrialisation liée à la navigation fluviale et l’énergie abondante. Des zones industrialo-portuaires sont aménagées au bord du Rhin à hauteur de Mulhouse (Ottmarsheim) et Colmar (Neuf-Brisach).

Le projet initial envisageait de poursuivre la construction du canal jusqu’à Strasbourg. Il est remis en question en 1956, à la demande de l’Etat allemand, pour la partie du fleuve située en aval du bief de Vogelgrun. Les Allemands obtiennent, en contrepartie de leur accord pour la canalisation de la Moselle, de poursuivre l’aménagement du Rhin sous une autre forme dite en festons. L’Allemagne s’inquiète de l’assèchement du Rhin non navigué en raison du détournement des eaux pour le Grand Canal d’Alsace qui fait baisser le niveau des nappes phréatiques de la plaine de Bade et porte préjudice à l’agriculture. Le canal se situe dans sa totalité en territoire français et le fleuve sur la rive allemande présente un faible débit la privant ainsi d’une possible industrialisation sur le fleuve. Le nouvel aménagement en festons en aval de Vogelgrun comporte deux types d’installations : la régularisation du fleuve par des épis et des digues pour faciliter la navigation et la construction sur quelques kilomètres de dérivations sur lesquelles sont implantées les écluses et les centrales électriques. Ce système utilisé pour l’aménagement du Rhône, permet à l’eau des dérivations de revenir au fleuve entre chacun des quatre biefs de Marckolsheim (1961), Rhinau (1963), Gerstheim (1967) et Strasbourg (1970).

Après 1970 s’ouvre une nouvelle phase dans l’aménagement du Rhin en aval de Strasbourg. L’eau du fleuve n’est plus détournée comme dans le Grand Canal d’Alsace, ni dérivée comme dans les aménagements en festons, la ressource fluviale est partagée entre les deux pays riverains. Les deux barrages de Gambsheim (1974) et Iffezheim (1978), entre Strasbourg et Lauterbourg, sont des aménagements en ligne financés et exploités en partenariat par EDF et son homologue allemand EnBW. Le premier est sur la rive française, le second sur la rive badoise. Certains projets imaginent aujourd’hui un Rhin qui retrouverait son ancienne dynamique fluviale et son lit naturel fait de méandres et de polders de rétention des crues. Les différents aménagements du Rhin depuis plus d’un siècle ne sont pas dissociables, on le voit, de l’évolution du contexte géopolitique national et européen, c’est-à-dire du Rhin comme frontière. Un bon aménagement technique est aussi un aménagement politiquement acceptable.

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