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Strasbourg centre

Strasbourg : quartier de la Krutenau - place de Zurich

Strasbourg : quartier de la Krutenau - place de Zurich
Photo Giljean Klein - Voir géolocalisation

Le quartier de la Krutenau se trouve à l’immédiat sud de l’hypercentre de Strasbourg, sur la rive opposée de l’Ill.

Intégré dans les murailles de la ville depuis l’époque médiévale, il est longtemps resté un territoire spécifique, celui des bateliers et des pêcheurs, ce dont rendent encore compte aujourd’hui plusieurs noms de rues. S’y sont adjointes des activités industrielles (armement, manufacture des tabacs, agroalimentaire). Ce quartier s’est longtemps individualisé, jusque dans les années 1960, par un dialecte spécifique, par l’importance des milieux populaires, par une réputation de quartier coupe-gorge. Le tissu urbain composite rend compte de cette figure d’ancien quartier populaire de centre urbain : le bâti disparate associe des immeubles d’âge et de style variés.

Le quartier était traversé par des canaux directement reliés aux bras du Rhin localisés à quelques kilomètres à l’est. La rue de Zurich doit son nom à une anecdote encore bien connue des strasbourgeois. Strasbourg avait passé une alliance défensive avec Zurich, mais doutait de la capacité de la cité suisse à pouvoir intervenir assez vite pour lui porter secours. En 1576, une nef chargé d’une marmite de bouillie chaude partit de Zurich, descendit le Rhin et relia Strasbourg en quelques heures. La marmite encore chaude attesta de la rapidité des Zurichois. La Place de Zurich correspond ainsi à un ancien canal comblé en 1872, comme cela a souvent été réalisé en application des principes de l’hygiénisme à l’urbanisme, qui visaient à éviter la présence d’eaux stagnantes porteuses de miasmes facteurs de maladies.

Le quartier a été visé par une politique de rénovation urbaine au début des années 1970. Il était dégradé, constitué d’un bâti sans grande valeur architecturale, peuplé d’une population très modeste dont beaucoup de petits propriétaires incapables financièrement de rénover leur immeuble. La municipalité moderniste de Pierre Pfimlin engagea une politique de rénovation comme il s’en est réalisé dans les années 1950-1960, qui consistait à détruire les immeubles vétustes pour les remplacer par des bâtiments modernes, à ouvrir des axes de communication larges au lieu du lacis de rues étroites. Et par voie de conséquence, à chasser les habitants vers les périphéries de grands ensembles récemment construites pour les remplacer par des catégories plus aisées.

Le quartier a opposé une résistance assez forte à ces projets et une culture de conflit urbain s’est construite, mêlant les habitants de longue date à des classes moyennes de profession intellectuelle et des étudiants, l’université est très proche. Après plusieurs opérations immobilières ponctuelles, une autre politique urbaine a été menée sous forme d’une OPAH, opération programmée d’amélioration de l’habitat. Il s’agit de subventionner les propriétaires pour l’amélioration de l’habitat (sanitaires, mises aux normes…) par des conventions qui garantissent le maintien d’occupants à revenus modestes, l’objectif étant de ne pas chasser les habitants du fait du renchérissement du coût du logement. Outre un certain nombre de difficultés propres à l’opération (durée des travaux avec relogement provisoire des occupants, réduction de la taille des logements du fait des emprises des sanitaires…) qui ont pu conduire au départ de résidents, ce quartier a rapidement été privilégié par les étudiants à la recherche de logement proche des universités et au prix abordable : ils présentaient les conditions de revenus pour les logements conventionnés. Des professions intellectuelles supérieures aux revenus intermédiaires se sont également installées assez nombreuses. Peu à peu, la sociologie du quartier a évolué. Si aujourd’hui, il est assez mixte socialement, il a incontestablement l’image du quartier des jeunes, des bars de nuit, des terrasses animées, petits restaurants aux saveurs mêlées. La Krutenau conserve aussi une vie animée et réelle, elle est encore modestement frondeuse mais facilement festive. C’est sans doute l’un des quartiers à la plus forte identité dans la ville de Strasbourg.

La politique municipale visant à réduire la place de l’automobile en ville, menée à partir de 1989, a conduit à des opérations de requalification urbaine. La place de Zurich a longtemps été un espace sans affectation, utilisé comme parking sauvage et désorganisé. Elle a été piétonnisée et a fait l’objet d’une mise en scène urbaine originale : un fossé enherbé garni de passerelles rappelle l’ancien canal, celui par lequel les Zurichois sont arrivés, et donne une touche verte dans une partie de la ville qui reste très minérale. Cette mutation de l’espace public a contribué à faire de la place le véritable centre du quartier : un marché hebdomadaire, des manifestations régulières (fêtes, marché des arts…) s’y tiennent.

Finalement, derrière cette image en apparence anodine d’une petite place urbaine, se condense une stratification assez originale des évolutions du tissu urbain. L’allure actuelle de cette place et les pratiques de l’espace urbain adoptées qu’elle permet, sont en phase avec les tendances actuelles d’une urbanité renouvelée et d’une reconquête des centre-villes comme espace de qualité. Il est notable que ceci se produit ici à l’écart des lieux fréquentés par les flux touristiques qui déambulent entre la Cathédrale et la Petite France, à quelques centaines de mètres de là.

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