Strasbourg,
symbole de la germanisation (1871–1918)

Ce bel immeuble se trouve au 56 allée de la Robertsau, l’une des artères les plus huppées de la ville qui relie l’Université à l’Orangerie et où règne en maître l’éclectisme. Ce secteur est alors en pleine urbanisation.

À l’exception du soubassement en pierre à bossage rustique (non visible sur le cliché), la façade offre un décor d’une richesse inégalée dans toute l’œuvre de Lütke et Backes, laissant penser que le commanditaire leur a laissé carte blanche. Les deux travées de côté se terminent par une sorte de pignon à lucarne semi-circulaire, orné d’arcs que l’on retrouve sous forme de console sous les oriels latéraux. Dans les deux travées médianes, un balcon en ferronnerie délimite deux champs distincts. Pour les deux étages supérieurs, les architectes ont pris le parti de l’orthogonalité avec des fenêtres tripartites traversées de pilastres cannelés sur fond de céramique polychrome à motifs végétaux. Sous le balcon, deux portes-fenêtres cintrées avec encadrement de fleurs de lotus – répété aux fenêtres du cinquième étage – et précédées de balcons placés de manière asymétrique par rapport à l’axe des fenêtres. Leur ferronnerie reproduit des tulipes sinueuses.

Les deux architectes ont voulu visiblement passer en revue tout le vocabulaire issu des formes de la nature et le traduire dans la pierre, la céramique et la ferronnerie, cédant ainsi à une certaine fascination de l’accumulation et prenant le risque de la surcharge décorative. Les réminiscences germaniques et les liens avec la Renaissance allemande l’emportent ici largement dans les oriels et les murs pignons en particulier.