La maison du pays de Hanau

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Le pays de Hanau (S’Hanauerlandel) n'est aisé à définir avec précision ni sur le plan historique ni du point de vue géographique, tant les frontières ont varié à travers les siècles au gré des partages, des donations et des guerres entre seigneuries. Dans une région qui englobe aussi bien des villages de montagne (Ingwiller, Lichtenberg) que ceux des terres fertiles proches du Kochersberg voisin (Bosselshausen, Kindwiller), l'habitat est difficilement caractérisable. Aussi faut-il se contenter d'en brosser les traits les plus généraux.

Disposition des fermes

Les bâtiments se situent autour d'une cour aux proportions généreuses, notamment sur les importantes exploitations du centre des villages appartenant à des Rossbüre. La cour est toujours fermée par un portail qui peut prendre des proportions monumentales et compter jusqu'à deux portes charretières juxtaposées avec un portillon pour les piétons, formant un véritable mur portail. Tantôt ce mur-portail est couvert d'un toit à deux pans avec quatre ou cinq rangs de tuiles, tantôt il est sur-bâti et ménage un passage (Durichfuehr). Le portail proprement dit est le plus souvent rectangulaire, plus rarement en arc plein-cintre.

Soubassement

La montagne étant proche, le grès d'excellente qualité et les tailleurs de pierre nombreux, l'usage de la pierre de taille pour les soubassements est courant en pays de Hanau : portes de cave cintrées, armoriées et datées, porches aux encadrements égayés de décors à valeur anecdotique ou symbolique, soupiraux ovales ou rectangulaires munis d'un volet coulissant en grès, ou protégés de grilles en fer dentelées destinés à empêcher l’accès aux sorcières.

Avec le vignoble, le pays de Hanau est la région alsacienne où la pierre se marie le mieux et le plus abondamment avec le bois.

Portails

Autre caractéristique de la grande propriété rurale du pays de Hanau, l'abondance et la qualité artistique des grands portails de fermes, poussées pour certains jusqu’à l’ostentation. Les montants du portillon sont toujours en pierre, soit monolithes, soit en blocs taillés, superposés et sculptés. Le linteau mouluré, en arc surbaissé, est surmonté d'une colonnade d'inspiration Louis XIV, en pierre ou en bois, quand les deux matériaux ne sont pas employés simultanément.

Fréquemment aussi le haut du portillon s'orne de trois balustres et d'une draperie en bas-relief évoquant le voile du Temple de Jérusalem se déchirant à la mort du Christ.

Parmi les thèmes intervenant dans l'ornementation des portails de la région (Obermodern, Uttwiller) il y a le cœur, les oiseaux, les bouquets de fleurs stylisées plantées dans un vase carré ou dans un cœur, le soleil en mouvement (ou svastika) vers lequel se tournent des fleurs, certains animaux (cheval, cerf...), des soldats…

Poutrage

Il subsiste de rares témoins d'un style de construction encore archaïsant et hésitant. Les formes semblent encore à la recherche d'une perfection de proportions, d'élégance et de solidité qu'elles ne trouveront définitivement qu'au XVIIIe siècle. Ce sont des maisons massives, où les lignes horizontales l'emportent sur les verticales, où les fenêtres sont encore plus larges que hautes, où les abouts de solive du plancher haut apparaissent au pignon et où les étages sont en saillie les uns par rapport aux autres (Obermodern, Uttenhoffen).

À côté des formes archaïsantes apparaissent, à partir du XVIIIe siècle, les élégantes constructions dues au savoir-faire des Schini, dynastie de charpentiers suisses immigrés à la suite des conditions favorables accordées par Louis XIV au lendemain de la guerre de Trente Ans (1618-1648) et qui se sont implantés à Zutzendorf. Leurs maisons élancées, aux toits à forte pente et à coyau très marqué, se caractérisent surtout par la présence au pignon d'un ou deux balcons à arcs surbaissés et à balustrade très fournie d’inspiration Louis XIV, par la dominance du poutrage vertical, par l'abondance des moulures et par une griffe très particulière qui constitue comme leur marque de fabrique. Des frises de losanges aux côtés fortement moulurés figurent en grand nombre sur les murs pignons des habitations, sur les allèges de fenêtres et sur les étables.

Balcons et balustrades

Autre signe de la richesse des grands fermiers du pays de Hanau, l'abondance des balcons et des galeries à but purement ornemental (dans le mur de clôture, au-dessus du portillon ou du portail, au mur pignon, sur une ou plusieurs façades entières de la cour (Issenhausen)...).

Les garde-corps ornés de croix de saint-André ou de chaises curules sont moins fréquents qu'ailleurs (la curule est réservée ici aux maisons des Herrenbauer). Par contre, les balustres tournées et surtout sculptées prédominent largement.

À noter que, dans la magnifique petite ville de Bouxwiller, siège de l'ancien comté de Hanau-Lichtenberg et résidence des comtes, les galeries et balcons sont quasi inexistants.

Décor

Bien qu'assez méconnues, les fermes du pays de Hanau figurent parmi les plus impressionnantes, les plus fascinantes et les plus belles d'Alsace. Le décor se trouve dans le poutrage (Mann archaïque ou plus évolué, losanges, losanges barrés, chaises curules...) et dans l'ornementation rajoutée (portails ornés de nombreuses sculptures, linteaux de portillons ou corniches de sous-toitures ornées de frises de grecques, de denticules ou d'oves...).

À Bouxwiller, le crépi est généralement teinté en ocre et rehaussé de deux liserés rouge et noir. Dans les villages, si la teinte habituelle est le blanc (badigeonnage à la chaux), le bleu dit de Bouxwiller est assez fréquent (Alteckendorf). Il arrive toutefois que des peintres ambulants aient exercé leurs talents sur des façades ornées d'inscriptions ou de véritables peintures polychromes, comme à Issenhausen (15, rue Principale), Melsheim, Ringeldorf ou Wimmenau.

Ailleurs on trouve de simples dessins au badigeon Putzmohlerei fait de demi-cercles et points ou losanges incurvés (Mitschdorf, Lobsann) ou encore des dessins naïfs (coqs, poules, fleurs, dates, initiales...) gravés dans le crépi (Kratzputz) et parfois rehaussés de pointes de couleurs (Buswiller, Ringeldorf, Zoebersdorf).

Commentaire des illustrations par Marie-Georges BRUN.