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La maison du Kochersberg

Page mise à jour le 24/06/2011

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Les lieux communs font du Kochersberg un grenier à blé de l’Alsace et de ses paysans des Risch wie a Kocherschbarjer Bür. Il est vrai que les grandes fermes de cette région dénotent une incontestable réussite matérielle de ses habitants et que les terres ont un rendement supérieur à celles d'autres contrées. Il n'empêche que le Kochersberg est aussi le pays d'une certaine injustice sociale en raison des coutumes successorales qui voulaient que l'un des enfants hérite de tout et de la disproportion flagrante entre le Hof du gros exploitant, le Herrenbauer ou le Rossbür (paysan labourant avec des chevaux), celui des petits Kühbihrle (paysans labourant avec des vaches) et celui des journaliers, endettés et obligés d'emprunter les machines, les bêtes ou le grain à leur voisin aisé. L'habitat traditionnel de cette contrée reflète en somme une situation sociale et religieuse particulière.

Le village du Kochersberg

De l'entrée du village en son centre, les habitations sont marquées socialement et organisées de la manière suivante :

  • Petites maisons basses d'un seul niveau, souvent sans caves : ce sont les demeures des journaliers qui louaient leurs bras aux gros fermiers. Sans ornement, ces maisonnettes se complètent d'une petite grange et de quelques dépendances (porcherie, clapier, poulailler, potager, éventuellement étable).
  • Petites ou moyennes exploitations reproduisant, de manière réduite, les proportions et la disposition des bâtiments de la grande ferme. Habitation, grange et hangar (Schopf) sont ainsi disposés en fer à cheval autour de la cour, fermée par un muret bas ou un portail plus haut couvert d'un toit de tuiles plates et percé d'une porte charretière et d'un portillon.
  • Grandes fermes dont souvent deux appartiennent au même propriétaire. C’est en général cette ferme du Grossbür du Kochersberg que l'on cite en exemple lorsque l'on parle de la maison à toits multiples (Mehrdachhüs), ou maison-cour. Ces fermes opulentes où les divers bâtiments s’articulent autour d’une vaste cour différencient le corps d’habitation, les étables et écuries, la grange et les hangars. La cour est généralement fermée par un imposant portail maçonné couvert d’un petit toit à deux versants. Les piliers du portail sont creusés de niches ou de petits sièges de pierre. Ces grandes fermes ont été construites au XVIIIe et au XIXe siècle, la guerre de Trente Ans (1618-1648) ayant fait disparaître près de quarante hameaux existant avant cette date.

Le colombage et les décors

Plusieurs essences de bois sont utilisées pour le poutrage : le chêne se trouve dans les fermes opulentes, sur les façades ornées et visibles de la rue alors que le sapin est utilisé le plus souvent pour les fermes moins importantes, les combles, les maisonnettes de journaliers ou les façades arrière.

Sur la maison, les éléments de décor se remarquent :

  • dans le colombage : Mann et demi-Mann, losanges, losanges barrés de la croix de Saint-André, chaises curules, pointes de diamant ou larmes inversées, panneaux de bois sculpté ou polychrome avec inscriptions...
  • sur le poteau cornier : inscriptions avec date d'érection, couple constructeur, emblèmes professionnels, invocations à la protection divine, symboles divers...
  • aux balcons : balcons-loggias et surtout galeries qui abondent avec leurs garde-corps de balustres tournés ou de planches découpées et ajourées...
  • au portail : le clausoir de la porte charretière et du portillon sert souvent de siège à l'emblème de la ferme (Hofzeiche) ou bien c’est tout l'encadrement cintré, en grès, qui est orné de gravures (Truchtersheim).
  • sur le crépi : le crépi gratté (Kratzputz) était commun entre 1830 et 1860 (ondes verticales), mais a disparu peu après. Il reste une seule ferme à Quatzenheim possédant encore un décor figuratif (malheureusement en mauvais état) sur une façade arrière protégée des intempéries (cheval, cerf, phénix, couple...)

Le portail et ses variantes

On peut distinguer trois types de portails, très différents les uns des autres. Chacun comporte en outre quelques variantes :

  • Le portail bas : se compose de trois piliers monolithes en grès, de section carrée, supportant les vantaux de la porte charretière (s’grosse Door) et du portillon (s’Daarel). Le sommet des piliers est parfois taillé en bulbe aplati. Les portes sont constituées de planches verticales sans autre décor qu'un loquet en fer forgé parfois ouvragé. Une variante de ce type comporte un linteau en arc surbaissé au-dessus du portillon, entre les bulbes des montants. Certains portails bas ont des piliers nettement plus hauts, couronnés de vases, pois, glands ou boules en pierre.
  • Le portail haut : est constitué par un mur de clôture reliant l'habitation principale à l'habitation secondaire ou à une dépendance. Couvert d'un toit à bâtière de tuiles plates et couronné de tuiles faîtières, il comporte toujours deux ouvertures (une porte charretière et un portillon), qui peuvent être cintrées. En règle générale un passage dallé de grès mène jusqu'à l'escalier d'entrée à double volée. Les vantaux des portes et surtout du portillon sont ornés de motifs symboliques (croix, losanges concentriques, soleil rayonnant).
  • Le portail sur bâti : portail surmonté d'une construction accolée à l'habitation principale se développant à partir du XVIIIe, avec le retour de la prospérité dans les campagnes et la présence d'une nombreuse domesticité dans les grandes fermes. On pénètre dans la cour par un passage couvert (Durichfuehr).

À côté de ces types existent des variantes, dont les portails en bois comportant, au-dessus du portillon, des losanges à claire-voie et/ou des balustres comme dans le pays de Hanau voisin.

Caractères religieux

L'une des caractéristiques les plus remarquables des portails du Kochersberg est l'omniprésence, sur les montants de grès, de niches terminées vers le haut par une coquille de Saint-Jacques et dotées d'un petit siège en pierre, très propices à la conversation avec les voisins ou à la surveillance des faits divers de la rue.

Une autre caractéristique est la différence entre les portails protestants et catholiques : les premiers comportent fréquemment une plaque de pierre gravée ou un panneau de bois polychrome, reproduisant un texte biblique ou une sentence proclamant les vertus du travail accompli sous la protection divine. Ces plaques sont inconnues dans les villages catholiques où le poteau cornier ou le clausoir de l'arc du portillon sert de siège à une inscription à caractère documentaire ou religieux (monogramme christique I.H.S. signifiant Jesus Hominum Salvator, Jesus Heiland Seligmacher) ou au Hofzeiche. Souvent, dans des niches, on trouve la présence de piétas ou de statues. Les bans communaux catholiques sont enfin jalonnés de nombreux calvaires.

Commentaire des illustrations par Marie-Georges BRUN.