Retour à L'éducation 1939-1945
Page mise à jour le 13/11/2013
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L'insertion dans le tissu urbain des édifices liés à l'érudition, aux sciences et à la recherche est symbolique, en lien avec le programme de reconquête idéologique du nouveau pouvoir : au coeur de la Neustadt, sur la Kaiserplatz, à côté d'édifices dont la fonction est éminemment politique pour la bibliothèque nationale, en vis-à-vis du palais impérial, à l'extrémité d'une grandiose perspective de trente mètres de large et, selon le plan voulu par Conrath, pour l'université. Nommé en 1875 architecte de la Kaiser Wilhelm Universität, Eggert, architecte en chef du gouvernement prussien, présente, en 1877, un plan d'ensemble au chancelier du Reich et au Reichstag. Véritable cité dans la cité, l'Université est répartie sur deux sites :
La grande coupole de l'Observatoire, inaugurée en 1881, clôt visuellement l'axe des pouvoirs et répond au dôme du Palais impérial, achevé en 1888. Les moyens alloués à la construction des édifices monumentaux sont confortables Le financement pour l'Université est évalué à 16 millions de marks, assuré conjointement par le Reichsland d’Alsace-Lorraine, l’Empire, la ville de Strasbourg et le Conseil Général. Pour la Kaiserliche Universitätsund Landesbibliothek zu Strassburg, le financement, prélevé en partie de l'indemnité de guerre, est généreux, et permet de constituer un fonds remarquable, grâce à des dons et acquisitions.
L'Université, créée par un décret impérial le 28 avril 1872, est la seule université de langue allemande établie dans l'aire germanique entre 1818 et 1914, fondée, sur instruction de Bismarck par le ministre badois von Roggenbach. En érigeant dans la pierre des bâtiments grandioses, il s'agit de rendre visible la volonté de germaniser les provinces conquises, d'en faire un modèle de réforme témoignant de la perfection des sciences et du système d'enseignement supérieur allemands. Strasbourg, vitrine culturelle du Reich, peut rivaliser désormais avec les universités voisines, Vienne, Bâle ou Nancy et retrouve le rang qu'elle occupait dès le XVIe siècle. C'est aussi une volonté d'effacer le choc de l'incendie du 24 au 25 août 1870, incendie qui a provoqué la disparition de 3 446 manuscrits et documents uniques comme l’Hortus Deliciarum du XIIe siècle, collections qui faisait de Strasbourg la seconde ville du livre en France pour le nombre d'ouvrages conservés.
L’hôpital civil, qui se déploie sous le mode pavillonnaire, répond désormais aux exigences modernes d’hygiène et de fonctionnalité. La spécialisation des différentes unités selon les pathologies fait de cet ensemble, par sa taille, la qualité des soins et son enseignement un emblème d’excellence pour Strasbourg.
En 1884, l'Université, qui avait vécu dans des conditions précaires au Palais des Rohan, intègre un bâtiment de prestige, sous la forme d’un palais, se déployant sur une longue façade de 125 mètres, du jeune architecte Otto Warth, choisi sur concours.
Le 29 novembre 1895, la bibliothèque quitte le Palais des Rohan, intègre avec 600 000 volumes le bâtiment de style néorenaissance italienne, coiffé d’une vaste coupole, édifié par le tandem d’architectes August Hartel et Skjod Neckelmann. Le décor comme l’architecture de l’Université et de la Bibliothèque refusent, selon les termes de l’historienne d’art Marie-Noël Denis, le nationalisme architectural alors en vogue, par élimination du rococo allemand et par le choix de modèles classiques qui excluent, dans ce monument pourtant impérial, toute germanité pour se référer à une architecture plus généralement européenne. Médaillons, bas-reliefs, frontons sculptés et décors peints, tout affirme la mission universelle de l’Université et de la bibliothèque nationale au service du savoir, de l’art et de la science. Seule la statuaire des grands hommes à l’Université, choisis exclusivement parmi les hommes de lettres et de sciences allemands, rappelle la vocation politique initiale de ces édifices.
Commentaire des illustrations par Claire Lingenheim.