Par Annick Couval
Publié le 13 juillet 2011
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Le médiateur n'est pas la seule personne chargée de garantir, en vertu des lois communautaires, la protection des droits de citoyens et la réparation des torts que ceux-ci peuvent subir. Il travaille en relation et en complémentarité avec les institutions européennes, les médiateurs nationaux et les tribunaux.
Le Parlement a mis en place des mécanismes de contrôle : outre les moyens traditionnels de censure et de questions, le Parlement dispose d’une Commission des pétitions qui peut recevoir des pétitions portant sur un sujet relevant des domaines d'activité de la Communauté et il peut instituer une commission temporaire d'enquête pour examiner, sans préjudice des attributions conférées (...) à d'autres institutions ou organes, les allégations d'infraction ou de mauvaise administration dans l'application du droit communautaire (...) (Art 138 C du traité de Maastricht).
Tout citoyen de l'Union, ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre, a le droit de présenter à titre individuel ou en association avec d'autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement européen sur un sujet relevant des domaines d'activité de la Communauté et qui le ou la concerne directement.
Art 138d du traité sur la Communauté européenne
Afin de clarifier les fonctions respectives de la Commission des pétitions et du Médiateur et pour éviter tout empiètement, il a été décidé que le Médiateur ne s'occuperait pas des affaires soumises à la Commission des pétitions, à moins que ce soit la Commission elle-même, avec le consentement du demandeur, qui les lui transmette.
Le médiateur ne peut pas non plus traiter d'une affaire qui a d'ores et déjà été examinée et traitée par la Commission des pétitions, sauf apport d'éléments nouveaux et suffisamment importants pour justifier son intervention.
Enfin, le médiateur doit considérer comme inadmissibles toutes les plaintes mettant en cause les décisions de la Commission des pétitions elle-même, et ce dans la mesure où ses décisions (comme celles du Parlement européen) sont d'ordre politique.
La Commission européenne quant à elle peut engager des procédures devant la Cour de justice et a mis en place un formulaire standard pour faciliter le dépôt de plainte de la part des citoyens.
La Cour de justice et le Tribunal de première instance enfin sont chargés d'assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application du droit communautaire par les États membres et les institutions. Le Tribunal de première instance est notamment responsable des recours intentés par des particuliers (personnes physiques ou morales) contre les décisions des institutions communautaires.
Le Médiateur européen se distingue d’un certain nombre de médiateurs nationaux en cela qu’il peut ouvrir des enquêtes de sa propre initiative. Pour le Médiateur européen, disposer de cette faculté revêt un intérêt tout particulier dans la mesure où les citoyens connaissent moins bien leurs droits vis-à-vis des institutions et organes communautaires que vis-à-vis des autorités administratives nationales.
Comme le montre l'extrait ci-dessous du discours du Médiateur européen, des rapports étroits et permanents entre le Médiateur européen et ses homologues nationaux sont tout à fait nécessaires parce que les citoyens ne font pas toujours très clairement la distinction entre les actes des administrations nationales et européennes. Bon nombre de plaintes reçues par le Médiateur européen concernent en effet des préjudices dont seraient responsables les autorités administratives nationales. Par ailleurs, le médiateur national est de plus en plus souvent amené à traiter des affaires qui concernent l'exécution du droit communautaire au sein des administrations nationales.
Pour favoriser cette coopération, des rencontres entre médiateurs des pays européens ont lieu régulièrement et un Réseau européen des médiateurs a été créé en 1996.
Nous sommes en mesure d'aider environ 70% des plaignants. Ceci malgré la limitation du mandat du Médiateur européen aux institutions et organes de l'Union européenne, ce qui a pour conséquence que seules 25% des plaintes qui me sont adressées sont susceptibles de donner lieu à une enquête par mes services. La majorité des autres plaintes sont dirigées contre des administrations des États membres, car les citoyens trouvent difficile de comprendre que, même si le droit communautaire est en jeu au niveau national ou régional, de telles plaintes sont du ressort des médiateurs nationaux et régionaux, et non de celui du Médiateur européen. C'est pour cette raison que nous travaillons en étroite collaboration avec les médiateurs aux niveaux national et régional, soit en leur transférant directement les plaintes, soit en conseillant aux plaignants de s'adresser à eux.
Il convient de noter que la législation française à été modifiée en 2000 (Loi 2000-321 du 12 Avril 2000) afin de permettre au Médiateur européen de transférer directement une plainte à son homologue français.
Je tiens à préciser, également, que le Médiateur européen n'est pas une instance supérieure aux institutions de même type au niveau national. Il ne constitue pas, par conséquent, une voie de recours pour des questions qui sont du ressort de tribunaux ou de médiateurs au niveau national. Toutefois, afin d'offrir le meilleur service possible aux citoyens européens, j'entretiens des liens de coopération très étroits avec tous les Médiateurs des États Membres, et travaille, dans ce cadre, en étroite collaboration avec le Médiateur de la République, Monsieur Jean-Paul Delevoye.
Voir le discours complet sur le site du Médiateur européen.
Discours du Médiateur européen, M. le Professeur P. Nikiforos Diamandouros, devant la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne (7 décembre 2005)
Pour des informations sur le médiateur français, se reporter au site du médiateur de la République.
Croissance de la proportion de plaintes reçues par l'Internet (1999-2003)
Schéma extrait du Rapport annuel du médiateur européen, 2003
Coll. Médiateur européen
Le nombre de plaintes traitées par le Médiateur européen n’a cessé de croître alors que le pourcentage de plaintes inadmissibles a diminué. Cette évolution témoigne du succès de la médiation et du besoin de cette forme de juridiction alternative. Les citoyens européens ont une meilleure connaissance de leurs droits et ont plus facilement recours au Médiateur européen, notamment par l'Internet, comme le montre le graphique ci-contre.
Depuis 2008, une baisse est enregistrée et s’explique notamment par la mise en place du guide interactif du site Internet du Médiateur, qui oriente ses utilisateurs vers l'interlocuteur adéquat pour obtenir réparation, que ce soit au niveau européen, national ou régional.
Le recours au Médiateur européen n’est cependant pas homogène en termes de répartition géographique des plaintes. Les plaintes qui lui sont adressées sont surtout le fait de citoyens allemands ou espagnols. Cette prédominance s’explique par une culture de la médiation plus étendue dans ces deux pays. En 2010, par exemple, 375 (soit 14 %) plaintes concernant l'administration de l'UE provenaient de citoyens, d'entreprises, d'ONG et d'associations allemands et 349 (soit 13 %) plaintes venaient d’Espagnols. Néanmoins, proportionnellement à leur population, le Luxembourg, Chypre et la Belgique ont déposé le plus grand nombre de plaintes.
Le sujet le plus fréquemment traité dans les enquêtes clôturées par le Médiateur depuis sa création est le manque de transparence dans l'administration de l'UE (33 % en 2010), y compris le refus de divulguer des documents ou des informations. D'autres cas ont concerné des litiges pour des contrats de l'UE ou pour des appels d'offres, l'injustice, l'abus de pouvoir et la discrimination. Pour d'autres exemples, consulter la synthèse du rapport 2010 sur le site du médiateur européen.
Le Médiateur européen, P. Nikiforos Diamandouros, a critiqué la Commission du fait qu'elle n'a pas honoré son devoir, en vertu du Traité sur l'Union européenne, de coopérer avec lui avec loyauté et bonne foi. L'affaire concerne l'accès à des documents relatifs à l'émission de CO2 des voitures. Quinze mois ont passé depuis que le Médiateur a adressé une recommandation appelant la Commission à donner accès à trois lettres que le constructeur automobile allemand, Porsche AG, avait envoyées à l'ex Vice-président de la Commission, Günter Verheugen. Bien que la Commission ait accepté la recommandation le 30 septembre 2009, elle ne l'a pas mise en œuvre.
L'affaire a commencé par une plainte de l'ONG environnementale Friends of the Earth Europe, dont la demande d'accès à un certain nombre de documents sur l'émission des voitures avait été refusée par la Commission. Le Médiateur a, à présent, envoyé un Rapport Spécial à propos de cette affaire au Parlement européen, en lui demandant son soutien pour s'assurer que la Commission coopère loyalement avec lui à l'avenir.
M. Diamandouros a commenté: "L'attitude non coopérative de la Commission dans ce cas est préjudiciable à l'image que le public a de l'UE. Elle risque de détériorer la confiance des citoyens dans cette institution et nuit à la capacité du Médiateur et du Parlement à contrôler la Commission de manière adéquate et effective. En cela, elle va à l'encontre du principe fondamental de l'état de droit sur lequel est fondée l'Union."
Refus d'accès à des lettres adressées à la Commission par Porsche
En 2006, la Commission a mené des consultations avec des parties prenantes clés concernant la proposition de réduire les émissions de CO2 des voitures particulières. Dans ce contexte, l'ex Vice-président de la Commission Verheugen a reçu plusieurs lettres de constructeurs automobiles, y compris de Porsche AG. En Mars 2007, Friends of the Earth Europe a demandé à avoir accès à ces lettres. La Commission a tout d'abord refusé l'accès, arguant que la divulgation des lettres porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la société en question.
Suite à une inspection des documents, le Médiateur a recommandé de donner accès aux lettres. La Commission a demandé, à six reprises, de reporter le délai de réponse de trois mois avant d'accepter finalement la recommandation. Bien qu'elle ait informé le Médiateur de sa décision d'écrire à Porsche à propos de son intention de divulguer les documents, elle ne l'a toujours pas fait. Le Médiateur a, par conséquent, envoyé un Rapport Spécial au Parlement européen, attirant son attention sur la violation, par la Commission, de son devoir en vertu du Traité de coopérer avec lui loyalement et en bonne foi. C'est la première fois, depuis la création de l'institution en 1995, que le Médiateur s'est vu contraint de rapporter au Parlement européen un manque de coopération loyale de la part d'une institution de l'UE.
The european ombudsman, 4 mars 2010
Voir le texte complet et le Rapport Spécial du Médiateur sur le site du Médiateur européen.
En 2010, dans plus de la moitié des affaires clôturées, l’institution concernée a accepté une solution à l’amiable ou a réglé le litige, tandis que sept autres affaires ont pu être clôturées quand l’institution a accepté un projet de recommandation.
La plupart des enquêtes ouvertes en 2010 ont concerné la Commission européenne (65 %), suivie par l'Office européen de sélection du personnel (10 %), le Parlement européen (7 %) et le Conseil (2 %). Les agences de l'UE ont représenté 10 % de toutes les enquêtes ouvertes en 2010.
Dans son effort pour promouvoir les relations entre les institutions communautaires et le public le Médiateur a fait adopter par le Parlement en septembre 2001 un Code européen de bonne conduite administrative (6 septembre 2001). Le texte est disponible en ligne, sur le site de l'ENA.
Le Code européen de bonne conduite administrative explique aux citoyens ce que signifie ce droit à une bonne administration en pratique et ce qu’ils peuvent attendre, concrètement, de l’administration européenne. Il cristallise les droits des citoyens et offre, en même temps, à l'administration un document contenant des règles précises quant aux devoirs des fonctionnaires envers le public.
Dans le prolongement de cette action, le Médiateur européen a lancé une consultation publique sur le projet de déclaration des principes du service public pour les fonctionnaires de l’Union européenne. La publication peut être librement consultée en ligne sur le site du Médiateur européen.