Par Annick Couval
Publié le 13 juillet 2011
En 1995 l’Europe s’est dotée d’une nouvelle institution : un médiateur. Inspirée du modèle scandinave (la Suède a mise en place un médiateur en 1809, suivie par la Finlande en 1919 et le Danemark en 1953), cette fonction s’est développée à l’échelle nationale dans les années 70-80. La création d’une telle institution est née de la volonté de construire une Europe plus proche des citoyens.
L’idée de créer un médiateur européen est née d’un double constat : celui de l’atteinte aux droits et libertés du fait de l’empiètement de l’administration publique dans la vie privée (droits et libertés que les pouvoirs publics se sont par ailleurs engagés à défendre). Le constat également de l’insuffisance des formes usuelles du contrôle judiciaire pour répondre efficacement aux plaintes des Européens.
Face à ce constat, une solution est recherchée qui doit offrir une garantie plus souple, moins onéreuse et plus rapide face à des juridictions traditionnelles. La forme de médiateur s’impose d’autant plus aisément que l’Europe bénéficie d’une longue tradition d’institutions de médiation, aux échelles nationale ou régionale. La création en Suède en 1809 d’un médiateur comme mode alternatif de règlement des conflits a inspiré progressivement d’autres pays européens.
Adaptée en fonction des traditions constitutionnelles, sociales et légales des différents pays, cette institution (constituée d’une personne unique ou de plusieurs) peut être saisie directement ou par l’intermédiaire d‘un parlementaire. Même si le mode de désignation, les pouvoirs qui lui sont attribués, le mode de fonctionnement et le vocabulaire diffèrent suivant les Etats, il n’en reste pas moins qu’au début des années 90, lors des négociations concernant le Traité de Maastricht, l'institution du médiateur était présente, au niveau national, dans 7 États sur 12 que comptait alors la Communauté Européenne.
Cette réflexion sur la nécessité de trouver un mode alternatif aux juridictions traditionnelles est menée dans une période où s’exprime de façon toujours plus intense la volonté de renforcer le rôle du Parlement européen et notamment son contrôle sur l’exécutif.
Ombudsman européen
Barbara Castle, s.d.
Coll. © Communautés européennes
Déjà en 1979 le Parlement européen avait adopté une résolution demandant la nomination d'un médiateur.
Le comité Adonnino soulève à nouveau la question en 1980. Si l’idée de créer un défenseur des citoyens est ancrée chez les parlementaires, elle ne s’impose pas immédiatement aux membres de la Commission européenne, comme le montre la réponse ci-contre donnée en 1987 par Jacques Delors à une proposition de résolution sur la création d’un ombudsman européen.
Le Président de la Commission y rappelle l’existence d’une Commission des pétitions auprès du Parlement, habilitée à recevoir et traiter les pétitions émanant de citoyens des États membres de la Communauté et propose la création de guichets d’information afin d’améliorer l’information des citoyens européens sur leurs droits. Cette réponse montre la création d’un nouvel outil juridictionnel n’apparaît pas nécessaire au Président de la Commission europénne.
Au cours des négociations qui précédèrent le traité d'Union européenne de Maastricht, diverses propositions quant à l'établissement d'un médiateur européen furent étroitement liées aux propositions concernant la citoyenneté européenne.
C'est finalement dans le chapitre du traité instituant la citoyenneté au sein de l'Union qu'il fut décidé d'inclure le droit de recourir au médiateur européen, ainsi que le droit de pétition auprès du Parlement européen. Tout citoyen de l'Union peut adresser au médiateur une plainte relative à un cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes communautaires, à l'exception de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles. Toute personne, physique ou morale, dont la résidence ou le siège statuaire se trouvent dans un État membre peut également saisir le médiateur européen.
En 1994 le Parlement européen établit le statut du Médiateur européen et les conditions dans lesquelles il exerce ses fonctions. À ce sujet, se reporter à la décision du Parlement européen sur l'exercice des fonctions du médiateur (9 mars 1994), sur le site de l'European Navigator.
La première et la plus importante des tâches du médiateur européen est de s'occuper des cas de mauvaise administration.
La définition de mauvaise administration a été formulée par le Médiateur dans son Rapport annuel de 1997: Il y a mauvaise administration lorsqu'un organisme public n'agit pas en conformité avec une règle ou un principe ayant pour lui force obligatoire.
Il doit fournir des moyens de réparation effectifs aux personnes dont les droits légaux ont été bafoués ou que les institutions ou les organes de la Communauté n'ont pas traitées correctement.
Le Médiateur procède, de sa propre initiative ou à la suite d'une plainte, aux enquêtes qu'il estime justifiées. Il en informe l'institution ou l'organe concerné et dans la mesure du possible, il recherche avec lui une solution à l'amiable de nature à éliminer les cas de mauvaise administration et à donner satisfaction à la plainte.
Si le Médiateur estime que la solution à l'amiable n'est pas possible ou que la recherche d'une telle solution n'a pas abouti, il classe l'affaire par décision motivée, qui peut comporter un commentaire critique, ou établit un rapport contenant des projets de recommandations.
Le Médiateur n’est pas compétent pour lutter contre les cas de mauvaise administration par les administrations nationales, régionales ou locales des États membres. Il ne peut pas non plus enquêter sur des activités relevant de tribunaux ou de médiateurs nationaux ni sur des plaintes concernant des entreprises ou des particuliers. Enfin, la Cour de justice et le Tribunal de première instance dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles sont exclus de la compétence du Médiateur européen.
Le site du parlement européen propose une vidéo dans laquelle il explique quels sont les recours d’un particulier en cas de mauvaise administration et présente à cette occasion le rôle et le travail du médiateur.
La deuxième tâche qui incombe au médiateur européen est de contribuer à protéger la situation des citoyens en encourageant de bonnes pratiques administratives. Ceci suppose de coopérer avec les autorités administratives afin de chercher les solutions qui leur permettront d'améliorer leurs relations avec les citoyens. Il doit promouvoir à la fois l'exercice réel des droits des citoyens à tous les échelons de l'administration de l'Union, et la transparence du travail des institutions et des organes.
Jacob Söderman
Photo Parlement européen, s.d.
Coll. © Parlement européen
Le médiateur est nommé par le Parlement pour cinq ans (durée d’une législature). Son mandat est renouvelable. Il est choisi parmi les citoyens de l’Union, qui jouissent pleinement de leurs droits civils et politiques et qui offrent toutes les garanties d’indépendance.
Le médiateur doit prêter serment devant la Cour de justice et jurer de remplir ses devoirs en toute indépendance. Il ne doit solliciter ou suivre les instructions de quiconque, personne, gouvernement ou organe d'État. Pendant son mandat, le médiateur doit renoncer à tout engagement politique et ne s'acquitter d'aucune autre fonction administrative ou professionnelle.
Un Médiateur qui ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de ses fonctions, ou qui a commis une faute grave, peut être déclaré démissionnaire par la Cour de justice des Communautés européennes, à la demande du Parlement européen.
Nikiforos Diamandouros
Photo Parlement européen, s.d.
Coll. © Parlement européen
Le premier médiateur de l'UE fut le finlandais Jacob Söderman. Son premier mandat ne débuta qu’en octobre 1995 soit dix-huit mois après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht créant ce poste, essentiellement pour cause de bagarres de procédures internes. Le Parlement a préféré cet ombudsman finlandais peu connu des opinions publiques à six autres candidats qui briguaient ce nouveau poste et parmi lesquels se trouvaient Simone Veil, et l'ancien médiateur espagnol, Alvaro Gil-Robles. Son mandat fut reconduit en 1999.
Depuis 2003, le grec Nikiforos Diamandouros, médiateur national de la République grecque, assure la fonction de médiateur de l’UE.
Quartier européen à Strasbourg
Photo Parlement européen, s.d.
Coll. © Parlement européen
Le siège du Médiateur européen est celui du Parlement européen. Actuellement il est installé au Bâtiment Salvador de Madariaga à Strasbourg (bâtiment moderne visible au centre de la photo, complètement à gauche). Les bureaux du médiateur ont été inaugurés officiellement le 8 avril 1997.