Par Elsa Dongois
Publié le 21 septembre 2012
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Les églises des XI et XIIe siècles sont pratiquement toujours orientées est-ouest. Le centre liturgique d’une église est son chœur et son autel à l’est. L’est est la direction de la naissance du jour, de Jérusalem et du tombeau du Christ.
En Alsace, l’église Saints-Pierre-et-Paul à Ottmarsheim a un plan centré octogonal.
Cet édifice a été fondé par le comte Rodolphe d’Altenbourg dans les environs de 1030 et reprend le plan de la chapelle palatine de Charlemagne à Aix-la-Chapelle.
Ce monument, certainement érigé pour sa sépulture, devint un monastère pour les religieuses.
Le plan de l'édifice, ci-dessus, permet de mettre en lumière les parties qui ont été ajoutées au plan initial de l'église :
Une autre chapelle a un plan centré en Alsace, il s’agit de la chapelle Saint-Ulrich à Avolsheim (voir photographie ci-contre).
Les édifices à plan basilical possèdent généralement une nef centrale, deux bas-côtés, une abside principale, deux absidioles et un transept.
Ici, les éléments les plus caractéristiques (et d’influence ottonienne) sont :
La crypte, dont on connaît quelques exemples au XIe siècle, abrite un autel. Elle est mi-enterrée et se situe généralement sous le chœur de l’église. C’est la première partie de l’église romane à être voûtée de voûtes d’arêtes. À titre d'exemple, on peut citer la crypte de l'abbatiale Saints-Pierre-et-Paul d’Andlau, celle de la chapelle de l’église de Neuwiller-lès-Saverne ou encore celle de la cathédrale de Strasbourg.
En Alsace, les reliques des saints n’y ont pas été déposées à cette époque.
Les éléments les plus caractéristiques à l'extérieur de l'édifice sont :
Principaux exemples conservés :
À l'intérieur :
À cette époque, l’emploi des voûtes d’arêtes ou d’ogives se généralise au niveau de la nef et des bas-côtés. La généralisation de la voûte illustre les progrès techniques et le passage entre les différents volumes s’articule mieux.
À l'extérieur :
Ici, les éléments caractéristiques sont :
Les exemples sont nombreux sur le territoire de Barr et du Bernstein. On peut ainsi citer l'église Saint-Martin (protestante) de Barr, l'église Saint-Arbogast de Bourgheim, l'église Saint-Rémy d’Itterswiller, ou encore l'église Saint-Blaise de Valff.
Suzanne Braun distingue trois périodes marquées par des spécificités architecturales propres :
L’architecture romane apporta des structures plus savantes qui résident dans une meilleure articulation et un équilibre complexe des volumes ainsi que dans la généralisation de progrès techniques.
Christian Norberg-Schulz rappelle qu'à l’époque paléochrétienne, les édifices religieux étaient protégés par une enveloppe continue sur eux-mêmes sans ouverture vers l’extérieur. L’édifice roman a aussi cet aspect massif et protégé mais qui s’atténue avec la présence de nombreuses ouvertures vers l’extérieur. Il paraît massif, stable, avec des murs épais, impénétrable de l’extérieur.
À l’époque romane, la relation avec Dieu évolua.
Dieu s’était rapproché des Hommes et les accompagnait dans leur parcours jusqu’à à la vie éternelle. Ce parcours était matérialisé à l’intérieur de l’église par les bas-côtés ou le déambulatoire que devaient sillonner les fidèles.
D’après une enluminure de la carte du monde de Beatus de Liébana au XIe siècle, l’univers créé est fini, il est immense mais ses dimensions sont limitées. La Terre y est représentée comme un disque plat entouré d’eau avec Jérusalem au centre et le paradis à l’est. Cette limitation d’un monde protégé se retrouve dans le travail sculptural car, dans l’art roman, les personnages sont souvent encerclés dans un cadre, de même que le sont les fidèles sous les voûtes.
L’église romane était un lieu protégé à l’intérieur par la présence de Dieu. L’intériorité, le silence, la sobriété du lieu devaient favoriser la relation avec Dieu et permettre de se ressourcer. Le rythme des baies, des travées et des piliers généraient une impression de stabilité. À l’extérieur, l’édifice paraissait impénétrable par son aspect massif avec des lésènes, qui formaient un mouvement continu d’encerclement, de renfort et de solidité telle une clôture symbolique. Celle-ci peut être perçue comme une protection contre les forces maléfiques extérieures très présentes dans la conception du monde au Moyen Âge.
Nous pouvons donc dire que l’église romane était à la fois une place-forte et une porte vers Dieu. Le Christ était par exemple représenté de manière céleste, en majesté sur son trône de lumière, attendant les âmes pour le Jugement Dernier, comme en témoigne le porche de l'église Saint-Pierre de Moissac (Tarn-et-Garonne, Midi-Pyrénées).
À l’époque gothique, le Christ descendit vers les Hommes pour habiter l’église et la transformer de l’intérieur par sa lumière. L’Homme se rapprocha encore de Dieu qu’il humanisa par la figure de Jésus-Christ sur la croix. Les murs se dématérialisèrent, laissèrent de plus en plus passer la lumière.
L’édifice n’apparu plus comme un refuge protecteur mais il offrait l’image d’une vision céleste dans sa totalité, selon le concept de la Cité de Dieu. C’est à l’époque gothique que l’église devint l’image de la Jérusalem Céleste. L’édifice gothique ne se suffit plus à lui-même mais s’inscrit dans la vie plus globale de la cité. L’architecture gothique créa donc un nouvel espace ouvert vers la cité.