Par Elsa Dongois
Publié le 21 septembre 2012
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Sur le terrain, c’est le maître d’œuvre qui dirigeait les travaux. Au XIe siècle, ce n’était pas un architecte à proprement parler mais un homme de métier. Il était tailleur de pierre, charpentier, maçon, il avait des connaissances et il savait diriger une équipe. Mais dès la construction d’édifices plus complexes, notamment voûtés, cela demandait des compétences plus poussées.
À cette époque, le maître d’œuvre ne dessinait aucun plan à échelle réduite sur les parchemins en prévision comme à l’époque gothique, mais réalisait le plan de l’édifice directement grandeur nature à même le sol. L’outil de mesure des distances était généralement la perche graduée et ceux des tracés au sol étaient l’équerre et le compas. Puis les pieux marquaient les repères.
Dans un premier temps, le site était aplani, assaini et les sols stabilisés.
Les fondations étaient posées jusqu’à plusieurs mètres en dessous du niveau du sol avec des blocs très larges. C’est de la solidité des fondations que dépendait ensuite la stabilité de tout l’édifice.
Jean-Philippe Meyer décrit les techniques de construction des édifices dans son ouvrage sur l'Architecture religieuse en Alsace, de l'an mil au début du XIIIe siècle.
Dans un second temps s’établissaient les murs latéraux et les supports principaux. Ceux-ci déterminaient ensuite les dimensions des voûtes.
Pour obtenir une voûte, il fallait d’abord tracer les mesures au sol, c’est ce qui s’appelle l’épure (tracés d’arc). Les tailleurs de pierre utilisaient une pointe et un fil tendu pour l’épure.
Ceinture pour soutenir les voussoirs pendant la construction d’une voûte
d’ap. Diderot et d’Alembert , 1751-1780
Puis une corde tendue reliait, sur l’épure, le diamètre de la voûte à un point de la courbe de l’arc afin d’obtenir l’angle des joints entre les claveaux ou bien ils utilisaient une équerre et un compas.
Ainsi, les tailleurs de pierre mesuraient la dimension des claveaux et déterminaient leur position afin que chacun puisse s’emboîter correctement dans la voûte. Puis, ils exécutaient les blocs.
Mais l’épure servait aussi à concevoir le cintre. Le cintre est une structure provisoire en bois, de la forme de la voûte à réaliser et qui vient supporter des claveaux de la voûte lors de leur mise en place.
Ci-contre, une illustration extraite de L'Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des sciences, des arts et des métiers, parue entre 1751 et 1772 à l'initiative de Denis Diderot et de Jean le Rond d'Alembert.
Cintre à deux fermes parallèles pour la construction d’une arcade en pierre de taille
d’ap. Bosc E., Dictionnaire raisonné d’architecture , Paris : 1877-1880
Le cintre est réalisé par les charpentiers et il n’est démonté qu’une fois les claveaux de la voûte posés. Le cintre est indispensable pour le montage de n’importe quelle voûte.
Construction d’une voûte en berceau sur des cintres de charpente
d’ap. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné… T. 1 , Paris : 1856
Quant aux maçons, ils disposaient les pierres taillées sur le cintre en bois avec du mortier pour faire tenir la voûte, comme en témoigne la planche ci-contre, extraite du Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle de l'architecte Viollet-le-Duc (1856).
Plan de l’église de Notre-Dame du Port à Clermont-Ferrand
d’ap. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné… T. 1 , Paris : 1856
Les édifices voûtés subissent à la fois des charges, qui sont des forces verticales, et des poussées. Ces dernières sont des forces horizontales exercées par les arcs et les voûtes.
Les bâtisseurs romans ont dû trouver des solutions pour répartir la force d’écartement des poussées de la grande nef centrale. Les solutions trouvées pour contrebalancer ces poussées furent les contreforts, l’épaississement des murs porteurs, les bas-côtés et les tribunes (voir ci-contre).