Par Claire Lingenheim
Publié le 1er octobre 2010
4600 panneaux couvrant 1 500 mètres carrés, 71 fenêtres, 500 000 morceaux de verre assemblés : les vitraux de Notre-Dame de Strasbourg forment l'un des ensembles les plus remarquables d'Europe. Plusieurs campagnes ont été nécessaires, s’échelonnant du XIIe siècle à la première moitié du XIVe siècle pour la majorité des vitraux, et jusqu’aux reconstitutions après les dommages dus aux bombardements en 1870.
Le Christ jardinier
Photo SIP (Musée historique de Haguenau)
© Région Alsace - Service de l'Inventaire et du Patrimoine, s.d.
Ces panneaux de verres de couleur que les architectes des églises médiévales ont intégrés à leurs constructions ont un rôle monumental qui les unit étroitement à l’architecture. Cloisons translucides, les verrières ont aussi une fonction esthétique et spirituelle. En modulant et en colorant la diffusion de la lumière au sein de l’édifice sacré, elles délivrent un message.
De façon symbolique, la lumière colorée est interprétée comme le reflet de la lumière céleste. Pour le théologien Guillaume Durant, au XIIIe siècle, les peintures sont pour les laïcs, les leçons et les écritures. Les fenêtres vitrées sont des écritures divines, qui versent la clarté du vrai soleil, c’est-à-dire Dieu, dans l’église, c’est-à-dire dans le cœur des fidèles, tout en les illuminant.
Le moine Théophile, au XIe siècle, consacre au verre et au vitrail tout le second livre de son traité Scheduladiversarumartium (Traité des divers arts).
Le maître verrier médiéval réunit différents morceaux de verre teintés dans la masse (et non peints à leur surface), les découpe et les assemble selon son projet, et la seule peinture qu'il y applique est une grisaille à peu près monochrome (brune ou noire en général) qui sert à exprimer les ombres et les traits (traits des lèvres, du nez et des yeux, des cheveux et de la barbe, plis des vêtements). Enfin les plombs qui servent à réunir entre eux les différents morceaux d'un panneau ont un rôle important : leur emplacement, leur largeur (qui peut varier) et le trait noir qu'ils dessinent sont essentiels dans l'effet final que produit une verrière.
De nombreux vitraux romans subsistent mais aucun n’a conservé sa place initiale. Les panneaux les plus anciens se situent dans le transept nord. Empereurs, apôtres et saints sont représentés debouts, sous un arc en plein cintre, avec un riche décor de palmettes. La frontalité et le hiératisme des personnages témoignent de l’influence de l’art byzantin.
L’architecture rayonnante offre une place remarquable au vitrail. Le chantier de la nef comprend sept vastes travées, chacune évidée de trois étages de fenêtres. En 1250, l’architecte a voulu faire pénétrer très largement la lumière à l’intérieur de la cathédrale.
Une relative unité stylistique se dégage de cet ensemble. Les vitraux ont une coloration de plus en plus forte pour maintenir la qualité de l’éclairage, et les teintes couvrantes succèdent peu à peu aux tons clairs. Les figures sont plus souples et de proportions plus élancées, les traits du visage davantage détaillés.
À partir de la fin du XIIIe siècle, en accord avec une architecture qui devient plus précieuse, avec la décoration sculptée raffinée et les moulurations délicates, les verrières se décolorent et les blancs sont à nouveau plus abondants. Le vitrail gagne en finesse et en raffinement ce qu’il perd en qualité monumentale.
Dans les bas-côtés sud, les vitraux illustrent les principaux épisodes de la vie de la Vierge et du Christ. À hauteur idéale pour l’œil du fidèle, ces thèmes narratifs constituent une véritable Bible des pauvres, si prisée au XIVe siècle.
Pour approfondir l’analyse de la technique du vitrail, consulter le dossier réalisé par le service éducatif des musées de Strasbourg et le site du Centre international du vitrail à Chartres.