Par Georges Brun
Publié le 20 mai 2015
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Le changement politique survenu en Allemagne avec l’arrivée sur le trône de Guillaume II induit un changement de stratégie puisqu’il intègre l’éventualité d’une guerre sur un et sans doute deux fronts. Bismarck était conscient d’une guerre probable avec la France et avait tout fait pour l’isoler diplomatiquement, se rapprochant notamment de Saint-Pétersbourg.
Chef de l’état-major allemand depuis 1891, le comte Alfred von Schlieffen (1833-1913) comprend que la « Weltpolitik » de Guillaume II obligerait l’Allemagne à livrer la guerre sur deux fronts. Peu avant sa retraite, il présente un mémorandum dont le principe général est une offensive et une victoire très rapide sur la France puis, après le transfert des troupes allemandes sur le front de l'Est, une guerre plus longue contre la Russie, sachant que les temps de mobilisation y sont beaucoup plus longs, vu l’immensité du pays.
Schlieffen propose donc de concentrer dans un premier temps les troupes allemandes sur le front Ouest afin de défaire rapidement l’armée française pour qu’elles n’aient ensuite qu’à se battre sur le seul front Est. En outre, la guerre se doit d’être courte, car l’Allemagne ne dispose pas, contrairement à la France ou à l’Angleterre, de ressources coloniales qui lui permettraient de soutenir l’effort de guerre sur un long terme.
Le fameux plan Schlieffen révisé par Von Moltke avant la guerre. Il prévoyait la défaite totale de la France en 39 jours. Mais la machine va s'enrayer et au lieu de 39 jours, plus de 1 500 jours de terrifiants combats vont dévaster l'Europe et le monde.
Carte Georges Brun, 2015
« C’est par le secteur Mézières-Dunkerque que nous devons pénétrer dans la forteresse France. Nous devons attaquer sans cesse les Français dans leur flanc gauche et chercher sans répit à les refouler vers le Jura et la Suisse. » Alfred von Schlieffen.
C’est donc sur le Nord, et non sur l’Est de la France, que l’armée allemande doit diriger son offensive : le secteur vosgien, alors frontière, se prête en effet peu à une offensive massive, parce que c’est une région montagneuses aux communications difficiles, parce que la France l’a notablement fortifiée grâce aux travaux de Séré-des-Rivières (axe Belfort-Epinal-Verdun) et y masse l’essentiel de ses forces et parce qu’une offensive dans cette région menacerait les complexes miniers et industriels de la Sarre.
Ce plan Schlieffen est adopté en 1906 et élevé au rang de dogme. Il est modifié par son successeur, Helmuth Graf von Moltke : deux groupes d’armées doivent prendre l’armée Française en tenailles, l’une venant du Nord et se rabattant à l’ouest de Paris, l’autre du Nord-Est. La condition essentielle de la mise en œuvre du plan est le passage par la Belgique, donc l’invasion de ce pays. Moltke maintient 2 armées en Alsace, réduisant de fait les troupes devant se lancer à l’assaut de la Belgique et du Nord de la France. Le chef d’état-major compte régler le sort de la France en 39 jours…
Sur la frontière russe, en attendant, une seule armée devrait suffire à contenir une éventuelle offensive des troupes du tsar, en attendant l’arrivée massive de l’armée allemande après la victoire éclair sur la France.
Dès après la défaite de 1870, la IIIe République, revancharde, entend reconstituer et moderniser son armée dans l’attente d’un inévitable conflit avec l’Allemagne. L’État-major opère un changement majeur de mentalité et s'efforce de définir rationnellement, sinon scientifiquement, une doctrine militaire qui permette à ses forces d'appréhender au mieux les défis futurs.
Cette doctrine militaire se révèle cependant, en fonction des situations entre 1871 et 1914, une sorte de valse-hésitation entre le primat accordé à la défensive et la théorie de l’offensive à tous les niveaux. Ce culte de l’offensive va peu à peu l’emporter (tant en France qu’en Allemagne d’ailleurs), les chefs militaires étant convaincus que les avantages de l'offensive sont si grands qu'aucune force ne peut le repousser : la victoire reviendra au premier qui attaquerait.
Ce qui échappe aux états-majors, c'est que les progrès de l'armement et les masses d'hommes rapidement mobilisables font de la guerre moderne une guerre d'usure et donc de position, ainsi que l’ont démontré la guerre de Sécession américaine (1861-1865) et la guerre Russo-Japonaise de 1904-1905. Les théoriciens militaires sont incapables de concevoir qu’à l’offensive à tout prix, où l’artillerie joue un rôle secondaire, s’oppose la défensive tactique qui joue de la puissance d'arrêt des armements modernes, particulièrement l’artillerie lourde et la mitrailleuse.
Mais la course a l'armement et le refus des états majors européens de s'intéresser a des conflits récents vont jouer un rôle déterminant dans la terrible boucherie que sera 14-18.
C'est dans ce contexte qu'entre 1875 et 1914, l’Etat-major français n'élabore pas moins de 17 plans de guerre.
Le système de fortifications Séré de Rivières dote la France d'un redoutable ligne de fortifications tout au long de la frontière nord et est du pays, devant faire face à l'Allemagne, considérée alors comme l'ennemi séculaire... Au début de la guerre, et avec la théorie de l'état-major de "l'offensive à tout prix", il apparaît obsolète, et Joffre fera même désarmer certains forts (notamment à Verdun, ce qui se paiera fort cher...) Mais lorsque la guerre s'enlise, ces ensembles fortifiés, principalement ceux de l'Est (Verdun, Toul, Epinal, Belfort vont retrouver toute leur raison d'être.
Carte Georges Brun, 2015
Les plans I à III sont basés sur la défensive et s’élaborent sur l’hypothèse du respect par les deux belligérants de la neutralité belge, luxembourgeoise et suisse. Ils prévoient la concentration des armées françaises sur un axe Belfort - Vesoul - Langres - Bar-sur-Aube - Reims, le développement du réseau ferroviaire et le renforcement du système de fortifications (Séré de Rivières).
Les plans IV et V prévoient le passage des Allemands par la Belgique et placent une armée entre Reims et Châlons-en-Champagne avec le maintien de deux corps dans les Alpes dans l’éventualité d’une alliance Allemagne-Italie.
Les plans VI (1883) et VII (1884) renforcent la concentration des troupes à l’est et raccourcissent les délais de mobilisation.
A partir de 1887, les relations entre l’Allemagne et la Russie se tendent, obligeant le Reich à déployer des troupes en Prusse Orientale. La perspective d’une ouverture d’un second front ainsi que la création de deux nouvelles lignes ferroviaires poussent l’état-major français à opter pour des plans plus offensifs : attaquer en Alsace-Moselle, en évitant la place forte de Metz, par le plateau lorrain d’une part et la plaine d'Alsace d’autre part en direction de Mayence. Ainsi le plan XIII prévoit une organisation en sept armées dans l'Est, dont quatre en première ligne.
Les plan XIV (1898), XV (1903) et XVbis (1907) redonnent la prime à la défensive, car l’état major est très inquiet quant à l’encadrement et à l’instruction des troupes de réservistes et de territoriaux. Il tient aussi compte d’une invasion par l’Allemagne de la Belgique et de la Suisse et étend le déploiement des armées plus vers le nord (Vouziers) : les cinq armées sont maintenant disposées en première ligne, de Rethel à Belfort avec onze divisions de réserve stationnées entre La Fère et Châlons-en-Champagne, Troyes et Langres. Mais surtout, le nombre de divisions disponibles passe de trente-deux à soixante-six et le déploiement d’un corps expéditionnaire britannique est prévu dans la région de Saint-Quentin.
« [...] On peut affirmer que les Allemands chercheront à envelopper une aile ou les deux ailes de notre dispositif. L'enveloppement est profondément entré dans les mœurs militaires. Moltke leur a légué l'esprit ; leurs écrivains, et tout particulièrement ceux du grand état-major, le préconisent sans réticences et à tout propos ; l'exemple des dernières guerres de l'Afrique du Sud et de Mandchourie n'a pu que les confirmer dans une tendance qui, déjà, leur était naturelle. Bernhardi (de) dans ses écrits, dont il convient de tenir le plus grand compte, en raison de la situation de l'auteur, va même jusqu'à restaurer presque entièrement la manière frédéricienne et c'est en termes parfaitement nets qu'il préconise l'emploi quasi total des forces allemandes sur un de nos flancs, tandis que le reste nous contiendrait - nous amuserait, pour mieux dire - sur le front. »
Trois protagonistes importants dans la mise en place du plan XVII. Le plan Michel semble le plus clairvoyant car il s'appuie sur la conviction que l'offensive principale de l'Allemagne se fera par la Belgique et se base sur la défensive. Mais il heurte les théories du très puissant et influent du Conseil supérieur de guerre, qui, à l'instar de Joffre, prône l'héroïsme offensif de troupes bousculant l'ennemi au son du clairon et des charges à la baïonnette... Messimy, alors ministre de la guerre, traitera Michel d'incapable, le destituera et le remplacera par Joffre, désormais généralissime.
Montage photo. Montage Georges Brun à partir de documents du Domaine Public., 2015
En janvier 1911, le nouveau vice-président du conseil supérieur de la guerre est le général Victor-Constant Michel (1850-1937). Il est convaincu que les Allemands, soucieux d’éviter les obstacles naturels valorisés défensivement en Lorraine, chercheront à déborder la gauche de l’armée française, plus précisément au nord de la Meuse pour disposer du maximum de routes. Il pense même qu’ils passeront par le Belgique. Il propose un nouveau plan : masser la majorité des forces (soit 11 corps d’armées) le long de la frontière franco-belge pour lancer une contre-offensive, ne laissant à l'Est que 3 corps frontaliers et gardant comme renforts 7 corps autour de Paris. Il demande en outre de faire disparaître la différence entre les unités d'active et celles de réserve et envisage de fournir de l'artillerie lourde à chaque corps d'armée.
Soumis au conseil supérieur de la guerre le 19 juillet 1911, le plan est rejeté. Le 28 juillet, qualifié d'« incapable » par le ministre de la Guerre Adolphe Messimy, le général Michel est destitué de ses fonctions. Messimy le remplace par le général Joseph Joffre, au titre de chef d’état-major général, « la haute personnalité militaire jugée la plus apte à exercer éventuellement, en cas de guerre, le commandement du principal groupe d’armées ».
Ordonné par Joffre, conçu par le général de Castelnau et son adjoint le général Berthelot, aussitôt approuvé par le ministre de la guerre Messimy, le plan XVII s'affranchit totalement des réseaux défensifs en positionnant directement les armées face à la frontière de l'est. L'offensive à outrance est proclamée ! Quatre armées françaises doivent être prêtes à déboucher en Alsace et en Lorraine, alors que la cinquième sera placée en réserve.
Au cas où les Allemands pénétreraient en Belgique, un corps de cavalerie devrait les contenir dans la région de Charleroi, et si leur poussée se confirmait, le dispositif français remonterait vers le nord avec l’intervention anglaise en renfort sur l’aile gauche.
Le plan XVII repose sur la certitude que les Allemands ne mettront en ligne que les corps d'active, sur un front qui s'étendrait juste au delà du Luxembourg. Joffre fait donc l’impasse sur la frontière belge, où d'ailleurs le système de fortification est de bien moindre qualité ; de même, il fait l’impasse sur l’artillerie lourde, considérant qu’elle est inutile dans la tactique de l’offensive à tout prix et que le fameux « 75 » est largement suffisant ; enfin, il s’appuie sur un accord avec la Russie qui devrait immédiatement engager une offensive en Prusse Orientale.
Le plan XVII élaboré par Joseph Joffre. Basé sur le tout à l'offensive, il prévoit de bousculer l'armée allemande en pénétrant en Lorraine entre Metz et Sarrebourg en direction du Rhin. Il présente deux graves défauts : d'une part il sous-estime totalement les force adverses qui se trouvent en face de l'armée française dans ce secteur: Joffre pense que l'adversaire dispose de 45 divisions : elles sont 68; d'autre part, Joffre pense que l'offensive allemande en Belgique n'ira pas au-delà de la Sambre... Mais c'est précisément entre la Sambre et la mer du nord que se portera l'effort principale des deux premières armées allemandes... précisément là où l'avait prévue le plan Michel jeté aux orties.
Carte Georges Brun, 2015
Ce plan ne définit aucune manœuvre destinée à battre l'ennemi, ce n'est donc pas un plan stratégique. Son seul objectif est de rentrer dans les terres annexées d’Alsace-Lorraine. La suite des évènements en montrera les limites, voire la faillite...
« La France avant 1914 possédait un Etat-Major digne d'être appelé bergsonien, dont la doctrine acceptait le discrédit de l'intelligence et favorisait le culte de l'intuition. Constatation stupéfiante, incroyable, dont au premier abord on reste suffoqué, mais qui apparaît après examen comme l'expression de la pure vérité! Et cet Etat-major poussait la conviction aux dernières limites ; il laissait loin derrière Bergson lui même qui n'aurait jamais osé accorder à l'intuition le pouvoir merveilleux de préparer la revanche de 1870, sans au moins convier l'intelligence à collaborer à cette tâche difficile. L'auriez vous cru, notre Joffre, physiquement si bien assis sur ses bases, si complétement rattaché par sa santé, son bon appétit, au monde des solides que le bergsonien fait profession de dédaigner, se ralliait à cette conception de somnambule et de médium. Il adhérait à une doctrine qui, comptant sur les impondérables autant que sur les régiments, cherchait à faire jaillir la victoire de l'inconscient des batailles en utilisant l'élan vital des troupes qu'entraîne l'instinct profond du succès. La table de l'Etat-major où fut rédigé le plan XVII était, si j'ose dire, une table tournante. Ne croyez pas que j'exagère le moins du monde : nul n'ignore, à l'heure actuelle, que la doctrine de guerre de l'Etat-Major en août 1914 était celle de l'offensive à outrance. »
Jean de Pierrefeu (1883-1940) : "Plutarque a menti ; Joffre et Compagnie", 1923. De Pierrefeu est un journaliste et combattant, chargé après une blessure reçue au front, de la rédaction des communiqués officiels à l’état-major. Après la guerre, il écrit des ouvrages extrêmement critiques sur le haut-commandement et le corps des officiers, qui susciteront de très vives polémiques.
Le plan de mobilisation et de déploiement de l’armée russe, ou « plan 19 » date de 1910. Il sera modifié en 1912 avec deux variantes les plans « 19 A » et « 19 G », permutables jusqu'au 9e jour, selon que la pression ennemie soit plus importante sur le front prussien ou sur le front de Galicie contre l’Autriche-Hongrie.
Il prévoit la concentration d’une première « fournée » de troupes en 20 jours après le début de la mobilisation et le déploiement de 29 divisions (1ère et 2e armée) face aux Allemands en Prusse-Orientale et de 46 divisions (4e, 5e, 3e et 8e armée) face aux Autrichiens en Galicie. La 6e armée protège Saint-Pétersbourg et la Finlande, la 7e Odessa et l'Ukraine. Il est prévu que l’offensive contre la Prusse soit rapidement déclenchée, afin de soulager le théâtre d’opérations de France. L’offensive russe ne démarrera que le 17 août.
Les buts de guerre allemands à l'ouest et à l'est. A l'ouest, l'Allemagne entend établir sa domination sous diverses formes (annexions, vassalisations, points d'appuis...) dont l'objectif principal est de contrer la puissance navale et commerciale de l'empire anglais. A l'est par contre, l'objectif est la conquête sur les Slaves de vastes territoires, "espace vital" pour le peuple allemand... Ce "Drang nach Osten" (poussée vers l'Est) est un très vieux réflexe germanique puisant ses références dans l'épopée des chevaliers teutoniques médiévaux... Il sera repris 20 plus tard dans les théories nazies et génocidaires du "Lebensraum"...
Carte Georges Brun, 2015
Les buts de guerre allemands sont définis le 9 septembre 1914 dans le « Septemberprogramm » par le chancelier Theobald von Bethmann Hollweg et Kurt Riezler (1882-1955) alors que la victoire allemande sur le front ouest semble inéluctable mais au moment même où l’armée allemande, menacée sur la Marne, à ordre de battre en retraite.
Ce programme définit les objectifs politiques, économiques et militaires que se fixe le Reich après la victoire, objectifs caractérisés par une expansion générale de la puissance allemande en Europe :
• incorporation au Reich de larges régions limitrophes : bassin du Briey en Lorraine française, Liège et Verviers en Belgique, côte de la Manche de Boulogne à Dunkerque ;
• transformation du Luxembourg complété du Luxembourg belge, en état fédéré au sein du Reich, ainsi que des Pays-Bas ;
• démantèlement des capacités militaire de la France et versement d'une indemnité de guerre sur de nombreuses années, afin d'empêcher la France de se consacrer à son réarmement ;
• création d'une union douanière regroupant France, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Autriche-Hongrie, Pologne et éventuellement Italie, Suède et Norvège.
• Affaiblissement de la Russie ;
• Constitution d’une vaste Afrique centrale allemande aux dépens de l'empire colonial français;
• annexion de la Courlande, de la Lituanie et de la Pologne, pays « germano-baltes » et la création d’états-tampons indépendants courant de la Finlande à l’Ukraine
• A terme, création d'une sphère germanique se déployant du golfe de Gascogne à l'Oural capable de rivaliser avec les puissances maritimes américaine et britannique…
En Afrique, les buts allemands sont clairs: à l'Afrique anglaise "du Cap au Caire", le Reich entend opposer une Afrique allemande de Dakar à Tananarive, essentiellement aux dépens de la France, du Portugal et de la Belgique, créant ainsi une vaste territoire dont l'exploitation systématique ferait de l'Empire la première puissance mondiale et un partenaire incontournable de la Grande Bretagne...
Carte Georges Brun, 2015
L’objectif principal de l’Autriche Hongrie est de protéger ses intérêts dans la péninsule des Balkans, ainsi que son existence d’empire mutli-ethnique et multinational, qu'elle voit menacée par la Russie. Ainsi elle veut intégrer une grande partie de la Serbie, mais aussi une partie du Monténégro, de la Roumanie, de l'Albanie et de la Pologne russe.
Pendant les premières semaines de la guerre, avant les défaites en Galicie contre la Russie et contre la Serbie tout au début du conflit, les dirigeants autrichiens se sont permis de formuler des buts territoriaux précis. Quelques semaines plus tard, leurs plans d'acquisition sont totalement remisés à l’arrière plan, l’urgence devenant la survie même de l’empire…
Après la victoire sur la Serbie fin 1915, se repose la question des Slaves du sud : le conseil des ministres réunit le 7 janvier 1916 les principaux dirigeants austro-hongrois : les deux ministres-présidents Karl Stürgkh (Autriche) et István Tisza (Hongrie), les ministres Ernest von Koerber (finances), Alexander von Krobatin (guerre), Stephan Burián (Affaires étrangères) et Conrad von Hötzendorf, chef de l'État major. Dans l’euphorie de la victoire (Grâce à l’aide allemande), de nouveaux buts de guerre sont établis : la Serbie sera réduite à un petit pays de montagne de 1,5 million d'habitants, son intégration totale posant trop de problèmes ; la Bulgarie sera agrandie des territoires serbes (Macédoine) ; le Monténégro cèdera le mont Lovćen et sa côte ainsi que ses territoires albanais ; l’Albanie restera indépendante, mais sous protectorat autrichien ; la Grèce se verra confirmer la possession d’une partie de la Macédoine et de la Thrace.
Vis-à-vis de l’Italie, le statu quo serait maintenu, l’Autriche conservant ses territoires en Vénétie, Trentin-Haut Adige et Dalmatie.
La Turquie souhaite essentiellement reprendre de l’importance en Europe (terres perdues sur la Grèce et l'Albanie), reprendre les iles du Dodécanèse cédées à l’Italie et garder sa mainmise sur les Détroits.
La Bulgarie, grande battue de la Seconde Guerre balkanique, espère retrouver tous ses territoires perdus après avoir trouvé un arrangement à l’amiable avec l’empire ottoman.
Buts de guerre français tels qu'il apparaissent en 1915 : fortement influencés par la droite de type "Action Française", ils entendent réduire très fortement la puissance allemande, démanteler les empires austro-hongrois et turcs, renforce la puissance de l'allié russe et affirmer une forte présence française au Moyen-Orient, face à la puissance britannique. Ces idées seront partiellement reprises par les alliés vainqueurs pour échafauder les divers traités de paix...
Carte Georges Brun, 2015
• Le premier objectif de la France est de prendre sa revanche sur l'Empire allemand et de récupérer les terres d'empire allemandes d'Alsace-Lorraine.
• obtenir de la part de ses alliés des garanties de sécurité en concluant une paix générale liant les nations entre elles ;
• obtenir des réparations de guerre suffisantes pour rétablir les infrastructures et les industries détruites par l'invasion ;
• obtenir une zone d'occupation (ou de neutralisation) de la rive gauche du Rhin pour repousser les armées allemandes des frontières belges et françaises en cas de nouveau conflit.
La Grande-Bretagne entend garantir la neutralité et l'intégrité des états à proximité de la Manche, à savoir la Belgique et les Pays-Bas qui deviennent ainsi une zone tampon protégeant le territoire britannique de toute invasion ;
Elle entend ensuite limiter la puissance navale allemande (de guerre et de commerce) qui menace le commerce anglais et sa suprématie sur les mers et les océans du Monde.
Enfin, un guerre doit lui permettre de contrôler un certain nombre de zones stratégiques (route de Suez) et économiques (pétrole) de son empire, notamment au Moyen-Orient et dans le Golfe.
Le tsar entend briser les influences turques et austro-hongroises dans les Balkans au profit de la Russie qui deviendra alors la grande puissance slave protectrice des peuples serbes, bulgares, croates et slovènes.
Par ailleurs Saint-Pétersbourg vise le contrôle des Détroits (Bosphore, Dardanelles) afin d’avoir un accès libre à la Méditerranée, ce qui lui garantit en effet d’énormes avantages : la Méditerranée est une mer chaude, une mer ouverte sur l’océan, libre de tout contrôle et proche des régions industrielles, à l’inverse des autres grandes mers de l’empire (Caspienne, mer fermée ; mer Blanche, souvent gelée ; mer Baltique, sous contrôle des pays scandinaves, Océan Pacifique, industriellement isolé).
Enfin la Russie tient à contrôler la région du Caucase, ouvrant sur les champs pétrolifères du Moyen-Orient.
La Serbie poursuit son rêve de fédérer tous les peuples slave du sud : créer, aux détriments de l’empire austro-hongrois, une « Yougoslavie » (« Slaves du sud » en serbo-croate) regroupant la Bosnie (Sarajevo), l’Herzégovine (Mostar), la Voïvodine (Novi-Sad), le Banat (Timisoara), le royaume de Croatie-Slavonie (Zagreb), le royaume de Dalmatie (Split), le duché de Carniole (Ljubljana), le royaume serbe de Monténégro (Cetinje).
Entrant en guerre plus tardivement (Mai 1915) aux côtés de l’Entente, l’Italie se fixe comme but de guerre la récupération aux dépens de l’empire austro-hongrois des « terres irrédentes » : la province du Trentin – Haut-Adige (Trentino-Alto Adige en Italien, Trentino-Südtirol en allemand), et celle du Frioul (Udine).
L’Italie entend aussi, toujours aux dépens de l’empire austro-hongrois, occuper la Croatie ainsi que la ville de Trieste et l’Istrie.
Malgré l’état de guerre civile quasi permanent jusqu’en juin 1917, les Grecs sont d’accord pour partager les buts de guerre : il s’agit d’occuper après la victoire la Thrace Orientale, les détroits des Dardanelles, Constantinople et, sur la côte turque la ville de Smyrne (Izmir) et son arrière-pays.
La Roumanie, qui entre en guerre aux cotés de l’entente en août 1916, veut annexer la Transylvanie (Cluj) à l’ouest des Carpates, faisant partie du royaume de Hongrie mais fortement peuplés de Roumains.
La Belgique entend récupérer les villes irrédentes d’Eupen et de Malmédy. Eupen, ville du Limbourg, avait été donnée à l’Allemagne en 1815 puis purement annexée par Bismarck en 1871. Malmédy, ancienne capitale de la Principauté de Stavelot-Malmedy, après avoir été rattachée à la France durant la Révolution, est donnée à l’Allemagne en 1815 puis, comme Eupen, intégrée au Reich en 1871.
Le programme du président américain Woodrow Wilson (1856-1924) pour l'après guerre (14 points). Wilson cherche à prendre la direction politique de la coalition et définit les buts de guerre des Alliés et les conditions de la paix future. Wilson réussira à faire passer une partie de son programme dans le traité de Versailles. Mais l'opinion publique et les parlementaires américains, très isolationnistes, se placent en retrait par rapport aux velléités interventionnistes du président et le Congrès ne ratifiera pas le traité de Versailles.
Document. Document Georges Brun., 2015
Entrés en guerre aux côtés de l’Entente, les Etats-Unis, business oblige, fixent comme objectif principal de faire cesser la guerre qui paralyse le commerce mondial, dont ils sont rapidement les premiers bénéficiaires.
Mais, prenant la mesure de leur leadership, ils tentent d’imposer, par la voix du Président Wilson, leurs conditions aux vainqueurs et aux vaincus : ce sont les fameux « 14 points ».
Les forces armées en présence sur les fronts ouest et est au 1er août 1914.
Document. Document Georges Brun., 2015
Lorsque la guerre débute début en août 1914, les puissances de l’Alliance ou "Empires Centraux" (Allemagne, Autriche-Hongrie) mobilisent environ 3,8 millions de soldats, celles de l’Entente (France, Belgique, Grande-Bretagne, Russie, Serbie) 5,7 millions de soldats.
Sur l’ensemble du conflit, les Empires Centraux (Rejoints par la Turquie en octobre 1914 et la Bulgarie en octobre 1915) mobiliseront plus de 24 millions de soldats pour une population de 135 millions d’habitants. Ils ne peuvent cependant rivaliser avec les forces de l’Entente qui en mobiliseront plus de 42 millions malgré la défection de la Russie en 1918, pour une population de plus de 265 millions d’habitants. Aux forces de l’Entente viennent s’adjoindre l’Italie en mai 1915, la Roumanie en août 1916, la Grèce en novembre 1916, les Etats-Unis en avril 1917.
Quelques exemples d'équipements militaires au 1er août 1914.Ce tableau présente quelques équipements clés de ce qui constituait une armée moderne dans les années 1900 : l'artillerie, la mitrailleuse, l'aviation naissante. Incontestablement "reine" des champs de bataille, l'artillerie joue un rôle fondamental : 80% des blessés et tués le sont du fait de l'artillerie. Or, en début de conflit, et malgré l'excellent canon français de 75, l'artillerie allemande surclasse de loin celle des français et des anglais. Il est est de même de la mitrailleuse, par ailleurs beaucoup mieux utilisés par les Allemands que leurs adversaires.
Document. Document Georges Brun., 2015
Pour Berlin et Vienne, un succès militaire contre des armées de l’Entente numériquement supérieures, une décision rapide sur l'un des deux fronts est essentielle. Avec l'échec du plan Schlieffen, les Etats centraux se trouvent rapidement dans une situation précaire. En outre, les puissances centrales sont tributaires des importations de denrées alimentaires et de matières premières en provenance des pays neutres. Comme ils n'ont pas pris de mesures pour une guerre de longue durée, le blocus naval britannique a un impact direct sur l'approvisionnement alimentaire et la production d'armements.
En octobre 1914, l'Empire ottoman entre à côté des puissances centrales dans la guerre et verrouille les Détroits, bloquant ainsi l’approvisionnement de la Russie par le sud. Mais les puissances centrales n’ont aucun plan à long terme pour une victoire dans les Balkans, même après l’entrée en guerre de la Bulgarie en 1915, ni contre la Russie. Enfin, compte tenu de la supériorité de la flotte britannique, les colonies allemandes deviennent militairement indéfendables.
Un total de 38 pays prend part à la Première Guerre mondiale, ainsi que les colonies des belligérants. Ainsi, les deux tiers de la population mondiale sont touchés par la guerre.
Sous le commandement du général Joseph Joffre, 62 ans, l’armée française aligne au début du conflit 3 850 000 hommes (9% de la population), soit 47 divisions d’infanterie d’active, 26 divisions d’infanterie de réserve, 12 divisions territoriales et 10 divisions de cavalerie. Commandant du 2e corps d’armée à Amiens et membre du Conseil supérieur de la Guerre, Joffre a été nommé par le ministre Messimy après que le général Gallieni ait refusé le poste. Polytechnicien et sapeur, il s’est particulièrement intéressé à l’emploi du chemin de fer et de l’artillerie lourde.
L’ensemble des forces françaises est réparti comme suit :
• Au sud, entre la frontière Suisse et les contreforts vosgiens, défendant la porte de Bourgogne, l’armée d’Alsace, commandée par le général Paul Pau, comprend deux divisions d'infanterie (14e et 41e D.I.) et 7 régiments de Chasseurs, soit 115 000 hommes.
• La première armée, 10 divisions d’infanterie, 2 divisions de cavalerie, soit 266 500 hommes aux ordres du général Maurice Sarrail, se positionne autour d’Epinal, entre Remiremont et la trouée de Charmes.
• La seconde armée, 13 divisions d’infanterie, 2 divisions de cavalerie, soit 325 500 hommes aux ordres du général Edouard de Castelnau, se positionne entre Charmes et Toul ;
• La troisième armée, 10 divisions d’infanterie, 1 division de cavalerie, soit 237 200 hommes aux ordres du général Pierre-Xavier Ruffey, couvre l’Argonne et Verdun ;
• Entre Verdun et Sedan, dans les Ardennes, la quatrième armée du général Fernand Langle de Cary, 6 divisions d’infanterie et 1 division de cavalerie, est forte de 159 600 hommes ;
• Entre Rethel et Hirson, la quatrième armée du général Charles Lanrezac, 299 500 hommes, compte 12 divisions d’infanterie et une 1 division de cavalerie.
• Plus au nord, entre Lille et Cambrai, se positionnent les 3 divisions territoriales du général Albert d’Amade.
Commandée par le général Auguste Dubail (1851-1934), elle est positionnée dans le secteur d'Epinal et mène la grande offensive en Lorraine. Stoppée lors de la bataille de Sarrebourg, elle reflue à partir du 22 août mais parvient lors de la bataille de la Haute-Meurthe à bloquer l'offensive allemande début septembre 1914.
Document. Document Georges Brun., 2015
Cette armée française de l'été 14 est nombreuse, déterminée, bien encadrée et relativement bien équipée. Mais elle elle présente de graves lacune au plan tactique et stratégique.
La tactique est profondément marquée par les idées du colonel Louis de Grandmaison (1861-1915), enseignées par le général Foch à l’école de guerre : celles de « l’offensive à tout prix » : « L’armée française revenue à ses traditions n’admet plus dans la conduite des opérations d’autres lois que l’offensive ! »
« Pour vaincre il faut rompre par la force le dispositif de combat de l’adversaire. Cette rupture exige des attaques poussées jusqu’au bout, sans arrière-pensées. Elle ne peut être obtenue qu’au bout de sacrifices sanglants. Toute autre conception doit être rejetée comme contraire à la nature même de la guerre ! »
« Le succès revient non pas à celui qui subit le moins de pertes mais à celui dont la volonté est la plus ferme et dont le moral est le plus fortement trempé ! » (Article V du règlement militaire de 1913)
Ainsi l’infanterie ne doit connaître que le mouvement en avant, et l’attaque à la baïonnette est l’arme supérieure du fantassin ; la même tactique est réservée à la cavalerie (« l’attaque à cheval et à l’arme blanche est le mode d’action principal ! »), alors que l’artillerie doit tirer « à vue » et reste en seconde position. La mitrailleuse est regardée comme arme défensive et ne doit être utilisée qu’en appoint. Ainsi, si le fameux 75 de campagne est un excellent canon, il est mal utilisé ; l’armée manque cruellement d’artillerie lourde (104 obusiers de 155 « Rimailho », 120 canons de 120 « Bange », 84 canons de 120mm « Baquet »).
Carte des régions militaires, corps d'armées et armées d'affectation des mobilisés le 2 août 1914. Les corps d'armée à la mobilisation correspondent à leurs numéros de région militaire et comprennent au moins deux divisions d'infanterie.
Carte Georges Brun, 2015
Joffre est enfin convaincu que l’aile droite allemande ne dépassera pas le couloir de la Sambre, alors que son principal effort portera bien plus au nord.
Les premiers mois du conflit vont se révéler désastreux pour l’armée française, victime de cette tactique d’un autre âge, et l’armée française ne devra son salut sur la Marne qu’à l’héroïsme de ses combattants et à la clairvoyance de certains généraux (Lanrezac) qui refuseront les ordres de Joffre.
En 1914, la circonscription n’existe pas en Grande-Bretagne. Son armée est une armée de métier employée pour l’essentiel dans les colonies et donc dispersée dans le monde entier. Le pays compte surtout sur la "Home Fleet", la première flotte de guerre du monde.
En Grande-Bretagne, 255 000 hommes d’active et de réserve sont disponibles en août 1914. Les Anglais forment la British Expeditionary Force, 6 divisions d’infanterie et 1 division de cavalerie, soit 70 000 hommes. Il n’envoient cependant en France que 5 divisions et en maintiennent 2 en Angleterre pour parer à un éventuel débarquement allemand. Au départ, la BEF est dépourvue d’artillerie. Mi-août 1914, la BEF est positionnée entre Maubeuge et Hirson, entre l’armée Lanrezac et le groupe territorial d’Amade.
La Russie possède un réservoir de troupes quasi inépuisable et est capable d’aligner 4 500 000 hommes en 1914, avec une réserve de plus de 22 millions ! En août, elle mobilise 99 divisions d'infanterie et 42 de cavalerie, sur un front de près de 2 000 kilomètres, face à l’armée allemande (Prusse, saillant polonais) et à l’armée austro-hongroise (Galicie).
Cette armée est cependant mal équipée, mal entraînée et surtout mal commandée, par des généraux qui se jalousent (Rennenkampf et Samsonov notamment) et un haut commandement incompétent. Nicolas II confie le commandement suprême à son oncle le grand-duc Nicolas (1856-1929), qui, s’il permet en partie la victoire de la Marne par une rapide offensive en Prusse Orientale, se montre incapable de coordonner l’action des diverses armées russes, d’où les terribles défaites de Tannenberg et des lacs Mazures.
Malgré quelques succès, l’armée russe ne sera jamais à la hauteur des enjeux de cette guerre et s’effondrera en 1917.
En temps de paix, la Belgique, dont la neutralité est garantie par des traités internationaux, possède une petite armée de 48 000 hommes dont le recrutement se fait par tirage au sort ou sur volontariat. A partir de mars 1913, le recrutement devient obligatoire, mais il tarde à être mis en place.
Début août, 110 000 hommes sont mobilisés et répartis en 6 divisions d’infanterie et une de cavalerie, sous les ordres du roi Albert I, le « roi chevalier ». Cette armée manque d’artillerie et ne pourra se développer, car la Belgique est rapidement envahie. Elle se battra cependant avec énergie et retardera l’armée allemande, avant de tenir durant tout le conflit un secteur du front dans les Flandres.
Lors de la mobilisation, l’armée serbe est forte de 500 000 hommes, soit 13% de la population, la circonscription comprenant les hommes de 20 à 51 ans. Les cadres de l’armée et son chef, le voïvode Radomir Putnik, ont une bonne expérience (Guerres balkaniques) et les troupes, réparties en 11 divisions, sont très motivées. L’armée serbe manque cependant cruellement d’artillerie.
Le Kaiser et les chefs de ses armées en 1915. Y figurent dans les coins supérieurs von Kluck (1è armée) et von Emmich (10è C.A.), puis de haut en bas et de gauche à droite von Bülow (2è armée), Rupprecht de Bavière (6è armée), le Kronprinz Guillaume (5è armée), Albert de Wurtemberg (4è armée), von Heeringen (7è armée), von François (1er C.A.), von Beseler (3è corps de réserve), von Hindenburg (8è armée), von Stein (14e corps de réserve) von Tirpitz (Grand amiral), le prince Heinrich (commandant en chef de la flotte de la Baltique), von Lochow (3è corps d'armée), von Haeseler (Observateur), von Woyrsch (Corps de la Landwehr), von Einem (3è armée), von Mackensen (11è armée), von Ludendorff (quartier-maître général), von Falkenhayn (chef du grand état-major), von Zwehl (7e corps de réserve).
Carte postale de 1915 J. Mann éditeur, Munich., 2015
Début août 1914 l’armée allemande mobilise 3 750 000 hommes, répartis sur les deux fronts en 51 divisions d’infanterie, 31 divisions d’infanterie de réserve (Landwehr), 32 brigades de la Landwehr et 11 divisions de cavalerie. Chaque royaume (Prusse, Bavière, Bade, Wurtemberg...) aligne ses propres armées, mais le commandement est confié à l'Obere Heeresleitung, essentiellement prussiènne.
Ces hommes sont répartis en 8 armées, dont 7 sur le front ouest.
• à hauteur de Maastricht et le la frontière hollandaise, la Ière armée d'Alexandre von Kluck compte 305 000 hommes répartis en 10 divisions d’infanterie.
• La IIème, commandée par Karl Wilhelm von Bülow, forte de 518 500 hommes, comprend 14 divisions d’infanterie et 3 division de cavalerie : elle est positionnée face aux Ardennes Belges, dans la région d’Aix-la-Chapelle ;
• La IIIème, commandée par Max von Hausen, forte de 305 000 hommes, comprend 8 divisions d’infanterie et 2 division de cavalerie : elle se positionne dans l’Eifel, face aux Ardennes Belges ;
• Occupant dès le 2 août le Luxembourg, la IVème armée d’Albert, Kronprinz de Wurtemberg compte 360 000 hommes, soit 10 divisions d’infanterie et 2 divisions de cavalerie ;
• Commandée par le Kronprinz Frédéric-Guillaume de Prusse, fils du Kaiser, la Vème armée est forte de 10 divisions d’infanterie prussiennes, soit 300 000 hommes, qui se positionnent entre Thionville et Metz ;
• Entre Metz et Sarrebourg, la VIème armée du prince Rupprecht de Bavière est forte de 360 000 hommes répartis en 10 divisions d’infanterie et 3 divisions de cavalerie ;
• En Alsace se déploie la VIIème armée de Josias von Heeringen, 180 000 hommes répartis en 6 divisions d’infanterie.
• En Prusse orientale enfin, seule veille la VIIIème armée de Maximilan von Prittwitz, forte de 230 000 hommes répartis en 12 divisions d’infanterie et 1 division de cavalerie.
C’est une armée très bien entraînée, bien commandée, disposant d’un matériel moderne, d’une artillerie lourde surclassant de loin les autres armées. Si la doctrine de l’offensive rejoint celle de l’armée française, elle est cependant mieux mise en œuvre par l’utilisation beaucoup plus rationnelle des mitrailleuses (2 250 sur le front ouest), de l’obusier et de l’artillerie lourde (548 pièces) contrant les batteries françaises de 75 et capable de s’attaquer aux systèmes fortifiés. Enfin, lors de l’offensive Schlieffen, la réserve de la Landwehr participe aux combats, ce qui surprendra l’état-major français.
Début août 1914 l’armée austro-hongroise mobilise 9 900 000 hommes : l’armée d’active et la Landwehr (réservistes de 23 à 39 ans) forment 50 divisions d’infanterie et 11 divisions de cavalerie, auxquelles il faut ajouter les brigades du Landsturm (hommes de 17 à 39 ans n’ayant pas effectué leur service), et les Territoriaux de 39 à 45 ans).
C’est une armée très marquée par le cosmopolitisme : les Slaves y représentent 44% des effectifs, les Allemands 25%, les Hongrois 23%, les Roumains 7% et les Italiens 1%... Les motivations à servir y sont donc très variables et les désertions y seront massives ; de plus, cette armée manque d’armement moderne, d’artillerie lourde, et de cadres véritablement compétents. Cette armée, dont le chef est le belliciste général Conrad von Hötzendorf, aura toujours besoin du soutien de l’armée impériale allemande pour réussir ses rares offensives victorieuses.
En août 1914, l’armée austro-hongroise masse 3 armées sur le front de Galicie face aux armées russes (Ie, IIIe et IVe) et trois autres (IIe, Ve et VIe) face à la Serbie.
En mai 1915, lorsqu’elle entre en guerre, l’Italie aligne 900 000 hommes, soit 35 divisions et quelques bataillons de réserve (« Milice mobile). C’est une armée usée par les campagnes d’Afrique ; ses équipements sont anciens (les pinces à couper les barbelés sont totalement inefficaces…), son artillerie lourde trop faible, et elle ne dispose que de quelques centaines de mitrailleuses.
Ses soldats, recrutés surtout dans la classe paysanne pauvre, sont peu préparés à l’action militaire, peu instruits, peu entraînés, peu motivés (surtout ceux du Mezzogiorno). Les cadres et le haut-commandement sont insuffisants et médiocres, sous la direction du général Cadorna, un stratège déplorable doté d’un pouvoir considérable dans cette caste militaire fermée et traditionaliste.
Enfin le front, 700 kilomètres environ, est essentiellement formé de reliefs montagneux dont l’altitude dépasse souvent les 2 000 mètres, rendant les combats extrêmement durs et les conditions de vie très précaires.
« Aucun des principaux États belligérants ne partait d’un niveau aussi bas de préparation militaire ; aucun n’avait à triompher sur le front de combat d’aussi graves difficultés naturelles, ajoutées aux problèmes techniques qui se posaient à tous ; aucun n’avait un potentiel aussi faible : trois ordres de faits que l’Italie finit par dominer ! » Maurice Vaussard, Histoire de l’Italie contemporaine (Hachette 1951, p. 126).