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La guerre en 1914 :
La guerre de mouvement (1ère partie)

Par Georges Brun

Publié le 20 mai 2015

IntroductionRevenir au début du texte

La Première Guerre mondiale s’étend sur 51 mois, du 1er août 1914 au 11 novembre 1918. Le conflit concerne, pour des durées variables, quatre fronts sur le sol de l’Europe, ainsi que des fronts secondaires :

• le front Ouest, d’emblée perçu comme la zone décisive de l’affrontement ;

• le front Est, s’étendant pratiquement de la Mer Baltique à la Mer Noire ;

• le front italien, dans les Alpes, entre l’Istrie et la frontière italo-helvétique ;

• le front des Balkans, de l’Albanie à la Thrace.

Mais on s’est aussi battu, par intermittence ou sur toute la durée de la guerre, dans le reste du monde :

• Toutes les mers du monde on vu s’affronter les marines de guerre de tous les pays (Amérique du Sud, Méditerranée, Mer du Nord…), et les sous-marins, principalement les « U-boots » allemands écument l’Atlantique Nord, coulant, corps et biens, des milliers de navires de tous les pays…

• On s’est battu dans toutes les colonies où les adversaires voisinaient : Cameroun, Gabon, Afrique du Sud-ouest, Afrique du Sud-est où les combats durent 4 ans, îles du Pacifique, Tsing-Tao (Qingdao) en Chine…

• La guerre affecte le Moyen-Orient où des fronts s’ouvrent aux confins de l’empire Ottoman : les Dardanelles, le canal de Suez et la Palestine, la Mésopotamie, le Caucase ;

• On se bat dans les airs sur tous les fronts importants, à coup de ballons d’observation, de dirigeables géants et d’avions de plus en plus sophistiqués…

• On se bat même sous terre, dans des mines creusées à des profondeurs invraisemblables et à coup de centaines de kilos d’explosifs de plus en plus dévastateurs (guerre des mines)…

La guerre de 1914-1918 : principaux fronts et principales batailles en Europe et au Proche Orient.

La guerre de 1914-1918 : principaux fronts et principales batailles en Europe et au Proche Orient.
Carte Brun Georges, 2015

Seul le premier front, le front Ouest a été actif sur l’ensemble du conflit : c’est là que s’est joué le dénouement final. Si l’on excepte une brève incursion en août 1914 des Français en Alsace alors allemande, l’ensemble des opérations se déroule sur le sol français et sur le territoire belge, entre Ypres et la frontière suisse. De fait, seule une infime partie du « sol allemand » a été occupée par les Français : il s’agit, dans le sud de l’Alsace, des crêtes vosgiennes, des vallées de la Thur et de la Doller, et de la partie ouest du Sundgau.

Sur ce front Ouest, pour tenter de chasser l’armée allemande des territoires occupés, les forces de l’Entente mobilisent les troupes d’une coalition de plus de 20 nations ! L’essentiel de l’effort de guerre repose cependant sur les armées française et britannique ; les Etats-Unis, entrés en guerre au printemps 1917, jouent un rôle important dans le basculement final du conflit à l’été 1918.

Chronologiquement, sur le front Ouest, la Grande Guerre connaît trois grandes phases :

• Une première phase, "la guerre de mouvement", d’août à novembre 1914 : il s’agit d’une série de batailles de type « classique » faites de charges massives, de charges de cavaleries, du « tout offensif » rappelant encore la guerre de 1870, mais où sont déjà utilisées des armes nouvelles terriblement efficaces et meurtrières comme la mitrailleuse ou l’artillerie lourde.

• Une seconde phase, de novembre 1914 à mars 1918, "la guerre de position", où les adversaires, ne pouvant plus se battre à terrain découvert, s’enterrent et mènent, presque face-à-face, une guerre nouvelle où prime est donnée à l’artillerie, désormais maîtresse du terrain, à la tranchée, aux systèmes défensifs, aux affrontements titanesques dans les no man’s land.

• La troisième phase consacre le retour de la guerre de mouvement pour la confrontation finale, de mars à novembre 1918, avec l’utilisation massive d’armes nouvelles capables de percer le front par leur vitesses et leur capacité de feu : les chars et les avions.


Front Est : position des armées des belligérants le 1er août 1914. L’effort principale des Russe se prote non par sur les troupes allemandes, mais contre les troupes austro-hongroises, jugées bien moins fiables.

Front Est : position des armées des belligérants le 1er août 1914. L’effort principale des Russe se prote non par sur les troupes allemandes, mais contre les troupes austro-hongroises, jugées bien moins fiables.
Carte Brun Georges, 2015

Il est essentiel de ne pas se focaliser sur le front occidental et de considérer le conflit dans son ensemble : il faut mettre en lumière l'influence des fronts les uns sur les autres ou l'importance de la position géo-stratégique des belligérants, notamment de l'empire ottoman. Dès 1914, la contre-attaque de la Marne est facilitée par l'offensive russe en Prusse orientale ; même les opérations de guérilla allemande en Tanzanie ont leur importance en mobilisant des ressources du Commonwealth. Alors que le conflit s'éternise, l'entrée en guerre de nouveaux pays et la capitulation d'autres deviennent des enjeux majeurs.

Le conflit qui s'ouvre inaugure dans l'histoire de l’humanité le tragique phénomène de la guerre totale et mondiale. Totale, cette guerre l’est par sa durée, qui exige l'engagement de plus en plus global des peuples et des économies ; mondiale, elle l’est en raison du poids que pèse l'Europe dans le monde au début du XXe siècle et qui entraîne automatiquement les autres continents dans le conflit.

Ce conflit signe le glas de l'ordre ancien, la véritable fin du XIXe siècle. Dans bien des domaines, il apporte, brutalement, son lot d'innovations – technologie militaire, place des femmes et des ouvriers dans la société, intervention étendue de l'État, rôle de l'information et de la propagande – et de bouleversements, avec l’irruption de la révolution prolétarienne. Enfin elle est une guerre de patriotes, une guerre de nations, ces nations que le XIXe siècle a consolidées et qui ont investi dans ce conflit leur identité, leur survie et leur honneur.

Des volontaires britanniques de la « Kitchener's Army » attendent leur solde dans le cimetière de Saint-Martin-in-the-Fields, Trafalgar Square à Londres, 1 août 1914. en août 1914.

Des volontaires britanniques de la « Kitchener's Army » attendent leur solde dans le cimetière de Saint-Martin-in-the-Fields, Trafalgar Square à Londres, 1 août 1914. en août 1914.
Photo Inconnu, Imperial War Museums (collection no. 3100-06), 2015

Défilé des volontaires belges dans les rues de Paris, le 9 août 1914.Date 9 août 1914.

Défilé des volontaires belges dans les rues de Paris, le 9 août 1914.Date 9 août 1914.
Photo. Inconnu. Agence Rol. , 2015

Le 7 ou 8 août 1914, les troupes bavaroises quittent sous les hourras et les salutations d’adieu, la gare de Fürth près de Nuremberg.

Le 7 ou 8 août 1914, les troupes bavaroises quittent sous les hourras et les salutations d’adieu, la gare de Fürth près de Nuremberg.
Carte postale. Inconnu, 2015

I La mobilisationRevenir au début du texte

Dès avant le début des combats, fin juillet, La mobilisation des diverses armées est extrêmement rapide, grâce à la densité du réseau ferré européen en ce début de XXe siècle.

Contrairement aux images données par les gouvernements, propagande oblige, si la guerre est généralement acceptée, elle ne déclenche pas du tout l’enthousiasme général, et le soldat ne part pas à la guerre « la fleur au fusil. » Le sentiment dominant dans un premier temps est la stupeur, la surprise, voire l’abattement, principalement en campagne où la diffusion de la presse est beaucoup moins massive et où l’ordre du jour est aux moissons qui battent leur plein.

Affiche officielle française décrétant l’« ordre de mobilisation générale ».

Affiche officielle française décrétant l’« ordre de mobilisation générale ».
Affiche. Inconnu., 2015

Mobilisés parisiens à la gare de l’Est, le 2 août 1914. La passerelle entre la gare et l'hôtel sur la gauche a depuis été détruite, mais les portes d'accès des deux côtés restent visibles

Mobilisés parisiens à la gare de l’Est, le 2 août 1914. La passerelle entre la gare et l'hôtel sur la gauche a depuis été détruite, mais les portes d'accès des deux côtés restent visibles
Photo. Agence Rol — Bibliothèque nationale de France , 2015

























"Même dans les grandes villes comme Paris, cela a été le silence, comme si la foule avait été foudroyée. C’est la consternation. Les femmes pleurent. Les vieux se signent. Les jeunes sont graves. On a pu entendre dans certaines villes des 'Vive la guerre' et 'À bas l’Allemagne', mais c’était extrêmement rare"... "On part aussi en plein mois d’août, la moisson n’est pas rentrée. Tout cela c’est du travail. Les paysans qui ne sont pas mobilisés se dépêchent de rentrer le blé. Il faut embrasser sa femme, ses enfants, ses parents, peut-être pour la dernière fois. On ne fait pas les fanfarons"... "Cette mobilisation dure 15 jours, tout le monde ne se rue pas dans les casernes. Une fois qu’on part, on a bu un petit coup. Les femmes vous embrassent, vous donnent des fleurs. On bombe le torse. On se dit qu’on va les battre et qu’on sera de retour dans quelques semaines, à l’automne au plus tard. C’est une fanfaronnade. Cette image de l’embarquement dans les gares, sous les yeux de la population, est restée, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de peur ou d’angoisse chez ces soldats qui chantent et que la nouvelle de la guerre n’a pas été reçue avec effroi" Jean-Yves Le Naour, "1914, la grande illusion".


La femme d’un soldat mobilisé marche à ses côtés alors que son régiment  part au front. Malgré les drapeaux et sans doute la liesse populaire, on ne lit aucun enthousiasme sur les visages… Paris, 1er août 1914.

La femme d’un soldat mobilisé marche à ses côtés alors que son régiment part au front. Malgré les drapeaux et sans doute la liesse populaire, on ne lit aucun enthousiasme sur les visages… Paris, 1er août 1914.
Photo Inconnu , 2015

Le 1 août 1914, des soldats allemands quittent leur ville de garnison.

Le 1 août 1914, des soldats allemands quittent leur ville de garnison.
Photo. Inconnu , 2015




























« La population, quoique préparée depuis plusieurs jours à la guerre par la presse, apprit la fâcheuse nouvelle avec une sorte de stupeur. J'ai vu quelques femmes pleurer. Les hommes avaient l'air triste, mais décidé. » M. Roux, instituteur à Nyons, cité dans Petit-Dutaillis 1915, p. 22.

Puis, confusément, s’installe l’idée, déterminante, d'une France pacifique tenue de se défendre contre une agression allemande caractérisée. Au fur et à mesure que les hommes se rassemblent, particulièrement dans les gares où se font les départs, l'idée de combattre pour une cause juste s'impose ; l’on part, « non avec l'enthousiasme du conquérant, mais avec la résolution du devoir à accomplir » Jean-Jacques Becker, La Première guerre mondiale, Paris, MA Éditions, coll. « Le Monde de... »,‎ 1985, p. 33. « Les hommes pour la plupart n'étaient pas gais : ils étaient résolus, ce qui vaut mieux » Marc Bloch, « Souvenirs de guerre », Cahier des Annales, Paris, no 26,‎ 1969, p. 10.


La foule acclame le Kaiser Guillaume II au balcon du palais impérial à Berlin, le 1 août 1914.

La foule acclame le Kaiser Guillaume II au balcon du palais impérial à Berlin, le 1 août 1914.
Photo Inconnu. , 2015

Berlin, Unter den Linden : annonce officielle de l’état de guerre imminent l’après-midi du 31 juillet 1914 à 17 heures par l’officier Hermann Rex (décédé en 1937 à Munich), du régiment des Grenadiers de l’Alexander Regiment.

Berlin, Unter den Linden : annonce officielle de l’état de guerre imminent l’après-midi du 31 juillet 1914 à 17 heures par l’officier Hermann Rex (décédé en 1937 à Munich), du régiment des Grenadiers de l’Alexander Regiment.
Carte postale. Inconnu, 2015




















Cet engagement mesuré et résolu s’accompagne dans certains cas, rares il est vrai, de manifestations d'enthousiasme patriotique, défilés, attroupements, chants militaires, mais aussi de manifestations de xénophobie et de nationalisme enthousiaste, le plus souvent limitées aux villes ou aux gares d’embarquement des soldats.

Les craintes du pouvoir quant au possible refus d'obéissance, à l’insoumission et au pacifisme sont rapidement levées : en France comme en Allemagne, la bouffée de patriotisme, l’assassinat de Jaurès aidant plus particulièrement en France, entraînent le ralliement de la gauche et des mouvements syndicaux à l’« Union Sacrée », tant à Paris qu’à Berlin ou à Vienne.

« La France vient d'être l'objet d'une agression brutale et préméditée qui est un insolent défi au droit des gens. Avant qu'une déclaration de guerre nous eut encore été adressée [...] notre territoire a été violé. [...] L'Allemagne a déclaré subitement la guerre à la Russie, elle a envahi le territoire du Luxembourg, elle a outrageusement insulté la noble nation belge, notre voisine et notre amie, et elle a essayé de nous surprendre traîtreusement en pleine conversation diplomatique. [...]

Dans la guerre qui s'engage, la France aura pour elle le droit [...]. Elle sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée et qui sont aujourd'hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l'agresseur et dans une même foi patriotique. Elle est fidèlement secondée par la Russie, son alliée ; elle est soutenue par la loyale amitié de l'Angleterre. Et déjà de tous les points du monde civilisé viennent à elle les sympathies et les vœux. Car elle représente aujourd'hui, une fois de plus, devant l'univers, la liberté, la justice et la raison. Haut les cœurs et vive la France ! » Raymond Poincaré, Message aux chambres, lecture faite par le président du Conseil René Viviani le 4 août 1914.

Wagon allemand couvert d’inscriptions lors de la mobilisation. On y voit notamment « Poincaré, oweh ! oweh ! » (Malheur, malheur !) « Nicolaus bald ist’s aus ! » (Nicolas, c’est bientôt fini) «  Landwehr Ausflug » (excursion de la Landwehr, l’armée de réserve à laquelle appartiennent ces hommes). Un couple est dessiné, dansant sous l’inscription « Tango, Moulin Rouge, Paris ».

Wagon allemand couvert d’inscriptions lors de la mobilisation. On y voit notamment « Poincaré, oweh ! oweh ! » (Malheur, malheur !) « Nicolaus bald ist’s aus ! » (Nicolas, c’est bientôt fini) « Landwehr Ausflug » (excursion de la Landwehr, l’armée de réserve à laquelle appartiennent ces hommes). Un couple est dessiné, dansant sous l’inscription « Tango, Moulin Rouge, Paris ».
Photo. Inconnu. , 2015

En France, mobilisation se déroule en trois périodes :

• la période de couverture, du 2 au 7 août pendant laquelle les réservistes sont appelés sous la protection des troupes de couverture ;

• la période de concentration, du 8 au 13 août qui voit les troupes d'active et de réserve se déplacer vers la frontière ;

• le début des grandes opérations, du 14 au 18 août pendant laquelle les troupes territoriales, les parcs et la logistique sont mis en place.

 Guerre de 1914-1918, « Bataille des Frontières » : positionnement général des armées et premières offensives. 11 – 20 août 1914.

Guerre de 1914-1918, « Bataille des Frontières » : positionnement général des armées et premières offensives. 11 – 20 août 1914.
Carte. Brun Georges, 2015

II La bataille des frontières et l'offensive Schlieffen (7 août - 3 septembre 1914)Revenir au début du texte

1. Introduction

Guerre de 1914-1918 : le plan allemand Schlieffen et le plan français XVII. Les deux plans de guerre reposent sur l'offensive. Ils sont tous les deux voués à l’échec, avec bien plus de conséquences pour les Français que pour les Allemands.

Guerre de 1914-1918 : le plan allemand Schlieffen et le plan français XVII. Les deux plans de guerre reposent sur l'offensive. Ils sont tous les deux voués à l’échec, avec bien plus de conséquences pour les Français que pour les Allemands.
Carte Brun Georges, 2015

La « bataille des Frontières » et l’« Offensive Schlieffen » désignent la premières phase de combats sur le front Ouest en août 1914, juste après la mobilisation, le long des frontières franco-belge et franco-allemande.

La « bataille des Frontières » est la mise en œuvre de l’offensive du plan XVII par le général Joffre en Haute-Alsace (batailles de Mulhouse et de Dornach), dans les Vosges (bataille du Donon, etc.) et sur le plateau lorrain (batailles de Morhange et de Sarrebourg), offensive finalement repoussée par les Allemands.

L’offensive Schlieffen est l’attaque allemande de contournement de l’armée française par la Belgique, le sillon Sambre-et-Meuse (batailles de Charleroi et de Mons), le Luxembourg et les Ardennes, qui oblige les armées française, belge et britannique à une retraite générale jusqu'en Champagne. La première bataille de la Marne marque l’échec final de l’armée allemande.

Cette bataille titanesque oppose 1 690 000 combattants Allemands à 1 046 000 Français, 117 000 Belges et 70 000 Britanniques.

2. L’offensive Joffre du plan XVII : 8 août – 13 septembre 1914

Les intentions françaises sont de passer le plus vite à l'offensive pour éviter l'invasion, pour ne pas perdre l'initiative et pour tenir les engagements français vis-à-vis des Russes.

Dès la veille de la déclaration de guerre, une première escarmouche fait les deux premières victimes du front ouest à Joncherey, dans le territoire de Belfort : le caporal français Jules Peugeot et le lieutenant allemand Josef Mayer.

a) La première offensive sur Mulhouse : 8-11 août 1914

La première offensive française s’effectue dans le Haut-Rhin : il s’agit pour Joffre avant tout d’un acte symbolique et moral, alors que von Moltke accorde très peu d’importance à ce secteur : l’Alsace du sud est une sorte de cul-de-sac dont les débouchés sont puissamment défendus par les ensembles fortifiés du Rhin : Huningue, Isten, Neuenburg, Breisach, Strasbourg et Mutzig.

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : l’offensive du général Bonneau en Alsace du sud, 7 – 13 août 1914.

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : l’offensive du général Bonneau en Alsace du sud, 7 – 13 août 1914.
Carte Brun Georges, 2015

« Il n'est pas exclu que l'ennemi pénètre en Alsace à partir de Belfort et à travers les Vosges. Cela n'est pas défavorable pour l'opération générale aussi longtemps qu'il ne franchit pas la ligne et la position fortifiée Bruche – Feste Kaiser Wilhelm ». Von Heeringen, commandant de la VIIè armée allemande.

Le 4 août, le général Bonneau, chef du 7è corps (14è, 41è et 57è D.I. et 7è brigade d’infanterie), reçoit l'ordre d'occuper le Ballon d'Alsace, puis le 5 l'ordre de s'avancer à partir du 7 jusqu'à la ligne Thann – Altkirch. Bien que Bonneau craint d'être attaqué depuis Bâle, Thann, puis Masevaux et Altkirch sont occupés le 7 sans grande résistance, et le 8 au matin, le corps français marche sur Mulhouse avec objectif d’atteindre le Rhin puis de remonter sur Colmar.

« Enfants de l'Alsace ! Après 44 années d'une douloureuse attente, les soldats français foulent à nouveau le sol de votre noble pays. Ils sont les premiers ouvriers de la grande œuvre de la Revanche ! Pour eux quelle émotion et quelle fierté ! Pour parfaire cette œuvre, ils ont fait le sacrifice de leur vie ; la nation française unanime les pousse et, dans les plis de leurs drapeaux sont inscrits les noms magiques du Droit et de la Liberté ! Vive l'Alsace ! Vive la France ! » (Général Joffre).

La gare de Thann après les premiers combats d’août 1914. La ville sera détruite, mais restera française durant toute la guerre, devenant même « capitale » de l’Alsace libérée…

La gare de Thann après les premiers combats d’août 1914. La ville sera détruite, mais restera française durant toute la guerre, devenant même « capitale » de l’Alsace libérée…
Détail d’une carte postale éditée par A.R. n°445 La Grande Guerre 1914-1915. Inconnu., 2015

Quelque peu surpris, le général von Heeringen concentre une division du 15è corps venu de Strasbourg entre Ensisheim et Cernay et deux divisions du 14è corps dans la Hardt à l’est de Mulhouse : le 9, il lance la contre-attaque sur Cernay, Illzach et Riedisheim et oblige le corps d'armée français à se retirer le 10 et à revenir sur ses bases de départ. L’affaire est achevée le 11.

Joffre relève immédiatement Bonneau, trop timoré à ses yeux, de ses fonctions et forme le 11 une « armée d’Alsace » à partir du 7è corps auquel il ajoute la 8è D.C. et la 57è D.I., prélevées sur la 1ère armée Dubail, la 44è D.I. (venue de Lyon les 17 et 18), le 1er groupe de divisions de réserve (58è, 63è et 66è D.R.) et cinq bataillons de chasseurs alpins. Il en confie le commandement au généra Paul Pau.

« Il est utile que l'attention de l'ennemi continue à être attirée vers la Haute-Alsace, et que les forces qu'il a pu diriger dans cette région y soient maintenues. [...] Dans le même ordre d'idées, faites répandre le bruit de l'arrivée des troupes d'Afrique à Belfort » (Joffre à Pau).

b) La seconde offensive en Alsace : 13-28 août 1914

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : l’offensive du général Pau en Haute-Alsace, 14 – 22 août 1914.

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : l’offensive du général Pau en Haute-Alsace, 14 – 22 août 1914.
, 2015

La bataille d’Altkirch du 7 août 1914, vue du côté français… et du côté allemand.

La bataille d’Altkirch du 7 août 1914, vue du côté français… et du côté allemand.
Image. Montage G. Brun à partir d’illustrations de l’époque versées dans le Domaine Public., 2015























Simultanément avec l’offensive Joffre en Lorraine, l’armée d’Alsace, soit 15 brigades, se porte lentement à partir du 13 vers la plaine d’Alsace, défendue uniquement par trois brigades de la Landwehr placées sous le commandement du généra Gaede, les 14è et 15è corps allemands de von Heeringen étant appelés en Lorraine. Le 19, le 7è corps français, venu de Belfort, reprend Mulhouse après un combat à Dornach alors que la 66è D.I. investit Altkirch le 20.


L’usine de Bourtzwiller en ruines (probablement Manurhin), après la bataille de Mulhouse-Dornach (7-10 août 1914).

L’usine de Bourtzwiller en ruines (probablement Manurhin), après la bataille de Mulhouse-Dornach (7-10 août 1914).
Photo tirée d’une carte postale. Inconnu. , 2015

Quelque part dans le sud de l’Alsace, une charge à la baïonnette de l’infanterie française.

Quelque part dans le sud de l’Alsace, une charge à la baïonnette de l’infanterie française.
Photo. Inconnu., 2015

















Dans le même temps, les bataillons de Chasseurs Alpins descendent des cols des Hautes Vosges : depuis le ballon d’Alsace, le 21è B.C.A. s’empare de la vallée de la Doller et arrive devant Wittelsheim le 18 ; les 12è et 22è B.C.A. prennent Thann le 14 puis remontent par le vignoble vers Colmar, entrent dans Ingersheim le 22 ; enfin, depuis le col de la Schlucht et la vallée de Munster, le 30è B.C.A. arrive sur Colmar le 22, alors que le 13è B.C.A. occupe Orbey et Labaroche le 19. La Landwehr se met en position défensive et couvre la tête de pont de Neuf-Brisach, attendant une nouvelle offensive française.


Elle ne viendra pas : l’offensive Joffre en Lorraine vient d’être stoppée net à Dieuze-Morhange et Sarrebourg et les Ière et IIè armées se replient. Le flanc gauche de l’armée d’Alsace est menacé. Le 22, Pau ordonne l’arrêt de l’offensive puis le repli : le 25, le 7è corps fait retraite sur Belfort, dynamitant au passage le viaduc de Dannemarie, alors que les Chasseurs Alpins ont ordre de se retirer sur la ligne des Crêtes qu’ils ont mission de tenir : les Français ne conservent que la haute vallée de Munster, la vallée de la Thur depuis Thann, la vallée de la Doller et une grande partie de la vallée de la Largue dans le Sundgau. Malgré de violents combats pour la possession des Crêtes, particulièrement en 1915, la ligne de front va rester stable jusqu’en 1918.

c) L’offensive Joffre en Lorraine : 14-19 août 1914

Guerre de 1914-1918, « Bataille des Frontières » : les premières offensives françaises en Alsace, la retraite et la bataille des Ardennes, prélude à la « Grande Retraite ». Cette période, s’étendant du 3 au 26 août 1914, sera la plus meurtrière pour l’armée française et son chef, Joffre, dont les erreurs seront désastreuses.

Guerre de 1914-1918, « Bataille des Frontières » : les premières offensives françaises en Alsace, la retraite et la bataille des Ardennes, prélude à la « Grande Retraite ». Cette période, s’étendant du 3 au 26 août 1914, sera la plus meurtrière pour l’armée française et son chef, Joffre, dont les erreurs seront désastreuses.
Carte Brun Georges, 2015

L’effort principal de l’offensive Joffre se porte sur la Lorraine allemande (Actuel département de la Moselle) et la « Moselstellung » : axe Metz - Thionville à l'ouest, pays des étangs (Château-Salins – Blamont) au centre et massif vosgien (Saint-Dié – Sarrebourg), en empruntant deux couloirs d’attaque : le couloir Dieuze - Morhange entre Metz et les étangs, et le couloir de Sarrebourg entre les étangs et les Vosges. Cette offensive, avec celle de Haute Alsace, doit être une diversion victorieuse avant la grande offensive du plan XVII, devant, par les Ardennes, porter l’armée française sur le Rhin à travers le Luxembourg.

L’offensive mobilise les 600 000 hommes de la 1ère armée du général Dubail entre Fraize et Avricourt, et de la 2è armée du général de Castelnau entre Avricourt et Pont-à-Mousson. Dubail a pour mission d’attaquer Sarrebourg puis Sarreguemines ainsi que le Donon et la vallée de la Bruche avec son aile droite, et De Castelnau Château-Salins puis Sarrebrück.

En face, von Moltke positionne la VIè armée allemande du Kronprinz Rupprecht de Bavière (5 corps d'armée, 3 divisions de cavalerie et 1 brigade de la Landwehr) : son objectif : fixer les deux armées françaises et les tromper sur les véritables intentions allemandes, celles de la grande offensive Schlieffen qui démarre le 17 août par l’avancée des Iè, IIè et IIIè armées en Belgique.

Après quelques combats préliminaires (Col du Bonhomme le 8, Cirey le 10, col de Sainte-Marie du 9 au 12, Lagarde le 11, Badonviller le 12), 5 corps d'armée français attaquent en direction de Morhange (2è armée, 20è, 15è et 16è corps) et vers Sarrebourg (1è armée, 8è et 13è corps) le 14 août, alors que le 21è corps enlève le Donon, Schirmeck et Sainte-Marie-aux-Mines (16 août) : l’offensive se poursuit les 17 et 18 août, mais dans le vide, car les Allemands se dérobent. Castelnau, entré dans Sarrebourg, ordonne le 18 d’enlever Faulquemont, Pontpierre et Saint-Avold.

« Nous avons plus ou moins, plutôt plus que moins, perdu le contact devant Sarrebourg [...] Mais il est évident, n'est-ce-pas, que nous ne pouvons pas nous lancer tout de go [...] dans le couloir de Sarre-Union. Ceci, [...] parce que l'ennemi, évidemment, manœuvre plutôt qu'il ne fuit – parce que nous pourrions donner dans un panneau dangereux [...]. Mon sentiment sur la situation est que la contre-attaque sur la région de Saverne est très probable, le Ier bavarois cherchant à nous attirer vers le nord. » Lettre de Demange (chef d'E.M. de la 1ère armée) à Berthelot (chef d'EM du GQG).

d) Batailles de Morhange et de Sarrebourg : 20 – 27 août 1914

Français : Bataille  Morhange, 20 août 1914.   La revue

Français : Bataille Morhange, 20 août 1914. La revue "publication mensuelle illustrée guerre 14/19" N°1
Illustration. Inconnu, 2015

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : offensive de la seconde armée française et bataille de Dieuze - Morhange, 17 – 20 août 1914. L’enthousiasme français des premiers jours de l’offensive est rapidement retombé : bousculés, les Allemands se reprennent très vite et amorcent une contre-attaque générale dont l’objectif final est d’avancer par la trouée de Charmes et d’encercler l’armée française et rejoignant l’armée von Kluck dans le cadre du plan Schlieffen.

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : offensive de la seconde armée française et bataille de Dieuze - Morhange, 17 – 20 août 1914. L’enthousiasme français des premiers jours de l’offensive est rapidement retombé : bousculés, les Allemands se reprennent très vite et amorcent une contre-attaque générale dont l’objectif final est d’avancer par la trouée de Charmes et d’encercler l’armée française et rejoignant l’armée von Kluck dans le cadre du plan Schlieffen.
Carte Brun Georges, 2015

















Rupprecht de Bavière a décidé que ses troupes affronteront les Français le 20 août, forçant la main à Moltke qui souhaitait encore attendre. Le 20, dès 4 h du matin, sur le canal des Salines et sur la Sarre, l'artillerie allemande se déchaîne et quatre corps d'armée bavarois (1er, 2é, 3é et 21é) contre-attaquent dans le secteur de Dieuze-Morhange, obligeant Castelnau à un premier repli général à 10h, puis un second vers Lunéville, Dombasle et Saint-Nicolas-du-Port. Au soir du 21, toute la IIè armée française a reflué dans la vallée de la Meurthe.


Équipement français abandonné sur le champ de bataille près de Dieuze en août 1914. Au fond, fosse commune de Vergaville.

Équipement français abandonné sur le champ de bataille près de Dieuze en août 1914. Au fond, fosse commune de Vergaville.
Photo Kaiserliche Armee — Collections de cartes postales, 2015

Badonviller, 12 août 1914 : Dépouille d'un chasseur du 20ème BCP photographié près d'une position défensive située le long de la route allant de Badonviller à Bréménil. Le 20ème BCP perdit près de 25% de son effectif lors des combats des 10, 11 et 12 août.

Badonviller, 12 août 1914 : Dépouille d'un chasseur du 20ème BCP photographié près d'une position défensive située le long de la route allant de Badonviller à Bréménil. Le 20ème BCP perdit près de 25% de son effectif lors des combats des 10, 11 et 12 août.
Photo. Inconnu., 2015

















A l'est, la Iè armée n'arrive pas à franchir la Sarre le matin du 20. À 11 h, trois corps d'armée allemands (1er bavarois, 14é et 15é) contre-attaquent sur Sarrebourg, forçant la Iè armée à reculer d'une quinzaine de kilomètres, avant que Dubail n’ordonne le repli sur Blamont. Même repli dans la vallée de la Bruche, les Français parvenant à se maintenir sur leurs positions à l’est du Donon.


Le 22 août, les Allemands passent la Vezouze, entrent dans Lunéville et commencent le siège du fort de Manonviller (qui se rendra le 27), franchissent la Meurthe et atteignent la Mortagne. Le 23, la 2è armée française parvient à se rétablir sur le Grand Couronné et à Crévic, et la Iè armée sur une ligne allant d’Essey-la-Côte à Baccarat.

e) Stabilisation du front : 24 août – 13 septembre 1914

Le 24 août, la 6é armée allemande relance l'offensive vers la trouée de Charmes, ce qui lui permettrait, en lien avec le plan Schlieffen, de prendre l’armée française à revers par Toul et Verdun. Les Français réagissent en attaquant sur les deux flancs de la trouée, au nord et au sud : après cinq jours de combats, ils parviennent à bloquer l’offensive allemande (bataille de la trouée de Charmes) et à reprendre toute la rive gauche de la Mortagne.

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : bataille de la trouée de Charmes, 24 – 29 août 1914. Le 24 août, la 6é armée allemande relance l'offensive vers la trouée de Charmes, ce qui permettrait, en lien avec le plan Schlieffen, de prendre l’armée française à revers par Toul et Verdun. Les Français réagissent en attaquant sur les deux flancs, au nord et au sud : après cinq jours de combats, ils parviennent à bloquer l’offensive allemande (bataille de la trouée de Charmes) et à reprendre toute la rive gauche de la Mortagne.

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : bataille de la trouée de Charmes, 24 – 29 août 1914. Le 24 août, la 6é armée allemande relance l'offensive vers la trouée de Charmes, ce qui permettrait, en lien avec le plan Schlieffen, de prendre l’armée française à revers par Toul et Verdun. Les Français réagissent en attaquant sur les deux flancs, au nord et au sud : après cinq jours de combats, ils parviennent à bloquer l’offensive allemande (bataille de la trouée de Charmes) et à reprendre toute la rive gauche de la Mortagne.
Carte Brun Georges, 2015

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : bataille des Vosges Centrales ou de la Haute-Meurthe, entre la mi-août et la mi-septembre 1914. En même temps que la bataille de la trouée de Charmes se déroule la bataille de la Haute-Meurthe contre la 1ère armée Dubail : les Allemands s’emparent de Saint-Dié le 27 août, mais ne parviennent pas à déborder l’armée française qui s’accroche à Badonviller, la Chipotte, Senones, Ban-de-Sapt, la Croix-aux-Mines.

Guerre de 1914 – 1918, front Alsace-Vosges : bataille des Vosges Centrales ou de la Haute-Meurthe, entre la mi-août et la mi-septembre 1914. En même temps que la bataille de la trouée de Charmes se déroule la bataille de la Haute-Meurthe contre la 1ère armée Dubail : les Allemands s’emparent de Saint-Dié le 27 août, mais ne parviennent pas à déborder l’armée française qui s’accroche à Badonviller, la Chipotte, Senones, Ban-de-Sapt, la Croix-aux-Mines.
Carte Brun Georges, 2015



































En même temps les Allemands livrent la bataille de la Haute-Meurthe contre la Iè armée Dubail : ils s’emparent de Saint-Dié le 27 août, mais ne parviennent pas à déborder l’armée française qui s’accroche à Badonviller, au col de la Chipotte, à Senones, Ban-de-Sapt, la Croix-aux-Mines.


Dans le secteur de Nancy, après une semaine de répit, les Allemands reprennent l’offensive le 4 septembre contre le IIè armée, tentant une nouvelle percée au Grand-Couronné en direction de Nancy. La bataille, qui dure 9 jours, est particulièrement terrible, faisant des milliers de victimes de part et d’autre. Les Allemands finissent par céder et abandonnent la rive gauche de la Seille aux Français. Le front se stabilise à partir du 13 septembre, jusqu’en 1918.

La bataille du Donon. Carte postale d’époque et diverses stèles créées par les Allemands au cours de la guerre pour leurs morts ainsi que pour les morts français. Ces stèles se trouvent sur le sommet du Petit Donon.

La bataille du Donon. Carte postale d’époque et diverses stèles créées par les Allemands au cours de la guerre pour leurs morts ainsi que pour les morts français. Ces stèles se trouvent sur le sommet du Petit Donon.
Carte postale. Montage Georges Brun à parte d’une carte postale d’époque et de photographies de stèles d’époques gravées au sommet du Petit Donon. , 2015

Bataille du col du Haut-Jacques, Saint-Michel-sur-Meurthe dans les Vosges. Cette bataille, qui se déroule du 27 août au 9 septembre, fait partie de la bataille de la Mortagne

Bataille du col du Haut-Jacques, Saint-Michel-sur-Meurthe dans les Vosges. Cette bataille, qui se déroule du 27 août au 9 septembre, fait partie de la bataille de la Mortagne
Photo. Inconnu., 2015

3. L’offensive Schlieffen

Épisodes belges de l’offensive Schlieffen.

Épisodes belges de l’offensive Schlieffen.
Carte Georges BRUN., 2015

Pour Moltke, l’invasion de la Belgique est la clef de la victoire allemande. Le pays doit être traversé de façon à déborder les armées françaises du nord-est par un mouvement en coup de faux les coupant de leurs arrières. Pour donner à cette manœuvre la plus grande ampleur, il masse cinq armées le long de la frontière luxembourgeoise et belge, soit 29 corps d'armée, dont 18 (Ire, IIè et IIIè armées) doivent passer la Meuse entre Liège et Dinant, alors que les 11 restant (IVè et Vè armée) doivent protéger le flanc en Ardennes, de Givet à Thionville.

Dès le 2 août, la IVè armée envahit le Luxembourg, le 3 c’est au tour de la Belgique qui autorise l’armée française à pénétrer sur son sol. Mais l'état-major français, obnubilé par le plan XVII, considère l'invasion de la Belgique comme peu probable, surtout pas au nord d’un axe Sambre-Meuse, car les Allemands n’auraient pas assez de troupes… Terrible erreur. Joffre concentre donc l’aile gauche française (Vè, IVè et IIIè armées) entre Mézières et Verdun, dans le but d’attaquer dans l'Ardenne belge.

« Pour envahir la Belgique, nos adversaires ne disposeront tout au plus que de dix corps d'armée [...] Eh bien général, voici un double décimètre, veuillez mesurez la distance qui sépare Malmédy de Lille et calculer le développement dangereux pour leurs troupes d'un mouvement aussi excentrique par rapport à leur ligne d'invasion. Ce serait une grave imprudence de leur part ! Mais ils ne commettront pas cette faute et nous n'aurons pas cette chance là ! » (Castelnau au général Lebas. Fernand Engerand et al., Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur le rôle et la situation de la métallurgie en France, Paris, Chambre des députés,‎ 1919, p. 182.)

a) Prise de Liège et invasion du cœur de la Belgique

Une section belge de mitrailleurs prend position dans un champ en attendant l’offensive allemande.

Une section belge de mitrailleurs prend position dans un champ en attendant l’offensive allemande.
Photo. Inconnu., 2015

Le premier objectif des Allemands, dès le 4 août, est la ville fortifiée de Liège, défendue par une ceinture de 12 forts et dont les ponts sont essentiels. Cette mission est confiée à six brigades d'infanterie, commandées par le général von Emmich. Dans la nuit du 5 au 6, le général Ludendorff réussit à franchir les lignes belges et s'installe dans le fort de la Chartreuse. Le gros des forces belges évacue la ville, laissant presque tous les ponts intacts. Les forts ne se rendent pas et subissent un terrible bombardement d’obusiers de 420 de type « Grosse Bertha » entre le 5 et le 16 août, date de reddition des deux derniers forts.

Le gros de l’armée belge est positionné pour défendre Bruxelles entre Namur et Louvain. Joffre donne ordre au corps de Cavalerie Sordet (3 divisions) de se porter vers Liège avant de les rappeler le 8, car il prépare son attaque dans l’Ardenne belge. Le 15 août, ayant terminé leur concentration, les unités allemandes atteignent et traversent la Meuse au nord (Armée von Klück) et au sud (Armée von Bülow) de Liège.

Les troupes allemandes devant le palais des Évêques après la prise de Liège. Août 1914

Les troupes allemandes devant le palais des Évêques après la prise de Liège. Août 1914
Photo. Inconnu – Liège, Bibliothèque Ulysse , 2015

Le 7 août 1914, les artilleurs allemands mettent en position un obusier de 420mm de type « Grosse Berta » en vue de bombarder Liège après avoir construit le jour d’avant une plateforme en béton.

Le 7 août 1914, les artilleurs allemands mettent en position un obusier de 420mm de type « Grosse Berta » en vue de bombarder Liège après avoir construit le jour d’avant une plateforme en béton.
Carte postale. Inconnu, 2015

b) Réactions du GQG français

Le 18, le roi Albert Ier ordonne le repli de l'armée belge à l'abri de la position fortifiée d'Anvers, aussitôt cernée par les forces allemandes. Bruxelles tombe le 20 et les Allemands s’établissent sur une ligne Genappe – Gembloux – Namur – Marche. Plus au sud, l’armée allemande est signalée dans les secteurs de Neufchâteau, Dinant, Givet. Joffre se contente de renforcer la Vé armée de deux divisions, ne mesurant pas l’ampleur de l’offensive allemande, et malgré les avertissements répétés du général Lanrezac, chef de la Vè armée, beaucoup plus lucide que son chef.

Les troupes allemandes entrent dans Bruxelles le 20 août 1914. Photo scannée de l’ouvrage « Due secoli di guerre », vol. VII, (I.Montanelli-M.Cervi), De Agostini 1981.

Les troupes allemandes entrent dans Bruxelles le 20 août 1914. Photo scannée de l’ouvrage « Due secoli di guerre », vol. VII, (I.Montanelli-M.Cervi), De Agostini 1981.
Photo Inconnu. , 2015

La bataille des « Casques d'argent » ou combats de Haelen est un affrontement de cavalerie entre les troupes belges et allemandes le 12 août 1914, sur le territoire de la commune belge de Halen, dans la Province de Limbourg. Au début de l'invasion de la Belgique, après la prise des forts entourant Liège, l'état-major de l'armée belge choisit la rivière Gette comme position de défense naturelle pour arrêter l'avancée allemande vers le nord et Anvers. C'est là qu'ont eu lieu les premières charges de cavalerie de la Grande Guerre.

La bataille des « Casques d'argent » ou combats de Haelen est un affrontement de cavalerie entre les troupes belges et allemandes le 12 août 1914, sur le territoire de la commune belge de Halen, dans la Province de Limbourg. Au début de l'invasion de la Belgique, après la prise des forts entourant Liège, l'état-major de l'armée belge choisit la rivière Gette comme position de défense naturelle pour arrêter l'avancée allemande vers le nord et Anvers. C'est là qu'ont eu lieu les premières charges de cavalerie de la Grande Guerre.
. , 2015














«Ces renseignements parvenus à ma connaissance postérieurement à notre entretien me paraissent préciser la menace d'un mouvement enveloppant exécuté avec des forces très considérables par les deux rives de la Meuse. Nous sommes tombés d'accord sur le peu de fonds qu'il y avait à faire sur la coopération belge. Il n'y aurait pas plus à compter sur la coopération anglaise [...]. Je ne serais pas en repos avec ma conscience si je ne vous répétais encore, devant la précision de vos derniers renseignements, que le transport éventuel de la Ve armée vers la région de Givet, Maubeuge (en laissant un corps et deux divisions de réserve sur la Meuse, en liaison avec la IVe armée) me paraît devoir être étudié et préparé dès maintenant. Cela dit, je suis prêt à exécuter vos ordre quels qu'ils soient. » Lettre du général Lanrezac à M. le général Joffre commandant en chef, le 14 août 1914 à 14 h, cité dans Naërt et al. 1922, volume 1, tome 1, annexe no 283, p. 290.


Le 17, Joffre décide de transférer deux corps d’armée prélevés sur l’armée de Lorraine de Castelnau dans le secteur de Sedan, ainsi que trois divisions territoriales (Groupement d’Amade, 81è, 82è et 88è divisions) entre Dunkerque et Maubeuge, alors que le corps expéditionnaire britannique (BEF) du Field marshal French, débarqué entre le 9 et le 17 au Havre, à Rouen et à Boulogne, se positionne progressivement entre Maubeuge et le Cateau. Joffre sous-estime toujours la marche enveloppante des armées von Klück et von Bülow, persuadé que l’effort principal allemand se fait dans l’Ardenne, entre Givet et Longwy.


« L’ennemi semble porter son principal effort par son aile droite au nord de Givet. Un autre groupement de forces parait marcher sur le front Sedan, Montmédy, Damvillers » Instruction particulière no 10 aux commandants des IVe et Ve armées et du corps de cavalerie, le 15 août à 20 h, cité dans Naërt et al. 1922, volume 1, tome 1, annexe no 307, p. 307.

L’intention de Joffre est de bloquer l’avancée de l’aile droite allemande par la BEF et la Vè armée de Lanrezac entre Maubeuge et Namur, puis de lancer à partir du 21 les IVè et IIIè armées dans les Ardennes entre Sedan, Montmédy et Longwy, afin d’encercler les Allemands en Belgique. Joffre est persuadé d’avoir en face des 31 divisions qu’il aligne (485 000 hommes) 24 divisions allemandes (372 000 hommes). En réalité, elles sont 48 (744 000 hommes), sans compter les 66 000 assiégeant Anvers (28 septembre – 10 octobre) et les 107 000 assiégeant Namur (20-24 août).



L’infanterie allemande dans le nord-est de la France, le 7 août 1914.

L’infanterie allemande dans le nord-est de la France, le 7 août 1914.
Photo. Inconnu, 2015

L’infanterie française charge, baïonnette au canon. Photo sans doute antérieure à la guerre, réalisée lors de manœuvres.

L’infanterie française charge, baïonnette au canon. Photo sans doute antérieure à la guerre, réalisée lors de manœuvres.
Photo. Inconnu, 2015

c) Batailles de Charleroi et de Mons : 21 – 23 août 1914

Le 21 août, alors que les Britanniques terminent leur concentration autour de Maubeuge, la Vè armée française est seule en pointe entre Sambre et Meuse. Elle est engagée par la IIè armée allemande de von Bülow qui l’a devancée sur les rives de la Sambre. Au soir d’une féroce journée de combats de rue, les Français sont chassés de la vallée vers le plateau. Le 22, une contre-attaque française est repoussée dans l’après-midi. Le 23, alors que La IIIè armée allemande de Von Hausen entre dans Dinant et menace Lanrezac sur son flanc droit, la 4è division belge évacue Namur, suivie d'une partie de la population de la ville. Débordé et menacé d’encerclement et de destruction, Lanrezac décide, contre l’ordre formel de Joffre, de battre en retraite. Il sauve ainsi la Vè armée française, mais le paiera au prix fort.

Le même jour, la BEF arrive sur Mons où elle est attaquée par l’armée de von Klück. Rapidement dominé, menacé sur son flanc gauche par le 2è corps allemand et sur son flanc droit par la retraite de la Vè armée française, French ordonne de battre en retraite.

Lors de la bataille de Mons-Charleroi, troupes au repos le 22 août 1914. Il s’agit de la compagnie « A » du 4è Bataillon des Royal Fusiliers (9è Brigade, 3è Division) sur le point de se porter en position à Nimy sur la rive du canal de Mons-Condé.

Lors de la bataille de Mons-Charleroi, troupes au repos le 22 août 1914. Il s’agit de la compagnie « A » du 4è Bataillon des Royal Fusiliers (9è Brigade, 3è Division) sur le point de se porter en position à Nimy sur la rive du canal de Mons-Condé.
Photo. Inconnu. , 2015

un épisode de la bataille de Charleroi d’après une carte postale de l’éditeur Tolmer et Cie de Paris, vers 1918. Cet épisode décrit, d’après la carte postale, la mort du prince Aldebert, oncle de l'empereur Guillaume II. Il s’agit d’une erreur, la victime étant en fait le prince Frédéric de Saxe-Meiningen (1861-1914), lieutenant général de l'armée impériale et commandant de la 39e brigade d'infanterie basée à Hanovre.

un épisode de la bataille de Charleroi d’après une carte postale de l’éditeur Tolmer et Cie de Paris, vers 1918. Cet épisode décrit, d’après la carte postale, la mort du prince Aldebert, oncle de l'empereur Guillaume II. Il s’agit d’une erreur, la victime étant en fait le prince Frédéric de Saxe-Meiningen (1861-1914), lieutenant général de l'armée impériale et commandant de la 39e brigade d'infanterie basée à Hanovre.
Affiche. Alsatica BNUS. , 2015

d) Préparation d'une contre-offensive française

Guerre de 1914-1918, « Bataille des Frontières » : l’offensive Schlieffen en Belgique et les batailles de Sambre – Ardennes jusqu’au 26 août. Surpris par l’ampleur de l’offensive Schlieffen, Joffre engage une contre attaque entre Sedan et Etain, dans les Ardennes. Mais il sous-estime totalement les forces ennemies, et, au lieu des 9 divisions prévues, en trouve 22, bien armées et préparées : la contre-attaque va tourner à la tragédie.

Guerre de 1914-1918, « Bataille des Frontières » : l’offensive Schlieffen en Belgique et les batailles de Sambre – Ardennes jusqu’au 26 août. Surpris par l’ampleur de l’offensive Schlieffen, Joffre engage une contre attaque entre Sedan et Etain, dans les Ardennes. Mais il sous-estime totalement les forces ennemies, et, au lieu des 9 divisions prévues, en trouve 22, bien armées et préparées : la contre-attaque va tourner à la tragédie.
Carte Brun Georges, 2015

La frontière ardennaise entre Sedan et Étain demeure calme jusqu'au 21 août, le temps que Joffre concentre les troupes des IVè (Langle de Cary) et IIIè (Ruffey) armées françaises le long de la Meuse et de la Chiers, soit 19 divisions d'infanterie et 3 divisions de cavalerie. Langle demande à attaquer dès le 16, puis les jours suivants pour contrer les mouvements de la IVè armée allemande. Joffre refuse, afin de « ne pas dévoiler notre manœuvre avant le moment où elle sera déclenchée... Je comprends votre impatience, mais j'estime qu'il n'est pas encore temps de partir. Plus la région Arlon, Audun-le-Roman, Luxembourg sera dégarnie, mieux cela vaudra pour nous » . Message téléphoné du GQG à la IVe armée, le 20 août 1914 à 15 h, cité dans Naërt et al. 1922, vol. 1, tome 1, annexe no 589, p. 530.


Le 20 au soir, Joffre donne l'ordre aux armées de se mettre en marche à l'aube : Langle en direction de Neufchâteau et Ruffey vers Arlon. Le 21 au soir, arrivent les ordres suivants : « La IVe armée continuera son mouvement vers le nord dans la zone qui lui a été assignée, et attaquera toute troupe ennemie qui se rencontrera dans cette zone. Le but à poursuivre est d'acculer à la Meuse entre Dinant, Namur et l'Ourthe, toutes les forces ennemies qui se trouveraient dans cette région » Ordre particulier no 17 aux généraux commandant les IIIe et IVe armées, le 21 août 1914 à 21 h 30, cité dans Naërt et al. 1922, volume 1, tome 1, annexe no 706, p. 604.


Mais côté allemand, ce ne sont pas 3 corps d’armée que Joffre pense avoir devant lui, mais 11, soit les 22 divisions des IVè (duc de Wurtemberg) et Vè (Kronprinz de Prusse) armées qui commencent leur marche vers le sud-ouest dès le 18. Le 21, l’armée du Kronprinz bombarde Longwy.

e) Bataille des Ardennes.

Le 22 se déroule une série d’affrontements entre la IIIè armée française et la Vè allemande (Mercy-le-Haut, Ville-au-Montois, Doncourt, Cutry, Romain, Baranzy, Ethe et Virton) et entre les deux IVe armées (Bellefontaine, Rossignol, où tombe le poète Ernest Psichari, Neufchâteau, Tintigny, Nevraumont, Bertrix, Anloy et Maissin). Les Français, encore en formation de marche, ne pensent pas rencontrer l’ennemi avant deux jours : ils sont totalement surpris par l’armée allemande, parfaitement déployée pour le combat. A chaque engagement, ils essuient de terribles revers : à Rossignol, sur les 16 000 hommes de la 3è Division d’Infanterie Coloniale engagés, 7 000 sont tués, 4 900 blessés ou faits prisonniers !

Une section de mitrailleurs allemands en position de tir, août 1914. Il s’agit de soldats du 1er  régiment d’infanterie du Hanovre.

Une section de mitrailleurs allemands en position de tir, août 1914. Il s’agit de soldats du 1er régiment d’infanterie du Hanovre.
Photo tirée d’une carte postale. Inconnu. , 2015

La bataille de Neufchâteau, 21-22 août 1914. Charge du 1er régiment des Dragons du Wurtemberg d’après une carte postale. Les affrontement des 21 et 22 août dans la région de Neufchâteau sont un véritable désastre pour l’armée française qui, à cause de l’impréparation et des erreurs du haut commandement de l’Etat-major, se solde par la perte de 27 000 soldats tués.

La bataille de Neufchâteau, 21-22 août 1914. Charge du 1er régiment des Dragons du Wurtemberg d’après une carte postale. Les affrontement des 21 et 22 août dans la région de Neufchâteau sont un véritable désastre pour l’armée française qui, à cause de l’impréparation et des erreurs du haut commandement de l’Etat-major, se solde par la perte de 27 000 soldats tués.
Carte postale. Inconnu., 2015


















Pour la seule journée du 22 août en Ardenne, le bilan des pertes franco-allemandes est de 81 000 hommes, dont 52 000 Français et 29 000 Allemands ; il y a 26 000 tués, dont 17 000 Français, qui perdent une centaine de canons.

« Soudain, des sifflements stridents qui se terminent en ricanements rageurs nous précipitent face contre terre, épouvantés. La rafale vient d’éclater au dessus de nous […] Les hommes, à genoux, recroquevillés, le sac sur la tête, tendant le dos, se soudent les uns aux autres… La tête sous le sac, je jette un coup d’œil sur mes voisins : haletants, secoués de tremblements nerveux, la bouche contractée par un affreux rictus, tous claquent des dents ; leurs visages bouleversés par la terreur rappellent les grotesques gargouilles de Notre-Dame. Dans cette bizarre posture de prosternation, les bras croisés sur la poitrine, la tête basse, ils ont l'air de suppliciés qui offrent leur nuque au bourreau... Cette attente de la mort est terrible. Combien de temps ce supplice va-t-il durer ? Pourquoi ne nous déplaçons-nous pas ? Allons-nous rester là, immobiles, pour nous faire hacher sans utilité ? » Jean Galtier-Boissière, caporal français au 31e RI (10e DI du 5e CA) racontant son baptême du feu près de Longwy le 22 août. Jean Galtier-Boissière, En rase campagne, 1914. Un hiver à Souchez, 1915-1916, Paris, Berger-Levrault,‎ 1917, 296 p., p. 41-46.

Le 23 au matin, Joffre envisage de relancer la IVè armée à l'offensive et regroupe ses forces. Le 24, la IVè armée se replie derrière la Meuse et la Chiers « l'ensemble des renseignements recueillis ne montre devant votre front que trois corps et demi environ. Par suite, il faut reprendre l'offensive le plus tôt possible » Communication téléphonique du général en chef à commandant armée Stenay, le 23 août 1914 à 8 h 30, cité dans Naërt et al. 1922, volume 1, tome 1, annexe no 1048, p. 843.

Le 25 août, autour de Sedan l'artillerie française parvient à contenir les assauts de la IVè armée allemande et plus à l'est, la Vè armée allemande, engagée à Étain, est forcée à reculer. Le 26 août, Longwy se rend, les troupes allemandes passent la Meuse à Donchéry et Iges puis occupent Sedan ; les troupes françaises se regroupent sur le plateau forestier de la Marfée et du Mont Croix Piot. Le 29 août, sur ordre de Joffre, après quelques vaines contre-offensives, la IVè armée bat en retraite vers le sud.

f) La grande retraite : 24 août – 5 septembre 1914

La grande retraite : entamée le 24 août, la grande retraite de l’armée française se fait en relativement bon ordre en direction de la Marne. La bataille de Guise livrée par la Vème armée du général Lanrezac stoppe momentanément la IIè armée de Von Bülow, compromettant la réussite du plan Schlieffen.

La grande retraite : entamée le 24 août, la grande retraite de l’armée française se fait en relativement bon ordre en direction de la Marne. La bataille de Guise livrée par la Vème armée du général Lanrezac stoppe momentanément la IIè armée de Von Bülow, compromettant la réussite du plan Schlieffen.
Carte Brun Georges, 2015

Vue d'artiste du dernier canon Ordonnance  QF 18 de 18 livres (84mm) de la batterie Batterie «L» de la Royal Horse Artillery à Néry (Picardie, sud de Compiègne), le 1er Septembre 1914, probablement avant sa destruction.

Vue d'artiste du dernier canon Ordonnance QF 18 de 18 livres (84mm) de la batterie Batterie «L» de la Royal Horse Artillery à Néry (Picardie, sud de Compiègne), le 1er Septembre 1914, probablement avant sa destruction.
Peinture, The Times History of the War, Volume X, 1917 Artiste inconnu. , 2015


















Le 24 août 1914, Joffre ordonne à la BEF et à la Vè armée de Lanrezac de faire retraite vers le sud, et ordonne aux IVè et IIIè de tenir sur la Meuse de Mouzon à Stenay et de s'appuyer sur les Hauts de Meuse. Le jour même, le général D’Amade retire ses divisions territoriales de la région de Lille et fait retraite vers Rouen.

L’armée britannique se replie de Mons, dépasse Maubeuge, et arrive à Cateau le 25. Là, ignorant l’ordre de repli de French, le général Smith-Dorrien, commandant du 2è corps d'armée britannique, décide de combattre afin de ralentir la progression de la Iè armée allemande. Mais les Anglais sont débordés et plusieurs régiments anéantis. Des 40 000 combattants, 7 812 sont blessés, tués ou fait prisonniers, 38 pièces d’artillerie sont perdues. L’armée von Klück est cependant ralentie dans sa marche victorieuse vers Paris. Les Anglais se retirent sur Saint-Quentin.

Portrait du général Horace Smith-Dorrien (1858-1930). A la bataille de Câteau-Cambrésis (26 août), son action défensive sauve probablement le BEF de la déroute totale. Ce qui lui vaudra les foudres de Joffre et de son supérieur le général French. Il finira par le « démissionner » en mai 1915.

Portrait du général Horace Smith-Dorrien (1858-1930). A la bataille de Câteau-Cambrésis (26 août), son action défensive sauve probablement le BEF de la déroute totale. Ce qui lui vaudra les foudres de Joffre et de son supérieur le général French. Il finira par le « démissionner » en mai 1915.
Photo Inconnu., 2015

Cavaliers français ramenant des prisonniers allemands, Aniche, Nord, France. 24 août 1914

Cavaliers français ramenant des prisonniers allemands, Aniche, Nord, France. 24 août 1914
. Inconnu , 2015





















De son côté, Lanrezac, après la défaite de Charleroi et la chute de Namur, entame une retraite vers Laon et l’Aisne. Le 27, malgré ses réticences, il se conforme à l’ordre de Joffre de lancer le 29 une contre-attaque contre von Bülow en direction de Saint-Quentin et en coordination avec French. Joffre veut en effet créer une ligne de défense sur un axe Amiens – Reims – Verdun afin de stopper les Allemands et forme à cette fin une VIè armée française de 10 divisions, dont 6 sont prélevées sur le front d’Alsace-Lorraine, et dont le commandement est confié au général Manoury.


En prenant l’initiative d’une contre attaque sur Saint-Quentin, Le commandant de la Vè armée, Charles Lanrezac, oblige la IIè armée allemande à ralentir considérablement sa marche en avant. Ce brutal ralentissement incite le général von Klück, chef de la Ire Armée allemande à repenser son mouvement stratégique. Au lieu de déborder largement à l'ouest de Paris, sa trajectoire initiale, il resserre son dispositif vers l'est pour recoller à la IIe Armée allemande afin d’éviter que l’armée Lanrezac s'intercale entre lui et Von Bülow. Il laisse ainsi son flanc droit dangereusement dégarni : ainsi sont créées les condition du « Miracle de la Marne ». Le 3 septembre 1914, le général Joffre démet de ses fonctions le général Lanrezac : le vainqueur de Guise s’était montré beaucoup trop critique vis-à-vis des actions du Grand Quartier Général, ainsi que du général French, dont le BEF était en complète déconfiture.

En prenant l’initiative d’une contre attaque sur Saint-Quentin, Le commandant de la Vè armée, Charles Lanrezac, oblige la IIè armée allemande à ralentir considérablement sa marche en avant. Ce brutal ralentissement incite le général von Klück, chef de la Ire Armée allemande à repenser son mouvement stratégique. Au lieu de déborder largement à l'ouest de Paris, sa trajectoire initiale, il resserre son dispositif vers l'est pour recoller à la IIe Armée allemande afin d’éviter que l’armée Lanrezac s'intercale entre lui et Von Bülow. Il laisse ainsi son flanc droit dangereusement dégarni : ainsi sont créées les condition du « Miracle de la Marne ». Le 3 septembre 1914, le général Joffre démet de ses fonctions le général Lanrezac : le vainqueur de Guise s’était montré beaucoup trop critique vis-à-vis des actions du Grand Quartier Général, ainsi que du général French, dont le BEF était en complète déconfiture.
Carte Georges Brun, 2015

Mais French refuse d’engager son armée. Lanrezac doit donc se contenter d’une offensive limitée afin de stopper les Allemands sur l’Oise. Après une terrible journée de combats, à Neuville Saint-Amand, Urvillers, Lemé, Joncqueuse, Puisieux, la IIè armée allemande doit se replier au nord de l’Oise. Le lendemain cependant, n’ayant d’appuis ni sur sa droite ni sur sa gauche, Lanrezac décroche.

Le brutal ralentissement de la IIè armée allemande que Lanrezac a provoqué incite von Klück, commandant de la Iè armée à repenser son mouvement stratégique. Au lieu de déborder largement à l'ouest de Paris comme prévu, il resserre son dispositif vers l'est pour recoller à la IIè armée allemande et poursuit Lanrezac sur l’autre rive de l’Oise en pensant le dépasser et l’envelopper par Compiègne. Il veut ainsi éviter que la Vè Armée ne s'intercale entre lui et le général von Bülow. Cette modification coûtera cher à l’armée du Kaiser.

Le 31 août, Joffre renonce à son projet de rétablissement sur l’axe Oise-Aisne, et conçoit, alors que les armées - y comprise la VIème - continuent leur retraite sur la Marne, un projet de rétablissement sur la Seine et l’Aube, avant de mener une contre-attaque générale.

Casemate détruite d’un des forts lors du siège de la ville de Maubeuge, entre le 28 août et le 8 septembre 1914.

Casemate détruite d’un des forts lors du siège de la ville de Maubeuge, entre le 28 août et le 8 septembre 1914.
Photo Bundesarchiv Bild 146-1970-009-17 / CC BY-SA 3.0. Inconnu. , 2015

Les restes d'une tourelle de la forteresse de Maubeuge après plus de huit jours de pilonnage par les canons allemands de 210, de 305 et de 420mm.

Les restes d'une tourelle de la forteresse de Maubeuge après plus de huit jours de pilonnage par les canons allemands de 210, de 305 et de 420mm.
Photo Bundesarchiv, Bild 146-1970-009-19 / CC-BY-SA Inconnu , 2015

g) Joffre règle ses comptes

Pour l’armée française, le bilan du mois d’août est tout simplement catastrophique : les quelques petits succès ne pèsent pas lourd face à l’effrayante série de défaites face à une armée supérieure dans tous les domaines : commandement, matériel, armement, tactique et méthodes de combat.

A l’OHL allemand, la victoire semble acquise à l’ouest, comme en témoignent les communiqués :

« L'ennemi a été battu sur toute la ligne avec des pertes importantes. Plusieurs milliers de prisonniers et de nombreuses pièces d'artillerie ont été capturés. Nos troupes, animées d'un élan irrésistible, ont poursuivi l'ennemi et le combat continue aujourd'hui. » Rapport du Kronprinz de Bavière (chef de la 6e armée allemande) le 21 août.

« La IIe armée a battu l'ennemi de façon décisive. De nombreux canons ont été pris ; la Ire armée est aux prises avec l'armée anglaise à l'ouest de Maubeuge. Manœuvre débordante commencée. Le commandant du corps de cavalerie annonce que les Anglais sont en fuite. » Rapport de Bülow (chef de la 2e armée allemande) dans la nuit du 24 au 25 août.

Si le plan Schlieffen est en passe de réussir, tout démontre la faillite totale du plan XVII et de son principal responsable, Joseph Joffre. Sa stratégie du « tout offensif » a démontré son immense retard sur des chefs militaires comme Lanrezac, convaincu que les Allemands envahiraient la Belgique, ou Pétain, bien plus économe en hommes. Joffre ne comprend pas que les troupes d'assaut, en raison de la lenteur de leur progression, s'avèrent incapables de provoquer la rupture tant attendue, ni pourquoi les combattants ne chargent pas comme on l'a toujours fait... Il ne se rend pas compte des conséquences et des capacités nouvelles qu'offrent les dernières évolutions technologiques sur les champs de bataille : ainsi, il sous-estime le rôle de la mitrailleuse, utilisée uniquement en appoint de l’offensive, et surtout de l’artillerie lourde : chaque corps d'armée français ne dispose en 1914 que de 120 canons de 75 mm, alors qu'un corps d'armée allemand d'active aligne 108 canons de 77 mm, 36 obusiers de 105 mm et 18 obusiers de 150 mm !

Joffre, qui ne peut se tromper, cherche donc des responsable à ses erreurs : pour lui, ce sont les officier et certains soldats.

« Dans l'ensemble, la manœuvre stratégique est terminée. Elle a eu pour objet et pour résultat de mettre le gros de nos forces au point qui pouvait être pour l'ennemi le plus sensible et de nous assurer en ce point la supériorité numérique. La parole est maintenant aux exécutants, qui ont à tirer parti de cette supériorité. La question est donc une question de valeur, valeur de commandement et valeur de troupe, et surtout une question de persévérance dans l'exécution. »Conclusion du télégramme du GQG au ministre de la Guerre, le 23 août 1914.

En lien étroit avec son « protecteur », le ministre de la défense Adolphe Messimy (1869-1935), Joffre « fait le ménage » : tout officier perdant une bataille est « limogé » : le 10 août, le général Curé est remplacé par le général de Villaret ; le 12, c’est le tour d’Aubier et le 14 de Bonneau, remplacés par Mazel et Vautier : tous paient l’échec sur Mulhouse. Suivent Pouradier-Duteil (14è CA), Espinasse (15è CA) après les échecs au col de Sainte-Marie et à Morhange, Ruffey (IIIè armée) replacé par Sarrail, Brochin (5è CA) et Poline (17è CA) après la bataille des Ardennes, Sauret (3è CA), Defforges (10è CA) et Sordet (CC) après Charleroi.

Senlis incendié par les Allemands le 2 septembre 1914. On voit notamment le bureau de tabacs « Au point du jour » en ruines.

Senlis incendié par les Allemands le 2 septembre 1914. On voit notamment le bureau de tabacs « Au point du jour » en ruines.
Carte postale ancienne éditée par A. L'Hoste, Paris. Inconnu. , 2015

Le 3 septembre, alors que Lanrezac a sauvé sa Vè armée et l’a positionnée au sud de la Marne, Joffre vient en personne lui annoncer à son QG de Sézanne qu’il lui enlève son commandement. « Vous faites des observations à tous les ordres qu'on vous donne ! » - « Mais répliqua Lanrezac, les événements ont prouvé combien mes observations étaient fondées. Je m'incline, ajouta-t-il, devant votre décision, sachant qu'après une grande défaite il faut des responsables ».

Lanrezac, sans doute l’officier le plus lucide et le plus capable, dont il ne fait aujourd’hui pas de doute qu’il a sauvé l’armée française de la déroute et permis la victoire de la Marne par sa retraite de Charleroi et sa manœuvre de Guise, sert de bouc émissaire aux erreurs de Joffre. Il ne sera réhabilité qu’en 1917. Joffre le remplace par Franchet d’Espèrey.

En tout, Joffre va « limoger » 2 généraux d’armée et 38 généraux de division. En ce qui concerne la troupe, il ordonne de passer par les armes les « fuyards » et les « conseil de guerre spéciaux » (cours martiales) font exécuter 67 soldats pour « abandon de poste en présence de l'ennemi », mutilation volontaire ou tentative de passage à l'ennemi.

III Le miracle de la Marne (5 - 11 septembre 1914)Revenir au début du texte

1. Nach Paris !

Fin août, von Moltke est quasi sûr de la victoire allemande à l’ouest : il pense les Français en pleine débâcle, et même si 150 000 de ses hommes sont toujours occupés par le siège d’Anvers où les Belges lui donnent du fil à retordre, et 60 000 autres devant Maubeuge (La ville se rendra le 8 septembre avec ses 45 000 soldats), il prélève deux corps d’armée sur le front pour les envoyer en Prusse orientale, que les Russes sont en passe d’envahir. Il affaiblit donc son aile droite, celle qui doit parcourir le plus de terrain pour envelopper l’armée française et précise dans ses directives : « L’essentiel pour les armées allemandes est de marcher sur Paris, de ne pas laisser de répit aux armées françaises, d’empêcher toute nouvelle organisation de forces et d’enlever au pays la plus grande partie de ses moyens de lutte ».

Ainsi le total des forces allemandes engagées à l'ouest de Verdun en ce début de septembre est de 44 divisions d'infanterie et de 7 divisions de cavalerie, soit environ 900 000 hommes et 2 928 canons.

Guerre de 1914-1918, « Bataille de la Marne » : déroulement des opérations entre le 6 et le 14 septembre. La défaite de l'Armée allemande sur la Marne est décisive. Le plan consistant à vaincre rapidement la France avant de consacrer tout l’effort de guerre à la Russie n'a pas donné les résultats escomptés, malgré les énormes moyens déployés.

Guerre de 1914-1918, « Bataille de la Marne » : déroulement des opérations entre le 6 et le 14 septembre. La défaite de l'Armée allemande sur la Marne est décisive. Le plan consistant à vaincre rapidement la France avant de consacrer tout l’effort de guerre à la Russie n'a pas donné les résultats escomptés, malgré les énormes moyens déployés.
Carte Brun Georges, 2015

Le 26 août la menace sur Paris se précise. Le gouvernement nomme le général Gallieni gouverneur militaire de Paris et place la VIè armée Maunoury sous ses ordres. Le 27, von Moltke, de plus en plus sûr de son fait, presse ses généraux d’accélérer leur marche victorieuse : grisés, ceux-ci se sentent les mains libres et, de fait, l’OHL perd la mainmise sur la bataille. Ainsi, le même jour, von Klück décide d’infléchir le mouvement de son armée vers le sud-est afin d’accélérer l’enveloppement de la Vè armée Lanrezac et de forcer la décision. Le 28, Joffre forme la IXè armée à partir d’éléments prélevés sur les IVè et IIIè armées, et dont il confie le commandement au général Ferdinand Foch. Le repli français se poursuit, ainsi que celui de la BEF, que le Field marshal French se jure de sauver, quitte à se désolidariser de l’armée française : il lui ordonne de se diriger sur Noyon et de là, vers les ports de la Manche pour réembarquer. Mis au courant, Gallieni doit faire appel à lord Kitchener, ministre de la guerre britannique, qui, après un entretien orageux avec son subordonné le 2 septembre, place French sous les ordres du gouverneur de Paris.

Le 29, la bataille de Guise remportée par Lanrezac est décisive dans le sens où elle provoque un début de brèche entre les armées von Klück et von Bülow. Cette brèche s’agrandit insensiblement entre le 30 août et le 2 septembre, von Klück ne parvenant pas à rattraper Lanrezac. Le 31, von Moltke approuve l’initiative de von Klück et lui précise de suivre von Bülow à une journée de marche. Mais von Klück devance von Bülow, toujours en retard à cause des combats de Guise, et la brèche s’élargit. Plus grave encore : en infléchissant sa marche au nord de Paris, von Klück présente son flanc droit très distendu à Gallieni, flanc qu’il ne protège que par un corps d’armée.

Le 2 septembre à 23 h 37, l'OHL envoie l'ordre suivant : « L’intention du Commandement Suprême est de refouler les Français en direction du sud-est en les coupant de Paris. La Ière armée suivra la IIe en échelon et assurera en outre couverture du flanc des armées » Message cité dans Louis Koeltz, Le G. Q. G. allemand et la Bataille de la Marne, Paris, Payot,‎ 1931.

« Anglais et Français […] étaient une proie qui s'offrait aux coups des Allemands et qu'il fallait saisir avant qu'ils aient pu s'arrêter, se fortifier et se reconstituer. On s'occuperait de Paris ensuite. Mais cette opération obligeait les Allemands à défiler, à 40 kilomètres environ, à l'est du camp retranché : c'était montrer un mépris non déguisé pour l'armée de Paris et, j'ajouterai, pour son chef. » Joseph-Simon Galliéni, La bataille de la Marne : 25 août-11 septembre 1914, Paris, Payot et Cie,‎ 1920 (réimpr. 2013, aux éditions Laville).


Batterie d’artillerie anglaise lors de la bataille de la Marne, 8 Septembre 1914. D’après l’homme de gauche, il s’agit sans doute du 1er bataillon des fusiliers écossais (Scottish Rifles)

Batterie d’artillerie anglaise lors de la bataille de la Marne, 8 Septembre 1914. D’après l’homme de gauche, il s’agit sans doute du 1er bataillon des fusiliers écossais (Scottish Rifles)
Photographie Q 51488 de la collection de l’Imperial War Museums (collection no. 3101-04. Money R C (Lt), 2015

Batterie de canons de 75mm français en action durant la bataille de la Marne.

Batterie de canons de 75mm français en action durant la bataille de la Marne.
Image tirée d’une carte postale (« Due secoli di guerre », vol. VII, De Agostini 1981) Inconnu, 2015

Canon allemand lourd de 177mm en action lors de la bataille de la Marne.

Canon allemand lourd de 177mm en action lors de la bataille de la Marne.
Photo Bundesarchiv,N°102-00277A. Inconnu. , 2015
































Le 1er septembre, une nouvelle directive de Foch fixe la ligne d’arrêt, sur un axe Paris - Pont-sur-Yonne – Nogent-sur-Seine – Arcis-sur-Aube, - Brienne-le-Chateau – Joinville – Verdun. Dans la nuit du 2 au 3, le gouvernement français quitte Paris pour Bordeaux. Le 3, l’armée von Klück arrive sur la Marne à Meaux, alors que von Bülow, en retard, est en retrait de la Marne en amont de Château-Thierry.


2. La contre-offensive française.

Infanterie allemande attendant l’assaut lors de la première bataille de la Marne. C’est une photo probablement mise en scène à cause des décorations des soldats : de telles décoration n’étaient pas portées en cas de combats.

Infanterie allemande attendant l’assaut lors de la première bataille de la Marne. C’est une photo probablement mise en scène à cause des décorations des soldats : de telles décoration n’étaient pas portées en cas de combats.
Photo. Anonyme., 2015

Gallieni voit immédiatement l’opportunité d’une attaque sur le flanc de la Iè armée allemande en direction de l’Ourcq, au nord de Meaux. Le 4 il convainc French de stopper sa retraite et Joffre d’approuver son plan. Ce dernier abandonne son plan du 1er septembre et décide de se battre sur la Marne. Par l’ordre général n°6 du 5 septembre, il ordonne une attaque générale des Vé, IXè, VIè armée et de la BEF pour le lendemain.

Le 6, comme un seul homme, les armées françaises font volte-face : à l’ouest, la VIè armée Maunoury se rue sur le flanc de la Iè armée allemande ; à l’est de Paris, la BEF s’avance prudemment du Grand Morin et de Coulommiers ; la Vè armée de Franchet remonte aussi vers le Grand Morin ; à sa droite cependant, Foch et sa IXè armée est mis en difficulté dans les marais de Saint-Gond et piétine ; plus à l’est, les IVè et IIIè parviennent à tenir leurs positions entre Vitry-le-François et Verdun. Von Moltke, à l’OHL de Luxembourg est surpris par la réaction française.

Le 7, les combats s’intensifient sur tout le front, mais, par manque de coordination, von Klück et von Bülow commettent une grave erreur : Klück réoriente ses forces vers l’ouest en direction de l’Ourcq pour contenir Maunoury, et ordonne à se troupes qui font la jonction vers l’armée von Bülow de faire mouvement vers le nord afin d’envelopper la VIè armée française. De son côté, von Bülow accentue sa pression vers le sud contre Franchet et Foch : la brèche entre les deux armées allemandes s’élargit notablement, atteignant 40 km de large et ne laissant en couverture que deux corps de cavalerie (4 divisions). Dans les Marais de Saint-Gond, Foch est de plus en plus en difficulté : Franchet d’Esperey doit lui envoyer son 10è corps d’armée à Sézanne afin de le soulager. Mais la brèche est rapidement découverte par l'aviation d'observation alliée. Voyant l’opportunité, Joffre ordonne à la Vè Armée française ainsi qu’à la BEF (3 corps d'infanterie et 2 divisions de cavalerie) de s’y engouffrer et de menacer les deux armées allemandes sur leurs flancs.

Soldats français à l’abri d’un talus lors de la bataille de la Marne.

Soldats français à l’abri d’un talus lors de la bataille de la Marne.
Photo Agence Rol, 2015

Batterie de canon de75 et son train d'équipage du 20ème régiment d'artillerie de campagne de Poitiers au marais de Saint-Gond, entre le  5 et le 9 Septembre 1914.

Batterie de canon de75 et son train d'équipage du 20ème régiment d'artillerie de campagne de Poitiers au marais de Saint-Gond, entre le 5 et le 9 Septembre 1914.
Photo tirée d’une carte postale datant peut-être d’avant la guerre et prise durant une manœuvre, puis réutilisée et renommée par l’auteur. Inconnu. , 2015


















Le 8, alors que la brèche s’élargit encore et faute de troupes pour la colmater, von Moltke envoie sur place le lieutenant-colonel Hentsch afin d’examiner la situation. Celui-ci ne voit qu’une issue : une attaque de la IIIè armée de Von Hausen entre Fère Champenoise et Vitry-le-François vers Mailly contre l’armée Langle de Cary, afin de percer, de tourner l’armée Foch et de disloquer le dispositif français. Mais Hentsch se rend rapidement compte que von Hausen ne dispose pas de moyens suffisants, alors que Franchet d’Espèrey, tout en soutenant Foch de plus en plus en difficulté dans le marais, atteint le Petit Morin dans la journée.

3. La retraite allemande.

 Sermaize-les-Bains (Marne). La rue Lombard après la Bataille de la Marne.

Sermaize-les-Bains (Marne). La rue Lombard après la Bataille de la Marne.
Carte postale ancienne. A Gauthier, éditeur à Saint-Dizier. , 2015

Le 9, le 9è C.A. de la Vè armée du général de Maud’huy, franchit la Marne à l’aval de Château-Thierry alors que la BEF l’atteint à la Ferté-sous-Jouarre. Von Klück et von Bülow risquent l’encerclement, d’autant que Foch parvient à contenir les assauts allemands. Hentsch précipite la décision : il ordonne le repli des deux armées allemandes vers le nord, ce qui entraîne par contrecoup celui des IIIè, IVè et Vè armées. Le 11, von Moltke, venu sur le terrain, fixe à ses armées la ligne de repli : l’Aisne en aval de Soissons, la Vesle, Souain, les hauteurs Nord de Sainte-Menehould et de Verdun. Le 13, après 4 jours de retraite, les Allemands sont bien installés sur leurs nouvelles positions, mais à 70 kilomètres au nord de la Marne.






Photo montrant cinq militaires installant une ligne de téléphone. Les transmissions entre l'OHL et ses armées, notamment la 1ère, sont difficiles : l'aile droite avance trop vite pour que la transmission filaire soit assurée, tandis que les postes de radio ont une faible portée.

Photo montrant cinq militaires installant une ligne de téléphone. Les transmissions entre l'OHL et ses armées, notamment la 1ère, sont difficiles : l'aile droite avance trop vite pour que la transmission filaire soit assurée, tandis que les postes de radio ont une faible portée.
Photo Bundesarchiv, n° 146-1970-038-68. Inconnu., 2015

Charge à la baïonnette sur le plateau d'Etrepilly (Seine-et-Marne) aux abords du cimetière, durant la bataille de la Marne, 8 septembre 1914.

Charge à la baïonnette sur le plateau d'Etrepilly (Seine-et-Marne) aux abords du cimetière, durant la bataille de la Marne, 8 septembre 1914.
Photo tirés d’un ouvrage publié chez Taillandier. Anonyme , 2015

























Le miracle de la Marne a eu lieu. Mais Joffre est incapable de l’exploiter. Sourd aux demandes de Gallieni il refuse de déborder l’armée allemande par la gauche, l’obligeant à refluer vers la Belgique et la Lorraine. Il se contente de pousser droit devant lui, avec un certaine lenteur : il est vrai que l’armée française est totalement épuisée.

Cette victoire de la Marne, dont Joffre saura tirer les lauriers, est d’abord due aux erreurs allemandes : celle de Moltke, qui a trop affaibli son armée et laissé trop d’initiatives à ses généraux ; celle de von Klück qui a abandonné son objectif initial et poussé son armée trop en avant. Côté français, elle est due à Lanrezac qui a sauvé son armée et retardé l’avance de von Bülow ; elle est due à Gallieni qui a vu, compris et convaincu de la riposte ; elle est due surtout au combattant, au « poilu » qui fatigué, usé par de longues marche, moralement affecté par les défaites successives, au bout du bout, s’est finalement relevé et a décidé de gagner cette bataille :

Détail de la charge à la baïonnette sur le plateau d'Etrepilly (Seine-et-Marne) aux abords du cimetière, durant la bataille de la Marne, 8 septembre 1914.

Détail de la charge à la baïonnette sur le plateau d'Etrepilly (Seine-et-Marne) aux abords du cimetière, durant la bataille de la Marne, 8 septembre 1914.
Photo tirés d’un ouvrage publié chez Taillandier. Anonyme , 2015

« Que des hommes ayant reculé pendant dix jours, que des hommes couchés par terre et à demi morts de fatigue puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est là une chose avec laquelle nous n’avions jamais appris à compter ; c’est la une possibilité dont il n’avait jamais été question dans nos écoles de guerre ! » Alexander von Klück, Mémoires.

La défaite de l'Armée allemande sur la Marne est décisive. Le plan consistant à vaincre rapidement la France avant de tourner tout l’effort de guerre contre la Russie n'a pas donné les résultats escomptés, malgré les énormes moyens déployés.

Le 14 septembre 1914, en grande discrétion, le Kaiser remercie Helmuth von Moltke et le remplace par le général Erich von Falkenhayn (1961-1922).

IV La « course à la mer » (19 septembre - 15 octobre 1914)Revenir au début du texte

Guerre de 1914-1918 : la course à la mer. Batailles de l’Yser et d’Ypres, 29 septembre au 17 novembre 1914.

Guerre de 1914-1918 : la course à la mer. Batailles de l’Yser et d’Ypres, 29 septembre au 17 novembre 1914.
Carte Brun Georges, 2015

A dater de la mi-septembre se déroule une série de batailles meurtrières dans les plaines du nord de la France, plus tard appelée « course à la mer ». Chaque belligérant tente par des offensives rapides, de déborder son vis-à-vis et de prendre à revers l’aile de l’armée adverse située le plus au nord, pour réaliser une manœuvre d’encerclement. Ces batailles repoussent progressivement le front vers la frontière belge et les rivages de la Mer du Nord. Cette phase dure environ deux mois : généralement ce sont les Allemands qui en ont l’initiative, obligeant à chaque fois les alliés à colmater les brèches et à protéger les ports de la Manche, vitaux pour la liaison avec la Grande-Bretagne.

1. Combats de l’Aisne, de Picardie et d’Artois :

Entre le 25 septembre et le 14 octobre, les Allemands (Corps de cavalerie von Gernier) attaquent en Artois et Picardie autour d’Arras et de Bapaume contre des unités territoriales épaulées par le corps de cavalerie Bridoux ; dans le même temps les Allemands ramènent d’Alsace leur VIIIème armée de von Heeringen et l’intercalent entre leurs Ière et IIème armées, alors que la IIè armée de Castelnau arrive du front de Lorraine au nord de l’Oise : ainsi le front s’étend progressivement vers le nord, et lorsque l’armée De Castelnau s’étire dangereusement vers la Somme, les Français constituent, sous les ordres du général de Maud’huy, une Xè armée qui la prolonge vers le nord.

Ce sont d’abord les combats de l’Aisne, de Picardie et d’Artois entre le 25 septembre et le 14 octobre : ainsi de terribles combats ont lieu à Irles, Courcelles-le-Comte, Monchy-le-Preux (2 octobre), Arras, Gomecourt, prise le 5 et immédiatement fortifiée par la Garde Prussienne d’un réseau de tranchées profondes, lignes de barbelés, nids de mitrailleuses et d’artillerie de campagne. Suivent les combats d'Hébuterne (le 6), Monchy-au-Bois, Hannescamps, Foncquevillers (le 10)… A partir du 14, les combats se font moins violents entre Arras et Bapaume : en effet, les Allemands, comme à Gommecourt que les Français ne peuvent reprendre malgré deux assauts du 69è R.I. les 7 et 8, édifient un réseau de positions défensives reliées entre elles, qu'aucune charge d'infanterie ne parvient à enlever. La guerre de position vient de débuter.

2. Le repositionnement de l’armée belge et de la BEF : 9 - 15 octobre.

Repliée depuis mi août dans le zone fortifiée d’Anvers, le gros de l’armée belge constitue un sérieux problème pour les 150 000 Allemands qui assiègent la ville et ses forts, les empêchant ainsi de prendre part à la bataille de la Marne. Seuls 3 000 soldats anglais leur viennent en aide. Le 28 septembre, les Allemands, décidés d’en finir, commencent le bombardement systématique des forts et de la ville.

Début octobre, le roi Albert décide l’évacuation du gros de ses troupes en direction de l’ouest, le long de la côte, afin d’éviter l’encerclement complet et de rejoindre les forces françaises. Le 9 octobre, la place est abandonnée : laissant quelques défenseurs, l'armée belge réussit un mouvement de rocade vers la côte par le nord-ouest, avec le soutien de deux division britanniques débarquées à Zeebrugge et Ostende ainsi que de 6 000 fusiliers-marins français de l’amiral Ronarc’h. Le 15 octobre, l’armée belge se positionne sur l’Yser, dans la région d'Ostende-Nieuport-Dixmude.

Par ailleurs, sur demande de French, le corps expéditionnaire britannique précédemment inclus dans le dispositif français sur l'Aisne est déployé dans le nord, dans la région de la Bassée et de Hazebrouck. Il occupera ce secteur jusqu’à la fin de la guerre.

Le village de Langemark. Au cœur des Flandres, le village de Langemark ainsi que les villages alentour (Poelkapelle, Passchndaele, Bixschoote, Steenstraate) et toute la région d’Ypres furent l’objet de combats parmi les plus terribles de tout le conflit, mettant aux prises Allemands, Anglais, Belges, Canadiens… Un première bataille, entre le 21 et le 23 octobre 1914, voit la 52è division de réserve allemande se faire massacrer. La seconde offensive, le 11 novembre suivant, formée de jeunes étudiants inexpérimentés de la 9ème division de réserve, est une véritable tragédie, coûtant la vie à plus de 2 500 d’entre eux qui ne peuvent rien contre le feu des mitrailleuses ennemies. Certain historiens ont qualifié cette bataille d’infanticide.

Le village de Langemark. Au cœur des Flandres, le village de Langemark ainsi que les villages alentour (Poelkapelle, Passchndaele, Bixschoote, Steenstraate) et toute la région d’Ypres furent l’objet de combats parmi les plus terribles de tout le conflit, mettant aux prises Allemands, Anglais, Belges, Canadiens… Un première bataille, entre le 21 et le 23 octobre 1914, voit la 52è division de réserve allemande se faire massacrer. La seconde offensive, le 11 novembre suivant, formée de jeunes étudiants inexpérimentés de la 9ème division de réserve, est une véritable tragédie, coûtant la vie à plus de 2 500 d’entre eux qui ne peuvent rien contre le feu des mitrailleuses ennemies. Certain historiens ont qualifié cette bataille d’infanticide.
Photo. Inconnu., 2015

La Bataille de l'Yser : admirable résistance des soldats belges. L’armée belge, que l’état-major allemand qualifiait d’insignifiante, s’est révélée pour eux une terrible épine dans le pied : galvanisée par le « roi chevalier » Albert I (1875-1909-1934) : elle oppose dès le premier jour une résistance farouche, notamment à Liège et Haelen puis se replie sur Anvers, y tient jusqu’à la mi-octobre avant de s’échapper et de se retirer sur la ligne de l’Yser où, à côté » des Anglais et des Français, elle se battra jusqu’à la libération de la Belgique en novembre 1918.

La Bataille de l'Yser : admirable résistance des soldats belges. L’armée belge, que l’état-major allemand qualifiait d’insignifiante, s’est révélée pour eux une terrible épine dans le pied : galvanisée par le « roi chevalier » Albert I (1875-1909-1934) : elle oppose dès le premier jour une résistance farouche, notamment à Liège et Haelen puis se replie sur Anvers, y tient jusqu’à la mi-octobre avant de s’échapper et de se retirer sur la ligne de l’Yser où, à côté » des Anglais et des Français, elle se battra jusqu’à la libération de la Belgique en novembre 1918.
Estampe sur carte postale. Publiée vers 1918 par A. Tolmer. Inconnu , 2015

Les toutes premières tranchées dans l’Aisne, en décembre 1914. Le magasine Le Miroir publie cette photographie d'une tranchée de première ligne.

Les toutes premières tranchées dans l’Aisne, en décembre 1914. Le magasine Le Miroir publie cette photographie d'une tranchée de première ligne.
Photo Inconnu., 2015


















































Ainsi, au 15 octobre, le dispositif allié s’échelonne comme suit :

• Entre Nieuport et Dixmude, l'armée belge renforcée de la brigade de fusiliers-marins de l'Amiral Ronarc'h ;

• entre Passchendaele et la forêt de Houthulst, le 2è corps de cavalerie d’Antoine de Mitry ;

• à Ypres, les 87è et la 89è D.I. territoriales du général Bidou ;

• la BEF sur une ligne Zonnebeke - Givenchy-lès-la-Bassée avec, intercalé à Fromelles, le corps de cavalerie de Louis Conneau ;

• entre Givenchy-lès-la-Bassée et Arras, la 10è Armée française.

L’ensemble des troupes françaises qui se battent en lien avec les Belges et la BEF prend le nom de VIIIè armée ou armée d’Urbal, du nom du général qui la commande, Victor d’Urbal (1848-1943).

3. Les batailles du nord : 15 octobre-fin décembre 1915 :

Le 15 octobre, le général Joffre lance une offensive sur le moyen Escaut, en vue de reprendre la région de Lille, mais les alliés ne peuvent progresser au-delà d’Ypres.

De leur côté, les Allemands ont la ferme intention de couper l’armée française des armées anglaise et belge et de s’emparer de Calais. Ils lancent leur offensive dans deux directions :

• La première vers le nord afin de rejeter l’armée belge au-delà de l’Yser : c’est la bataille de l’Yser qui se déroule du 17 au 31 octobre.

• La seconde vers Arras afin de disjoindre les armées française et anglaise. C’est la première bataille d’Ypres (Ou de La Bassée, ou des Flandres) qui se déroule entre le 26 octobre et le 28 novembre.

4. La bataille de l’Yser : 17 - 31 octobre

Les Allemands déploient 20 divisions, soit la IVè armée du Prince de Wurtemberg et un détachement d'armée commandé par le général von Fabeck entre Nieuport et Lille, et portent leur effort principal entre Nieuport et Zonnebeke. L’armée Belge se sert du talus de la voie ferrée Dixmude-Nieuport comme rempart et tranchée ; elle est flanquée des fusiliers-marins de l'amiral Ronarc'h et de la 42è division française du général Grossetti. Plus au sud est positionnée la BEF. Dès le 17, et pendant dix jours, les Allemands, comptant sur le supériorité numérique, lancent assaut sur assaut : mais de nombreuses recrues sont de jeunes étudiants peu formés qui se font littéralement massacrer : ainsi à Langemark plus de 3 000 étudiants volontaires des 22 et 27èmes corps de réserve se font tuer dans d’inutiles charges… Les alliés, malgré de nombreuses contre-attaques, sont sur le point de plier. Ils décident alors d’inonder tout le secteur, formé de polders : entre le 26 et le 31, les digues sont ouvertes et transforment le secteur Nieuport-Ypres en zone inondée qui restera en l’état durant quatre années.

5. La bataille d’Ypres : 26 octobre - 28 novembre.

Les Allemands décident alors de porter leur effort sur Ypres – La Bassée : Ils engagent les 10 divisions de la VIè armée de Rupprecht de Bavière auxquelles se joignent les troupes du front inondé de Nieuport-Dixmude. En face, les Anglais, solidement retranchés dans la ville en ruines et les troupes venant elles aussi du front inondé. Entre le 26 octobre et le 11 novembre, les Allemands lancent quatre grandes offensives. C’est une véritable guerre de position, épuisant les adversaires, bientôt à bout de munitions. Le 17 novembre, les Allemands relâchent progressivement leur pression. Le front se stabilise peu à peu et devient continu. La guerre de position s’installe sur près de 700 km, entre la Mer du Nord et la frontière Suisse, traversant l'Artois, la Picardie, puis plus à l'est la Champagne et la Lorraine.

6. Le premier hiver des tranchées : 23 novembre – 22 décembre 1914 :

Les premiers grands affrontements de cette guerre des tranchées se déroulent précisément sur le front de la Lys : la bataille de Festubert où les Allemands tentent de percer le front mais se font repousser par les troupes indiennes (23-24 novembre) et la bataille de Givenchy-lès-la Bassée où French lance de vaines offensives, encore avec des troupes indiennes, pour soulager les Français en difficulté à Arras : entre le 19 et le 22 décembre su succèdent attaques et contre-attaques, combats rapprochés, duels d’artillerie, premières mines et jets de grenades utilisées par les Allemands dans des conditions hivernales insupportables et sans aucun gain de terrain pour les belligérants. Ces batailles préfigurent à petite échelle celles des trois années suivantes.

Dans certaine secteurs des combats, particulièrement dans le nord, ont lieu des trêves spontanées, particulièrement pour récupérer les blessés et les morts gisant sur le no man's land. Le 24 décembre, en de nombreux points du front, les combats cessent et font place à des chants de noël dans les deux camps, voire à des échanges de petits gestes de fraternisation entre les adversaires. C'est notamment le cas dans le secteur britannique (Houplines, Bois-Grenier, Fromelles, Neuve-Chapelle, Richebourg-l'Avoué), plus rarement dans le secteur français (autour d'Arras). Mais rapidement, les affrontements reprennent le dessus au grand soulagement des états majors.

Français : Vue du Bois-le-Prêtre durant les combats des 8, 9 et 10 décembre 1914.

Français : Vue du Bois-le-Prêtre durant les combats des 8, 9 et 10 décembre 1914.
Photo extraite de l'hebdomadaire « Le Miroir » du dimanche 3 janvier 1915. Inconnu, 2015

Militaires britanniques des Hussards du Northumberland de la 7è division d’infanterie et de soldats allemands réunis au milieu du no man's land pendant la trêve de noël 1914.

Militaires britanniques des Hussards du Northumberland de la 7è division d’infanterie et de soldats allemands réunis au milieu du no man's land pendant la trêve de noël 1914.
Photo. Harold B Robson , 2015