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La guerre en 1914 :
La guerre de mouvement (2ème partie)

Par Georges Brun

Publié le 20 mai 2015

V La guerre à l'estRevenir au début du texte

1. Tannenberg :

Front Est : déroulement général des opérations d’août 1915 à septembre 1917.

Front Est : déroulement général des opérations d’août 1915 à septembre 1917.
Carte Brun Georges, 2015

Sur le théâtre des opérations est, la « Triplice » engage 72 divisions : 13 divisions allemandes qui forment la VIIIé armée allemande aux ordres de Maximilian von Prittwitz et qui doivent défendre la Prusse Orientale, et 59 divisions austro hongroises en Galicie contre les Russes et au sud de l’empire contre les Serbes. Quant aux Russes, ils forment deux groupes d’armées, sous le commandement unique du Grand-duc Nicolas : le groupement nord-ouest entre Niémen et Vistule, avec au nord l’armée Rennenkampf (11 divisions d’active et 6 divisions de réserve) et au sud l’armée Samsonov (13 divisions d’active et 4 de réserve). Le second groupement, le font sud-ouest, mobilise 4 armées en Galicie.

Soldats russes de la garde impériale en route pour le front en août 1914.

Soldats russes de la garde impériale en route pour le front en août 1914.
Photo National Geographic Magazine, Volume 31 (1917), page 372. Inconnu. , 2015




















Le tsar tient son engagement vis-à-vis de la France : dès le 15 août, sans attendre la fin de la concentration, et donc sans tout son équipement, l’armée Rennenkampf passe à l’offensive plein ouest depuis Vilna en direction de Königsberg et celle de Samsonov vers le nord-ouest depuis Bialystok. Les armées russes de Galicie restent sur la défensive. Le 17 août 1914, le général von François, commandant du premier corps de la VIIIè armée allemande, malgré les ordres de von Prittwitz, engage l’armée de Rennenkampf qui vient de franchir la frontière, à Stallupönen : bien mieux équipés et armés, les Allemands l’emportent, obligent Rennekampf à refluer sur la frontière, puis se retirent sur Gumbinnen.


Prisonniers russes après la bataille de Tannenberg.

Prisonniers russes après la bataille de Tannenberg.
Inconnu , 2015

Après la bataille : cadavres russes enterrés à Usdau (Uzdowo) après la bataille de Tannenberg, le 27 aout 1914.

Après la bataille : cadavres russes enterrés à Usdau (Uzdowo) après la bataille de Tannenberg, le 27 aout 1914.
Montage Georges Brun d’après des photos réalisées par des photographes inconnus , 2015



















Trois jours plus tard, von Prittwitz, sûr de la supériorité allemande (130 000 hommes contre 60 000, supériorité écrasante en artillerie), décide d’éliminer l’armée Rennenkampf puis de s’occuper de l’armée Samsonov. Mais von François, pressé d’en découdre lance son attaque à droite beaucoup trop tôt, désorganisant totalement l’offensive et permettant aux Russes de mener une contre-attaque victorieuse.


Maximilan Wilhelm Gustav Moritz von Prittwitz und Gaffron (1848-1917), commande la Huitième Armée allemande, chargé de défendre la Prusse orientale d'une possible attaque russe. Cette attaque à effectivement lieu et Prittwitz ordonne la retraite générale de son armée de Prusse orientale à la fin du mois d'août 1914. Il est immédiatement remplacé au commandement de la Huitième Armée par Paul von Hindenburg. Hindenburg et Erich Ludendorff mettent fin à l'attaque russe par des victoires lors de la bataille de Tannenberg et de la bataille des lacs de Mazurie.

Maximilan Wilhelm Gustav Moritz von Prittwitz und Gaffron (1848-1917), commande la Huitième Armée allemande, chargé de défendre la Prusse orientale d'une possible attaque russe. Cette attaque à effectivement lieu et Prittwitz ordonne la retraite générale de son armée de Prusse orientale à la fin du mois d'août 1914. Il est immédiatement remplacé au commandement de la Huitième Armée par Paul von Hindenburg. Hindenburg et Erich Ludendorff mettent fin à l'attaque russe par des victoires lors de la bataille de Tannenberg et de la bataille des lacs de Mazurie.
Photo Inconnu. , 2015

Totalement paniqué et craignant d’être pris en tenaille par une offensive de l’armée Samsonov, von Prittwitz ordonne à toute la VIIIè armée de se replier sur la Vistule et d’abandonner la Prusse Orientale aux Russes. Le lendemain, le Kaiser le démet de ses fonctions et le remplace par le général Hindenburg (1847-1934), auquel il adjoint le quartier-maître de l’armée, Erich von Ludendorff (1865-1937). Hindenburg arrive sur le front le 23 et amène avec lui deux corps d’armée prélevés sur le front français. Il stoppe immédiatement la retraite de la VIIIè armée et met en place son plan : il sait que Samsonov et Rennenkampfse détestent, et que ce dernier traîne des pieds pour refermer la tenaille russe, alors que Samsonov remonte vers le nord.

Ne laissant qu'un rideau de troupes (cavalerie et landwehr) devant Rennenkampf qui n’avance pas, Hindenburg se porte avec le gros de ses forces sur l'armée de Samsonoff, qui se laisse imprudemment envelopper dans les plaines à l'ouest d'Ortelsbourg. L’armée Samsonov est détruite en 4 jours, entre le 26 et le 31 août : un seul corps parvient à s’échapper : les Russes laissent 90 000 prisonniers et leur chef se suicide. Pour effacer l’amer souvenir de la défaite subie dans cette région par les chevaliers teutoniques face aux Polonais et aux Lituaniens en 1410, Hindenburg baptise cette bataille du nom de Tannenberg.

La seconde armée éliminée, Ludendorff et Hindenburg se retournent contre Rennenkampf. Entre le 9 et le 14 septembre, les 21 divisions de la VIIIè armée attaquent l’armée russe dans le secteur des lacs Mazures. Rennenkampf parvient à éviter l’encerclement et un désastre en battant rapidement en retraite, mais laisse tout de même 125 000 hommes sur le terrain (contre 40 000 Allemands).

Hindenburg et Ludendorff (véritable architecte de la victoire) tirent de ces batailles une énorme renommée tant au sein de l’armée que du peuple allemand, au point de devenir rapidement incontournables : fin 1916 il se trouveront à le tête de toute l’armée allemande, Ludendorff se comportant comme un dictateur militaire.

« L'offensive de la 1re et de la 2eme armée russes en Prusse orientale, sans parcs d'artillerie, sans ambulances, sans trains d'équipage, avant que la concentration ne fut achevée, porte nettement le caractère d'un sacrifice. » Général Tcherbatchew, représentant du tsar auprès des gouvernements et du haut commandement alliés.

Front Est : la bataille de Tannenberg, phase II : 27 – 30 août 1914. L’armée russe de Samsonov est détruite en 4 jours, entre le 26 et le 31 août : un seul corps parvient à s’échapper, les Russes laissent 90 000 prisonniers et leur chef se suicide.

Front Est : la bataille de Tannenberg, phase II : 27 – 30 août 1914. L’armée russe de Samsonov est détruite en 4 jours, entre le 26 et le 31 août : un seul corps parvient à s’échapper, les Russes laissent 90 000 prisonniers et leur chef se suicide.
Carte Brun Georges, 2015

2. Le front de Pologne et de Galicie.

Le 23 août l’armée austro-hongroise lance son offensive en Pologne en direction de Varsovie. Mais après les victoires de Krasnik (23-25 août) et de Komarov (26 août-2 septembre), elle est mise en difficulté à Rawa-Russka et à Lemberg (26 août – 11 septembre) par une contre-offensive du Grand-Duc Nicolas et doit battre en retraite de 160 kilomètres dans les Carpates : Lemberg (Lvov) est prise le 31 août ; les Russes pénètrent en Galicie, Bukovine et Hongrie, occupent Czernowitz le 15 septembre, et investissent la place forte de Przemysl le 25 septembre (elle ne se rendra que le 25 mai 1915).

Soldats de la 2ème Brigade des « Légions polonaises », entre Rafajłową et Green, durant la bataille des cols des Carpates, en novembre 1914. Ces brigades polonaises ont été formées par l’armée austro-hongroise.

Soldats de la 2ème Brigade des « Légions polonaises », entre Rafajłową et Green, durant la bataille des cols des Carpates, en novembre 1914. Ces brigades polonaises ont été formées par l’armée austro-hongroise.
Photo. Inconnu., 2015

Front Est : première bataille de Mazurie, 1 – 13 septembre 1914 ; offensive et retraite austro-hongroise jusqu’au 26 septembre 1914.

Front Est : première bataille de Mazurie, 1 – 13 septembre 1914 ; offensive et retraite austro-hongroise jusqu’au 26 septembre 1914.
Carte Brun Georges, 2015




















Plus au nord, les Russes, après avoir été refoulés sur la Vistule, contre attaquent en Pologne, avancent de 200 kilomètres, prennent Lodz le 30 octobre et s’approchent de la Silésie, menaçant à nouveau l’Allemagne. Hindenburg décide de réagir et confie à von Mackensen le soin de reprendre Lodz. Au terme d’une gigantesque bataille qui dure du 11 novembre au 6 décembre 1914 et au cours de laquelle le 25è corps d’armée de réserve allemand est presque totalement anéanti (34 000 hommes sur 40 000), Mackensen parvient à reprendre Lodz et à faire reculer le front vers l’Est, sans toutefois le percer, après de sanglantes confrontations : c’est la bataille dite de « Quatre rivières » (quatre des affluents de la Vistule, la Bzura, la Rawka, la Pilica et la Nidda). Le front se calme alors durant plusieurs semaines.

Bataille d’automne des lacs de Mazurie : l’état major allemand en observation. On reconnaît notamment Paul von Hindenburg, et derrière lui, en léger retrait, Erich von Ludendorff.

Bataille d’automne des lacs de Mazurie : l’état major allemand en observation. On reconnaît notamment Paul von Hindenburg, et derrière lui, en léger retrait, Erich von Ludendorff.
. Inconnu. , 2015

3. Le front serbe.

La bataille de la Drina ou bataille du Cer, 16-20 août 1914. Cette première victoire des alliés de la Première Guerre mondiale, a permis de découvrir le commandant serbe Stepanovic et a considérablement renforcé le moral des alliés de l’Entente.

La bataille de la Drina ou bataille du Cer, 16-20 août 1914. Cette première victoire des alliés de la Première Guerre mondiale, a permis de découvrir le commandant serbe Stepanovic et a considérablement renforcé le moral des alliés de l’Entente.
Photo, le Miroir n° 41 Inconnu , 2015

Sur la frontière serbe, les Austro-hongrois massent trois armées face à l’armée serbe, dont ils ne se méfient pas assez. C’est en effet une armée expérimentée puisqu’elle a derrière elle de nombreuses années de combats ; c’est une armée extrêmement motivée, forte d’environ 250 000 hommes (sur 6 millions d’habitants), de tous âge, formée à 90% de troupes d’infanteries, spécialisée dans le combat de montagne, mais manquant cruellement d’artillerie et de mitrailleuses. Son chef, le voïvode Radomir Putnik, parviendra à mobiliser 500 000 hommes !

La première offensive autrichienne porte sur le mont Cer, près de la frontière de la Bosnie Herzégovine, entre le 12 et le 20 août 1914 : commandées par le Slovène Oskar Potiorek, 200 000 soldats autrichiens traversent la Drina dans la région de Šabac, alors que les Serbes attendent une offensive sur Belgrade. Mais le général Stepa Stepanović réagit rapidement et lance une contre-attaque avec 180 000 hommes, obligeant les Autrichiens à se replier sur la frontière et à évacuer Sabac le 24 août, laissant plus de 25 000 morts sur le terrain (contre 16 000 côté serbe).

Après leur victoire, les Serbes lancent une offensive en Bosnie-Herzégovine et s’emparent le 25 septembre de Pale, obligeant les Autrichiens à évacuer Sarajevo. Mais ils ne parviennent pas à faire leur jonction avec les Monténégrins, sont défaits à la bataille de Glasinac et contraints d’évacuer la Bosnie fin octobre.

Le 6 novembre 1914 l’armée austro-hongroise, forte de 400 000 hommes (5è et 6è armées) lance sa seconde grande offensive contre l’armée serbe, 180 000 hommes, dans le secteur de Belgrade : la ville et rapidement prise et les Serbes refoulés hors de la vallée de la Kolubara où ils sont ravitaillés par la France via le Grèce.

Le 3 décembre, l’armée serbe, sous le commandement du général Živojin Mišić entame une contre-offensive et oblige les Autrichiens à reculer puis à évacuer Belgrade le 15. Totalement humiliés, les Autrichiens laissent la moitié de leurs effectifs sur le terrain, dont 60 000 prisonniers. Mais les Serbes sont eux aussi épuisés, ayant perdu plus de 132 000 hommes.

Le front serbe se calme pendant plus de 10 mois.

Entre les deux nations, la haine, attisée depuis des décennies, atteint son paroxysme. Les troupes austro-hongroises commettent de nombreuses exactions et atrocités contre la population serbe, fusillant de nombreux civils comme sur ce cliché. Les Serbes ne se privèrent pas de se venger.

Entre les deux nations, la haine, attisée depuis des décennies, atteint son paroxysme. Les troupes austro-hongroises commettent de nombreuses exactions et atrocités contre la population serbe, fusillant de nombreux civils comme sur ce cliché. Les Serbes ne se privèrent pas de se venger.
Photo. Inconnu, 2015

La bataille de la Kolubara, 6 novembre – 15 décembre 1914. Une terrible humiliation pour l’armée austro-hongroise.

La bataille de la Kolubara, 6 novembre – 15 décembre 1914. Une terrible humiliation pour l’armée austro-hongroise.
. , 2015

VI La guerre sur merRevenir au début du texte

Dès le déclanchement du conflit, on se bat sur mer. La Grande-Bretagne est encore la reine des océans : sa flotte marchande représente 48 % du tonnage mondial, sa marine de guerre surclasse largement sa rivale allemande en tonnage (2,2 millions de tonnes contre 1,05) et en qualité (24 dreadnoughts contre 13). Un accord avec la France confie à cette dernière la garde de la Méditerranée, el la « Royale » a fort à faire aux sous-marins allemands et autrichiens qui dominent l'Adriatique.

Dès octobre, l’Angleterre met en place un rigoureux blocus de la mer du Nord et la France en Adriatique, blocus auxquels l'amiral allemand Tirpitz réplique en déclenchant la guerre sous-marine. Ainsi, dès le 5 septembre, le croiseur "HMS Pathfinder" est torpillé par le sous-marin allemand U21 dans le Firth of Forth. Cette guerre sous-marine sera la principale arme allemande, redoutablement efficace.

Les flottes de guerre de surface évitent le plus possible l’affrontement direct et s’emploient, du coté anglais à maintenir un blocus strict et du côté allemand à pratiquer à grande échelle la « guerre de course » consistant à envoyer par le fond le plus de navires commerciaux, principalement anglais, qui à eux seuls représentent 48% du commerce mondial.

Le début de la guerre est marqué par quelques affrontements sur toutes les mers du globe :

• Le plus important est l’expédition de l’escadre allemande d’Extrême-Orient commandée par le vice-amiral Maximilan Graf von Spee (1861-1914) : parti dès juin 1914 sa base de Tsing Tao du comptoir allemand de Kiautschou en Chine, avec ses navires modernes SMS Scharnhorst et Gneisenau et les croiseurs SMS Nürnberg, Leipzig et Emden, il met ses navires en tenue de combat dès le 31 juillet et se dirige vers les côtes du Chili. Au passage, il bombarde Papeete le 22 septembre, puis, le 1er novembre, livre bataille à une escadre anglaise venant à sa rencontre : la bataille de Coronel, dans la région de Valparaiso est une écrasante victoire pour Spee : les cuirassés anglais HMS Good Hope et Monmouth sont envoyés par le fond. Mais les Allemands ont épuisé 40% de leurs munitions et apprennent que Tsing Tao vient d’être prise par les Japonais. Aussi Spee prend le risque de passer dans l’Atlantique pour revenir en Allemagne. Le 8 décembre, l’escadre allemande pense surprendre les navires anglais en rade de Part Stanley, dans les Falklands (Malouines), au large de l’Argentine. Ils tombent nez à nez avec les puissants croiseurs de bataille SMS Invincible et Inflexible, envoyés spécialement dans l’Atlantique Sud : à la nuit tombée, les SMS Scharnhorst, Gneisenau, Nürnberg, Leipzig gisent par le fond. Seul le SMS Dresden parvient à échapper, mais sera coulé au large du Chili le 14 mars 1915.

L’épopée de l’« Ostasiengeschwader », l’escadre d’Extrême-Orient du vice-amiral Graf von Spee.

L’épopée de l’« Ostasiengeschwader », l’escadre d’Extrême-Orient du vice-amiral Graf von Spee.
Carte Brun Georges, 2015

L’escadre d’Extrême-Orient de l’amiral Graf von Spee quitte Valparaiso le 3 novembre 1914, après la bataille de Coronel. Au premier plan le SMS Scharnhorst suivi du SMS Gneisenau et du SMS Nürnberg. A l’arrière, les croiseurs-cuirassés chiliens Esmeralda, O'Higgins, Blanco Encalada et Capitán Prat.

L’escadre d’Extrême-Orient de l’amiral Graf von Spee quitte Valparaiso le 3 novembre 1914, après la bataille de Coronel. Au premier plan le SMS Scharnhorst suivi du SMS Gneisenau et du SMS Nürnberg. A l’arrière, les croiseurs-cuirassés chiliens Esmeralda, O'Higgins, Blanco Encalada et Capitán Prat.
Photo. U.S. Naval Historical Center Photograph NH 59638. , 2015

Bataille des Falklands : le HMS Inflexible recueille les survivants du SMS Gneisenau, coulé par les canons du HMS Invincible.

Bataille des Falklands : le HMS Inflexible recueille les survivants du SMS Gneisenau, coulé par les canons du HMS Invincible.
Photo. , 2015































• De son côté, l’Emden s’est séparé de l’escadre Spee pour faire la course dans l’Océan indien : entre juillet et fin octobre, il coule une trentaine de navires marchands, avant d’être coulé par le navire australien HMAS Sydney le 9 novembre au large des îles Cocos.

L’épave de l’Emden dans les iles Cocos.

L’épave de l’Emden dans les iles Cocos.
Photo extraite du livre « Der Weltkrieg 1914-1918 in seiner rauhen Wirklichkeit.», Munich, 1925. Inconnu., 2015

• Dans la Méditerranée, le principal épisode se situe tout au début du conflit : c’est l’épopée du croiseurs de bataille SMS Breslau et du croiseur léger SMS Goeben. Croisant en Méditerranée entre Italie et côte algérienne où ils bombardent Böne et Philippeville (4 août), ils sont pris en chasse sur ordre de premier lord de l’Amirauté Winston Churchill par la flotte britannique stationnée à Malte et ne comprenant pas moins de 21 navires, dont les redoutables et modernes croiseurs de bataille HMS Inflexible, Indefatigable et Indomitable. Malgré les énormes moyens mis en œuvre et une course poursuite de 14 jours, ils parviennent à s’échapper vers l’est et à passer les Dardanelles avec l’autorisation bienveillante de la Turquie ; le 16 août, ils sont intégrés à la flotte turque, rebaptisés Yavuz Sultan Selim et Midilli, tout en conservant leur équipage allemand. Le commandant, l’amiral Wilhelm Souchon, sera nommé le 23 septembre chef de la marine turque oeuvrant dans la Mer Noire. Cet échec britannique coûte leur poste à deux amiraux anglais et accélère l’entrée de la Turquie aux côtés des empires centraux.

L’épopée du SMS Breslau et du SMS Goeben, poursuivis par la flotte anglaise à travaers la Méditerranée.

L’épopée du SMS Breslau et du SMS Goeben, poursuivis par la flotte anglaise à travaers la Méditerranée.
Carte Brun Georges. , 2015

Le SMS Breslau à pleine vitesse. Petit croiseur, il accompagne le cuirassé Goeben en Méditerranée au début du conflit, échappe aux navires alliée et se réfugie en Mer Noire ou il passe au service de la marine turque et est rebaptisé  Midilli. Il sert en Mer Noire jusqu'au printemps 1917, et, repassé en Méditerranée, saute sur une mine au large d’Imbros le 20 janvier 1918. Le futur amiral nazi Karl Dönitz a servi à son bord comme officier.

Le SMS Breslau à pleine vitesse. Petit croiseur, il accompagne le cuirassé Goeben en Méditerranée au début du conflit, échappe aux navires alliée et se réfugie en Mer Noire ou il passe au service de la marine turque et est rebaptisé Midilli. Il sert en Mer Noire jusqu'au printemps 1917, et, repassé en Méditerranée, saute sur une mine au large d’Imbros le 20 janvier 1918. Le futur amiral nazi Karl Dönitz a servi à son bord comme officier.
Photo. , 2015






















• En Afrique de l’est, c’est le croiseur SMS Königsberg qui fait parler de lui. Escorteur du yacht impérial avant la guerre, il est armé pour le combat et chargé de la surveillance de la côte est de l’Afrique. Il s’empare d’un navire de commerce anglais, coule le croiseur léger HMS Pegasus mais, afin de réparer ses chaudières, fait halte dans le delta du fleuve Rufiji, où il est repéré par les croiseurs britanniques fin septembre 1914. Il parvient à tenir tête aux navires et avions britanniques durant de longs mois, mais est finalement mis hors de combat le 11 juillet 1915. Son capitaine, Max Loof, 187 hommes ainsi que l’artillerie du navire (canons de 105) et une partie de l’équipement du navire (dont l’artillerie de 105mm) partent rejoindre les forces terrestres de l'Afrique orientale allemande commandées par le lieutenant-colonel von Lettow-Vorbeck, pour trois années de guérilla terrestre.

 Le SMS Königsberg  sabordé dans le delta du Rufiji.

Le SMS Königsberg sabordé dans le delta du Rufiji.
Photo. Walter Dobbertin. , 2015

Le HMS Lion suivi par le HSM Queen Mary et le HMS New Zeland, les trois croiseurs-cuirassés qui ont pris part à la bataille navale de Helgoland.

Le HMS Lion suivi par le HSM Queen Mary et le HMS New Zeland, les trois croiseurs-cuirassés qui ont pris part à la bataille navale de Helgoland.
Photo. Agence Rol., 2015
















• En Baltique, le 26 août 1914, un engagement naval près de l'île d'Odensholm oppose de navires russes à des croiseurs légers allemands. Bataille mineur, qui permet cependant aux Russes de réduire le SMS Magdeburg à l’état d’épave et surtout d’y découvrir 3 exemplaires du code secret de la Marine allemande, découverte déterminante immédiatement transmise à l’amirauté anglaise.
• Dans la mer Noire, l’escadre turque désormais commandée par l’amiral Souchon effectue un raid d’envergure entre le 27 et le 29 octobre 1914contre les ports russes d’Odessa, de Feodosiya, de Novorossiysk ; il en profite pour miner le détroit de Kertch entre la mer noire et la mer d’Azov. En conséquence, le Russie déclare la guerre à l'Empire ottoman le 1er novembre 1914.
• En mer du nord, le 28 août 1914, la marine anglaise effectue un raid contre des croiseurs légers allemands à l’ouest d’Heligoland, coulant 4 bâtiments adverses.

La bataille de Coronel. Carte des manœuvres des deux flottes durant l’affrontement. La bataille sera une grande victoire pour l’amiral Von Spee. Mais aussi son chant du cygne. Ayant en effet épuisé la moitié  de ses munitions, il tente de rallier les ports de guerre allemands mais se laisse tenter par un raid surprise contre les installations portuaires anglaises de Port Stanley aux Falklands. Il ne se doute pas qu’il y est attendu par une flotte bien supérieur et se jette dans la gueule du loup : ce sera un désastre.

La bataille de Coronel. Carte des manœuvres des deux flottes durant l’affrontement. La bataille sera une grande victoire pour l’amiral Von Spee. Mais aussi son chant du cygne. Ayant en effet épuisé la moitié de ses munitions, il tente de rallier les ports de guerre allemands mais se laisse tenter par un raid surprise contre les installations portuaires anglaises de Port Stanley aux Falklands. Il ne se doute pas qu’il y est attendu par une flotte bien supérieur et se jette dans la gueule du loup : ce sera un désastre.
Carte Georges Brun, 2015

Schéma de la bataille des Falklands, le 8 décembre 1914. Terrible déconvenue pour la marine de guerre allemande, la bataille des Falklands ne met cependant pas fin à la guerre sur mer : si les Allemands évitent désormais toute confrontation directe entre les grands bâtiments, leurs sous-marins poursuivent une guerre sans merci, bien plus efficace que les engagements en surface, si spectaculaires soient-ils.

Schéma de la bataille des Falklands, le 8 décembre 1914. Terrible déconvenue pour la marine de guerre allemande, la bataille des Falklands ne met cependant pas fin à la guerre sur mer : si les Allemands évitent désormais toute confrontation directe entre les grands bâtiments, leurs sous-marins poursuivent une guerre sans merci, bien plus efficace que les engagements en surface, si spectaculaires soient-ils.
Carte Brun Georges, 2015

VII Dans les coloniesRevenir au début du texte

La guerre de 1914-1918 dans les colonies africaines. Les colonies africaines allemandes seront rapidement submergées par des ennemis bien supérieurs en nombre et en matériel, hormis en Afrique Orientale allemande, où le colonel Paul von Lettow-Vrobeck mènera avec ses Askaris la vie dure aux Anglais jusqu’au delà de l’armisctice …

La guerre de 1914-1918 dans les colonies africaines. Les colonies africaines allemandes seront rapidement submergées par des ennemis bien supérieurs en nombre et en matériel, hormis en Afrique Orientale allemande, où le colonel Paul von Lettow-Vrobeck mènera avec ses Askaris la vie dure aux Anglais jusqu’au delà de l’armisctice …
Carte Brun Georges, 2015

Dès le début du conflit, les colonies allemandes d’Afrique, Cameroun, Togo, Afrique du Sud-Ouest et Afrique orientale allemande deviennent des objectifs militaires aussi bien pour les Anglais que pour les Français et les Belges, et bientôt pour le Portugais, entrés plus tardivement dans la lutte. Les combats sont rapidement inégaux : les campagnes militaires, hormis en Afrique de l'Est et en Afrique du nord, sont relativement expéditives, les forces coloniales allemandes étant très nettement inférieures aux forces anglaises ou françaises.

• La petite colonie du Togo est très rapidement envahie par les Britannique venus du la Côte-de-l'Or (Gold Caost, actuel Ghana), et les Français venant du Dahomey (actuel Bénin). Totalement débordés et réduits à l'impuissance par manque d'armes, les militaires allemands déposent les armes le 26 août à Atakpamé. Les combats auront couté 488 tués coté Allemand (Dont 474 Togolais) et 1 177 blessés (dont 1 100 Togolais), les Alliés déplorant la moitié moins de victimes.
• Au Cameroun stationnent 1 000 soldats allemands et 3 000 soldats autochtones, principalement dans le sud du pays, entre Douala et Yaoundé. Le pays est rapidement assailli depuis le Nigéria par les Anglais et depuis le Congo par les Français et les Belges. Douala tombe dès le 27 septembre 1914 et les alliés contrôlent tous les débouchés maritimes du pays. Le pays sera totalement contrôlé en décembre 1915.
• La colonie allemande du Sud-Ouest Africain (Namibie) est envahie dès le mois de septembre malgré le soutien de troupes nationalistes Afrikaners aux Allemands (Rébellion de Martiz). Les pays sera conquis par les Sud-africains dans les 6 premiers mois de 1915 et les dernières troupes allemandes se rendent le 9 juillet 1915.
• Mais en Afrique de l'Ouest allemande (Tanzanie et Burundi), c'est une autre chanson : durant les quatre années du conflit, les forces alliées britanniques, belges et portugaises ne parviennent pas à battre l'armée allemande du commandant Lettow-Vorbeck qui parvient à conserver la capacité combattive de son armée en menant une incessante campagne de guérilla. Les troupes ne se rendront qu'après la signature de l'armistice du 11 novembre, et sans être définitivement battues.

La bataille de Tanga, 3 - 5 novembre 1914 par Martin Frost (1875-1927). La bataille de Tanga  est la première bataille majeure de la Première Guerre mondiale en Afrique, lors de laquelle le commandant allemand Paul von Lettov Vorbeck écrase les forces anglaises, inaugurant une guerre de guérilla qu’il mènera au-delà de l’armistice !

La bataille de Tanga, 3 - 5 novembre 1914 par Martin Frost (1875-1927). La bataille de Tanga est la première bataille majeure de la Première Guerre mondiale en Afrique, lors de laquelle le commandant allemand Paul von Lettov Vorbeck écrase les forces anglaises, inaugurant une guerre de guérilla qu’il mènera au-delà de l’armistice !
Carte postale. inconnu, 2015




















• En Extrême-Orient, dès septembre, les Japonais débarquent dans la baie de Tsingtao. Rapidement, ils sont 58 000 qui assiègent la ville, défendue par 1 400 Allemands. Le 7 novembre 1914, c’en est fini.

 Les premiers tués allemands lors du siège de Tsingtao par les Japonais.

Les premiers tués allemands lors du siège de Tsingtao par les Japonais.
Photo Bundesarchiv. Inconnu. , 2015

 Batterie allemande  du Mont-Bismarck à Tsingtao.

Batterie allemande du Mont-Bismarck à Tsingtao.
Photo Bundesarchiv. Inconnu., 2015

Première ligne de défense de Tsingtao du côté allemand, avec les troupes du troisième bataillon de marine. Les Allemands de la colonie, 1 400 soldats contre plus de 50 000 Japonais, se rendront apr ès une brève résistance, le 7 novembre 1914.

Première ligne de défense de Tsingtao du côté allemand, avec les troupes du troisième bataillon de marine. Les Allemands de la colonie, 1 400 soldats contre plus de 50 000 Japonais, se rendront apr ès une brève résistance, le 7 novembre 1914.
Photo Bundesarchiv. Inconnu., 2015

• Il en va de même pour les nombreuses îles du pacifique (Nouvelle-Guinée ou Wilhelmsland, Samoa, Mélanésie, archipel Bismarck, îles Marshall, Mariannes, Carolines, Rabaul) : dès le mois de septembre les troupes britanniques (Australiens, Néo-zélandais) et japonaises en prennent possession, le plus souvent sans combats.

VIII De nouveaux belligérantsRevenir au début du texte

La guerre dans le monde. Carte montrant l’extension au monde entier du premier conflit mondial, avec notamment l’entrée en guerre de nombreux pays, ainsi que les grands affrontements maritimes hors Europe.

La guerre dans le monde. Carte montrant l’extension au monde entier du premier conflit mondial, avec notamment l’entrée en guerre de nombreux pays, ainsi que les grands affrontements maritimes hors Europe.
Carte Georges Brun, 2015

Le 23 août, le Japon s'engage aux côtés des Alliés. Son objectif est essentiellement de s’affirmer comme grande puissance régionale en Extrême-Orient : les Japonais visent principalement le grand comptoir allemand de la baie de Kiaou-Tchéou et sa ville de Tsing-Tao au nord-est de la Chine. Le 27 août, une escadre bloque le port de Tsing-Tao que l’escadre allemande a quitté, et le 2 septembre 58 000 Japonais débarquent, assiégeant la ville défendue par environ 4 500 soldats allemands. Après un bombardement d’artillerie de 7 jours, les Allemands se rendent le 7 novembre 1914.

Quant à la Turquie, elle penche de plus en plus du côté de l’Allemagne, surtout après que les Britanniques, qui devaient leur livrer deux navires de guerre, les réquisitionnent pour leur propre marine le 3 août, et qu’une semaine plus tard les croiseurs allemands Goeben et Breslau, poursuivis par une escadre franco-anglaise dans les Dardanelles, « changent » de nationalité et deviennent le Yavuz Sultan Selim et de Midilli… Tout en conservant leurs équipages allemands aux ordres de l’Amiral Wilhelm Souchon… Après encore quelques hésitations, la Turquie entre en guerre contre les Alliés: le conflit débute lorsque la marine Turque de la Mer Noire, désormais renforcée par les bâtiments allemands, attaque dès la 29 octobre des bases russes et bombarde des villes côtières. Le 1 novembre, l'empire russe déclare la guerre à la Turquie, alors que depuis la veille le général russe Bergmann a lancé un offensive dans le Caucase. Cette offensive s'enlise rapidement, les Turcs parvenant à contenir les Russe, et même à envisager une contre-offensive en direction de Sarikamish. La bataille de Sarikamish débute le 22 décembre 1914. Les Turcs, trop confiants, y essuieront une terrible défaite.

L’appel au « Djihad » du cheik turc Mustafa Hayri Efendi, ou la déclaration de guerre de la Turquie aux puissances de l’Entente, le 14 novembre 1914.

L’appel au « Djihad » du cheik turc Mustafa Hayri Efendi, ou la déclaration de guerre de la Turquie aux puissances de l’Entente, le 14 novembre 1914.
Photo du gouvernement turc. Inconnu, 2015

Troupes russes dans une tranchée lors de la bataille de Sarikamish, janvier 1915.

Troupes russes dans une tranchée lors de la bataille de Sarikamish, janvier 1915.
. Inconnu, 2015

ConclusionRevenir au début du texte

Au bout de cinq mois de guerre, de terribles constats s’imposent aux belligérants, à tous les pays, au monde entier :


• C’en est fini des guerres « traditionnelles » avec charges de fantassins et de cavalerie, sabre au clair, où l’offensive est reine. Contre un ennemi mieux préparé, mieux armé, particulièrement d’artillerie à longue portée et de mitrailleuses, utilisant mieux le terrain, les attaques au pas de course, baïonnette au canon en terrain découvert, en pantalon rouge garance très visible équivalent à un suicide collectif. La terrible journée du 22 août 1914, 27 000 morts pour l’armée française, en est l'illustration.


• Le bilan de ces cinq mois, rien que sur le front français, est effrayant : 400 000 tués sur le champ de bataille, et 50 000 morts dans les hôpitaux des suites de leurs blessures… Les Allemands de leur côté perdent environ 300 000 tués pour la même période. Ces cinq premiers mois sont de très loin les plus mortifères pour l’ensemble de la guerre. Le pourcentage des tués durant le mois de septembre est de est de 19% pour l’armée française et de 17% pour l’armée allemande ! A titre de comparaison, ce pourcentage sera d’environ 3,5% durant toute la guerre de position.


• Sur le plan militaire, tout est à repenser, à commencer par le fait que la guerre va durer : il faut mobiliser toute la population, reconvertir toute l’économie, toutes les administrations et les industries de guerre pour permettre aux populations de vivre et aux armées de combattre. Si l'Allemagne, qui a définitivement écarté l'invasion de son territoire, bénéficie de l'organisation moderne et puissante de son économie, la France se trouve gravement handicapée : ses départements les plus riches sont envahis par l'ennemi ; leur potentiel représente 95 hauts-fourneaux sur 123, 90% du minerai de fer et 40% du charbon français.


• Tactiquement et stratégiquement, l’Etat-Major français, l’OHL allemand et même le commandement britannique ont totalement failli : coté allemand, l’armée est certes bien mieux préparée, moderne, efficace et surclasse largement toutes les autres armées ; mais Moltke sous-estime gravement la capacité de résistance de la petite armée belge, la rapidité de l’entrée en guerre de la Russie et la vaillance du soldat français. Coté français, c’est pire : Joffre et son Etat-Major ne cernent absolument pas l'ampleur de la manœuvre entreprise par les Allemands en Belgique ; mal renseignés, ils sous-estiment totalement les forces allemandes et prennent des décisions avec une, voire deux journées de retard ; quant aux Anglais, ils découvrent que leur engagement militaire les entraînera beaucoup plus loin qu'ils ne le pensaient et mettra tout leur empire à contribution.