Par Georges Brun
Publié le 11 décembre 2015
Retour à Les combats en Alsace
Pour les deux puissances, la France et le Reich, l'Alsace et tout le Reichsland sont un enjeu politique de premier plan : les Allemands – et nombre du moins au début - tiennent à défendre leur patrie, la « Heimat », alors que les Français, ainsi qu’une petite minorité d’Alsaciens-Lorrains, veulent absolument recouvrer les « Chères provinces perdues ».
Par contre, pour les militaires, l’Alsace est, stratégiquement, un théâtre d’opération secondaire : pour les Français, aucune exploitation d’une éventuelle conquête n’est possible en raison de la barrière infranchissable du Rhin, alors que pour les Allemands, totalement occupés par le « plan Schlieffen », les Vosges forment une barrière naturelle rendant les opérations de guerre ainsi que la logistique extrêmement complexes, d’autant que cet obstacle est renforcé à l’ouest par les fortifications Séré-de-Rivières courant de Belfort à Verdun.
Belfort : le fort des Basses-Perches. Construit entre 1874 et 1877 par Séré de Rivières, il fait partie dui puissant ensemble fortifié de la ville et est destiné à barrer une possible offensive allemande vers la vallée du Rhône.
Photo Brun Georges, 2014
Epinal : le fort de Bois-l’Abbé. Construit de 1884 à 1885 à Uxegney, il est un exemple de fortification de l'Est de la France de type Séré de Rivières, destiné à barrer la route à une éventuelle invasion allemande.
Photo Brun Georges, 2014
Pour les Français cependant, la libération de l'Alsace est un impératif psychologique essentiel. Avec l’accord des politiques, Joffre intègre une offensive en l’Alsace dans son fameux plan XVII : parallèlement à l’offensive principale en Lorraine et Ardennes, une attaque est prévue depuis Belfort, visant la libération de la Haute-Alsace.
Or il était intolérable aux Allemands de perdre impunément Mulhouse, la seule grande ville du Sud de l'Alsace : aussi décident-ils, contrairement à leur plan initial, de défendre l’Alsace, bien que leur effort principal porte sur la Belgique et le nord de la France.
Vue sur l’entrée de la vallée de Munster et la plaine d’Alsace depuis le Petit Ballon. Les Vosges constituent un obstacle important à toute offensive allemande contre la France. C’est pourquoi l’état major du Kaiser les considèrent comme un front relativement secondaire.
Photo Brun Georges, 2014
Le terrain sur lequel va se dérouler la guerre se divise en deux grands secteurs : l'un de montagne au sud, l'autre de plaine. Entre la trouée de Belfort et le Donon, les Hautes-Vosges forment la barrière de la ligne des crêtes d'une altitude moyenne de 1 100 mètres, que seuls quelques cols permettent de franchir : Bussang, Schlucht, le Bonhomme, Sainte-Marie, Saales...
Au nord du Donon les altitudes sont bien moins importantes, mais une armée ne peut progresser vers le nord que par d’étroits couloirs ouvrant sur la Lorraine : le couloir de Sarrebourg, le couloir Blâmont-Sarrebourg, la trouée Morhange-Bensdorf, les collines entre Sarre-Union et Morhange et la trouée de Dieuze-Morhange.
Les combats vont se dérouler sur les deux secteurs : au nord du Donon, ils vont être brefs mais terriblement meurtriers entre août et septembre 1914, correspondant au début de l’offensive Joffre du plan XVII rapidement mise en échec. Par contre, au sud, ils vont s’éterniser dans une éprouvante guerre de position de montagne, usant les meilleures troupes, Alpins et Jäger, pour des résultats insignifiants.
Dès après l’annexion de 1871, les Allemands s’emploient à créer une solide ligne de défense sur le front d'Alsace et de Lorraine, craignant un futur conflit contre la France. Cette ligne de défense est consolidée et échelonnée en profondeur :
• Du sud au nord de l’Alsace, les Rhin constitue une barrière naturelle difficilement franchissable, s’appuyant sur les fortifications de la « Feste » de l’Isteinerklotz qui couvre les ponts de Huningue et de Chalampé-Neuenbourg et de celle de Neuf-Brisach qui protège deux ponts de bateaux jetés sur le Rhin et un pont fixe. Plus au nord, la place forte de Strasbourg dont le système défensif (18 forts) se prolonge jusqu’aux portes des Vosges avec la formidable « Feste Wilhelm II » de Mutzig et le Donon, lui-même fortifié, interdit absolument l'accès de la Basse-Alsace.
Carte de la ceinture des forts construits par les Allemands après 1871 afin d’assurer la protection du Reichsland.
Carte Brun Georges, 2015Vue sur la Kaiser Wilhelm Feste de Mutzig. Construite à partir de 1893, la Feste Kaiser Wilhelm est la plus importante forteresse de l’empire allemand en 1914. Destinée à barrer la route à une invasion débouchant de la vallée de la Bruche, elle se montre redoutablement efficace en août 1914, mais ne joue par la suite qu’un rôle mineur.
Photo Brun Georges., 2014
• Le long de la trouée de Sarrebourg et de la région des étangs, les Allemands établissent de puissants systèmes défensifs alliant les zones inondables aux ouvrages de défense des forêts de Brides et Köking. Enfin, en 1913 débutent la construction d'ouvrages permanents sur la côte de Delme, élargissant singulièrement le périmètre de la place de Metz : la trouée de Morhange se trouve réduite à une trentaine de kilomètres, entre Dieuze et Delme. De plus, l’état-major allemand (O.H.L.) ou « Oberste Heeresleistung » a pris grand soin de bien étudier le terrain, particulièrement entre Sarrebourg et Metz, et y a effectué de nombreuses manœuvres avant la guerre. Lors de l’offensive Française de la mi-août 1914, les XVème et XXème corps d’armée de Castelnau vont s’y engouffrer à leurs dépens.• Du coup, la région montagneuse des Vosges et même la plaine d’Alsace sont relativement peu fortifiées et défendues par des effectifs assez réduits, le gros des forces allemandes campant sur la rive droite du Rhin mais pouvant être transporté très rapidement sur n’importe quel point névralgique, grâce à un réseau très dense de voies ferrées.
4. Position des armées début août 1914 dans le Grand-Est
Portraits des généraux allemands commandant les troupes du Kaiser dans le Reichsland.
Montage photo. Brun Georges, 2014Si les Allemands massent le maximum de leurs troupes face à la Belgique, de part et d'autre du couloir Meuse-Sambre, ils ne négligent pas pour autant le front du Reichsland, particulièrement en vue d’opérer une percée en direction de la trouée de Charmes leur permettant d’encercler toute l’armée française entre Paris et Metz, selon la théorie chère à Schlieffen.
Dès le 28 juillet, les détachements de couverture occupent leurs positions en Alsace-Lorraine :
• Sur le front Lorrain, entre Metz et le col de Saverne se positionne la VIème armée du Kronprinz Rupprecht de Bavière, soit plus de 200 000 hommes (13 divisions réparties en 3 corps d'armée (A.K.) actifs et 1 corps de réserve) : elle doit rester sur des positions défensives et y aspirer littéralement les troupes françaises.
• Sur le front d'Alsace, la VIème armée de Von Heeringen, 120 000 hommes (6 divisions réparties en 3 A.K.) se tient elle aussi en position d’attente : le XIVème A.K. entre le Donon et Neuf-Brisach et le XVèème A.K. (40 000 hommes), aux ordres du général Von Deimling, fameux « mangeur d'Alsaciens », entre Neuf-Brisach et la frontière suisse.
Portraits des généraux français commandant les troupes de la République sur le front des Vosges en 1914-1915.
Montage photo. Brun Georges, 2014Les Français, de leur côté, adoptent une attitude nettement plus offensive selon les directives Joffre : l’enjeu est une attaque massive en direction de Sarrebrück par la trouée de Morhange – Sarrebourg et une attaque secondaire vers l’Alsace depuis Belfort et les vallées de la Doller, de la Thur et de la Fecht, après s’être assuré de la crête des Hautes-Vosges :
• Entre Lunéville et Belfort, se positionne la Ière armée française sous les ordres du général Dubail : environ 380 000 hommes répartis en 5 corps d’armée (C.A.), 1 division de cavalerie et 6 corps de réserve. Cette armée s’appuie sur les ensembles fortifiés d’Épinal au nord et de Belfort au Sud. A partir de cette première armée sera formée entre le 12 et le 28 août 1914 l’éphémère « Armée d’Alsace » commandée par le général Paul Pau (VIIème C.A., la 44ème division, 5 bataillons de Chasseurs Alpins ou B.C.A.), qui mènera l’offensive dans le Haut-Rhin.
• Entre Lunéville et Toul, se positionne la IIème armée sous les ordres du général de Curières de Castelnau : plus de 300 000 hommes répartis en 5 C.A., 6 divisions de réserve et 3 divisions de cavalerie. Mais cette armée sera fortement amoindrie, amputée notamment de deux corps d’armée appelés d’urgence dans les Ardennes à la veille de l’offensive) et de 5 divisions de réserve affectées à la défense du Grand-Couronné en avant de Nancy. Ainsi, au moment d’entrer en action le 12 août, De Castelnau ne dispose que de 130 000 hommes : il court au-devant d’un échec certain.
I La mobilisation en Alsace
Fin juillet 1914, suite à l’attentat de Sarajevo, l’Europe bascule dans la guerre. Vendredi le 31 juillet, le Reich allemand, et donc le « Reichsland Elsass-Lothringen », sont déclarés en état de danger de guerre, « Kriegsgefahrzustand ». En conséquence, l'administration civile est soumise aux autorités militaires, la censure imposée à la presse et aux réunions publiques, la correspondance étroitement surveillée et la liberté individuelle fortement limitée.
Le lendemain, 1 août 1914, la mobilisation générale, « Generalmobilmachung » est décrétée dans tout le Reich et affichée dans toutes les communes du Reichsland : 220 000 Alsaciens et Mosellans, nés entre 1869 et 1897, doivent se rendre dans leurs casernes d’affectation pour y être incorporés, tant sur le front ouest que sur le front est, en fonction de leur régiment d’affectation. 3 000 d’entre eux se dérobent et franchissent la frontière française.
Lundi 3 août 1914 : à 18 heures, l'Allemagne déclare la guerre à la France.
La mobilisation à Berlin : scène de départ de soldats pour le front. Comme dans tout le Reich, la mobilisation ne se fait pas dans l’enthousiasme. Elle est emprunte de gravité, voir de tristesse.
Photo. Inconnu. , 1915« Lieb' Vaterland magst ruhig sein ! » (Chère patrie, sois rassurée !). Affiche de propagande montrant un Uhland ramenant sur la frontière par l’oreille, comme de mauvais écoliers, des « Pantalons Rouges ».
Illustration. Arthur Thiele (1841-1919)., 1915II Août 1914 : les premiers combats
1. Préliminaires
Les deux premières victimes de la guerre sur le front ouest : le caporal Jules-André Peugeot et le sous-lieutenant Albert Mayer. Les premiers d’une liste de plusieurs millions d’êtres humains…
Carte Brun Georges, 2015Le 30 juillet 1914, en signe de bonne volonté vis-à-vis de l’Allemagne, Adolphe Messimy (1869-1935), ministre de la guerre, ordonne aux troupes françaises des Ière et IIème armées de se retirer à 8km derrière la frontière. L’armée française abandonne donc ses positions sur les crêtes vosgiennes, que des patrouilles allemandes s’empressent d’occuper. Ainsi, le 1er août, à 3 heures du matin, des Uhlans entrent dans Sainte-Marie-aux-Mines avec une batterie d’artillerie. Le lendemain, vers 10 heures, à Joncherey, près de Delle, une échauffourée lors d’une patrouille fait les deux premières victimes de la guerre : le caporal Jules-André Peugeot, 21 ans, et le sous-lieutenant Albert Mayer, 22 ans. Au même moment, l’armée française réoccupe occupe le col de la Schlucht et descend vers la vallée de Munster… Le lendemain, la guerre est déclarée.
2. La première offensive française en Haute-Alsace : 4-13 août 1914
La première offensive française en Alsace relève autant d’un « impératif psychologique », une action d’éclat par la conquête d’une partie de ces « provinces perdues », que d’une nécessité stratégique, l’occupation des crêtes, des cols et si possible des vallées vosgiennes, prélude à la grande offensive voulue par Joffre conformément au plan XVII. Dubail est donc chargé, avec sa Ière armée, d’une part de réoccuper à minima les crêtes et cols vosgiens jusqu’au Donon, et d’autre part à pénétrer en Haute Alsace depuis Belfort.
a) L’offensive dans les Vosges
La première offensive, ou offensive Bonneau en Haute Alsace, 7-13 août 1914.
Carte Brun Georges, 2015Dès le 7 août, la 43ème D.I. se porte depuis Saint-Léonard et la vallée de la Fave vers les cols du Bonhomme et de Sainte-Marie, qui sont occupés le 8 après de durs combats. La 13ème D.I. de son côté s’empare du col de Saales le 12, puis du col du Hans, s’ouvrant ainsi la voie de la vallée de la Bruche et de Strasbourg. Plus au sud, le col de la Schlucht avait été réoccupé dès le 3 août.
b) L’offensive en Haute Alsace : 6-14 août
Dans le sud de l’Alsace, Dubail engage le 7ème corps d’armée, une brigade d'infanterie et une batterie attelée de 155 courts, soit la 14ème D.I. (brigade Quais et 28ème brigade) du général Curé, la 41ème D.I. du général Superbie, la 27ème brigade, la 8ème brigade de dragons et le 15ème bataillon des chasseurs (23ème, 152ème, 373ème régiments). Cet ensemble, soit 19 000 hommes, est placé sous le commandement du général Louis Bonneau (1851-1938).
L’offensive à 3 axes principaux :
•Dannemarie et Altkirch depuis Belfort (27ème et 8ème brigades) ;•Burnhaupt, le Pont d’Aspach et Cernay depuis Belfort (14ème D.I.) ;•Thann depuis le col d’Oderen et la vallée de la Thur (41ème D.I. et Chasseurs Alpins).A terme, Bonneau devait atteindre le Rhin par sa droite, en couper les ponts, puis se porter sur Colmar.
Déclenchée le 6 août l’offensive progresse assez facilement en raison de la faible résistance allemande, le gros des forces des XIVème et XVème A.K. étant stationnées de l’autre côté du Rhin. Ainsi la 41ème division ne rencontre aucune difficulté à s’emparer de la vallée de la Thur : Thann est prise le 7 à 16 heures et le 8, des détachements s’établissent à Reiningue, à 5 kilomètres de Mulhouse, puis à Lutterbach, dans les faubourgs de la ville. Au centre, la 14ème division s’établit le 7 sans trop de mal sur un front Aspach - Pont-d'Aspach – Burnhaupt - Ammertzwiller. Au sud, la progression se heurte à la résistance d’une brigade à Altkirch et le 11ème Dragons doit se replier devant les tirs d’artillerie, perdant une centaine d’hommes, tués et blessés. Profitant de la nuit, les Allemands évacuent la ville et se replient sur Mulhouse.
Le 8, la 14ème D.I., général Curé en tête, entre dans Mulhouse évacuée par les Allemands. Bonneau installe son quartier général à Niedermorschwiller (Morschwiller-le-Bas). La presse française fait grand écho de l’événement… et le ministre de la guerre Messimy se fend d’un télégraphe grandiloquent à Bonneau : « Mon général, l'entrée des troupes françaises à Mulhouse, aux acclamations des Alsaciens, a fait tressaillir d'enthousiasme toute la France. La suite de la campagne nous apportera, j'en ai la ferme conviction, des succès dont la portée militaire dépassera celle de la journée d'aujourd'hui. Mais, au début de la guerre, l'énergique et brillante offensive que vous avez prise en Alsace nous apporte un précieux réconfort. Je suis profondément heureux, au nom du Gouvernement, de vous exprimer toute ma gratitude. »
Les Allemands réagissent immédiatement en amenant le gros de leurs troupes : le XVème A.K. se positionne sur Ensisheim en vue de progresser vers Cernay, alors que le XIVème A.K. se déploie depuis Neuenberg dans la forêt de la Hart et avance sur Mulhouse.
Infanterie française en ligne près de Mulhouse, août 1914.
Photo Inconnu. Agence Rol. Bnf, Gallica. , 1914Une charge de l’infanterie française près de Mulhouse. Ces charges « à la baïonnette » comptent parmi les plus meurtrières de la guerre : les soldats, sans protection, sont décimés par les canons et mitrailleuses allemandes.
Photo Inconnu. Agence Rol. Bnf, Gallica. , 1915
Renseigné, le général Curé évacue la ville à 5 heures du matin et se positionne sur les hauteurs sud de Mulhouse, entre Riedisheim et Dornach.Durant toute la journée, le XIVème A.K. se rassemble à l’Ile Napoléon, que l’artillerie française ne parvient pas à atteindre. A 17 heures, les Allemands engagent le combat en direction de Cernay d’une part, en direction de Mulhouse d’autre part. Les combats font rage, particulièrement à Rixheim et à Lutterbach où la 41ème D.I. subit un terrible bombardement d’artillerie. Vers 20 heures toute l’armée française décroche et bat en retraite. Devant Cernay tombe le premier général Allemand, Koschenbart.
Le 10 au matin, Thann et la vallée de la Thur sont évacuées et la 41ème D.I. se replie en direction de Belfort par Guewenheim et Soppe. Au centre et au sud même repli sur Belfort, les Allemands étant décidés à tenter une action contre la ville : le 13, de furieux combats ont lieu entre Chavannes-sur-l’Étang et Montreux, particulièrement au Moulin-de-la-Caille, où les Français parviennent à contenir les assauts des Wurtembergeois et des Badois.
Cette offensive pour le moins imprudente, qui coûte 4 000 soldats à la France, tués et blessés, et 3 000 au Reich, refroidit considérablement l’Etat-Major français, particulièrement le généralissime Joffre qui entrevoyait déjà une victoire facile… Il fait payer son erreur au général Louis Bonneau, qui, le 12 août, inaugure la longue liste des généraux « limogés »… Il est remplacé par le général Paul Pau, placé à la tête de l’Armée d’Alsace créée le même jour.
3. La seconde offensive : 14 – 23 août 1914
Le 14 août démarre la « Bataille de Lorraine », la grande offensive du plan XVII de Joffre destinée à envahir l’Allemagne par la Lorraine grâce aux offensives des Ière et IIème armées entre Strasbourg et Metz, et des IIIème et IVème armées entre Metz et les Ardennes.
La IIème armée du général de Castelnau a pour objectif Sarrebrück et doit porter son effort principal entre Delme et Blamont en attaquant vers Château-Salins, Morhange, Dieuze, Angwiller, Gondrexange.
La Ière armée du général Dubail a pour objectifs Sarrebourg au nord, le Donon et la vallée de la Bruche puis Strasbourg au sud.
Enfin l’Armée d’Alsace, qui dépend de la Ière armée, doit, par les vallées Vosgiennes de la Fecht (Munster), de la Thur (Thann), de la Doller (Masevaux) et par la trouée de Belfort, s’assurer la conquête de la Haute-Alsace jusqu’aux rives du Rhin.
a) L’offensive de la deuxième armée et la bataille de Morhange
Carte de la bataille de Morhange. Sûre de la victoire, les Français foncent tête baissée vers le piège que leur tendent les Allemands sur leur ligne de défense fortifiée au nord de Morhange.
Carte. Brun Georges, 2015Le 10 août, la IIème armée se repositionne sur la frontière, la brigade mixte du général Lescot s’emparant même de Lagarde, au nord d’Avricourt, en territoire allemand, au grand dam de l’état-major... Le lendemain, les Allemands reprennent le village mal défendu, l’affaire, qui fait plus de 550 tués côté français et 360 coté allemand, fera grand bruit.
L’offensive débute le 14 août et progresse assez rapidement, suscitant à nouveau l’enthousiasme de l’état-major, qui abandonne toute prudence : le 20 août au matin, la IIème armée avance partout, est se positionne sur une ligne Delme – Chicourt – Morhange – Dieuze – Loudrefing, et s’apprête à faire la liaison avec l’armée Dubail.
Les premiers prisonniers allemands en Lorraine en août 1914. Ceux-là échapperont à l’horreur des tranchées…
Photo Inconnu. Tiré de « Collier's Photographic History of the European War », New York, 1916., 1916Batterie allemande en mouvement en Lorraine, août 1914.
Photo Inconnu. Tiré de « Collier's Photographic History of the European War », New York, 1916., 1915
Mais l’armée française n’a en face d’elle que des éléments de couverture, le gros des forces allemandes de la VIème armée de Rupprecht de Bavière restant en retrait. De plus, le 18, l’offensive allemande en Belgique oblige Joffre à prélever 2 corps d’armée pour les envoyer plus au nord… En même temps, il demande à Castelnau d’accélérer l’offensive.Le 19, les efforts français sont stoppés dans la forêt de Bride et de Köking, à Bidersdorff et au nord d’Angwiller. Le lendemain, ce sont les Allemands qui passent à l’offensive : la 29ème D.I. est obligée sous le feu de l’artillerie d’évacuer Bidersdorf et de se retirer sur Dieuze, au moment où la 30ème D.I., fortement contre-attaquée, se retire en hâte de la forêt de Brides et Köking. La 29ème est obligé d’évacuer Dieuze vers midi, et à droite le XVIème C.A. est contraint de reculer sous les coups de boutoir du Ier corps de réserve bavarois. Il abandonne bientôt toute la région des étangs.
Infanterie française à l’assaut dans un champ, baïonnette au canon.
Photo Inconnu. Agence Rol. Bibliothèque nationale de France, Gallica. , 1915Infanterie allemande dans une tranchées, quelque-part en Lorraine.
Photo Inconnu. Agence Rol. Bibliothèque nationale de France, Gallica. , 1915
La retraite de l’aile droite de la Ière armée compromet évidemment la position de son aile gauche. Mais son chef, le général Foch, pense qu’un vigoureux effort de ses hommes parviendra à enfoncer le front adverse. Il ordonne donc l’attaque… Et reçoit peu après, à 7h15, l’ordre de Castelnau de surtout ne pas bouger. Trop tard : La 11ème D.I., qui attaque Morhange est battue en brèche par l’artillerie et contre-attaquée par le XXIème AK Bavarois. La 39ème D.I., qui avance sur Chicourt subit un terrible feu de l'artillerie allemande et déplore de telles pertes qu’elle ne peut que battre en retraite.A 7h30, le IIIème A.K. Bavarois amorce une violente contre-attaque à l’ouest de Morhange contre le flanc gauche du 20ème C.A., le forçant à la retraite sur Château-Salins et Vic-sur-Seille.
Enfin plus à gauche, la 68ème D.I. de réserve, qui se porte vers Delme, est attaquée par 3 divisions bavaroises et doit se replier sur Jalaucourt.
À 16h30 de ce 20 août, de Castelnau ordonne le repli général de la IIème armée sur la Meurthe afin de préparer la défense du Grand-Couronné et de la trouée de Charmes.
b) L’offensive de la première armée et la bataille de Sarrebourg
L’effort principal de l’armée Dubail doit porter sur la région de Sarrebourg, et secondairement sur la vallée de la Bruche, en direction de Strasbourg. Les Allemands quant à eux on massé une artillerie lourde entre Obersteigen et Lixheim, pour assurer la défense de la vallée de la Sarre, alors que la Feste Wilhelm II de Mutzig contrôle le débouché de la vallée de la Bruche.
Le 14 août, les Français de la 13ème D.I. prennent le Donon, Plaine et Saint-Blaise dans la vallée de la Bruche. A Saint-Blaise est pris le premier drapeau allemand… 500 réservistes alsaciens du « Landwehr Infanterie Régiment » (L.I.R.) 99 et du L.I.R. 15 bavarois désertent pour se joindre aux troupes françaises. Les 21ème et 109ème régiments de la 28ème D.I., après avoir pris Wisches, avancent vers Molsheim, mais sont stoppées le 18 devant Mutzig.
Saint-Blaise : le drapeau du 49è régiment Bavarois pris par les chasseurs à pied français le 15 août 1914.
Photo Inconnu. Tiré de « The Great World War: A History » edited by Frank A. Mumby, Gresham Publishing Company. , 1915Les Allemands Montent à l’assaut du Donon le 21 août 1914.
Illustration, carte postale. Inconnu. BNUS, Gallica., 1915
Le 14ème C.A. quant à lui, après avoir occupé les cols du Bonhomme, de Sainte-Marie et d’Urbeis, avance sur Sainte-Marie-aux Mines et sur Villé : le 17 il entre dans Villé, et le 20 Sainte-Marie est occupée. Mais les Français éprouvent de sérieuses difficultés à progresser dans le Val d’Argent et celui de Villé.Le Commandant de la 1ère armée peut passer, dès le 12 août, à l'opération principale : la marche en direction du nord-est et l’établissement d’un front Sarrebourg – Dabo. Après avoir franchi la Meurthe le 12, les VIIIème et XIIIème C.A., après avoir franchi la frontière, se présentent respectivement devant Gosselming et Sarrebourg. Le 17 août le XIIIème C.A. s’établit sur une ligne Lorquin – Abreschwiller, et le VIIIème entre Bühl et Kerprich. Le 18 à 15h30 Sarrebourg tombe aux mains des Français, alors que le corps de cavalerie Conneau assure difficilement sur l’aile gauche la liaison avec la II ème armée de Castelnau. Plus au sud enfin, le XXIème C.A. avance sur Abreschwiller, Trois-Fontaines et Saverne.
Mais une fois encore, les Allemands ont massé le gros de leurs forces plus au nord. Le 19, la tendance s’inverse : Conneau est stoppé devant Gosselming ; la 13ème D.I. est stoppée dans son avance vers Obersteigen puis contre-attaquée, est obligée de se replier sur le Donon, soumis à un important bombardement d’artillerie en vue de sa reprise par les troupes de la 28ème division de réserve du général Curt Von Pavel ; dans la vallée de la Bruche, les Allemands contre attaquent à Urmatt, Grendelbruch et Schwarzbach, stoppant l’offensive. La 55ème brigade abandonne Schirmeck et se replie.
Bataille de Sarrebourg : la première batterie du 7ème. Feldartillerie-Regiments en action lors de la contre-attaque allemande.
Photo sur carte postale. Inconnu. , 1914.« Le Christ de Sarrebourg » : ce calvaire sur la route de Bühl a été frappé par un obus le 20 août. La croix a volé en éclats, mais le crucifié est resté en l’état. Cet événement « miraculeux » a été connu à l'époque dans beaucoup de pays, même au-delà de l'Europe. De nombreuses cartes postales et tableaux ont été produits et répandus pour faire connaître l'événement.
Photo sur carte postale. Inconnu. , 1915
Le 20 au matin, dans le secteur de la Sarre, la 15ème D.I. du VIIIème C.A. parvient à s’emparer de Gosselming à la faveur du brouillard, et la 16ème d’Eich, sur la rive droite. Mais à 11 heures, l’artillerie allemande, largement supérieure, entre en action alors que les Bavarois entament une implacable contre-attaque : en fin d’après-midi, les 15ème et 16ème D.I. ont reculé de plus de 15 kilomètres pour se retrouver le soir aux environs de Lorquin.Dubail est cependant décidé de reprendre l’offensive malgré les échecs subis. Mais il apprend dans la soirée l’échec de Castelnau à Morhange et la retraite de la Ière armée. Sous peine de voir les troupes du Kronprinz Rupprecht le déborder par le nord, il se résigne à ordonner la retraite.
c) L’offensive de l’armée d’Alsace
Pour Joffre, la toute nouvelle Armée d’Alsace confiée au Général Paul Pau doit jouer le rôle de flanc garde de la Ière armée et s’assurer la conquête de la Haute Alsace, jusqu’au Rhin. Son effectif, fort de 115 000 hommes, est formé du VIIème C.A. du général Vauthier (14ème D.I., 41ème D.I., 44ème D.I. alpine, 8ème division de cavalerie) auquel sont adjoints la 57ème D.I. de réserve ainsi que 5 groupes de Chasseurs Alpins. S’y ajoutent le 1er groupe de division d'infanterie de réserve avec les 58ème, 63ème et 66ème D.I., ainsi que deux batteries d’artillerie lourde. Les 5 groupes de Chasseurs Alpins du général Bataille sont spécialement chargés d’intervenir dans les Hautes-Vosges, sur la ligne de crête, entre le ballon de Servance et le col de la Schlucht.
L’offensive dans les Hautes-Vosges est lancée le 14 août :
• Le 30èmeB.C.A., parti du Hohneck, passe le col de la Schlucht attaque en direction de Munster, Le 13ème B.C.A. restant en réserve.• Plus au sud, les 12ème et 22ème B.C.A. descendent le col de Bussang et progressent rapidement dans la vallée de la Thur. A 19 heures, il entrent dans Thann, évacuée par les Bavarois, et se dirigent sur Cernay.• Quant au 28ème B.C.A., il descend depuis le ballon d’Alsace dans la vallée de la Doller et entre sans encombre à Masevaux vers midi, puis sur Rodern, puis enfin en direction de Cernay. Les 12ème, 22ème et 28ème B.C.A. sont alors réunis sous le commandement du général Gratier.Le lendemain 15 août, le général Pau lance la grande offensive depuis Belfort :
• Au centre, l’offensive principale est menée par le VIIème C.A. en direction de Mulhouse, par l’axe routier principale Belfort-Mulhouse.• A sa droite, la 66ème D.I. et la 44ème division alpine progressent vers Chavannes-sur-l’Étang puis le long du canal Rhône-Rhin.• A gauche, les 44ème et 58ème D.I. avancent vers Guewenheim-Aspach-Wittelsheim en se coordonnant avec le groupe alpin Gratier.Le 16, l’offensive surprend les troupes allemandes qui refluent vers le nord de la Haute-Alsace, abandonnant passablement de vivres et de matériel. Le seul point de résistance important de la journée sera Dannemarie. Le 17, Munster tombe alors que le 13ème B.C.A. et le 152ème R.I., le fameux « Quinze-deux » se dirigent vers les Trois-Epis par Horod et le Grand Hohnack.
Le 18 août, L'Armée d'Alsace se tient sur une ligne de front Tagsdorf – Obermorschwiller – Zillisheim - Hochstatt- Morschwiller-le-Bas – Reiningue – Wittelsheim - Soultz. Plus au nord, les troupes ont dépassé Munster et progressent vers Labaroche. Au soir, Pau donne ordre pour le lendemain d’attaquer sur tout le front avec pour objectif la ligne de l’Ill (Altkirch et le Haut-Sundgau, Mulhouse, Ensisheim, Colmar), puis l’avancée sur Huningue, Chalampé, Neuf-Brisach…
Dannemarie. Le viaduc détruit par les obusiers allemands de 420mm.
Photo Inconnu. BDIC_VAL_319_006 , 1915La bataille d’Altkirch, 7 août 1914… vue par les Français. Carte postale de l’époque.
Illustration, carte postale. Inconnu. , 1915
Le 19, tout le front s’embrase : tout au nord, au pied du Hohnack le 152ème R.I. livre un farouche combat contre 3 bataillons du Landsturm saxon (Plus de 220 tués) durant toute la journée, avant d’atteindre Labaroche ; dans la vallée, les Chasseurs sont à Walbach : il y rencontrent une vive résistance des Wurtembergois, subissent quelques pertes avant que l’adversaire ne décroche et progressent vers Turckheim ; de son côté, le groupe Gratier dépasse Guebwiller, s’empare d’Oschwihr et poursuit son mouvement sur Colmar ; autour de Mulhouse, la résistance allemande est beaucoup plus acharnée : les Badois, très inférieurs en nombre et en matériel résistent avec acharnement à Lutterbach, Pfastatt, Richwiller, Dornach et au sud sur une ligne Brunstatt – Flachslanden. L’attaque français débute à 10 heures par un violent bombardement d’artillerie auxquelles succèdent les charges d’infanterie : vers 15 heures, débordées, les forces allemandes quittent la ville, réoccupée pour la seconde fois par les Français. Au sud enfin, la 41ème D.I., après de violents combats autour d’Emlingen et de Tagolsheim, se rabat sur Altkirch. C’est lors d’une charge devant Altkirch que le général Plessier, commandant de la 88ème brigade, tombe, frappé de trois balles. Il décédera le 25 à Lyon.Les 20 et 21, l’offensive progresse encore : au sud, Altkirch tombe le 20 et les troupes progressent vers le sur le long de l’Ill pour atteindre Hirtzbach puis Hirsingue ; à Mulhouse, les troupes s’organisent et se retranchent tandis que des patrouilles poussent jusqu’à Ensisheim et dans la Harth ; plus au nord, le groupe Gratier dépasse Pfaffenheim et avance sur Ingersheim par le vignoble, alors que le 30èmeB.C.A. s’empare de Turckheim et pousse des pointes vers Ingersheim, Ammerschwiher, Kaysersberg, alors que le 13ème B.C.A., après avoir pris Orbey, Labaroche et les Trois-Épis, reste en couverture.
Le 22, les combats se cristallisent autour d’Ingersheim, verrou de la ville de Colmar. Les Bavarois lancent une violente contre-attaque et les combats font rage durant toute la journée dans le village. Finalement, les troupes allemandes décrochent. A la fin de la journée, le Rhin semble à portée de main des troupes françaises.
Malheureusement la situation générale de l’armée française en Lorraine, dans les Ardennes et dans le Nord tourne au désastre, et l’état-major est totalement dépassé. Joffre ordonne la retraite à la IIème armée de Castelnau, ce qui entraîne automatiquement celle de la Ière et celle de l’Armée d’Alsace. Après l’abandon par Dubail du Donon et du col de Saales, toute l’armée d’Alsace se trouve menacée, particulièrement au nord, entre le col du Bonhomme et Saint-Dié : c’est l’heure de la retraite pour l’armée française et celle de la contre-offensive de l’armée allemande, en lien avec la percée en Belgique et la marche sur Paris des Ière, IIème, IIIème et IVème armées.
4. Retraite française, contre-attaque allemande et stabilisation : 23 août - 11 septembre
A partir du 23 août, les Ière et IIème armées françaises sont en retraite. C’est cependant une retraite qui se fait en bon ordre, ponctuée par une série de batailles permettant aux Français de « limiter » les dégâts puis même de contrer, au moment où se déroule la bataille de la Marne, et en lien avec celle-ci :
• Sur le front Lorrain, après que l’armée de Rupprecht de Bavière ait pris Lunéville le 22, s’engage la bataille de la trouée de Charmes : l’objectif de la VIème armée est de percer la ligne de défense française et de se rabattre dans le dos de l’armée française. L’offensive débute le 24 par une percée allemande vers Charmes, mais de Castelnau parvient à contenir et même à contrer l’offensive à hauteur de Nancy ; indécis durant 6 jours, les combats s’achèvent finalement le 29 au profit des Français qui parviennent à stabiliser le front sur la Mortagne.• Plus au sud, entre le Donon et le col du Bonhomme, même scénario : l’armée française entame sa retraite face à la contre-attaque allemande visant à séparer la Ième armée française de la 2ème : le 20 août, le XXIème C.A. est refoulé entre Baccarat et Raon-L'Étape sur le col de la Chipotte, et le XIVème C.A. recule à Moyenmoutier, Senones, Ban-de-Sapt et Provenchères pour se replier à partir du 24 sur une ligne Etival - Saint-Dié. Le 25, les Allemands envahissent la vallée de la Hure, le Ban-de-Sapt et le massif de l’Ormont. Ils s’installent sur la colline de la Fontenelle et la « cote 627 » qu’ils fortifient. Ils se focalisent particulièrement sur La Croix-aux-Mines et les col de Mandray et des Journaux, afin de créer une brèche entre les Hautes-Vosges et la vallée de la Meurthe. Le 27, ils entrent à Saint-Dié, puis occupent Saint-Léonard, Mandray, la Croix-aux-Mines et Saulcy-sur-Meurthe. Les combats font rage les jours suivants, mais, aux prix de pertes très élevées, les Français parviennent à se maintenir sur une ligne cols des Bagenelles – col de Mandray – Saint-Léonard – Taintrux – La Salle – col de la Chipotte.
• A partir du 4 septembre, Rupprecht de Bavière lance son armée dans une nouvelle offensive pour tenter à nouveau de percer le front en direction de la Champagne. Après l'échec de Charmes, la prise de Nancy serait pour les Allemands une importante victoire psychologique. Ainsi, au lieu de déborder Nancy par le sud (trouée de Charmes), ils tentent de l’attaquer de front et d’enfoncer de vive force les défenses du Grand Couronné, une série de hauteurs dominant la plaine à l’est de Nancy. Le Kaiser vient en personne superviser l'offensive. L’attaque débute après un bombardement d’artillerie initial. Les forces allemandes parviennent à prendre du terrain au nord et au sud, mais sont contenues sur le Grand-Couronné lui-même. Les combats font rage durant une semaine, de Castelnau contient toutes les attaques ennemies. Finalement, le 12 septembre les Allemands renoncent et se replient.• En Haute-Alsace, la situation est la même, d’autant que Joffre est obligé de prélever d’importantes troupes pour les jeter dans la bataille de la Picardie à la Champagne pour tenir tête tant bien que mal à l’offensive Schlieffen et préparer, sur l’intuition de Galliéni, la contre-attaque sur la Marne. Ainsi, le gros du VIIème C.A. est envoyé dès le 22 août sur le front de la Somme : cette décision entraîne automatiquement l’abandon du terrain conquis. Le 24, le général Pau abandonne Mulhouse, Altkirch, Cernay, Ingersheim, refluant sur tout le front. Mais Dubail tient à garder les vallées vosgiennes, ainsi qu’une partie du Sundgau, entre Cernay et la frontière suisse. Naturellement, les Français en retraite sont talonnés par les forces allemandes, bien décidées à regagner tout le terrain perdu.• Le 28 août, Joffre dissout l’Armée d’Alsace qu’il remplace par deux groupements : celui de Belfort, dont la mission est de tenir la Trouée et celui des Vosges, chargé de tenir la frontière.Entre la fin août et le 11 septembre, l’armée allemande poursuit son avance sur les talons des Ière et IIème armées françaises :
• Le 31 août, les Français évacuent Guebwiller et la vallée de la Lauch. Le 1er septembre, dans la région de Colmar, les Allemands pénètrent dans la vallée de Munster et réoccupent sur ses hauteurs nord à partir du 3 septembre les Trois-Épis, Labaroche, Orbey et Lapoutroie, avançant jusqu’au Lingenkopf, Schratzmännele et Barrenkopf où ils se retranchent. Les 12ème et 28ème B.C.A. se replient sur le col du Wettstein.• Entre le 2 et le 6 septembre, le XVème A.K. de Deimling tente de déborder la 27ème D.I. au col de la Chipotte. Menacés un moment d’encerclement les troupes françaises parviennent le 6 à rétablir la situation malgré de terribles pertes. Les combats cessent le 9 : en 10 jours de combats, les deux belligérants déplorent environ 4 000 tués et plus de 10 000 blessés chacun, sur les 70 000 engagés français et les 100 000 engagés allemands.Col de la Chipotte, tombes françaises et allemande,30 août 1915.
Photo Inconnu. BDIC_VAL_466_076 , 1915Combats sur les hauteursde Sainte-Marie-aux-Mines en août 1914.
Carte postale. Inconnu. BNUS. Gallica. , 1915
• Entre le 3 et le 9, des combats acharnés se déroulent sur la crête de Mandray, autour de Fraize et à Saint-Léonard, pour le contrôle de la vallée de Fraize-Plainfaing et du col du Bonhomme. Les Allemands parviennent jusqu’aux abords de Fraize, mais plusieurs contre-attaques françaises en direction des cols de Mandray et des Fournaux parviennent à les repousser. Le 8, depuis leur position d’artillerie du sommet de la Tête-des-Faux, les Allemands bombardent le col du Bonhomme et pulvérisent l’état major du général Bataille, nommé commandant de la 41ème D.I. depuis le 3 septembre en remplacement du général Superbie, limogé. Le général est tué. Le 7 septembre, les Allemands reprennent Cernay et menacent Thann. Le 11, ils lancent une offensive afin de s’emparer de toute la vallée de la Thur. Elle est bloquée après deux jours de combats.• Mais la contre-attaque générale de l’armée française sur la Marne oblige l’armée allemande à refluer sur l’Aisne et à prélever d’importantes troupes sur le front vosgien et lorrain. Les VIème et VIIème armées allemandes stoppent leur offensive puis engagent un repli volontaire. Ainsi, les Français réoccupent Saint-Dié, Raon-l’Étape, la vallée de la Meurthe : au nord du Bonhomme, la ligne de front se stabilise du col du Bonhomme à Nomény, en passant par le col des Bagenelles, le Brézouard, la tête du Violu, le col de Sainte-Marie, Provenchères-sur-Fave, le Ban-de-Sapt, Senones, Celles-sur-Plaine, le col de la Chapelotte, Domèvre. Hormis les combats de la Fontenelle et du col de la Chapelotte, ce front restera relativement calme et ne bougera plus jusqu’à l’armistice.Bois bouleversé par les Minenwerfers sur la côte 675, dans le secteur de Ravines, à proximité de Moyenmoutier..
Photo Inconnu. BDIC_VAL_465_016., 1916Saint-Léonard, à proximité de Saint-Dié : ruines d’une usine détruite par les combats.
Photo Ch. Wentzell. BDIC_VAL_467_054, 1915
• Au sud du col du Bonhomme, la situation est différente : il s’agit pour les Allemands de rejeter les forces françaises se trouvant sur le sol du Reich au-delà de la frontière de 1870. Mais les troupes son épuisées. Les Allemands renoncent provisoirement aux offensives et bloquent les débouchés vers la plaine d’Alsace. Ainsi, en Haute-Alsace, le front encore très fluctuant s’établit sur une ligne Le Bonhomme - Tête des Faux - Hautes-Huttes - col du Wettstein- Haute vallée de Munster – Haute vallée de la Lauch – Sudelkopf – Molkenrain – Vieux-Thann – Aspach – Ammertzwiller – Spechbach – Largitzen – Pfetterhouse. Dans les cantons de Thann, Saint-Amarin, Cernay, Masevaux, Munster, Altkirch, Dannemarie et Hirsingue, 91 communes (environ 62 000 habitants) restent entre les mains des Français.
Provisoirement, alors que les belligérants s’entretuent lors de la « course à la mer », le front alsacien connaît un calme relatif, et les adversaires s’organisent défensivement : les premières tranchées apparaissent avec toute leur logistique, particulièrement dans le camp allemand, décidés coûte-que-coûte à défendre leur sol.
Après le départ des corps d’armée actifs allemands, le général Hans Gaede, prend le commandement le 19 septembre du « groupement d’armée Gaede » (Armeegruppe « Gaede ») composé principalement d’hommes de la Landwehr, avec comme mission de défendre la ligne du Rhin entre la place forte de Strasbourg et Bâle, en s’appuyant sur les garnisons de guerre des têtes de pont ainsi que de celles de Neuf-Brisach et d’Istein, en assurant « autant que possible la couverture de la Haute-Alsace ». Fin septembre, il envoie ses territoriaux reprendre pied au débouché des vallées. La 51ème brigade de la Landwehr du général Von Frech occupe l’entrée des vallées de Munster et Guebwiller, alors que la 55ème brigade du général Mathy se positionne en face de Thann.
Joffre, de son coté, fier de sa victoire sur la Marne, souhaite reprendre le plus rapidement possible l’offensive sur la plaine… Fin octobre, il décide d’envoyer des troupes alpines en renfort afin de reconquérir le piémont des Vosges et de menacer la voie ferrée allemande entre Colmar et Mulhouse. Dans un premier temps, il faut atteindre Cernay et de là, le moment venu, pousser vers Mulhouse.