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Le front Alsace – Vosges
durant la première Guerre Mondiale (2ème partie)

Par Georges Brun

Publié le 11 décembre 2015

III Les combats de l’hiver 1914-1915Revenir au début du texte

1. Opérations autour de Cernay et bataille de Steinbach : décembre 1914 - janvier 1915

Conformément aux directives données par le général Putz, commandant le XXXIVème C.A., la 66ème D.I. entreprend, le 1er décembre 1914, une opération sur Aspach-le-Haut, en vue de s’emparer de la route Thann-Rodern-Sentheim pour sécuriser la route vers Belfort. Après une préparation d'artillerie assez sérieuse, trois compagnies du 213ème régiment d'infanterie occupent Aspach-le-Haut, tandis qu'à gauche une compagnie du 15ème B.C.A., appuyée par une section d’artillerie de 65 de montagne, opère une diversion en direction de Rimbach-près-Masevaux. Entre temps, le 8 décembre l’armée d’Alsace (le XXXIVème C.A.) devient le Détachement d'armée des Vosges, toujours sous le commandement du général Putz.


Le village de Steinbach et la côte 425 ont été le théâtre de violents combats, comparables à ceux de Verdun ou de Langemark, au point qu’on a nommé Steinbach le « Stalingrad alsacien »…

Le village de Steinbach et la côte 425 ont été le théâtre de violents combats, comparables à ceux de Verdun ou de Langemark, au point qu’on a nommé Steinbach le « Stalingrad alsacien »…
Photomontage. Georges Brun., 1915

Steinbach sous le feu de l’artillerie.

Steinbach sous le feu de l’artillerie.
Photo Inconnu. , 1915















Le 10 décembre, Putz relance l’offensive afin de s’assurer la prise d’Aspach-le-Bas, celle de Cernay et celle des villages de Wattwiller, Uffhlotz et Steinbach, au nord de Cernay, dont les hauteurs (cote 425) constituent une menace sur les flancs de l’attaque vers Cernay. Mais la 57ème D.I., à cause d’une mauvaise préparation d’artillerie, est arrêtée à 150m des tranchées allemandes défendant Aspach-le-Bas, alors que les autres bataillons progressent avec énormément de difficultés devant les villages au nord de Cernay : seul le 28ème B.C.A. parvient difficilement à occuper les hauteurs dominant Wattwiller.

	Steinbach: le village vu d’une tranchée de 1ère  ligne.

Steinbach: le village vu d’une tranchée de 1ère ligne.
Photo Inconnu. BDIC_VAL_332_005, 1916

Le lendemain, les contre-attaques allemandes empêchent toute progression des Français : plus question de prendre ni Cernay ni Aspach avant de s’être assuré les hauteurs de Cernay : la bataille va se cristalliser pendant plus de trois semaines autour le la cote 425 et du village de Steinbach. Le village fait l’objet de combats dantesques, et la bataille de Steinbach est un véritable enfer pour les combattants : on se bat rue par rue, maison par maison, cave par cave, dans des conditions climatiques épouvantables… Le village, finalement pris par les soldats du 152 R.I. est totalement détruit mais la cote 425 reste aux mais des Allemands : la bataille pour Cernay est perdue par les Français. Les combats sont stoppés le 7 janvier 1915. Le front se stabilise alors sur une ligne passant entre Steinbach et la cote 425, Vieux-Thann et Sandozwiller, Aspach-le-Haut et Aspach-le-Bas. Il ne variera plus jusqu’en 1918.

Tout au début de 1915, les Français commencent la construction de la « Route des crêtes », mais un peu en retrait vers l’ouest de la ligne de crête afin d’éviter le feu de l’artillerie allemande : cette route, depuis le col du Calvaire, relie le Tanet, la Schlucht, le Hohneck, le Grand-Ballon, le Markstein, le Silberloch-Molkenrain. Une autre route d’accès au front est aménagée en raccordant des chemins forestiers entre Kruth et Mittlach par le col du Herrenberg et le Breitfirst.

2. Autres opérations sur le front d’Alsace fin 1914 – début 1915

Carte du front fin 1914 entre Saint-Dié et le Linge.

Carte du front fin 1914 entre Saint-Dié et le Linge.
Carte Brun Georges, 2015

Fin août, le front des Vosges est à peu près stabilisé. Il faut cependant aux états-majors des deux belligérants s’assurer de quelques points stratégiques importants afin de garantir la pérennité de ce front, notamment certains points hauts : aussi de nouvelles opérations sont déclenchées : quelques-unes seront particulièrement meurtrières.

• Dans le secteur de Sainte-Marie-aux-Mines (Markirch), les Allemands tiennent la tête du Violu (994m), superbe observatoire dominant la vallée de la Meurthe (Saint-Dié). Le 31 octobre 1914, après une préparation d’artillerie contre le sommet el contre les batteries allemandes du Brézouard, les Chasseurs s’emparent du sommet et de la ligne de crête vers le nord, mais ne peuvent aller plus loin. Après de vaines et sanglantes contre-attaques, les Allemands se maintiennent sur les flancs du massif qu’ils fortifient. Le front ne bougera pratiquement plus, mais les adversaires se combattront à coup de mines.


Carte de la Tête –des-Faux (Buchenkopf) et des tranchées allemande et française.

Carte de la Tête –des-Faux (Buchenkopf) et des tranchées allemande et française.
Carte Brun Georges, 2015

Le sommet de la Tête des Faux. Ce sommet sera tenu par les Français tout au long de la guerre, malgré la présence à quelques dizaines de mètres de formidables bunkers allemands.

Le sommet de la Tête des Faux. Ce sommet sera tenu par les Français tout au long de la guerre, malgré la présence à quelques dizaines de mètres de formidables bunkers allemands.
Photo Brun Georges, 2015

La Tête des Faux totalement dévastée par les tirs d’artillerie. Le secteur, après les affrontements initiaux de la fin de l’année 1914, restera relativement calme jusqu’à l’armistice.

La Tête des Faux totalement dévastée par les tirs d’artillerie. Le secteur, après les affrontements initiaux de la fin de l’année 1914, restera relativement calme jusqu’à l’armistice.
Carte postale. Ch. Montag. Ed. Bitche et E. Pfeiffer, Friseur, Orbey., 1915































• Le 2 décembre 1914, les mêmes chasseurs du 28ème B.C.A. du lieutenant-colonel Brissaud-Desmaillet s’attaquent, avec 5 compagnies du 30ème B.C.A. et le 215ème R.I. au sommet de la Tête des Faux (« Buchenkopf », 1 220m), autre poste d’observation idéal pour les artilleurs allemands. Mais le 24 décembre les Jäger du 14ème Mecklembourgeois lancent une violente contre-attaque dans de terribles conditions climatiques. Malgré de lourdes pertes, les Alpins parviennent à se maintenir au sommet, mais les Allemands s’accrochent sur les flancs, à quelques mètres en contrebas. Les troupes bavaroises tentent une nouvelle attaque le 21 février, elle aussi vouée à l’échec. Les Allemands s'enterrent alors littéralement dans le flanc est de la Tête-des-Faux où ils construisent de formidables fortifications. Durant le reste de la guerre, les combats se limitent à des escarmouches sans aucun gain de territoire pour les deux camps. La Tête des Faux abrite le champ de bataille le plus réduit du front des Vosges, mais l’un des plus concentrés en matière d’architecture militaire, dans laquelle les Allemands sont passés maîtres.


• Plus au nord encore, on se bat autour de Saint-Dié : d’abord pour la possession du massif de l’Ormont dominant Saint-Dié : occupé dès le 27 août par les 1er et 9ème régiments d'Ersatz Bavarois (Réserve), il est attaqué par les 41ème et 71ème D.I. dès le 16 septembre et évacué par les Allemands le 19 après de durs combat et une percée française au col d’Hermenpaire.

Ban de Sapt. Combats de la Fontenelle, 9 juillet 1915. La côte 627 se trouve entre la Fontenelle (au centre) et Launois (angle supérieur droit). Dans les deux villages les maisons sont en feu. Les autres fumées sont des explosions d'obus.

Ban de Sapt. Combats de la Fontenelle, 9 juillet 1915. La côte 627 se trouve entre la Fontenelle (au centre) et Launois (angle supérieur droit). Dans les deux villages les maisons sont en feu. Les autres fumées sont des explosions d'obus.
Photo Inconnu. D’après l’Illustration N°3779, 07-08-1915 , 1915

 Ban-de-Sapt: à gauche cote 627 de la Fontenelle perdue le 22 gui et reprise le 9 juillet. à Droite, Launois incendié par les Français.

Ban-de-Sapt: à gauche cote 627 de la Fontenelle perdue le 22 gui et reprise le 9 juillet. à Droite, Launois incendié par les Français.
Photo Inconnu. D’après l’Illustration N°3778, 31-07-1915 , 1915













• Beaucoup plus importants sont les combats du plateau du Ban-de-Sapt, particulièrement de sa butte sommitale, la cote 627 à la Fontenelle. Le plateau permet de contrôler et de verrouiller la vallée de la Meurthe. 627 est occupée par les Français lorsque les Allemands se retirent après leur échec à la Chipotte et après une semaine de combats, entre le 16 et le 22 septembre 1914. Cette butte de la Fontenelle va faire l’objet d’incessants combats entre décembre 1914 et juin 1915, alternant attaques d’infanterie et guerre de mines. Une première attaque française le 27 janvier 1915 pour s’emparer des entrées des galeries de mines et des têtes de tranchées échoue et coûte la vie au lieutenant-colonel Dayet, commandant du 133ème R.I. Une Attaque allemande le 9 février 1915 s’empare d’une partie des première lignes françaises ; nouvelle offensive général des Bavarois avec explosion de trois mines le 22 juin et un énorme bombardement d’artillerie (12 000 obus) : Launois et la cote 627 tombent aux mains des assaillants ; vaine et sanglante contre-attaque française le lendemain, au prix de la mort de 1 400 hommes dont 1 200 Français… Situation insupportable pour les troupes françaises dont les mouvements sont désormais visibles par les Allemands. Le 8 juillet, 66 pièces d’artillerie française déversent pendant plus de 4 heures des milliers d’obus sur la butte, puis l’infanterie monte à l’assaut, submerge les défenses, mais est stoppée devant Launois. Les gains allemands du 22 juin sont anéantis et leur violente contre attaque du 16 juillet est clouée sur place. Une nouvelle attaque française se solde par la prise de Launois le 25 juillet 1915, puis le front se stabilise au Ban-de-Sapt, troublé de loin en loin par de terribles explosions de mines… La bataille pour la possession de cette butte 627, une bande de terre de 1 200m de long sur 500m de large, à coûté la vie à plus de 2 200 soldats de chaque coté...

• Plus au nord encore, de furieux combats opposent Allemands et Français autour du col de la Chapelotte : le 27 février les Allemands attaquent les positions des Alpins au col et s’emparent des Haut-des-Planches (côte 587) et des Haut-des-Roches (côte 576), à moins de 800 m du col. Jusqu’au 15 mars, toutes les contre-attaques françaises échouent, avant que le général Dubail ne fasse cesser ces inutiles tentatives. Le front se fige et fait place à une longue guerre des mines inaugurée le 15 juin 1915 par les Allemands. Cette guerre s’arrêtera le 2 septembre 1917 par l’explosion d’une mine française de 10 tonnes d’explosifs à 70 mètres de profondeur ! Un total de 55 mines dont 38 françaises auront été tirées, utilisant près de 200 tonnes d’explosifs !


 Explosion d’une mine à la côte 627 de la Fontenelle. Juin 1915

Explosion d’une mine à la côte 627 de la Fontenelle. Juin 1915
Photo Inconnu. , 1915

Boyau au col de la Chapelotte. La « guerre des mines » fera rage sur le site jusqu’en 1917.

Boyau au col de la Chapelotte. La « guerre des mines » fera rage sur le site jusqu’en 1917.
Photo Inconnu. , 1915

IV L’Hartmannswillerkopf entre janvier et avril 1915Revenir au début du texte

Vue sur le Hartmannswillerkopf (à droite) depuis Wattwiller. Depuis le sommet, la pente descend vers la gauche sur le col du Silberloch puis remonte vers le Molkenrain.

Vue sur le Hartmannswillerkopf (à droite) depuis Wattwiller. Depuis le sommet, la pente descend vers la gauche sur le col du Silberloch puis remonte vers le Molkenrain.
Photo Brun Georges, 2014

Le sommet du Hartmannswillerkopf et les principales fortifications allemandes.

Le sommet du Hartmannswillerkopf et les principales fortifications allemandes.
Carte Brun Georges, 2015















La bataille de Steinbach, où les Allemands ont été à deux doigts de perdre Cernay et le débouché sur la plaine d’Alsace, leur fait comprendre l’importance de la possession du Hartmannswillerkopf, qui domine de sa masse imposante l’entrée de la vallée de la Thur. Dans le même temps, le général Gaede entend reprendre l’offensive dans les vallées de la Thur et de Munster, afin de refouler les Français sur les crêtes et de « libérer » le Reichsland. Il prévoit donc une offensive sur le Molkenrain (1 125m), le Sudel (1 012m) et le Grand-Ballon (1 424m), ce qui permettrait de reprendre la vallée de la Thur et Thann par les hauteurs. Avec évidemment comme préalable la prise du Hartmannswillerkopf (956m).


Le 25 décembre, le 28ème B.C.A. occupe le col du Silberloch et l’un de ses détachements le sommet du HWK. Les Allemands occupent l’Aussichtsfelsen, un peu en contrebas. Mais il n’y a aucun combat et les troupes s’ignorent. Le 30, lors d’un patrouille près du sommet tombe Maximilan Ott, soldat du L.I.R. 123 (Württembergisches Landwehr-Infanterie-Regiment) la première victime du « Moloch ».



Patrouille de Chasseurs Alpins dans le massif du Hartmannswillerkopf.

Patrouille de Chasseurs Alpins dans le massif du Hartmannswillerkopf.
Photo Inconnu. , 1915

Poste de secours français près du Hartmannswillerkopf.

Poste de secours français près du Hartmannswillerkopf.
Photo Inconnu. , 1915














Le 4 janvier, les Allemands du L.I.R. 123 et du Landsturmbataillon opèrent une première attaque sur le sommet, qui échoue. Seconde attaque, le 9 janvier, plus sérieuse, qui échoue elle aussi. Les Alpins décident de fortifier le sommet.

Le 19 janvier, les L.I.R. 119 et L.I.R. 123, le 14ème Großherzoglicher Mecklemburgischer Jägerbataillon et le 11ème Ulanen de la 42ème Kavalerie Brigade opèrent une offensive de grande envergure, avec l’appui d’une artillerie redoutable, les « Minenwerfer » : les Allemands s’emparent du Hirtzenstein et encerclent les Alpins du 28ème B.C.A. au sommet. Les jours suivants, les 13ème, 27ème et 53ème B.C.A. lancent des contre attaques pour dégager les Alpins du sommet, mais échouent par trois fois, avec de très lourdes pertes, alors que les minenwerfers font de terribles ravages, pulvérisant le dépôt de munitions et le dépôt de vivres du sommet. Le 22 janvier, réduite de deux tiers, la garnison du sommet, 127 hommes, se rend. Elle aura, à Mulhouse, les honneurs du vainqueur lors de son départ en captivité… Cette première bataille importante laisse plus de 1 200 tués, et les premières croix apparaissent au Silberloch.


Position des belligérants au HWK début 1915.

Position des belligérants au HWK début 1915.
Montage d’après un croquis. Georges Brun. , 1914

 Tranchée vers le sommet du Hartmannswillerkopf.

Tranchée vers le sommet du Hartmannswillerkopf.
Photo Inconnu. Tiré de « The Great War: The Standard Histor gw_marnebridge y of the All Europe Conflict » edited by H. W. Wilson and J. A. Hammerton (Amalgamated Press, London 1915)., 1915















Immédiatement les Allemands entreprennent la construction de fortifications au sommet ainsi que d’une voie d’approvisionnement la « Voie serpentine » alors que les Français installent un grand camp au Silberloch, que deux routes relient à l’arrière. Le 5 février, ils lancent un nouvel assaut sur le sommet, mais ne parviennent qu’à s’emparer de la position de la Jägertanne, au nord-ouest du sommet.

Le 26-27 février, les 7ème, 13ème et 53ème B.C.A. du général Serret lancent la première grande offensive vers le sommet du HWK. Ils gagnent quelques dizaines de mètres de terrain mais sont stoppés par les hommes du Rheinischen I.R. 161, du Landsturmbataillon Mannheim et du 2ème Schwadron Ulanen 11.


Carte des combats du 27 février 1915 au HWK.

Carte des combats du 27 février 1915 au HWK.
Carte Brun Georges, 2015




Seconde grande offensive française vers le sommet le 5 mars. Le 13ème B.C.A. s’empare de la Jägertanne, y anéantit une compagnie du I.R. 161 et repousse plusieurs contre-attaques avant d’être relevé par le 152ème R.I. Mais l’offensive est bloquée par de nouvelles lignes de défense à proximité du sommet.

Le 23 mars, nouvelle offensive d’envergure des Français : le « Quinze-Deux », soutenu par des sections des 7ème, 13ème, 15ème, 27ème, 28ème et 53ème B.C.A., lance 10 assauts en 3 jours, et parvient à s’emparer du sommet, de l’Aussichtsfelsen, du Hirtzsenstein, de l’Oberer et du Mittlerer Rehfelsen. Mais les Allemands des I.R. 25, L.I.RI 15, Uhlanen 11 et 15 se maintiennent solidement sur les pentes et à l'Unterer Rehfelsen.





 Mitrailleurs allemands au Hartmannswillerkopf.

Mitrailleurs allemands au Hartmannswillerkopf.
Photo Inconnu. , 1915

 Sur les pentes du HWK, coté allemand.

Sur les pentes du HWK, coté allemand.
Photo Inconnu. Bnf, GALLICA., 1919

























Le 19 avril, c’est au tour des Allemands de lancer leur offensive. Mal préparée, elle échoue, mais est relancée le 24 : le commandant du 1er bataillon du 15-2, François Gustave Sermet est tué. Le lendemain, les Allemands s’emparent du sommet faisant 1 000 prisonniers du « Quinze-Deux » et tentent de s’emparer du Silberloch. Ils sont repoussés par l’artillerie française. Le 26, la contre-attaque des dernières réserves du 15-2 et le 7ème B.C.A. les déloge du sommet, au prix de 800 hommes, tués ou blessés. Mais, jugée trop dangereuse, la position est abandonnée peu après. Les combattants sont épuisés des deux côtés.


 Tranchée bouleversée au Hartmannswillerkopf

Tranchée bouleversée au Hartmannswillerkopf
Photo Inconnu. Agence Rol. Bnf, GALLICA., 1915

 Le cimetière français du Silberloch.

Le cimetière français du Silberloch.
Photo Inconnu. BNUS, Gallica. , 1919
















De mai à septembre 1915, la bataille au HWK se ralentit considérablement et se réduit à des coups de main locaux destinés à la prise de quelques mètres de terrain. Les Allemands en profitent pour fortifier et aménager le flanc de la montagne, truffant le flanc d’abris, cavernes, sous terrains, centrales électriques, télé-câbles et autres installations des plus modernes pour l’époque, rendant le position quasi inexpugnable : ils défendent la mère-patrie. De son coté, l’artillerie française utilise le Molkenrain pour bombarder dans la plaine la voie ferrée Colmar-Mulhouse.

Carte des combats des 25-26 avril 1915.

Carte des combats des 25-26 avril 1915.
Carte Brun Georges, 2015

V Les offensives dans la vallée de MunsterRevenir au début du texte

Vallée supérieure de la Fecht : topographie des principaux lieux de combats en 1914 - 1915.

Vallée supérieure de la Fecht : topographie des principaux lieux de combats en 1914 - 1915.
Carte Brun Georges, 2015

 15 juin 1915 : l'artillerie française bombarde les tranchées allemandes depuis le Braunkopf avant l'assaut des Alpins.

15 juin 1915 : l'artillerie française bombarde les tranchées allemandes depuis le Braunkopf avant l'assaut des Alpins.
Photo Inconnu. Tiré de « The Great World War: A History » édité par Frank A. Mumby (Gresham Publishing Company, five volumes 1915-1917), 1915

1. L’offensive allemande

Dans la vallée de Munster, les Allemands prennent l’initiative, dès le 19 février, de s’emparer de la haute vallée : à l’ouest de Munster, le Reichakerkopf et le col du Sattel sont violemment bombardés puis attaqués, obligeant la 47ème D.I. à battre en retraite ; en même temps, Metzeral et Sondernach sont évacués par les Français et les Allemands s’emparent des hauteurs alentour (Sillacker, Anlass, Braunkopf, Altmattkopf)). Le lendemain et le surlendemain, toutes les contre-attaques françaises échouent au Reichackerkopf et les Allemands progressent, prenant Stosswihr, Hohrod, Hohrodberg, le Barrenkopf et l’Eichwald. De leurs positions, ils bombardent le col de la Schlucht par où arrivent renforts et munitions venant de Gérardmer. Puis les combattants s’accordent un peu de répit.

Soldats au milieu d'un bosquet saccagé sur la côte 830 à Breitenbach près de Munster.

Soldats au milieu d'un bosquet saccagé sur la côte 830 à Breitenbach près de Munster.
Photo Inconnu. Agence Rol. Bnf, Gallica. , 1915

Metzeral évacuée par les Allemands le 22 juin 1915.

Metzeral évacuée par les Allemands le 22 juin 1915.
Photo Inconnu. Section photo de l'armée. D’après l’Illustration N°3780 du 14-08-1915. Commons Wikimédia., 1915
















Le 1er mars, 2 bataillons du 22ème régiment de Landwehr bavarois attaquent Soultzeren, entrent dans le village mais sont finalement repoussés par les Français dans l’Eichwald. Le 6, les Français tentent de reprendre le Reichacker : L'attaque, bien préparée, permet au 23ème B.C.A. de s’emparer Petit et du Grand Reichackerkopf et de s’y maintenir. Une attaque similaire sur Stosswihr échoue. Naturellement, les Allemands contre-attaquent ; le 19, ils contiennent une attaque des Alpins sur Stosswihr et le lendemain parviennent à reprendre le Petit et le Grand Reichackerkopf, à pousser jusqu’au col du Sattel et à s’y maintenir malgré deux contre attaques françaises tentées les 22 et 23 mars. Au dessus de Munster par contre, les Alpins du 23ème B.C.A. parviennent à reprendre le bois de l’Eichwaldle, l’un des éperons de la chaîne descendant du Sillakerkopf.

 Metzeral, La filature détruite. Au fond, les lignes allemandes. 26 mai 1916.

Metzeral, La filature détruite. Au fond, les lignes allemandes. 26 mai 1916.
Photo Inconnu. BDIC_VAL_324_033 , 1915

	Sondernach. Février 1918. Panorama du village bombardé.

Sondernach. Février 1918. Panorama du village bombardé.
Photo Inconnu. BDIC_VAL_324_118, 1915

2. L’offensive française : avril-juin 1915

Joffre reprend alors l’idée de la prise de la vallée de la Fecht, l’offensive de la vallée de la Thur étant provisoirement bloquée par les combats du Hartmannswillerkopf et du Sudel. L’objectif premier est la prise de Metzeral par le Hohneck, le Schnepfenried et la vallée de la Grande Fecht.


L’offensive démarre le 17 avril : la 66ème D.I. du général de Maud’huy (1857-1921), s'empare de la ferme du Kastelberg, de l’auberge du Schiessrothried, du Schnepfenried, alors que la 47ème D.I. du général d’'Armau de Pouydraguin (1862-1949) progresse vers le Sillackerwasen avec pour objectif Mittlach. Dans la nuit du 18, les Français prennent les Burgkoepfle. Les Allemands résistent au Sillackerwasen, pour éviter l’encerclement de Mittlach ; ils échouent et évacuent Mittlach le 20.

Le 28, après avoir été bloqués par la forte résistance allemande et d’épouvantables conditions météorologiques, les Français parviennent à s’emparer du Sillackerwasen, mais échouent dans leur tentative de s’emparer de l’Anlasswasen, en contrebas du Schnepfenried. L’offensive sur Metzeral est repoussée.


L’offensive reprend le 5 mai : les Français relancent leurs attaques sur la Fecht mais échouent à la côte 830. Ils prennent alors le temps de concentrer une forte artillerie sur les sommets, dont des mortiers de 220mm, pour appuyer la progression des 47ème et ème D.I. vers Metzeral. Les Allemands répliquent le 8 : une grosse pièce allemande de 420 circulant sur la voie ferrée Colmar-Munster tire 30 obus sur le col de la Schlucht et la route menant sur Munster.


Le 15 juin, après trois heures de préparation d’artillerie, les divisions Serret et Pouydragin attaquent sur la Fecht à 16h30 : la 47ème D.I. s'empare du Braunkopf (713m) et la cote 830 qui dominent Metzeral, alors que la 66ème D.I. se lance à l’assaut du Hilsenfirst (1 274m) où elle échoue d’abord, avant de réussir le 17.

 18 juin 1915 : les Français prennent le Braunkopf, au-dessus de Metzeral en flammes et retournent une mitrailleuse allemande contre l'ennemi.

18 juin 1915 : les Français prennent le Braunkopf, au-dessus de Metzeral en flammes et retournent une mitrailleuse allemande contre l'ennemi.
Photo Inconnu. D’après l’Illustration N°3775, 10-07-1915., 1915

 Camp Sermet à l’Hilsenfirst. Le Langenfeldkopf ainsi qu'une tranchée sont bien visibles en arrière plan.

Camp Sermet à l’Hilsenfirst. Le Langenfeldkopf ainsi qu'une tranchée sont bien visibles en arrière plan.
Photo Inconnu. Collection Privée , 1915


















Le 18, depuis l’Hilsenfirst, la 66ème D.I. se lance à l’attaque de Sondernach et s’empare du hameau de Landersen. Le lendemain, de l’autre côté de la vallée de Munster, est déclenchée la première attaque française sur le saillant ouest du Linge depuis la ferme Combe, dont l’objectif est toujours la prise de Munster. Mais les Allemands, superbement retranchés, repoussent les troupes françaises.


Le 20, Metzeral est évacué par les Allemands. Les Français s’en emparent. Une semaine plus tard, les Français prennent Sondernach : toutes les hauteurs de Metzeral sont alors en leurs mains. Cette offensive commencée le 15 juin a coûté 165 officiers et 6 502 hommes tués, blessés ou disparus côté français, et l’équivalent côté allemand.

VI Lingekopf : l’été meurtrierRevenir au début du texte

Carte générale de la bataille du Linge.

Carte générale de la bataille du Linge.
Carte Brun Georges, 2015

Panorama général des hauteurs de Munster avec, de gauche à droite, le Kleinkopf, le Barrenkopf, le Schratzmaennele, le Glasborn, les premières lignes françaises et le Hurlin.

Panorama général des hauteurs de Munster avec, de gauche à droite, le Kleinkopf, le Barrenkopf, le Schratzmaennele, le Glasborn, les premières lignes françaises et le Hurlin.
Photo Brun Georges, 2014



















Reste à parachever le travail par la prise de Munster. Dès janvier 1915, le général Blazer, alors commandant la 47ème division des Chasseurs avait reçu l'ordre d'étudier une action limitée sur Le Linge, pour se rendre maître des hauteurs nord de la vallée en vue de descendre sur Munster. Sur ces hauteurs de la vallée, l’armée française occupe en effet le Reichackerkopf, Stosswihr, Hohrod, Hohrodberg et le Barrenkopf ; les Allemands contrôlent le sommet du Lingekopf, le Schratzmännelé et la route du Hohneck. Les Français occupent enfin Soultzeren, les abords du col du Sattel, Metzeral et toutes ses hauteurs : la prise de la ville semble à portée de main.


Le massif du Linge vu depuis la position française du Hurlin (Hoernelskopf).

Le massif du Linge vu depuis la position française du Hurlin (Hoernelskopf).
Montage G. Brun.. Georges Brun. , 1915

 Vue sur le Linge depuis les positions de l’artillerie allemande du Rain des Chênes.

Vue sur le Linge depuis les positions de l’artillerie allemande du Rain des Chênes.
Photo Inconnu. , 1915

La courtine, entre Schratzmaennele et Barrenkopf, le 22 juillet 1915 durant le bombardement des positions allemandes. A gauche, la forêt et la carrière du « Schratz ».

La courtine, entre Schratzmaennele et Barrenkopf, le 22 juillet 1915 durant le bombardement des positions allemandes. A gauche, la forêt et la carrière du « Schratz ».
Photo Inconnu. Tiré de l’Illustration N°3782 du 28-08-1915. , 1915
















L'état major Français décide alors la prise de la ville par les hauteurs : Reichackerkopf (778m), Lingekopf (985m), Schratzmännelé (1045m) et Barrenkopf (981m), malgré l’avis de Pouydraguin, qui veut immédiatement exploiter l’avantage acquis à Metzeral en progressant depuis le fond de la vallée. Joffre décide : ce sera par les sommets. Tout est donc stoppé dans la vallée.




Le 20 juillet démarre l’offensive générale de la VIIème armée sur les hauteurs de Munster avec comme objectifs le Lingekopf, le Barrenkopf, le Kuhberg, Hohrod, le Frauenackerkopf et le Reichackerkopf. Mais sur l’objectif du Lingekopf, les Allemands arrêtent rapidement la 129ème D.I. du général Nollet, et le lendemain la 47ème D.I. du général de Maud'huy au Reichackerkopf, qui perd près de 1 000 hommes en plusieurs assauts, au point que le général décide d'abandonner le Reichackerkopf : au soir du 21, l’offensive sur Munster par les hauteurs est déjà un échec patent.


Les Reichackerkopf, col du Sattel et Sattelkopf vus depuis Hohrod. A droite, le Petit Hohneck et le Grand Hohneck. Dans la vallée, le village de Stosswihr.

Les Reichackerkopf, col du Sattel et Sattelkopf vus depuis Hohrod. A droite, le Petit Hohneck et le Grand Hohneck. Dans la vallée, le village de Stosswihr.
Carte postale. Inconnu., 1915

 Vue d’ensemble des deux sommets du Reichackerkopf prise depuis les positions françaises du Sattelkopf en 1915.

Vue d’ensemble des deux sommets du Reichackerkopf prise depuis les positions françaises du Sattelkopf en 1915.
Photo Inconnu , 1915












Qu’importe à l’état-major français : il lance la 129ème D.I. sur le Lingekopf dès le lendemain : le 22 au soir, malgré sept assauts successifs sur le Schratzmännelé et le Lingekopf ainsi qu’une attaque secondaire sur le collet du Linge, les Chasseurs sont décimés et rejetés sur leurs bases de départ par les feux nourris des blockhaus. Troisième grande attaque le 26 : toute la crête du Lingekopf est enlevée jusqu’au Collet par le 30ème B.C.A., mais les Chasseurs échouent au Schratzmännelé alors que l’artillerie allemande décime les arrières français. Le lendemain, les Allemands font quatre contre-attaques au Linge. Le 15ème B.C.A. prend le Barrenkopf, mais le reperd. Le 1er et le 2 août, les Chasseurs (les « Diables bleus ») attaquent au Barrenkopf et au Schratzmaennele. Sans aucun succès.


Le Reichackerkopf « lunarisé » par les bombardements d’artillerie.

Le Reichackerkopf « lunarisé » par les bombardements d’artillerie.
Photo Inconnu , 1915

Tranchée remplies de cadavres après leur prise par les Chasseurs Alpins. Printemps 1915.

Tranchée remplies de cadavres après leur prise par les Chasseurs Alpins. Printemps 1915.
Montage photo. Montage G. Brun. , 1915















Le 4, c’est au tour des Allemands de la Landwehr bavaroise de contre-attaquer après avoir déversé sur la ligne de front, soit 3km, 40 000 obus ! Les Jäger reprennent le Lingekopf, mais les Alpins parviennent à se maintenir au Collet. Le 5, les Allemands insistent, en descendant depuis de Schratz sur le Collet. Ils sont repoussés, contre-attaqués, sans que les Chasseurs du 54ème B.C.A. ne parviennent cependant au sommet. Epuisés, les hommes de la 129ème D.I. sont remplacés par la 147ème D.I. de Pouydraguin. Et Joffre insiste, qui veut un succès décisif.


Lingekopf, 30 janvier 1916. Le général d’Armau de Pouydraguin et ses officiers à quelques mètres des lignes allemandes. Ils posent auprès d’un obus de 210mm.

Lingekopf, 30 janvier 1916. Le général d’Armau de Pouydraguin et ses officiers à quelques mètres des lignes allemandes. Ils posent auprès d’un obus de 210mm.
Photo Inconnu. BDIC_VAL_323_110, 1916

Les pentes du massif bombardées du Lingekopf en mai 1917. Les combats les plus durs sont déjà un souvenir.

Les pentes du massif bombardées du Lingekopf en mai 1917. Les combats les plus durs sont déjà un souvenir.
Photo Inconnu. BDIC_VAL_323_129, 1915


















Entre le 7 et le 23 les assauts sont quasi quotidiens de part et d’autre, et s’achèvent tous sans succès. L’ensemble du secteur, aussi bien la ligne de crête elle-même que les abords comme le Hurlin, le Wettstein, le Rain des Chênes, le Hohnack est totalement dévasté, « lunarisé », dénudé de toute végétation… Jusqu’aux Trois-Épis, bombardés, et au col de la Schlucht où l’artillerie lourde allemande dévaste l’Altenberg, siège de l’état-major français. Le 23 les Chasseurs parviennent à tenir toute la crête allant du Lingekopf au Barrenkopf, après avoir emporté les redoutes du Schratz. Les combats cessent. Momentanément. Et Munster n’est pas tombée.


Le 31 août, après une formidable préparation d'artillerie avec utilisation d’obus asphyxiants et lacrymogènes, ainsi que l’intervention de l’aviation, une puissante attaque allemande parvient à s’emparer du Collet du Linge et à le tenir malgré les contre-attaques françaises des 1er et 2 septembre.


 Soldats allemands dans une tranchée du Schratzmaennele, avril 1915.

Soldats allemands dans une tranchée du Schratzmaennele, avril 1915.
Photo. Bundesarchiv. Inconnu. , 1915

Lingekopf, janvier 1915 : poste avancé du Combekopf. Les Alpins se reposent avant un énième assaut.

Lingekopf, janvier 1915 : poste avancé du Combekopf. Les Alpins se reposent avant un énième assaut.
Photo Sergent Darrois. BDIC_VAL_323_147. , 1915
















Le 9 septembre, nouvelle offensive allemande sur le Schratzmaennele, avec gaz et lance-flammes. Les contre-attaques françaises échouent, même si le sommet est conservé. Sommet qui est définitivement perdu le 12 octobre : une attaque allemande au lance-flammes et aux gaz s’empare de la première ligne française, entre le Collet du Linge et le sommet du Schratzmaennele. Le lendemain 13, à 3h du matin, une contre-attaque de 2 bataillons français échoue, suivie d’une ultime et vaine tentative allemande le 16 octobre.


Carte montrant les positions de l’artillerie française lors de la bataille du Linge. L’artillerie allemand se concentre principalement au Rain des Chênes et au Grand Hohnack.

Carte montrant les positions de l’artillerie française lors de la bataille du Linge. L’artillerie allemand se concentre principalement au Rain des Chênes et au Grand Hohnack.
Carte Brun Georges, 2015

Cimetière allemand sur les pentes du Baerenstall.

Cimetière allemand sur les pentes du Baerenstall.
Photo Inconnu. BNU-BNF. GALLICA , 1915


















Le front se fige alors puis s'éteint au collet du Linge. Chacun s'organise défensivement. Jusqu’à la fin de la guerre, seuls quelques coups de mains sporadiques et quelques duels d’artillerie viendront troubler les sommets.

L'erreur du Haut Commandement français aura coûté 11 000 vies aux Français et 7 000 aux Allemands. Inutilement. Le silence se referme sur le « Tombeau des chasseurs ».


 février 1915 : le Hoernelskopf (Hurlin) vu du Combekopf.

février 1915 : le Hoernelskopf (Hurlin) vu du Combekopf.
Photo Sergent Darrois. BDIC_VAL_323_152 , 1915

Emplacement de la mort d’un soldat français inconnu. Tranchées du Lingekopf.

Emplacement de la mort d’un soldat français inconnu. Tranchées du Lingekopf.
Photo Brun Georges, 2011