Par Mireille Biret
Publié le 1er octobre 2010
Inachevée, la ligne Maginot, qui court le long de la frontière sur près de 200 kilomètres, est conçue comme un rempart devant résister aux envahisseurs.
La conception de la ligne Maginot et son vote le 4 janvier 1930 sur l’initiative d’André Maginot, ministre de la guerre de 1929 à 1932, s’inscrivent dans le cadre politique international tendu du début des années 1930 (le problème des réparations allemandes, l’évacuation de la Ruhr par la France en 1929, la montée du nazisme).
En 1935, le gros œuvre de la ligne est achevé, mais les travaux se poursuivent jusqu’en 1940. Constituée de nombreux forts et fortins, ainsi que d'un réseau de galeries, cette ligne de défense était sensée décourager l'ennemi.
La présence de la population civile est une gêne à la concentration et aux manœuvres des troupes. Elle risque par ailleurs d’être prise entre deux feux avec la construction, de l’autre côté de la frontièr,e de la ligne Siegfried ; d’où la décision de créer un vide et d’évacuer la population.
Dans la Ligne Maginot
Grav. Imagerie de l'armée d'Alsace, 1940
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 737105)
La vie à l’intérieur de l’ouvrage est calquée sur celle des navires de guerre. Un service par quart rythme la vie et l’occupation des locaux. Cette vie sous terre a été appelée bétonite par les équipages. L’absence de lumière solaire, de différence entre le jour et la nuit et l’exiguïté des locaux affectent le moral des soldats pendant les huit mois d’attentisme de la drôle de guerre.
Louis-Joseph Soulas réalise, à la demande des généraux de l’armée d’Alsace, des planches (gravées sur bois) pour affiches. Ce sont des images patriotiques coloriées à la main, dans le style des images d’Épinal. Il s’agit de combattre l’idée démobilisatrice et dangereuse d’une drôle de guerre et de lutter contre la propagande allemande destinée à démoraliser l’adversaire (tracts, cartes postales, messages radiophoniques ou lancés par des haut-parleurs).
Malgré la signature de l’armistice, les combats se poursuivent sur la ligne Maginot en Alsace du nord et en Moselle. Les équipages des forteresses résistent aux bombes allemandes mais, faute de soutien à l’extérieur du fait du repli vers l’arrière des troupes d’intervalle dès la mi-juin, ils doivent renoncer et se rendre.
Il a néanmoins fallu des négociations spéciales pour que les assiégés acceptent de sortir des forteresses. L’esprit de la devise On ne passe pas a été respecté et la ligne Maginot n’a pas démérité.
Si nous n'avons pas eu assez de chars, d'avions ou de tracteurs, ce fut, avant tout, parce qu'on engloutit dans le béton des disponibilités d'argent et de main d'oeuvre qui n'étaient assurément pas infinies, sans pourtant avoir la sagesse de bétonner suffisamment notre frontière du Nord, aussi exposée que celle de l'Est parce qu'on nous apprit à faire reposer toute notre confiance sur la ligne Maginot, construite à grands frais et grand renfort de publicité, pour, l'ayant arrêtée trop court sur sa gauche, la faire finalement tourner. (...)
[Parce que] beaucoup de savants professeurs de tactique se méfiaient des unités motorisées, jugées trop lourdes à mouvoir (...). [En] un mot, parce que nos chefs, au milieu de beaucoup de contradictions, ont prétendu avant tout renouveler, en 1940, la guerre de 1915-1918.
Les Allemands faisaient celle de 1940.
Marc Bloch, L'Étrange Défaite, Gallimard, 1990