Par Mireille Biret
Publié le 1er octobre 2010
Après la prise de pouvoir par les nazis, toute la population est mise au même pas que dans le reste du Reich : c’est la Gleichschaltung. Les Allemands libèrent les chefs autonomistes (les Nanziger) et s’appuient sur eux pour faire adhérer la population à l’idéologie nazie. Certains sont nommés Kreisleiter (chefs d’arrondissement).
L’administration est confiée au chef de l’administration civile en Alsace Robert Wagner, en fonction depuis le 21 juin 1940. Il est secondé, dans un premier temps, par Robert Ernst, fondateur du Elsässische Hilfsdienst, Service du secours alsacien.
Mardi a eu lieu la 1ère grande réunion de travail de tous les responsables de l’Alsace allemande, notamment les sous-préfets des 13 arrondissements d’Alsace ainsi que les délégués de toutes les administrations du Reich… Dans son discours, le Chef de l’Administration Civile, Gauleiter et représentant du Reich, Robert Wagner insista : Le problème alsacien a été créé de façon artificielle par la France. Pendant son histoire particulièrement riche en épreuves, souffrances et guerres, l’Alsace allemande a fourni d’innombrables martyrs à la cause allemande, comme Karl ROOS. Combien d’Alsaciens, particulièrement pendant les 20 dernières années ont été obligés de quitter leur patrie, parce qu’ils se reconnaissaient ouvertement de l’Allemagne!
L’Alsace sera débarrassée de tous les éléments étrangers à son peuple et à sa race. Nous venons dans cette terre alsacienne en nationaux-socialistes… Une chose est sûre : le peuple alsacien parle de nouveau sa langue maternelle. Parlant du retour des évacués, il promit d’accélérer leur retour, toute trace de la guerre devant disparaître avant l’automne, malgré les destructions graves causées par les Français : dans de nombreux cas ils enfermèrent le bétail des paysans alsaciens pour le faire mourir de faim ; dans d’autres, il fut mis à mort.
Pendant 4 semaines on a travaillé au rythme allemand. De nombreuses entreprises fonctionnent de nouveau…le raccordement du réseau ferré à celui de la Reichsbahn est terminé. Dans quelques jours les Postes du Reich fonctionneront. Le Gauleiter termina son discours par un appel enflammé aux responsables: Nous nous trouvons devant une tâche difficile, mais je suis convaincu que nous résoudrons tous les problèmes. Nous avons reçu du Führer la plus belle mission de notre vie. Nous l’accomplirons avec la conscience et l’esprit méthodique national-socialiste. Quand un trimestre de notre travail commun se sera écoulé, il n’y aura plus de problème alsacien; car le peuple alsacien est resté pur dans son noyau et profondément convaincu que son destin est scellé à tout jamais.
SNN, 17 juillet 1940
Pour diffuser leur idéologie, les nazis s’appuient sur les anciens chefs autonomistes alsaciens-lorrains, appelés les Nanziger (ou Nancéiens).
Une rue rebaptisée et germanisée
Photo anonyme, 1940
© Archives de Strasbourg (1 FI 128/19)
En 1939, des chefs autonomistes alsaciens dont Karl Roos, soupçonnés de connivence politique avec l’Allemagne nazie, sont arrêtés. Karl Roos est condamné à mort et fusillé à Nancy le 7 février 1940. Les autres sont transférés dans le sud de la France.
Après la défaite, ils sont accueillis par les nazis en Alsace. Le 18 juillet 1940, ils signent le manifeste des Trois-Épis rédigé par Robert Ernst, qui est une demande officielle à Hitler d’annexion au Reich de l’Alsace. Les nazis font des Nanziger des collaborateurs en les nommant notamment Kreisleiter.
Karl Roos devient un martyr. La place Kléber est rebaptisée à son nom et ses restes sont ramenés en grande pompe en Alsace, le 19 juin 1941, jour anniversaire de la prise de Strasbourg. Les SS lui organisent à Hunebourg des funérailles quasi officielles.
La réunion de masse de mercredi dernier dans la Nouvelle Halle de Marché de Mulhouse fut une manifestation imposante pour l’Alsace allemande. Des milliers d’habitants enthousiastes entendirent les pionniers du combat pour les droits du peuple alsacien, Joseph Rossé et Pierre Mourer. La réunion organisée par le Service de Secours Alsacien (Els. Hilfsdienst) était présidée par le délégué général de l’Alsace près du Chef de l’Administration Civile en Alsace, le Major d’aviation, Dr Ernst. Rossé qui avait passé 10 mois dans les prisons françaises à cause de sa fidélité à l’Alsace rappela que la France ne connaissait les Alsaciens que pour les faire payer ou servir, leur promettant alors tout, sans jamais tenir. Par contre Paris combattait vigoureusement le mouvement autonomiste alsacien, puisque ce mouvement était forcément, par sa nature même, un mouvement allemand favorisant l’entente avec l’Allemagne. La politique scolaire et culturelle française finit par faire que les enfants ne puisse plus lire les lettres de leurs parents, car elle visait à la dégermanisation par tous les moyens.
Et malgré tout, désormais l’Alsace allemande l’a emporté.
Chaque Alsacien comprend tout ce que dit le Gauleiter, on n’a plus besoin de se faire tout traduire comme après 1918. Quelle preuve, uniquement du point de vue de la langue, de l’appartenance naturelle de l’Alsace à l’Allemagne.
Mourer invita ses compatriotes à participer à l’essor de leur pays, en se souvenant que l’intérêt général primait l’intérêt particulier. Personne n’aura rien à craindre à cause de son orientation politique passée ; seuls seront éliminés ceux qui sabotent l’essor de l’Alsace nouvelle.
Des applaudissements enthousiastes saluèrent les orateurs.
SNN, 1er août 1940
Parade à Strasbourg
Photo anonyme, 1942
© Archives de Strasbourg (13 PH 878)
La photo ci-contre a été prise au cours de la parade devant le vice Gauleiter Röhn, lors du deuxième Kreistag de Strasbourg, le 11 octobre 1942.
Derrière lui se tient le Kreisleiter de Strasbourg, Christian Herrmann Bickler. Les nazis font en effet des Nanziger de proches collaborateurs, en les nommant notamment Kreisleiter. Bickler s'engage ainsi dans une collaboration totale avec l'occupant allemand après sa libération par la Wehrmacht. Kreisleiter et membre de la SS depuis septembre 1940, il prend notamment une part active dans l'incorporation des Malgré-Nous.
Au premier plan, le général Traut, un Allemand né en Alsace.