Par Mireille Biret
Publié le 1er octobre 2010
Auteur : Mireille Biret
Niveaux d'enseignement et de formation : Lycée, classes de Première et de Terminale
Couverture spatio-temporelle : L’Alsace en 1939-1940
Domaines disciplinaires et transversaux : Histoire, LRA (Langues Régionales d’Alsace)
Resumé : Après la mobilisation générale du 1er septembre 1939, les Alsaciens installés le long de la ligne Maginot sont majoritairement évacués dans les départements du sud-ouest de la France. Après l’armistice du 22 juin 1940 se pose la question de leur retour dans une région annexée de fait.
Propositions d'utilisation : Étude de cas ou évaluation en classe de Première / inscription dans un thème en LRA.
Mots-clefs : Évacuation / Évacués / Réfugiés / Expulsions / Annexion de fait.
Version imprimable : fiche_39-45a.pdf (format Adobe Acrobat - 1.75 MO)
Document 1. Ordre d'évacuation
Proclamation du Général commandant la Ve armée, septembre 1939
© Archives de Strasbourg (505 FI 1026)
La mobilisation générale du 1er septembre 1939 conduit à l’évacuation de 374 000 Alsaciens vers les départements du sud-ouest. Au moment de l’offensive allemande de mai 1940, après la drôle de guerre, 33 000 Alsaciens supplémentaires sont évacués.
L’ensemble documentaire permet d’aborder ces questions tout en faisant comprendre la singularité d’une région annexée de fait.
Analyser les documents, afin de répondre aux questions suivantes :
1) Dans quelles conditions les Alsaciens ont-ils été évacués ? (document 1)
2) Où, majoritairement, les Alsaciens ont-ils été évacués ? Quelles difficultés ont-ils rencontrées ? (document 2)
3) Confrontez les documents 3 et 4. La description du retour des Alsaciens est-elle similaire ? Pourquoi ? (justifiez votre réponse).
4) Quel est l’objectif visé par les nazis en organisant le retour des évacués? (documents 3 et 5)
5) Quels éléments montrent que le retour s’effectue dans une région annexée ? (documents 3, 4 et 5).
Rédiger une réponse organisée et argumentée à la problématique en s'aidant des réponses aux questions, des informations contenues dans les documents et des connaissances personnelles.
L’adaptation à notre nouvel environnement se fait assez vite pour nous, gens de la campagne, malgré des différences que nous notons çà et là : les grandes fermes sont disséminées dans la campagne, alors que nous sommes habitués aux villages groupés en Alsace ; les animaux paissent tranquillement à l’extérieur, alors que nos bêtes vivent surtout à l’étable ; différences aussi en ce qui concerne la manière de cuisiner (nous avons découvert la soupe de potirons et nos hôtes apprennent qu’on fait de la tarte à l’oignon), enfin des différences en ce qui concerne le parler, puisque nous nous exprimons surtout en alsacien, d’où le surnom qu’on nous donne : les yaya.
Mais il y a aussi les moments de tristesse ou d’inquiétude. Cette année là, Noël, pourtant célébré à l’église d’Eymet, et malgré le petit avion à remonter que j’ai reçu, n’est pas un jour de joie. Un souvenir positif me reste cependant : le pasteur nous raconte la légende du sapin de Noël qui trouve son origine en Alsace.
Fernand Klethi, Mon enfance en Alsace annexée, fiches pédagogiques de l’AMAM
Dans la gare décorée de drapeaux et de guirlandes, des rafraîchissements attendent les réfugiés après un long trajet en train surchauffé. À l’arrivée en gare à 14h, la mélodie familière du chant O Strasbourg, O Strasbourg retentit jouée par un ensemble de la police allemande, les réfugiés saluent joyeusement du bras; les hommes du Service du Travail les aident à porter leurs bagages.
Le chef du Service d’Aide (Hilfsdienst) le Dr Ernst les salue en alsacien nous savons ce que représente ce retour pour vous, nous nous en réjouissons avec vous… nous savons ce que vous avez subi ; le Service d’Aide alsacien vous aidera à travailler hardiment pour un avenir meilleur. Si votre pays est préservé des destructions de la guerre, vous le devez avant tout à l’homme qui l’a protégé, le Führer Adolf Hitler. Les présents accueillent avec enthousiasme le nom du Führer.
Les réfugiés débordant de joie d’être de nouveau dans leur pays, aidés par les soldats, les hommes du RAD, les infirmières du NSV gagnent les voitures qui les conduisent à leurs villages d’origine. Tout se passe dans l’ordre le plus parfait, sans accrocs.
Ils nous racontent leurs impressions sur cet accueil. Un peu surpris d’abord par les musiques, les drapeaux à croix gammée flottant au vent, les chants, ils ont vite compris ce que signifie une véritable communauté où chacun vient au secours de l’autre. Quel saisissant contraste avec le départ le 3 septembre 1939 (il fallut aller à pied de Gambsheim et de la Wantzenau jusqu’à Marlenheim, où il fallut abandonner le bétail, puis le voyage vers le Sud-Ouest de la France dura 2 à 5 jours…
SNN, 7 juillet 1940
Pour mes parents, il est évident que nous rentrons, malgré les bruits qui courent (les Allemands vont-ils nous envoyer dans un autre pays, la Pologne, qu’ils ont envahie l’année précédente ?) et même si nous ne sommes pas sûrs que notre maison soit entière.
Le retour se fait à la mi-août. Trois jours dans le train, dans l’autre sens, mais pas dans les mêmes conditions : cette fois-ci, pas de Croix Rouge pas de Cimade pour s’occuper de nous lors des arrêts. Un climat de peur s’installe qui grandit à mesure que les kilomètres défilent.
Lorsque nous franchissons en pleine nuit la ligne de démarcation qui sépare désormais la France en deux, des soldats allemands ouvrent avec fracas les portes du train et hurlent sind Juden dabei ? (Y a-t-il des Juifs parmi Vous ?)
À mesure que nous nous approchons de chez nous, les signes de changements sont de plus en plus évidents : dans toutes les gares, nous voyons des soldats en uniforme, des symboles nazis –des croix gammées- sont visibles partout. A Mulhouse, un repas chaud nous est servi par des infirmières en uniforme qui chantent en choeur, au moment de notre départ, des chants de guerre. Estomacs noués, gorges qui se serrent...
Durant les derniers kilomètres, la tension augmente : nous sommes partagés entre la joie de nous retrouver chez nous et la crainte de ce que nos allons découvrir. Le voyage se termine en autocar, enfin nous voilà à Boofzheim. Le bruit des cloches de l’église nous accueille et nous rappelle notre départ un an plus tôt. Emotion, sanglots.
Fernand Klethi, Mon enfance en Alsace annexée, fiches pédagogiques de l’AMAM
Les expulsions sont officiellement terminées depuis hier. Ces mesures étaient nécessaires pour assurer sans perturbation la reconstruction politique de l’Alsace et éliminer tout doute au sujet de l’appartenance définitive de l’Alsace à l’Allemagne.
Ainsi sont créées les conditions nécessaires pour permettre à tous les Alsaciens de bonne volonté de participer la conscience libre et en égalité avec les autres Allemands à la grande œuvre du Führer, dans le cadre de la communauté du peuple allemand.
SNN, 20 décembre 1940