Par Mireille Biret
Publié le 1er octobre 2010
Auteur : Mireille Biret
Niveaux d'enseignement et de formation : Lycée, classes de 1ère et de Tale
Couverture spatio-temporelle : L’Alsace au sortir de la seconde guerre mondiale
Domaines disciplinaires et transversaux : Histoire, LRA (Langues régionales d’Alsace)
Resumé : Au sortir de la guerre, l’Alsace doit reconstruire, compter les absents, les attendre ou les pleurer tout en faisant face à l’épuration.
Propositions d'utilisation : Étude de cas ou évaluation en classe de Première / Inscription dans un thème en LRA
Mots-clefs : Annexion de fait / Épuration / Collaboration / Ralliement / Attentisme
Version imprimable : fiche_39-45c.pdf (format Adobe Acrobat - 2.60 MO)
Durement touchée par les bombardements et les combats de la libération, l’Alsace est une des régions françaises les plus exsangues.
Les pertes humaines sont par ailleurs considérables et les absents (déportés, détenus, incorporés de force…) ne reviennent que progressivement.
L’épuration s’avère délicate du fait de la difficulté à distinguer clairement ceux qui ont collaboré par obligation et ceux qui l’ont fait par choix.
Région dévastée et traumatisée, le retour à la France est une période malsaine et douloureuse pour l’Alsace.
L’ensemble documentaire permet d’évoquer la libération tardive de l’Alsace, les dégâts considérables, la confrontation des choix faits pendant la guerre, le retour à la France et aux valeurs républicaines, l’épuration difficile du fait de son statut de région annexée de fait.
Analyser les documents, afin de répondre aux questions suivantes :
1) À quelles difficultés les Alsaciens sont-ils confrontés au sortir de la guerre ? (tous les documents)
2) Décrivez le document 3. Quels objets sont balayés hors d’Alsace ? Que symbolisent-ils ? Justifiez la présence du drapeau français au sommet de la cathédrale.
3) Quelle réflexion vous inspire la date du document 2 ? Qui compte-t-on surtout parmi les disparus ? Pourquoi ?
4) En vous appuyant sur les documents 4 et 5, expliquez les raisons pour lesquelles l’épuration a été particulièrement délicate et complexe en Alsace.
Rédiger une réponse organisée et argumentée à la problématique en s'aidant des réponses aux questions, des informations contenues dans les documents et des connaissances personnelles.
Document 2. Disparus du Bas-Rhin, en 1948.
Recueil Mémorial d’Alsace Moselle , Le Musée d’une histoire tourmentée de 1870 à nos jours, Éd. Un, Deux... Quatre, 2008, p. 116, 1948
Coll. ADEIF
Document 3. Dehors le fatras boche
Affiche Sainturat P., 1945
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 737285)
Séance du 3 novembre 1945 : intervention de Henri Meck
[…] Tout d’abord, je me plais à constater que, contrairement à nos craintes, il n’y a pas eu de règlements de compte spontanés et sanglants. […]
[…] Vouloir agir contre ceux de nos compatriotes, qui plus ou moins forcés par les circonstances, se sont affiliés à des organisations, est pratiquement impossible. Personne aujourd’hui n’avouera avoir signé de libre volonté. Il sera pratiquement impossible de tracer une ligne de démarcation entre ceux qui l’auront fait forcément et ceux qui auraient agi volontairement. Frapper certains d’entre eux et ne pas punir d’autres susciterait des comparaisons entre des cas d’espèces qui finiraient d’envenimer l’atmosphère publique. […]
[…] Ayez pitié des enfants des suspects !
Ce n’est pas dans les Oberlé de Bazin, mais dans la vie réelle que je trouve ce cas typique.
J’ai connu un compatriote qui, s’il n’était pas mort il y a quelques mois, se trouverait aujourd’hui probablement parmi les arrêtés. Son fils, malgré tous les avis contraires, est parti par monts et par vaux, et après avoir passé huit mois dans un camp de concentration espagnol, s’est sauvé en Afrique du Nord, s’est battu avec la Division Leclerc en Normandie, est entré un des premiers à Paris et à Strasbourg – pendant que son frère est tombé en Russie. […]
Archives Départementales du Bas-Rhin, 544 D 237
Depuis la fin de la guerre des interrogations s’expriment sur l’attitude des Alsaciens durant l’annexion nazie. Eugène Riedweg a qualifié leur comportement de globalement attentiste. Attentisme ? Cela veut dire que les Alsaciens sont dans l’expectative. Mais ils ne savent probablement pas très bien ce qu’ils attendent, explique-t-il.
Les Alsaciens ont pu, en partie, spéculer sur le vainqueur de la guerre observe de son côté Lothar Kettenacker. Pour Bernard Vogler, il s’agissait d’abord de survivre au jour le jour, de gagner du temps, parfois en donnant un gage pour avoir la paix. Résister, c’était risquer de se faire envoyer au camp de correction de Schirmeck. Alfred Wahl est, lui, plus ferme : Certains Alsaciens se sont indubitablement ralliés volontairement au régime nazi.
Leur adhésion allait bien au-delà d’une collaboration minimale. Mais, dans l’ensemble, on peut dire que la plupart des Alsaciens a été dans l’obligation de se rallier au système : il s’agissait en quelque sorte d’un ralliement de force, analyse-t-il.
Pour Nicolas Stoskopf, le concept d’attentisme ne reflète pas correctement le comportement d’ensemble des Alsaciens restés dans leur région pendant la guerre. L’adhésion forcée au système oblige les individus à se compromettre dans pratiquement tous les secteurs de la vie sociale.
D’une certaine façon, les Alsaciens sont massivement et collectivement compromis, et cela se paye au regard de l’histoire. Pour lui, l’analyse qui consiste à distinguer d’une part les ralliés, d’autre part les attentistes et enfin les résistants est trop simpliste. Nombreux sont ceux qui sont à la fois des ralliés et des résistants, à leur façon.Dans les faits, les gens tentent de feinter avec le système, en étant l’un et l’autre à la fois, analyse-t-il.
Christophe Nagyos, Les Saisons d’Alsace, revue trimestrielle, n°27, juin 2005