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L’essor des structures bancaires

Par Mireille Biret et Monique Klipfel

Publié le 13 juillet 2011

L’annexion pousse les industriels alsaciens à participer activement à la constitution de grandes banques régionales.

Dès 1871, Amédée Schlumberger transforme la banque familiale en société anonyme et reçoit d’importantes souscriptions d’industriels mulhousiens. La même année, plusieurs banques familiales strasbourgeoises fusionnent et créent une société anonyme La Banque d’Alsace et de Lorraine. En 1872, est créé Le Crédit Foncier et Communal d’Alsace et en 1881 la Sogénal. Peu engagées sur les places boursières allemandes, elles échappent en partie au krach de 1873 et à la crise qui a suivi.

La SOGENALRevenir au début du texte

Société générale alsacienne de Banque à Mulhouse, rue de la Sinne

Société générale alsacienne de Banque à Mulhouse, rue de la Sinne
Photo Vve Bader - SIM, 1902
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 621414)

À la veille de la guerre de 1870, la Société générale pour favoriser le développement du Commerce et de l’Industrie en France compte trois agences à Strasbourg (rue Brûlée), à Colmar et à Mulhouse.

Malgré les dispositions du traité de Francfort, l’évolution politique de l’Alsace avec des votes protestataires va la placer devant une alternative : fermer ses agences ou les transférer à une société alsacienne. C’est ainsi que naquit la Société Générale Alsacienne de Banque, une société par actions.

Une société par actions

Une société par actions
Certification d'une action, s.d.
Coll. Archives historiques Société générale

Les principaux actionnaires sont des industriels alsaciens : Alfred Herrenschmidt (Tanneries de Strasbourg), Eugène de Turckheim (maître de Forges à Niederbronn), Arthur Schutzenberger (Brasserie), Émile de Bry et Aîmé Gros-Schlumberger (gendres d’Henri Schlumberger). Tous souhaitent éviter de recourir aux services de la Banque de Prusse, installée en Alsace depuis 1871.

Aide de la Sogénal aux industriels

L’on devine quelle peut être dès l’origine la clientèle de cette Agence. Mais il n’est pas indifférent de rappeler le concours que, lors des crises successives du textile alsacien –crises périodiques de surproduction- la Société Générale apporta aux industriels haut-rhinois. Une première crise éclata, en effet, en 1873. Outre la fabrique de papiers peints de Rixheim, les filateurs, tisseurs de laine et de coton, les imprimeurs sur étoffes qui étaient les clients de l’Agence, reçurent des avances sur billets à 3 mois. À la fin de 1877, le comité local d’escompte rendait hommage aux efforts du Directeur de l’Agence pour atténuer les effets de la crise.

Note attribuée à Paul Leuilliot. In Annuaire historique de la ville de Mulhouse.
Mulhouse : Société d'Histoire et de Géographie de Mulhouse, 1993.

Essaimage de l'Alsacienne de banque

Essaimage de l'Alsacienne de banque
Titre des chemins de fer brésiliens, s.d.
Coll. Archives historiques Société générale

La nouvelle banque œuvre dans le même sens que l’ancienne. Rapidement, le nombre des agences se multiplie. Outre les trois agences héritées de la Société Générale, d’autres naissent dans toute l’Alsace, à Metz mais aussi hors des frontières du Reichsland comme à Francfort en 1886, Oberstein-Idar et Luxembourg en 1893, Mayence en 1894 et Lausanne en 1897.

Son action ne se limite pas à favoriser les industriels alsaciens. Elle sert aussi de relais aux investisseurs étrangers qui lancent des emprunts.

Jusqu’à la veille de 1914 où lui fut intimé l’ordre de passer à l’allemand, toutes les notes de service étaient rédigées en français. Ce choix témoigne à la fois d’un souci d’indépendance face aux banques allemandes, de la volonté d’affirmer une spécificité régionale et de signifier l’opposition à l’annexion.

Le mouvement coopératif de crédit rural et de banques populairesRevenir au début du texte

Une floraison de mutuelles

Tout a démarré à Brumath, estiment cent ans après plusieurs historiens, avec l’intervention du Dr Fassbender lors d’une réunion du comité central des comices agricoles (assemblées de paysans) le 18 février 1882. L’orateur du jour n’était autre que l’émissaire de M. Raiffeisen, le célèbre fondateur des caisses de prêts de Neuwied ( et maire de cette commune) à proximité de Cologne. L’exemple venu d’outre-Rhin – rappelons qu’à l’époque l’Alsace était rattachée à l’empire allemand – a très vite fait tache d’huile, puisque neuf jours plus tard naissait la caisse de la Wantzenau suivie la même année par 17 autres caisses en Alsace.

Cette floraison de mutuelles à la fin du siècle dernier tenait essentiellement à l’inexistence d’organismes officiels de crédits pour l’agriculture ; l’endettement de la paysannerie devenait dans certains cas insupportable, en raison notamment des taux d’intérêt pratiqués par les usuriers. Pour mettre fin à cette situation, Raiffeisen avait imaginé un mécanisme reposant sur la solidarité, avec d’un côté les sociétaires mettant en gage leur patrimoine et de l’autre les sociétaires en quête de crédits.

LIENHARD Christian. « Crédit Mutuel : c'est à la Wantzenau que la première caisse a vu le jour ».
CRDP d'Alsace. L'Alsace de 1871 à 1914. Dossier Maître n°10, 1982-1983

Le réseau bancaire alsacien est complété par un mouvement coopératif de crédit rural et de banques populaires venant d’Allemagne.

En 1907, par exemple, est créée la Banque Populaire de Strasbourg. À partir de 1882, les caisses Raiffeisen, adaptées aux conditions économiques de l’agriculture et posant le principe de coopératives de crédit gérées par des bénévoles se développent. En 1913, la Fédération Raiffeisen compte 435 Caisses, 18 Coopératives Laitières, 3 Coopératives Viticoles, 7 Coopératives Céréalières. Elle rassemble alors 51 000 membres. D’inspiration catholique, le mouvement Raiffeisen est concurrencé après 1903 par le Revisionsverband, d’inspiration protestante.

Des avancées notables

Grâce à cet effort d’organisation, quelques progrès furent réalisés, notamment dans la mécanisation des instruments de culture, actionnés par le pétrole ou l’électricité ; en 1907, on comptait 5 000 faucheuses mécaniques, 1 700 semeuses, 30 000 batteuses pour le blé. L’introduction plus importante des engrais, nitrates du Chili, potasse de Stassfurt puis du Haut-Rhin même, permit de supprimer pratiquement la jachère, qui ne couvrait plus, en 1914, que 3 500ha, principalement dans le Sundgau : la troisième sole produisait désormais des plantes sarclées ou des pommes de terre. L’assolement triennal d’ailleurs tendit à faire place à la liberté des cultures, abolissant les contraintes collectives d'antan. Par contre, l'assolement biennal, pratiqué entre Strasbourg et Wissembourg, comportant en général une alternance entre des céréales ou des pommes de terre, se maintint mieux

DOLLINGER Philippe. L’Alsace de 1900 à nos jours, Toulouse : Édouard Privat Éditeur, 1979, p. 60

Le mouvement coopératif de crédit rural favorise les progrès dans les campagnes. La mécanisation se développe lentement, mais en revanche l’outillage existant s’améliore. L’augmentation des rendements s’explique par les progrès dans le domaine biologique, notamment les rotations culturales et les progrès en matière d’élevage bovin en étable qui ont remédié à la pénurie du fumier. Les Winterschulen (écoles d’hiver) ont joué un rôle important en diffusant les nouvelles méthodes et en favorisant l’introduction de nouvelles cultures.

Comparant la similitude des terrains de Hoerdt à ceux de Philippeville (Algérie) où il avait exercé quelques temps, le pasteur Louis Gustave Heyler introduit la culture de l’asperge en 1869. Dès 1880 elle connaît un essor et en 1891 la Société des planteurs d’asperges, regroupant alors 28 planteurs, est créée.