Par Mireille Biret et Monique Klipfel
Publié le 13 juillet 2011
Dès le début de la guerre, les armées françaises subissent de graves revers en Alsace.
Retour à Alsace 1870-1914
Le 2 août 1870, le maréchal Mac Mahon déploie le 1er corps d’armée autour de Haguenau et ordonne au général Douay d’occuper Wissembourg. Du côté allemand, le corps d’armée du lieutenant général Werder entre en territoire français par Lauterbourg. Le premier affrontement a lieu à Wissembourg et sur les hauteurs du Geisberg le 4 août 1870. C’est le 1er régiment de tirailleurs turcos (soldats indigènes recrutés dans les colonies) qui se heurte le premier à l’armée prussienne. Ils perdent en un jour la moitié de leurs effectifs et se replient à Froeschwiller où Mac Mahon a regroupé ses forces. Le général Douay est tué et la bataille est perdue par les Français.
Bataille de Wissembourg
Imagerie d'Épinal , v. 1870
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 613367)
Image interactive (voir aide)
Le 4 août 1870, la division [française] du général Abel Douai, forte de 7 à 8 000 hommes, qui occupait les lignes de Wissembourg, fut attaquée par l'armée du Prince de Prusse, forte de 80 à 90 000 hommes avec une formidable artillerie.
Le combat commença à l'endroit même où le général Hoche avait livré baille aux Autrichiens en 1793. Le feu fut ouvert à 200 mètres, puis ensuite on se fusillait à 30 pas.
Le front des lignes ennemies se développait sur une longueur de trois kilomètres ; quant à la profondeur elle était énorme. - C'est donc contre ces masses que luttèrent pendant plusieurs heures nos héroïques soldats, malgré leur infériorité numérique. - Pendant le combat les braves Turcos s'élancèrent avec leur intrépidité habituelle, sur les batteries ennemies. - Deux fois ils s'emparèrent de huit canons, et deux fois écrasés par le nombre ils furent forcés de lâcher prise. - Le général Douai jugeant que la position n'était plus tenable voulut rallier ses troupes ; trois fois il fit sonner le rappel ; mais c'est en vain qu'il tenta de ramener les intrépides soldats. - C'est alors qu'éperdu, désespéré, il s'élança presque seul contre les bataillons ennemis et qu'il trouva une mort glorieuse au milieu d'une lutte impossible.
La bataille de Wissembourg où 7 000 Français ont tenu en échec 80 000 Prussiens, est un glorieux fait d'armes, car malgré leur victoire, les Prussiens ont éprouvé, d'après leurs propres bulletins, des pertes considérables et dont le chiffre dépassait l'effectif de la division Douai tout entière.
Charge des cuirassiers à Morsbronn
Ill. Édouard Detaille (1848-1912) , 1874 ?
Coll. Musée historique Saint-Remi de Reims
Mac Mahon rassemble alors l’armée dans la région des villages de Woerth, Froeschwiller et Reichshoffen : 43 000 hommes du côté français qui, faute d’approvisionnement, n’ont parfois pas mangé depuis plusieurs jours et connaissent mal les armes dont ils disposent. Du côté allemand, 100 000 hommes et une artillerie moderne.
Les cuirassiers du général Michel et les lanciers s’engagent dans la grand rue de Morsbronn où ils sont exterminés par les Allemands embusqués dans les maisons.
Le tableau d’Édouard Detaille, présenté en 1874, montre l’absurdité d’une charge de cavalerie dans la rue d’une ville. Après ce désastre, Mac Mahon se décide à la retraite.
Pour couvrir son armée, Mac Mahon envoie les cuirassiers du général Bonnemains sur Woerth qui sont décimés au milieu des champs de houblon.
Bataille de Froeschwiller
Lith. F. Wentzel, 1870
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 616285)
Image interactive (voir aide)
Contrairement à la vision sans concession d’Edouard Detaille, cette image d’Épinal met en scène la bravoure de l’armée française. L’image est en effet dominée par la cavalerie française. Au premier plan à droite est représenté un cuirassier venu mourir avec son cheval aux pieds des fantassins allemands. Ses camarades connaîtront le même sort.
Après cette nouvelle défaite, Mac Mahon se retire en Lorraine et les troupes allemandes peuvent marcher sur Strasbourg.
Le texte, sous cette lithographie, précise :
Après que les troupes allemandes victorieuses sous les ordres du prince royal de Prusse eurent dépassé le 4 août les lignes de Wissembourg, ils rencontrèrent le 6 août l’armée française commandée par le maréchal Mac Mahon. Les Français défendirent vigoureusement leurs positions près Woerth et Froeschwiller, avant de se retirer, à la fin, devant les attaques multipliées des Bavarois, Wurtembergeois et Prussiens. Deux régiments de cuirassiers qui devaient protéger la retraite furent cruellement décimés.
(À Woerth) il y a des blessés dans chaque maison. Dans une cour, des chirurgiens prussiens aidés par deux chirurgiens français et quelques infirmiers civils, ont installé sur le lit de douleur les malheureux dont les membres fracassés réclament une amputation ; presque tous veulent être endormis pour se soustraire à l’horrible souffrance, mais le chloroforme devient rare ; on ne peut accorder à tous cette triste faveur et les cris aigus des patients font frissonner leurs camarades qui attendent leur tour.
Des groupes armés de pelles et de pioches creusent le sol à côté d’un amas de corps (…). Le tambour bat, deux compagnies prussiennes viennent s’aligner en armes des deux côtés du trou béant ; à l’une des extrémités, un prêtre en surplis et un pasteur luthérien prononcent l’un après l’autre, les prières de la liturgie allemande. Au signal donné par un roulement de tambour, officiers et soldats abaissent leurs armes et les fossoyeurs laissent rouler dans la fosse profonde ces dépouilles mortelles, confondues dans un éternel repos sous la même terre bénie…
Émile Delmas, De Froeschwiller à Paris, Notes prises sur les champs de bataille.
Paris : Alphonse Lemerre Éditeur, 1871
Le bilan des combats est lourd , environ 10 000 tués du côté français (1 soldat sur 4) et 10 600 du côté allemand (1 soldat sur 8). Faute de véhicules de transport suffisants, les Français ne peuvent pas s’occuper de tous leurs blessés. Ce sont les services sanitaires allemands qui s’en chargent. Tous les bâtiments susceptibles d’accueillir des blessés sont réquisitionnés. Des brancardiers allemands et des civils ramassent les blessés.
Avant les batailles, certaines familles ont quitté leur village souvent sans vivres et sans argent. Les autres se terrent dans les caves. Après les batailles, les soldats allemands s’en prennent à la population civile et pillent caves et greniers. Certains villageois suspectés d’avoir aidé les Français sont pris en otage. La population civile est enfin réquisitionnée pour enterrer les cadavres des hommes et des chevaux (qui se décomposent rapidement en raison de la forte chaleur) et nettoyer les prés et les champs.