Par Mireille Biret et Monique Klipfel
Publié le 13 juillet 2011
L’annexion coupe l’Alsace de son marché privilégié, pousse à l’exil une partie de ses élites économiques et l’oblige à s’adapter à un espace douanier (Zollverein) et juridique différent.
Hostile à l’annexion, une partie de la bourgeoisie quitte l’Alsace et s’installe avec ses capitaux et parfois ses usines en France. L’autre reste, mais en adoptant une attitude de réserve, refusant par exemple les prises de participation des Allemands dans leurs affaires.
Pendant la période de l’annexion, l’économie alsacienne poursuit néanmoins sa croissance, innove et s’adapte à un marché allemand qui offre des opportunités en raison de sa croissance rapide durant le dernier quart du XIXe siècle.
Locomotives des chemins de fer d'Alsace de 1839 à 1899
Société Industrielle de Mulhouse, 1902
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 621349)
Image interactive (voir aide)
En 1872 est fondée, par la fusion des établissements André Koechlin à Mulhouse et la Société des ateliers de construction de Graffenstaden, la Société Alsacienne de Construction Mécanique (SACM). Une succursale de la SACM est créée en 1878 à Belfort.
Les locomotives sont vendues aussi bien en Allemagne qu’en France malgré les problèmes avec la direction des chemins de fer impériaux qui jugeait la direction trop francophile. Elles ont circulé en Alsace jusqu’en 1962.
Émile Mathis
Photo auteur inconnu, 1913
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 679289)
La firme de Dietrich fabrique à partir de 1898 à Reichshoffen et à Lunéville une voiture à essence. Elle engage alors un jeune technicien, Émile Mathis, chargé d’en assurer la vente. Soucieuse de concevoir de nouveaux modèles, elle engage en 1902 l’ingénieur Ettore Bugatti. En 1904, de Dietrich renonce à poursuivre dans l’automobile. Bugatti et Mathis décident alors de s’associer. Ils concluent un accord avec la SACM pour faire fabriquer une voiture, l’Hermès, à Graffenstaden de 1904 à 1906. En 1907, Bugatti met au point un modèle acheté par la Gaz Motoren Deutz de Cologne, entreprise dans laquelle il travaille. En 1909, il s’installe à Molsheim et commence la production de la première vraie Bugatti surnommé pur sang pour ses qualités de motricité et baignoire pour sa forme. Au début de la guerre, il rapatrie ses châssis et quitte Molsheim qu’il retrouvera après la guerre.
De son côté, Émile Mathis crée sa propre entreprise en 1911 à Strasbourg-Meinau et produit des voitures de petite taille (les Bébés Mathis).
Parallèlement à l’automobile, Émile Mathis s’intéresse à l’aviation. Le 3 mai 1910, un avion à moteur Antoinette survole symboliquement la cathédrale de Strasbourg.
Établissement Braun, Clément et Cie, à Dornach, quartier de Mulhouse
Photo Société Industrielle de Mulhouse, 1902
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 621233)
L’industrie chimique alsacienne se diversifie à la fin du XIXe siècle.
Ainsi la photographie, par exemple, se développe à Mulhouse avec la firme Braun, Clément et Cie. Son expérience dans la reproduction des œuvres d’art conduit la firme à signer en 1883 un contrat d’exclusivité de trente ans avec le musée du Louvre. Vers 1900, c’est l’une des plus grandes manufactures de travaux photographiques en Europe. En 1910, elle compte une succursale à New York et en ouvre une autre l’année suivante à Londres.
Brasserie de la Patrie Schutzenberger Père et Fils, à Strasbourg
Lith. F. Groskost, 18-- ?
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 628242)
Bien que la taille des exploitations n’augmente pas et que les campagnes retiennent la main d’œuvre, l’agriculture enregistre des gains de productivité.
Après 1870, les céréales, les cultures industrielles traditionnelles (lin, chanvre, oléagineux, garance) et la vigne reculent. En revanche d’autres cultures comme le houblon, la betterave sucrière, les légumes, les fruits et l’élevage connaissent un essor. Ces cultures trouvent des débouchés auprès des industries alimentaires régionales. Le développement de la brasserie s’accompagne d’une augmentation de la demande en orge et en houblon. La sucrerie d’Erstein est créée en 1894 et favorise la culture des betteraves sucrières.
Préparation du foie d'oie
Photo Atelier Michel, 18-- ?
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 672299)
Les minoteries et les conserveries se développent. Des fabriques sont créées pour traiter des denrées tropicales, notamment le chocolat (chocolaterie Schaal, fondée dès 1871) et le café (Société coopérative de Strasbourg pour la torréfaction).
Le succès de certaines spécialités gastronomiques, telles que la choucroute, le fromage de munster, l'eau-de-vie ou encore le foie gras est à l’origine d’une concentration technique, qui a donné naissance à des entreprises semi-industrielles.
Le gisement de potasse du Haut-Rhin est découvert en 1904. L’extraction reste cependant modeste avant le retour à la France car, par crainte de la concurrence, les producteurs du gisement de Stassfurt ont obtenu la limitation de la production alsacienne.
En 1904, un groupement privé, animé par Amélie Zurcher, de Cernay, fit effectuer des sondages à Wittelsheim, au nord-ouest de Mulhouse, dans l’espoir de trouver du pétrole ou du charbon. Ce furent des sels de potasse que l’on découvrit à 600 m de profondeur. Il fallut alors trouver des capitaux importants pour continuer l’exploitation ; seules les banques allemandes consentirent les avances nécessaires, qui permirent la fondation du Syndicat Amélie, dont les recherches firent reconnaître l’existence d’un gisement d’environ 200 km2. L’exploitation put commencer en 1910[…]. Les capitaux étaient allemands à 46,5%, français à 25% alsaciens à 20% et l’Etat d’Alsace-Lorraine en détenait 8,5% […] L’extraction minière, faite par treize puits, fut complétée en surface par la construction de trois usines qui transformaient le sel brut en chlorure de potassium plus concentré, précieux engrais pour l’agriculture.
DOLLINGER Philippe, L’Alsace de 1900 à nos jours. Toulouse : Édouard Privat Éditeur, 1979
Pétrole d'Alsace
Affiche René Allenbach, s.d.
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 735930)
Le gisement de Pechelbronn est connu depuis le XVe siècle. En 1889, les Pechelbronner Oelbergwerke (société à capitaux alsaciens) rachètent la concession et multiplient les forages. La production plafonne en 1919 puis diminue dans l’entre-deux-guerres.
La lithothèque d'Alsace vous propose une fiche élève et des ressources à exploiter lors d'une sortie organisée au musée du pétrole à Pechelbronn.
En 1899 est fondée l’Elektrizitätswerk Strassburg, en société anonyme, pour produire et distribuer l’électricité en Basse Alsace. La création d’une centrale thermique au port du Rhin lui permet de se développer. En 1909, elle dessert 85 communes.
Années | Lumière kW | Moteurs kW | kW installés | kW vendus |
---|---|---|---|---|
1900 | 3 869 | 2 012 | 5 881 | 3 879 672 |
1914 | 30 459 | 28 062 | 58 521 | 32 146 946 |
Henri Nonn, Strasbourg capitale du Reichsland, espace, économie, société. In LIVET Georges et RAPP Francis (dir.). Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, Strasbourg : Istra, 1982, p. 332.
Calendrier de l'année 1909
Ill. Léo Schnug, s.d.
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 701293)
L’emploi de l’énergie électrique comme force motrice se développe durant la première décennie du XXe siècle.
Les premiers fabricants alsaciens à produire du matériel électrique sont des constructeurs de machines mulhousiens. L’industrie électrotechnique en Alsace est portée par des petites entreprises comme la fabrique de lampes Alpha, fondée par Emile Engasser et Clémessy, fondée en 1908 à Mulhouse pour fabriquer des matériels électrotechniques.