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La Kaiser-Wilhelms-Universität
ou l’Université impériale de Strasbourg (1872-1918)

Par François Uberfill

Publié le 13 juillet 2011

Bien avant le vote de la loi de l’annexion de l’Alsace-Lorraine au nouveau Reich en mai 1871, des intellectuels et des hommes politiques allemands rêvaient d’installer à Strasbourg une université allemande et de faire de celle-ci un centre de la vie intellectuelle et un foyer de rayonnement de la pensée germanique. Diffuser la pensée et la culture allemandes, faire de l’Université de Strasbourg un pôle d’excellence par la qualité de ses enseignants, le nombre de ses instituts et centres de recherche, mais aussi par un programme prestigieux de constructions, telles étaient au départ les missions confiées à l’Université impériale de Strasbourg, une ville considérée comme un lieu-frontière.

Les résultats ne furent pas à la hauteur des ambitions affichées. Les élites intellectuelles et l’opinion alsacienne restèrent insensibles aux efforts déployés. Et la greffe ne prit pas. Mais l’Université de Strasbourg (Kaiser-Wilhelms-Universität - KWU) fut considérée comme la plus moderne et la plus innovante du monde germanique de la deuxième moitié du XIXe siècle par la qualité de ses enseignements et de la recherche. Elle fut illustrée par de grandes personnalités en lettres, en histoire, en sciences, en médecine. Plusieurs furent récompensées par l’attribution du prix Nobel. Elle nous laisse un héritage scientifique remarquable et un patrimoine architectural de toute beauté réparti sur un vaste espace qui correspond au premier campus universitaire de la capitale alsacienne.

Les conditions de son installationRevenir au début du texte

L’originalité de l’université strasbourgeoise avant 1870

Au milieu du XIXe siècle, l’Université de Strasbourg se caractérise par un bon niveau par rapport aux universités françaises, mais elle n’a pas le renom des universités allemandes. Elle ne retrouva d’ailleurs jamais le rayonnement qui fut le sien au XVIIIe siècle. Ses faiblesses s’expliquent par plusieurs facteurs : l’excès de centralisation du système universitaire français, la mauvaise organisation des facultés, la pauvreté des budgets, et, circonstance aggravante, la dispersion des bâtiments sur cinq sites. Les esprits clairvoyants déploraient un manque de contacts avec les autres universités. Seule faisait exception la Faculté de théologie protestante qui avait maintenu un haut niveau de formation avant 1871, parce qu’elle avait été la seule à être restée en contact avec la vie intellectuelle de l’Allemagne. Ses professeurs et ses étudiants faisaient preuve d’une grande mobilité. Les théologiens strasbourgeois, à l’image de Jean-Guillaume Baum, concevaient leur tâche comme étant de servir d’intermédiaire entre la France et l’Allemagne. D’ailleurs, nombre d’entre eux considéraient l’Allemagne comme leur patrie intellectuelle. Et la Faculté de théologie était la seule des cinq facultés où les professeurs continuaient à faire les cours en allemand, malgré les nombreux rappels à l’ordre de Paris. Le recteur lui-même reconnaissait que l’académie de Strasbourg avait besoin d’une sérieuse réforme et que l’atmosphère n’y était pas bonne.

Après 1808, les universités allemandes et l’Université strasbourgeoise avaient connu une évolution divergente : à Strasbourg l’influence du catholicisme s’était accrue, tandis qu’en Allemagne sévissait un esprit anti-catholique, bien avant le Kulturkampf. Il y avait donc peu de raisons d’être optimiste quant au succès d’une université allemande à Strasbourg.

Ceci d’autant plus que la guerre de 1870 avait complètement changé la donne : tout le monde était conscient que la défaite française sonnait le glas de l’Université française. En plus, le siège de Strasbourg, le bombardement de la cathédrale et de la bibliothèque du Temple-Neuf ajouté aux souffrances de la population, avaient provoqué un traumatisme dans les esprits.

J.-G. Baum déclara un peu plus tard : Nous avons été blessés dans nos sentiments les plus profonds, nous les habitants protestants de Strasbourg.

L’action du baron von Roggenbach

La création de l’Université allemande se fit en un temps record. Dès septembre 1870, une petite délégation fut envoyée auprès des professeurs de l’Université de Bonn, dernière création dans l’espace germanique remontant à 1818. Le Reichstag se saisit du dossier dès le mois d’avril 1871, craignant le transfert des facultés strasbourgeoises vers Nancy. En fait, seule la Faculté de médecine fut transférée à Nancy en octobre 1872. Deux conceptions s’affrontèrent :

Festivités à l’occasion de l’inauguration de l’université impériale

Festivités à l’occasion de l’inauguration de l’université impériale
Grav. A. Beck, 1er mai 1872
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 623509)

Bismarck trancha le débat en écartant le projet des universitaires allemands et en confiant l’élaboration du projet au ministre badois Franz von Roggenbach, ancien ministre des Affaires Étrangères du duché de Bade. C’était un catholique, opposant politique à Bismarck, un ardent partisan du Kulturkampf et un fin connaisseur du milieu alsacien.

Après un premier projet jugé trop ambitieux et trop onéreux, Bismarck arbitra en faveur d’un projet plus modeste et il laissa à von Roggenbach la liberté de décider de la création des chaires et le choix des professeurs à recruter.

Le financement était constitué d’une dotation annuelle provenant à la fois du Budget d’Alsace-Lorraine et de celui de l’Empire. Roggenbach ne réussit pas à assurer le recrutement qu’il envisageait, car il se heurta à des refus de professeurs de venir à Strasbourg, une ville abîmée par les bombardements et la crainte d’affronter l’hostilité de la population. D’où son choix de jeunes hommes (moyenne d’âge de 39 ans) prometteurs qui avaient tout à gagner à débuter une carrière dans la capitale du Reichsland. Ils défendirent une conception positiviste et scientiste du savoir, laquelle était rejetée dans les autres universités allemandes.

L’inauguration solennelle eut lieu au Palais des Rohan, les 1er et 2 mai 1872.

Les deux premières décadesRevenir au début du texte

Ces années furent déterminantes pour les missions et les objectifs qu’avait assignés Roggenbach à la nouvelle université. On peut considérer ces années comme des années d’apprentissage.

Projet pour l'Université impériale

Projet pour l'Université impériale
Ill. Hermann Eggert, 1880
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 720140)

La dotation annuelle en provenance du Reich s’élevait à 400 000 Marks, alors que celle prélevée sur le budget d’Alsace-Lorraine était de 437 000 Marks. La dotation du Reich resta stable, tandis que celle demandée au Reichsland fut multipliée par 2,5 en quarante ans. En 1872-1873, Roggenbach recruta 66 professeurs, 53 Ordinarien et 13 Ausersordinarien. Dans le système allemand, on commençait sa carrière universitaire en étant Privatdozent (équivalent de professeur agrégé), puis on passait Auserordinarius, pour terminer Ordinarius (professeur titulaire d’une chaire). En 1888, le total des professeurs s’élevait à 82. Par sa taille, l’Université de Strasbourg se situait au sixième rang des universités allemandes. Elle était composée de cinq facultés : théologie protestante, droit, médecine, sciences et philosophie (en fait lettres, langues et sciences humaines).

Roggenbach eut une attention particulière pour les Luxuswissenschaften, les sciences considérées comme un luxe : l’égyptologie, le sanscrit et l’astrophysique. Ces chaires furent détenues par des professeurs tout à fait remarquables. Dans ses choix, il privilégia les jeunes professeurs au profil prometteur, plutôt que de faire venir des professeurs à la valeur déjà reconnue.

Parmi eux, Paul Laband (professeur de droit), qui arrive à Strasbourg en 1871, à l'âge de 33 ans. Il fit toute sa carrière à la KWU, dont il fut l’un des fleurons. Sa renommée fut internationale. Harry Bresslau est Auserordinarius à l’Université de Berlin et n’arrive pas à passer professeur ordinaire, en raison de ses origines juives : il vient à Strasbourg en 1879, alors âgé de 42 ans, et y restera jusqu’au lendemain de la guerre où les autorités militaires l’expulseront. L’égyptologue Eheberg s’installe à Strasbourg en 1872, alors âgé de 26 ans, s’y marie et occupera la chaire d’égyptologie jusqu’en 1888, date à laquelle il sera remplacé par Wilhelm Spiegelberg, 38 ans. Celui-ci y fit une très brillante carrière jusqu’en 1919, où il fut également expulsé.

Par contre, peu de professeurs alsaciens restèrent à Strasbourg après 1871, car ils savaient qu’on ne leur proposerait pas de poste. Sur les rares qui ont fait le choix risqué de rester, les trois-quarts étaient des professeurs de médecine ou de théologie protestante.

Une ambitieuse politique de constructions

Visite du Kaiser Guillaume Ier, dans l'aula du Palais universitaire

Visite du Kaiser Guillaume Ier, dans l'aula du Palais universitaire
Photo Mathias Gerschel, 1886
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 670771)

Le gouvernement de Berlin voulut doter la jeune université de nouveaux bâtiments pour remédier à la dispersion des locaux. En 1874, il décida que les facultés seraient regroupées sur deux sites : la faculté de médecine s’installerait dans l’enceinte de l’Hôpital civil ; pour les autres facultés, on construirait de nouveaux bâtiments sur un domaine provenant du démantèlement des murs extérieurs de la ville.

Mais qui allait payer ? Le financement obtenu en 1877 provenait du gouvernement impérial qui prenait à sa charge 71% des dépenses. Les Strasbourgeois furent frappés par la rapidité de l’exécution des travaux. En 1884, les travaux de la Faculté de médecine étaient achevés ; sur l’emplacement de la Porte des Pêcheurs, cinq bâtiments sur les six qui étaient prévus étaient achevés, dont le bâtiment principal qui ouvre le campus, le Collegienhaus, aujourd’hui Palais universitaire. Une seconde inauguration eut alors lieu en 1884, plus solennelle que celle de 1872. Les réalisations étaient impressionnantes et firent un grand effet sur les contemporains.

Une revue française qui n’avait aucune raison d’admirer la réalisation des vainqueurs de 1870 écrivait ainsi en 1884 :

Aucune ville d’Europe, sans en excepter les grandes capitales, ne présente pour l’enseignement supérieur des installations aussi riches et dont les différentes parties soient mieux combinées et réussies.

L’absence de l’antisémitisme

Une autre caractéristique de l’Université impériale qui lui confère un aspect tout à fait particulier par rapport aux universités allemandes est l’absence d’antisémitisme tant au niveau du recrutement des professeurs qu’au niveau de l’accueil des étudiants. Au contraire, les professeurs rejettent l’antisémitisme qui de façon croissante caractérise le milieu universitaire allemand, notamment à la Humbold-Universität à Berlin. Strasbourg réserve un accueil favorable tant aux professeurs venus d’autres universités germaniques qu’aux étudiants juifs. D’où un nombre considérable d’universitaires juifs. En médecine, Julius Bär, Ludwig Bresslau, fils d’Harry Bresslau et Ludwig Laqueur pour ne nous en tenir qu’à trois noms. Laqueur, d’origine silésienne, a fait ses études à Berlin, puis a soutenu sa thèse de doctorat à Paris. Dès 1872, il devient le directeur de la clinique d’Ophtalmologie. Il deviendra le créateur de la nouvelle clinique d’Ophtalmologie. Le droit a été illustré par Paul Laband qui enseignera sans discontinuer à Strasbourg de 1872 à 1918. Dans ses travaux, il justifia d’un point de vue juridique la souveraineté politique de l’Allemagne sur l’Alsace et fut considéré comme le grand juriste positiviste allemand. Chose extraordinaire, un quai porta son nom à partir de 1908, le Paul-Laband-Staden, devenu en 1918 quai Rouget-de-Lisle. Pour la Philosophie, citons Harry Bresslau, titulaire de la chaire de diplomatique de 1890 à 1914. Nous avons déjà vu qu’il était venu à Strasbourg pour pouvoir devenir Ordinarius. En 1904, couronnement de sa carrière, il est élu par ses pairs, recteur de l’Université, fonction certes honorifique mais à laquelle il n’aurait pas eu droit dans aucune autre université allemande. Il en retira une grande fierté.

Cela n’aurait pas pu être le cas dans aucune autre université allemande. H. Bresslau est l’un des auteurs d’un travail gigantesque sur les sources de l’histoire d’Allemagne, les Monumenta Germaniae Historica (MGH). Il est, avec le professeur Von Calker, l’un des instigateurs de la création d’un parti régional, la Liberale Landespartei. Son fils, professeur de zoologie, épousera une Alsacienne, tandis que sa fille, Hélène, épousa en 1912 Albert Schweitzer. Ernst Polaczek originaire des Sudètes est titulaire de la chaire d’histoire de l’art. Il devint directeur du Musée des Arts décoratifs et publia d’innombrables articles sur l’Alsace. Citons enfin un dernier nom, W. Spiegelberg, deuxième titulaire de la chaire d’Égyptologie créée en 1879. Nous lui devons la création du petit musée d’Égyptologie, véritable bijou, toujours situé au sous-sol du Palais universitaire. Il fut le prédécesseur de Montet. Spécialiste du démotique, il acquiert à Strasbourg une réputation internationale.

Des résultats mitigés

La culture à l’aide du fouet : Z’Strassburg

La culture à l’aide du fouet : Z’Strassburg
Grav. Hans Zislin, s.d.
Coll. ADBR

Les créateurs de l’Université de Strasbourg avaient cru qu’en la plaçant au premier rang des universités allemandes, elle arriverait à s’imposer comme instrument de germanisation. Ce fut la vision dominante des autorités de Berlin jusqu’à la fin des années 1880.

En engageant des enseignants de haute qualité, en mettant à leur disposition des instituts, des laboratoires de pointe, ils pensaient surmonter la méfiance des Alsaciens. Or, ils se heurtèrent à l’indifférence de ceux-ci, qui la regardèrent avec hostilité et renâclaient à y envoyer leurs enfants.

Ainsi en 1878, sur 630 étudiants inscrits, les Alsaciens n’étaient que 78. Dix ans plus tard, ils ne représentaient à peine qu’un quart des inscrits. Un sentiment d’inquiétude gagna le corps enseignant.

L’Université impériale sur la défensive : 1889-1914Revenir au début du texte

La crise de 1887-1888

La crise qui couvait depuis quelque temps était liée aux résultats des élections de février 1887 au Reichstag qui se traduisirent par l’envoi à Berlin de quinze députés qui étaient des militants anti-allemands. Les professeurs y avaient pris leur part et avaient critiqué la politique du Statthalter Manteuffel qu’ils jugeaient trop favorable aux notables alsaciens. Certains d’entre eux réclamaient même l’instauration d’un régime plus répressif.

Berlin leur reprocha alors une trop grande liberté de langage à l’égard du pouvoir. Certains voudraient que les professeurs soient punis pour avoir manqué à leur devoir de réserve. La crise se traduisit à la fin des années 1880 par le départ d’une quinzaine de professeurs, souvent les plus brillants, tels Lujo Brentano, professeur en économie politique ou l’historien du droit Rudolf Sohm. L’atmosphère s’alourdissait en Alsace et la communauté universitaire s’interrogeait sur le sens de sa mission et sur l’avenir de la politique de germanisation. En deux ans, la KWU perdit quelques-unes de ses plus grandes figures.

L’ouverture d’une période de calme et de stabilité

Passée la crise aigue de 1887-1888, l’Université retrouva la sérénité durant une dizaine d’années. Après le triomphe de la protestation contre l’annexion, le débat politique tourna autour de la demande d’une plus grande autonomie pour l’Alsace-Lorraine. Cette période correspondit pour l’Université à un retour au calme.

Trois nouveautés se dégagent toutefois de cette période. D’abord, un renouvellement important du personnel enseignant : entre 1900 et 1905, environ 50% des professeurs de la première génération accédèrent à la retraite. Arriva alors à Strasbourg une nouvelle génération de professeurs, plus âgés, moins motivés, voire résignés. Il fallut bien constater qu’ils venaient précédés d’un moindre renom. Ils étaient découragés par les déboires de leurs prédécesseurs, fatigués de déployer autant d’efforts pour un maigre résultat, et ressentaient une sourde hostilité de la population. La société alsacienne, surtout la bourgeoisie francophile, n’entretenait aucun rapport avec eux.

En second lieu, Berlin affichait au tournant du siècle la volonté de mettre fin à l’esprit anti-catholique qui caractérisait la communauté universitaire strasbourgeoise. Le gouvernent impérial avait exprimé le souhait de nommer deux professeurs sur la chaire d’histoire moderne, Friedrich Meinecke, professeur à l’Université de Berlin et Martin Spahn, de religion catholique, professeur à l’université de Bonn. La nouvelle de ces nominations provoqua une levée de boucliers; les professeurs allemands soutenus par la presse libérale et les autres universités allemandes allèrent jusqu’à adresser une pétition au Kaiser pour qu’il diffère ces nominations, mais il ne céda pas. Cette fermeté fut saluée par l’ensemble de la presse alsacienne et les membres de la Délégation d’Alsace-Lorraine. Cette nouvelle politique visait à sortir les catholiques de leur isolement culturel.

En parallèle se déroulaient depuis 1898 des négociations avec le Vatican pour ouvrir une Faculté de théologie catholique, ce qui correspondait déjà au souhait de Roggenbach en 1872. Cette ouverture devrait rendre l’Université mois étrangère aux catholiques alsaciens et permettre de germaniser le clergé qui recevait sa formation uniquement au Séminaire. Les négociations furent longues –près de sept ans– et elles aboutirent à l’ouverture de cette faculté en 1903, contre l’avis du clergé et de ses dirigeants qui auraient aimé garder la haute main sur sa formation au Grand Séminaire. Pourtant, dès son ouverture, 169 étudiants s’y inscrivirent.

Enfin, dernière nouveauté, et non des moindres, les autorités commencèrent à recruter des universitaires parmi les Alsaciens : Robert Redslob en droit pénal, nommé en 1909, Ernest Hoeppfner en philologie romane nommé en 1907. Ces deux hommes furent de grandes figures de l’Université française après 1918. Mais il était impossible pour eux de devenir Ordinarius en restant à Strasbourg : R. Redslob dut s’exiler aux extrémités de l’Empire à Rostock, E. Hoeppfner à Iena.

Une sensible augmentation des effectifs

Le résultat de cette politique d’ouverture –toute relative– fut l’accroissement des effectifs. À la veille de la guerre, l’université scolarisait un peu moins de 800 étudiants alsaciens toutes facultés confondues, soit un gros tiers des étudiants inscrits. Ce nombre est faible pour une ville qui dépasse les 180 000 habitants et pour un Land qui atteint les 1 500 000 habitants. On serait en droit de parler, pour utiliser une notion moderne, de sous-scolarisation des élites.

Effectif des étudiants inscrits à l’université en fonction de leur origine géographique :
TOTAL ÉTUDIANTS Étrangers Allemands Alsaciens % d’Alsaciens
1872-1873 390 49 / 112 28,70 %
1877-1878 630 95 28 78 12,40 %
1882-1883 828 101 95 144 17,40 %
1887-1888 886 101 114 217 24,50 %
1892-1893 969 77 182 238 24,60 %
1897-1898 1066 83 283 319 30 %
1902-1903 1193 82 302 360 30,20 %
1907-1908 1709 98 347 640 37,50 %
1912-1913 2063 191 322 778 37,70 %
1917-1918 1858 5 324 825 44,40 %

Source : Craig, Scholarship and Nation-Building.

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Bibliothèque de l'Université

Bibliothèque de l'Université
Jul. Manias, v. 1906
Photo et coll. BNU Strasbourg (ref. 711374)

Les autorités allemandes ont consenti d’énormes efforts pour créer à Strasbourg une institution de prestige. Ils n’ont pas lésiné ni sur la construction de bâtiments, ni sur les équipements des instituts et laboratoires. Pendant plus de vingt ans leur politique a consisté à attirer les meilleurs éléments à Strasbourg. Mais malgré tous les efforts déployés, même après la crise de 1887-1888, les Alsaciens ont toujours considéré la Kaiser-Wilhelms-Univesität comme une chose allemande.

Les élites alsaciennes ont fait de la résistance, préférant envoyer leurs fils en Vieille France, voire dans d’autres universités allemandes. La Kaiser-Wilhelms-Universität constituait une présence étrangère dans une ville qui se transformait rapidement et dont la Neustadt rappelait à mains égards les quartiers bourgeois de Berlin. Aujourd’hui encore, le visiteur reste fasciné par l’effort consenti. Et les instituts ainsi que la Bibliothèque universitaire conservent les traces de leurs travaux de recherche, ainsi que leurs publications savantes.

Lorsqu’en 1919, on refonda l’Université française, après un demi-siècle de présence allemande, on le fit avec le souci de faire aussi bien, sinon mieux que l’Universté allemande. La Kaiser-Wilhelms-Universität devenait la référence.