Par Clément Keller
Publié le 1er octobre 2010
Les besoins en matière de construction d’écoles entre les 2 guerres furent peu nombreux. Seuls 4 groupes scolaires furent érigés. Le service municipal dirigé par Paul Dopff, disciple de Fritz Beblo, réalisa successivement le nouveau groupe scolaire de la Musau implanté sur l’avenue Jean-Jaurès, (1933), le groupe scolaire du Stockfeld implanté au sud de la cité jardin du Stockfeld (1934), l’actuel collège Vauban (1936) et le groupe scolaire du Rhin (1938).
La conception de ces différents projets s’inscrit dans la continuité des projets de Beblo, de par leur rationalité et leur fonctionnalité. Les corps de bâtiments correspondent de façon très lisible aux différentes composantes du programme : école maternelle, école élémentaire, salle de gymnastique, bains douches, cabinet médical, logements de fonction… Des préaux assurent les liaisons entre les différents bâtiments. Les constructions protègent les cours des nuisances de la rue.
Les compositions en volumes sont simples et très ordonnées ; les plans sont orthogonaux et s’intègrent de façon rigoureuse dans le tissu des voies. Les toitures sont traitées à double pente. Les fenêtres, souvent équipées de traverses horizontales, sont intégrées dans des bandes verticales ou horizontales, dans un style moderne et épuré, apportant un éclairage optimum aux salles et aux espaces de circulation.
Constructions de l'entre deux guerres
Les faits de guerre ayant entraîné la destruction de nombreuses écoles, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme se charge de reconstruire des écoles en faisant appel à des procédés de construction standardisée. Sur ce principe sont construits les pavillons à rez-de-chaussée de l’école élémentaire de la Meinau (1949) en employant des éléments préfabriqués en béton pour les façades et pour des fermes de charpente ; la toiture à faible pente étant couverte de plaques nervurées en amiante-ciment. Cette école, entièrement réhabilitée en 1997, est encore en service à ce jour.
Dans le même objectif de construction d’urgence sont érigés les petits bâtiments du groupe scolaire Pourtalès à la Cité des Chasseurs (1953) et un bâtiment de 2 classes de l’école des Romains ainsi que de nombreux autres pavillons aujourd’hui démolis.
Constructions de 1945 aux années 60
En 1950, le conseil municipal adopte un programme de constructions scolaires destiné à mettre fin aux dispositifs provisoires d’après-guerre et à subvenir aux besoins des nouveaux quartiers. Le ministère de l’éducation nationale organise des concours pour la réalisation de projets types d’écoles. Dans un objectif de normalisation et d’industrialisation des constructions, sont déterminés des quotas de surfaces et des plafonnements des prix et des subventions. La conception des écoles doit respecter des normes strictes dont, selon une circulaire ministérielle de 1952, une trame orthogonale de 1,75 mètres de côté, générant ainsi une surface de salle de 7 mètres X 8,75 mètres, soit environ 60 m², pour un effectif de 40 élèves et une largeur de couloir de 1,75 mètres.
La ville confie à son architecte Robert Will le soin de coordonner les projets en confiant à des architectes d’opérations privés le soin d’exécuter les travaux. Un projet est ainsi établi par l’architecte Cardosi pour le groupe scolaire du quai des Alpes (actuellement école maternelle Oberlin et école élémentaire Louvois) construit en 1955. Ce « prototype » servira de modèle à la construction des nombreuses écoles des nouveaux quartiers : les écoles maternelles de la Meinau (1956), de la Ziegelau, occupée à l’époque par une école de perfectionnement (1958) et Scheppler (1959), ainsi que les groupes scolaires Gutenberg (1957), Reuss (1957), Doré (1958), Canardière (1959), Schwilgué (1959), Guynemer (1960), Lezay-Marnésia (1961), Erckmann-Chatrian (1965), Branly (1966), puis avec quelques évolutions formelles, en particulier dans le rythme des ouvertures sur les façades, les groupes scolaires Fischart (1966) et Albert Le Grand (1969).
Sont ainsi construits une quarantaine de bâtiments scolaires, sans compter les nombreux gymnases et logements de service qui complètent les équipements de chaque groupe scolaire. Les écoles se répartissent en général en 3 bâtiments distincts : l’école maternelle, l’école des filles et l’école des garçons. Chaque bâtiment, en forme de barre, accueille de 8 à 18 classes réparties au maximum sur 2 niveaux en maternelle et 3 niveaux en élémentaire. L’organisation est rationnelle et répétitive : les rez-de-chaussée reçoivent des salles de classes et tous les locaux spécifiques et les étages ne sont occupés que par des salles de classe standards. Les écoles maternelles disposent d’une salle de jeux donnant directement sur la cour et située en général en extrémité du bâtiment, d’un espace de repos et d’un bureau de direction. Les écoles élémentaires disposent d’un préau à l’extrémité duquel sont installés les sanitaires des élèves.
Les constructions sont réalisées avec des matériaux traditionnels, briques enduites et planchers en poutrelles et hourdis. Le traitement des façades sur cour correspond parfaitement à la répartition des salles : une trame orthogonale en saillie réalisée en béton armé et jouant le rôle de brise soleil encadre chaque salle de classe. L’éclairement naturel des salles est maximum : des châssis vitrés pivotants, afin de faciliter la ventilation, sont posés sur des allèges vitrées abaissées permettant ainsi aux élèves de voir vers l’extérieur. Les toitures sont à faible pente, dans un souci de pérennité et d’économie. Les seuls éléments décoratifs visibles de l’extérieur sont des fresques murales en pignon. Il est aussi parfois fait appel à des appareillages en moellons pour singulariser certains pignons. Ces architectures répétitives font apparaître toutefois quelques singularités dans les inflexions des bâtiments dues aux contraintes de leurs terrains d’assiette.
Parallèlement à ces opérations types sont réalisés quelques programmes spécifiques, tel le groupe scolaire du Conseil des XV (1954). La municipalité confie à l’architecte Eugène Beaudoin la réalisation du groupe scolaire implanté au cœur de la cité Rotterdam (800 logements) dont il est le concepteur, suite à un concours national. La conception de cet ensemble fait appel à une variété de volumes et d’échelles. Les classes de l’étage bénéficient de balcons terrasses. Les couloirs sont de très faible hauteur afin que les classes reçoivent un éclairage direct par-dessus les toitures plates des circulations. Les bâtiments sont couverts de toitures terrasses débordantes. Les murs de refend sont mis en valeur de par leurs surfaces imposantes et leurs habillages en grès. L’usage du béton architectonique fait écho à l’emploi massif du béton pour les immeubles d’habitation qui entourent le groupe scolaire.
Sont encore édifiées à la même époque par les services municipaux quelques écoles échappant aux plans types : l’école maternelle Vauban (1955) dotée de deux salles de jeux circulaires superposées, détachées du bâtiment principal abritant les classes et traitées en béton brut, l’école maternelle Pasteur (1960) située le long de l’Ill et disposant d’une petite terrasse donnant sur l’eau et d’une toiture équipée de chiens assis, le groupe scolaire du Finkwiller (1961) dont la position des bâtiments par rapport aux rues s’inscrit dans une continuité urbaine.
Les constructions de la période suivante tendent à optimiser les surfaces mises en œuvre en répartissant les classes de part et d’autre des couloirs ; les circulations centrales étant éclairées par des hauts jours. Les constructions sont de forme parallélépipédiques avec des toitures-terrasses plates. Elles font aussi souvent appel à des techniques de préfabrication : éléments de façade en béton armé, revêtements extérieurs en mosaïque, etc…
Sont réalisées, dans cette période et dans la plupart des cas par le service municipal d’architecture, les écoles :
Sont aussi conçues par le service municipalsix écoles maternelles dans le quartier de Hautepierre : Eléonore A et B en 1971, Catherine en 1972, Karine 1 et 2 en 1975 et Brigitte en 1976 selon une même organisation spatiale. Le principe de fonctionnement de ces écoles consiste à disposer les 4 ou 5 classes autour d’une salle de jeux de plan carré de 12 x12 mètres. La toiture à quatre pans de la salle de jeux émerge des toitures plates des classes en apportant par des hauts jours un éclairage direct à l’espace central. Certaines de ces écoles combinent, à l’instar des écoles de la même période, l’usage de panneaux préfabriqués de grande hauteur, intégrant les ouvertures, et de panneaux revêtus de mosaïque.
Suite à la loi de décentralisation de 1983, la commune devient seule responsable de ses programmes scolaires. Cette nouvelle donnée permet d’intégrer dès l’élaboration des programmes des constructions les besoins relatifs aux services périscolaires, tels la restauration ou la garde scolaire ou des activités associatives utilisatrices des locaux : centres de loisirs sans hébergement, écoles de musique, etc…
Les réalisations telles le groupe scolaire Robert Schuman (1982 et 1991, Architecte Kronenberger) composée de modules hexagonaux et Gustave Stoskopf (1988, Architectes « A3 Architecture ») font apparaître la place grandissante des locaux périscolaires dans les volumes bâtis. Cette évolution se traduit aussi par un rapprochement spatial entre maternelle, élémentaire et locaux périscolaires, afin de faciliter les communications fonctionnelles et les co-usages.
Par ailleurs, les architectes municipaux, sous la direction de l’architecte en chef François Sauer, réalisent d’autres équipements à vocation plurielle. Ainsi est réalisée l’opération « Habitat et Vie Sociale » dans le quartier de Neuhof (1983). Ce complexe associe,à sa mise en service, la maternelle et l’élémentaire du Ziegelwasser et une « maison de quartier » servant de centre socioculturel. Le projet architectural procède d’un assemblage de différents corps de bâtiments, décrochés en plan, entourant des cours et un patio et suivant les formes de la parcelle. Les corps de bâtiments, habillés de briques de parement, sont couverts de toitures en pente revêtues de tuiles ; les combles permettent d’aménager des mezzanines dans les classes maternelles. Dans ce même style vernaculaire, sont réalisés par la suite le groupe scolaire Charles Adolphe Wurtz (1990) et l’école maternelle Ariane-Icare (1993), dotée d’un gymnase et d’une piscine dédiée à un usage scolaire.
Sensiblement à la même époque est construite l’école maternelle du Gliesberg (1986), dotée de grandes toitures en ardoises et de deux verrières abritant une pataugeoire et un jardin d’hiver.
Constructions des années 60 à 90
L’absence de terrain libre en centre-ville a conduit la municipalité à acquérir les bâtiments d’une friche industrielle, à l’intérieur d’un îlot d’habitation, afin d’y implanter la nouvelle école maternelle Sainte Aurélie (1996, Architectes Schneider et Zulianel). Cette réalisation met en scène les traces des anciennes constructions en les combinant avec des ouvrages neufs traités dans un langage ludique et ostentatoire, tel le hall d’accueil en forme de tronc de cône.
À partir de 1995, la nécessité de créer de nouvelles écoles s’estompe. Par contre, le besoin de compléter les équipements existants de locaux scolaires spécialisés (bibliothèque, salle informatique, salle des maîtres…) et de locaux périscolaires (restaurant scolaire, garderie…) impose d’engager de nombreuses opérations de restructuration et d’extension des bâtiments existants. Ces interventions architecturales contemporaines offrent l’opportunité de changer ou valoriser l’image des écoles concernées par ces travaux. Ces projets ont comme point commun le fait de mettre en scène de façon expressive les éléments de programme spécifiques dont ils traitent.
Les principales extensions réalisées entre 1995 et 2015 sont les suivantes :
Ces extensions s’accompagnent, pour respecter les réglementations en vigueur,de travaux de mise en sécurité incendie, d’accessibilité aux personnes handicapées et de réduction des consommations énergétiques par des isolations thermiques et des protections solaires, traitées généralement par des brise-soleil, en vue d’apporter un confort d’été. Ces évolutions dans le souci d’undéveloppement durable, portétant par la communeque par les maîtres d’œuvre, modifient au fur et à mesure des rénovations et extensions l’aspect des anciennes écoles.
Constructions récentes
Dans le contexte de densification urbaine, la ville et l’Eurométrope de Strasbourg se sont à nouveau engagées à construire des établissements scolaires.
Ainsi, pour accueillir les nouveaux habitants de la ZAC des Poteries, a été construit le second groupe scolaire du quartier, dénommé Marcelle Cahn (2008, Architectes TOA). Les différents corps de bâtiment, maternelle, élémentaire, gymnases, locaux associatifs et logements ont grandement utilisé des procédés de « construction bois ». Les façades sont habillées de verre et de bardages et de brise-soleil orientables en métal laqué et perforé.
La ville de Strasbourg, le département du Bas-Rhin et la région Alsace ont cofinancé la construction de la nouvelle Ecole Européenne de Strasbourg (2015, Architectes Auer + Weber + Assoziierte et DRLW). Cet équipement, unique en France, accueille les élèves de la seconde année de maternelle à la terminale. La composition de cet ensemble, bien protégé de la voie passante, permet une autonomie de fonctionnement de la maternelle et des interactions entre les élèves élémentaires, les collégiens et les lycéens, autour d’espaces de récréation, au sol et en terrasse. Les façades sont traitées en béton architectonique et une grande partie des toitures est végétalisée.
L’éco-quartier Danube sera doté d’une école maternelle. L’équipement scolaire, qui a été conçu par l’agence « Nunc Architectes », est intégré dans un programme immobilier. Les locaux scolaires répartis sur deux niveaux sont en partie construits sous des logements le long de la route du Rhin. La cour donne sur le cœur de l’îlot piétonnier.
Pour faire face à l’augmentation des effectifs scolaires, la collectivité s’engagera encore dans les décennies à venir dans la livraison de nouveaux équipements, en particulier sur l’axe Strasbourg-Kehl.