Par Vincent Cuvilliers
Publié le 15 octobre 2012
Les archives de la fabrique de la paroisse de Bretten, conservées aux Archives départementales du Haut-Rhin (G16 Bretten), conservent trois contrats passés avec les maîtres d’école lors de leur recrutement. Ces trois copies d’actes notariés nous permettent de percevoir les évolutions du statut du maître d’école entre 1767 et 1789.
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Ce jourd’hui vingt quatrième jour de janvier mil sept cent soixante-sept, nous soussignez et sous marquez bourgeois et habitants de la communauté de Bretten sommes convenus et avons traités avec Maximin Filsjean, natif de GrandSancey pour desservir cette paroisse en qualité de maître d’école sous le consentement et approbation de Monseigneur l’évêque de Bâle et du S Sadoc notre curé et bon pasteur ainsi qu’il s’ensuit Savoir.
Premièrement lesdits bourgeois et ha[bit]an[t]s promettent et s’obligent à livrer aud[it] Maximin Filsjean par chaque ménage de la paroisse et à chaque année au jour de St Martin un boisseau d’épeautre grugée avec dix sols en argent lesquels boisseaux ainsi que les dix sols led[it] Filsjean percevra en la présente année au prorata du temps qui reste d’ici aud[it] jour onze novembre.
Secondement lui sera payé aud[it] jour une somme de vingt-six livres à répartir sur chaque enfant de la paroisse depuis l’âge de cinq ans jusqu’à quinze à condition que led[it] Filsjean sera tenu d’enseigner la jeunesse gratis dans chaque saison et à chaque jour de l’année qu’il plaira aux pères et mères maîtres et maîtresses de la lui envoyer pour prendre des leçons soit pour le catéchisme, la lecture, écriture française et même allemande, que led[it] Filsjean promet de leur faire enseigner par son fils Pierre François tandis qu’il restera avec lui, et pour le plein chant et arithmétique.
Troisièmement, il jouira du pré dit le pré du claviste de l’église sans que personne ait à le troubler et en outre il aura son logement libre dans la maison d’école pour en jouir et l’occuper ainsi qu’il jugera à propos en laissant, néanmoins le poêle libre pour servir de classe aux enfants, ainsi que de la grange et écuries, nous soumettant de faire au plutôt possible tous les ouvrages et réparations qui sont à faire tant à la lad[i]te maison que lad[i]te grange. Il jouira du jardin attaché à lad[i]te maitrise d’école. Ils lui donneront du bois pour son chauffage et jouira du droit de glandage comme un bourgeois et de l’exemption de toutes corvées qui concerneront lad[i]te communauté et au surplus percevra dans la paroisse les mêmes droits que son prédécesseur, savoir six bas ou treize sols quatre deniers par chaque mariage et enterrement des communiants, cinq sols par chaque enterrement d’enfant, deux sols bâlois par chaque messe qui sera chantée, une miche de pain de la valeur de huit sols dont il aura l’option et en outre des émoluments de la fabrique dont sond[i]t prédécesseur a joui le tout fait sous la ratification des supérieurs et le bon consentement de Mr notre curé et bon pasteur auquel led[i]t Maximin Filsjean sera soumis et obéissant en tout ce qui pourra concerner le service de lad[i]te paroisse pour le spirituel et notamment pour l’instruction de la jeunesse qui sera confié à ses soins lad[i]te convention faite et valable pour un an à commencer de ce jourd’hui sauf à la renouveler au cas que la conduite dud[it] Maximin Filsjean et des soins qu’il prendra à remplir ses devoirs nous y engage par le témoignage dud[it] Sr Sadoc notre curé et au cas de changement à faire les parties seront tenus respectivement de s’en prévenir trois mois auparavant le tout sans déroger aux droits et actions intentées contre le nommé Jolidon aux fins de l’exemption de la convention avec lui faite le douze avril mil sept cent soixante-six.
Fait et ainsi convenu aud[it] Bretten les an mois et jour que devant.
M. Filsjean
Signé à l’original Maximin Filsjean, Gaspard Jonte, Nicolas Cordonnie, Jean Baptiste Tondre, Jean Baptiste Guittard, Jean Colleré, François Dore, Jacques Cordonnie, Jacques Vernette, Jean Rémy Guittard, Jacques cordonnie, Nicolas Tondre, Jean Claude Masson, François Jonte, Jean Baptiste Calmelat, Henri Calmelat, François Tondre, Nicolas Tondre, Jacques Guittard et Pierre Pingenot.
Nous Pierre Paul Sadoc curé à Bretten vu le marché et convention d’autres parts faits entre Maximin filsjean et les bourgeois et habitants dudit Bretten mes paroissiens, ensemble les certificats des bonnes vies et mœurs dudit Filsjean, avons donné notre approbation à ladite convention pour tout son contenu sauf aud[it] m[ai]tre d’écoles à se présenter par devant Monseigneur l’Evêque de Bâle pour se faire examiner et approuver ainsi que de droit. Fait aud[it] Bretten le 24 janvier 1767.
Ce jourd’huy vingt deuxième jour du mois de décembre mil sept cent soixante et seize, nous les soussignés et sous marqués bourgeois et habitants de la communauté de Bretten assemblé à l’effet de délibérer sur le choix d’un sujet d’une bonne conduite et d’une capacité suffisante pour remplir l’office de maître d’école, vacant en cette paroisse par le décès de Pierre Maximin Filsjean, et en conséquence des bons certificats des vies et mœurs produits par les postulants et des examens qu’ils ont subis sur tous les points principaux qui concernent ledit office par devant Mr Sadoc notre pasteur, sommes convenus de son avis et consentement et avons traité sous l’approbation de Monseigneur l’évêque, sous la ratification de Monseigneur l’intendant, avec Pierre Joseph Vier, fils de Joseph Vier de Florimont de lui dument autorisé à l’effet des présentes pour desservir notre dite paroisse en ladite qualité de maître d'école autant et si longtemps qu’il ne donnera pas sujet de plaintes fondées et qui seront jugés tels par le Sr Curé assisté pour cet effet des préfets et préposés de la grande congrégation établie en cette paroisse, avant que d’être lesdits sujets de plaintes portés par devant Monseigneur l’intendant et au condition qui suivent savoir.
Premièrement ledit Pierre Joseph Vier s’oblige de tenir école le matin et l’après-midi de chaque jour ouvrable et à chaque saison de l’année qu’il plaira aux pères et mères, maîtres et maîtresses de lui envoyer leurs enfants et domestiques pour prendre des leçons soit pour l’instruction chrétienne, soit pour la lecture, pour l’écriture, pour l’arithmétique, ou pour le plein chant et ce moyennant la somme de dix sols qui lui seront payé annuellement au jour de St Martin onzième novembre par chaque enfant de la paroisse et domestiques y résidant pendant l’hiver qui auront l’âge de cinq ans jusqu’à celui de quinze ans complets. Item s’oblige ledit Pierre Joseph Vier de servir ou faire servir toutes les messes qui seront célébrées et de répondre celle qui seront chantées ainsi que les autres offices qui seront faits pour la paroisse, soit dans l’église, soit dans la chapelle St Eloy ou en procession sans autres rétributions que la somme de quatre livres qu’il percevra de la fabrique comme d’usage pour cet objet.
Item d’avoir soin que la lampe de l’église soit continuellement allumée et de sonner régulièrement les angelus de chaque jour, pour les messes, pour les trépas et pour toutes autres causes qui lui seront annoncées par le sr curé, mais au cas que la paroisse ait une seconde cloche, ledit Vier se réserve qu’il lui sera fourni un homme pour le seconder lorsqu’il sera question de sonner les deux cloches plus longtemps qu’un quart d’heure.
Item de fournir toutes les hosties qui seront nécessaires et qu’il aura soin de tenir au sec et de ne pas laisser vieillir pour les présenter à l’autel, pour lequel article lui sera payé trois livres annuellement par les fabriciens.
Item de blanchir proprement et de tenir en bon état tous les gros linges de l’église et de la chapelle St Eloy moyennant cinquante sols qu’il percevra aussi de la fabrique.
Item d’avoir un grand soin de tous les ornements dont lui sera fourni un état pour veiller à leur conservation, lesquels il exposera de temps à autres au soleil surtout pendant l’été.
Item qu’il aura de même soin d’ôter la poussière de dessus le tabernacle et les retables des autels, ainsi que de balayer souvent l’église, et d’enlever les neiges qui pourraient tomber sur les plafonds avant qu’elles ne soient fondues et en cas qu’il y manquent quelques tailles à la couverture il en avertira les préposés de la communauté et qu’enfin il sera soumis et obéissant à monseigneur notre curé et bon pasteur en tout ce qui concernent le service de ladite paroisse pour le spirituel, et notamment pour l’éducation et l’instruction de la jeunesse qui sera confié à ses soins.
En conséquence de tout quoi les bourgeois et habitants de la communauté et paroisse de Bretten promettent et s’obligent de leur part de fournir audit Vier une maison et logement convenable avec une écurie pour une vache et quelques porcs ou moutons de même qu’une place suffisante pour son fourrage nécessaire à l’entretien desdits animaux et comme la maison d’école et fort caduque et d’ailleurs insuffisante, lesdits bourgeois et habitants s’obligent la reconstruire à neuf dans l’espace de deux ans, les réparations desquels logements seront à la charge de ladite communauté, bien entendu que le poële de la maison d’école restera livre pour laisser place suffisante au nombre des enfants qui fréquentent l’école.
Item ledit Vier jouira du jardin attaché à ladite maîtrise d’école dont la clôture sera à sa charge ainsi que le pré du claviste de la communauté comme faisant partie de son gage de maître d’école.
Item qu’il percevra par chaque ménage de la paroisse et à chaque année au jour de saint Martin onze novembre un boisseau de grain d’épeautre égrugés à mesure de Dannemarie avec dix sols qui lui seront payés de même par chaque ménage, desquels deux articles les héritiers de défunt Maximin Filsjean percevront en la présente année une part au prorata du service fait jusqu’à ce jourd’hui.
Item que ladite communauté lui fournira le bois pour son chauffage qu’il jouira du glandage et du pâturage comme un bourgeois et de l’exemption de toutes les corvées qui [------] ladite communauté.
Item qu’il lui sera fourni par ladite communauté environ un tiers de journal de champs pour en jouir comme bon lui semblera.
Et qu’enfin il percevra dans la paroisse attachée à son office, savoir treize sols six deniers par chaque mariage, et enterrement des communiants, cinq sols par chaque enterrement d’enfant, et une miche de pain de la valeur de dix sols dont il aura l’option par chaque femme relevante de ses couches, fait double audit Bretten le vingt deuxième décembre 1776.
[signatures des bourgeois et habitants de Bretten]
Vu et approuvé par nous intendant d’Alsace le présent accord pour être suivi et exécuté suivant sa forme et teneur, fait le 24 septembre 1779.
Ce jourd’hui vingt-cinq octobre mil sept cent quatre-vingt-neuf, nous les syndics et autres membres de la municipalité assemblés avec la plupart des principaux bourgeois et habitants de Bretten à l’effet de délibérer sur le choix d’un maître d’école qui ont les qualités et la capacité nécessaire à remplir tous les devoirs de cet office à notre gré et à celui de Monsieur notre curé, avons en conséquence des certificats que nous a présenté Claude Jacques François Pothey de Champagney les Lure en Franche-Comté, de ses bons services rendus en différentes paroisses en qualité de maître d’école et notamment à Melisey où il a servi en dernier lieu, avons traité avec lui comme s’ensuit.
Premièrement le Sr Pothey s’oblige d’enseigner les enfants de la paroisse depuis l’âge de six jusqu’à quinze ans, en hiver, comme en été, sous la direction de mondit sieur curé et du sieur syndic, pour leur apprendre les devoirs de la religion chrétienne, leur donne les principes de la lecture, écriture, arithmétique et du plein chant, ainsi que de l’éducation chrétienne et sociale et de leur faire un catéchisme tous les dimanches de l’année depuis midi jusqu’à une heure, moyennant dix sous par chaque enfant de la paroisse, soit que lesdits enfants assistent à l’école ou non, y compris les domestiques qu’il plaira aux maîtres et maîtresses d’envoyer à l’école depuis l’âge susdit laquelle somme de dix sous sera payé par les pères et mères, maîtres et maîtresses audit Pothey au jour de saint Martin de l’année prochaine, recevant également à son école, ledit Pothey, les enfants au-dessous de l’âge de six ans qu’il plaira aux pères et mères de lui envoyer moyennant la même somme de dix sous qui lui seront payés comme pour ceux au-dessus de cet âge.
Secondement ledit Pothey s’oblige d’obéir mondit sieur curé en tout ce qui concernera le service divin dans la paroisse, de sonner régulièrement l’angelus, les matins, midi et soirs, pour les messes et autres offices ainsi que pour les trépas des défunts et pour engager les fidèles à prier lorsque les temps orageux feront craindre des orvaux.
Ledit maître aura soin de balayer et tenir l’église propre et de déblayer les neiges qui pourraient tomber sur les plafonds avant qu’elles n’y fondent, il sera tenu de blanchir les gros linges de l’église, de servir et répondre toutes les messes, basses et hautes fondées, moyennant les sommes portées dans les comptes de la fabrique enfin de soigner et entretenir dans une grande propreté l’autel et tous les ornements de la sacristie qu’il exposera au soleil dans les temps convenables.
En conséquence, ladite communauté s’oblige de donner audit Pothey son logement dans notre maison d’école qu’il occupera seul à son gré, à la réserve d’un des poêles , soit en haut, soit en bas, que nous nous réservons pour les assemblées extraordinaires seulement se charge ladite communauté de l’entretien de ladite maison jouira ledit Pothey du pré dans son devancier a joui et d’un champ d’environ un demi journal et d’un jardin tel qu’il subsiste au midi de celui de la cure, ainsi que du bois de chauffage, du glandage et pâturage comme un bourgeois, sans être tenu à aucune corvée concernant ladite communauté.
Lesdits bourgeois s’obligent en outre de payer chacun annuellement au jour de saint Martin chacun un boisseau de grain, moitié épeautre égrugé et moitié seigle à la mesure de Traubach avec dix sous en argent par chaque boisseau.
Ledit maître percevra encore de chaque nouveau marié treize sous six deniers, la même somme par chaque enterrement d’un communiant, cinq sous pour celui d’un enfant et dix sous de chaque femme relevante de ses couches, ainsi sommes-nous convenus de part et d’autres le présent traité fait double valable pour l’année qui commencera au premier novembre prochain et finir à pareil jour l’année prochaine sauf à le renouveler si les parties en conviennent audit Bretten les an, jour et mois que dessus.
Maximin Filsjean | Pierre Joseph Vier | Claude Jacques François Pothey | |
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Origine | Natif de Grande Sancey (Doubs) | Natif de Florimont (Territoire de Belfort) | Natif de Champagney lez Lure (Haute-Saône) |
Date | 24 janvier 1767 | 22 décembre 1776 | 25 octobre 1789 |
Signataires | Bourgeois et habitants de la communauté de Bretten et Maximin Filsjean | Bourgeois et habitants de la communauté de Bretten et Pierre Joseph Vier | Principaux bourgeois et habitants de la communauté de Bretten |
Accords nécessaires |
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Curé de Bretten |
Salaire |
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Obligations scolaires |
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Autres obligations |
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Les accords nécessaires pour valider le contrat témoignent de l’évolution du contrôle politique de l’éducation, perçue comme un véritable enjeu :
Le traitement du maître d’école n’évolue guère entre 1767 et 1789, que cela soit pour le traitement perçu en espèces aussi bien que celui perçu en nature. Les droits attachés à la fonction de maître d’école restent inchangés également.
Les obligations scolaires évoluent également dans l’indication des matières à enseigner. La religion reste, bien entendu, mais sa dénomination évolue.
Cette évolution est-elle à rapprocher de celle des pouvoirs politiques et des rapports de force entre Église / État / Communautés villageoises ?
Il convient également de remarquer l’importance donnée au plein chant, qui doit permettre la participation aux cérémonies religieuses, et l’absence, paradoxale, de la question linguistique. En 1767, le maître Filsjean se doit d’apprendre l’écriture française et allemande, il a été choisi malgré son incompétence dans l’apprentissage de l’allemand. C’est d’ailleurs pour cela que le contrat stipule que cet enseignement sera réalisé, en sa présence par son fils. Dans les contrats suivants, il n’est pas stipulé que l’enseignement de l’allemand sera effectué.
Les obligations non scolaires sont pour leur quasi-totalité en liaison avec l’église. Le maître d’école reconnaît qu’il doit obéissance au prêtre qui lui confie, avec l’accord de la fabrique, des tâches comme les sonneries, l’entretien des ornements, etc… Le maître d’école est donc perçu comme étant un second du prêtre, un assistant. Il faut toutefois noter une obligation nouvelle en 1789, celle de réserver une pièce de la maison du maître d’école pour la tenue des assemblées extraordinaires de la communauté, preuve de nouvelles pratiques politiques au sein de la communauté villageoise.