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Les programmes nationaux,
la pédagogie : des singularités alsaciennes

Par Nicolas Schreck

Publié le à définir

L’histoire de l’école est celle d’une généralisation partielle de la culture scolaire à un nombre de plus en plus élevé d'élèves. L’Alsace suit les principales évolutions nationales, tout en conservant un certain nombre de singularités.

Évolution des programmes scolairesRevenir au début du texte

Les attentes vis-à-vis de l’École se sont accrues depuis 1945.

L’évolution de la place de l’éducation et de l’enfance

On peut, à partir de 1945, parler d’éducation préscolaire. En effet, le développement de la puériculture, la baisse de la mortalité infantile, le développement de normes familiales moins austères permettent de reconnaître les droits de l’enfant, l’amélioration des conditions de vie venant de l’augmentation des revenus au cours de la période des Trente Glorieuses (1945-1973), favorisant également les élèves.

La vie scolaire au sein des classes maternelles devient commune à une écrasante majorité d’enfants. Si certes l’école maternelle ne connaît pas de rupture avec les principes de celle de Jules ferry, la pédagogie de maternelle est renouvelée, tout en maintenant une continuité avec les programmes de 1887, de 1908 et de 1921. L’école maternelle, d’après la circulaire de 1977, devient une préparation à la grande école, un lieu de socialisation, un espace où par des rites et par des habitudes les élèves se structurent. Mais aussi, lieu de la réussite, l’école maternelle lutte contre la difficulté scolaire, qui précocement apparaît au moment où la lecture et l’écriture se construisent. Les écoles maternelles cessent d’être uniquement des lieux d’exercices pour devenir les lieux du jeu éducatif, suscitant l’intérêt de l’élève, permettant l’acquisition de compétences transversales, autorisant la pédagogie de la confiance, établissant au sein de la communauté des règles sociales. La Maternelle est également le lieu de la parole, le lieu de l’agitation créatrice.

Doc. 1. Préambule et finalités de la circulaire du 2 août 1977 consacrée à l’école Maternelle

La Troisième République fit un pas de plus en créant des écoles maternelles, établissements de première éducation. L'arrêté du 18 janvier 1887, assorti du Règlement modèle des écoles maternelles et à peine modifié par une circulaire de 1905, les Instructions de 1908 et le Décret du 15 juillet 1921 se trouvent toujours en vigueur. Cet arrêté définit des programmes, établis par disciplines cloisonnées, selon un emploi du temps modèle. Ignorant la psychologie des comportements, ces programmes se réfèrent plutôt à des savoir, à transmettre oralement plutôt qu'à des savoir être ou à des savoir faire. C'est ainsi que l'École maternelle a joué pendant longtemps et joue encore trop souvent un rôle essentiellement propédeutique compris dans le plus mauvais sens du terme.

[…] C'est là un des premiers principes inspirant l'action à l'École maternelle : l'enfant est un être total chez lequel interfèrent constamment les différentes formes du développement psychique (moteur, affectif, cognitif, etc.).

Mais il est aussi un être agissant pour qui le mouvement, les déplacements, l'action constituent des moyens naturels d'existence et de progrès.

L'intensité de la croissance de cette tranche d'âge fait de lui un être sensible, vulnérable, essentiellement affectif et dominé par ses désirs, ses fantasmes.

La vivacité des impressions affectives laisse en lui des souvenirs des images qui, peu à peu, inspirent ses actions futures. Des émotions comme de l'expérience, naissent les images anticipatrices de l'action à venir. L'enfant est un être imaginant à condition que ces images conservent la mobilité, la fluidité indispensable à la créativité.

Souvenirs et images s'enrichissent d'ailleurs, dans la mesure où il est un être essentiellement social. Les émotions le marquent d'autant plus qu'elles prennent, grâce à la relation avec autrui, une dimension humaine et que la société lui apporte, en sus, des mots pour les évoquer, des rites pour les renouveler, des règles pour les éviter en les classant selon leur caractère agréable ou désagréable.

Ainsi vont se définir les finalités de l'action éducative à l'école maternelle :

  • Assurer la sécurité indispensable aux efforts personnels que l'enfant doit accomplir en vue de son intégration au milieu matériel et humain. Mais s'il est nécessaire d'insister sur cet aspect du rôle de l'école maternelle, il est également souhaitable de mettre les éducateurs en garde contre des attitudes de surprotection, d'amour mal compris, conduisant à des relations de dépendance trop grande par rapport à l'adulte.
  • Avec la liberté de mouvement et d'action - et sous réserve de précautions relatives à sa sécurité - l'enfant peut faire les expériences personnelles indispensables à la découverte et à la connaissance de l'environnement, rencontrer les obstacles qui vont lui poser des problèmes générateurs de réflexion, mesurer sa puissance sur les êtres et les choses, élaborant ainsi peu à peu, grâce aussi bien à l'échec qu'à la réussite, des schèmes d'action successifs.
  • La dépendance par rapport à l'adulte et la prégnance excessive des modèles donnés par ce dernier nuiraient aussi, par blocage de la personnalité dans des structures fermées d'action et de pensée, au développement de la créativité exigeant la grande mobilité des images mentales et leur disponibilité à entrer dans des structures nouvelles.
  • Enfin, si l'on veut former des êtres responsables, il est souhaitable, dès le plus jeune âge, de les impliquer dans l'appréciation des résultats de leur action. Cette attitude réclame le développement de l'esprit critique qui ne saurait exister chez un enfant toujours soumis aux critères de jugement de l'adulte et parfois rendu coupable, d'une manière arbitraire.
  • Le respect de la liberté, le développement de la créativité, de l'esprit critique vont de pair et ne s'opposent en rien au climat de sécurité de l'École ; sécurité pour l'enfant, mais aussi pour l'instituteur qui n'a pas à subir les caprices de ce dernier s'il veut être libre lui-même.
  • L'enfant, être social en puissance, ne peut s'épanouir dans ce domaine qu'en reconnaissant ses camarades et son instituteur comme des êtres libres, comme lui, d'agir, d'imaginer, de critiquer.
  • La reconnaissance de l'Autre passe également par l'acceptation des différences d'origine ethnique, sociale ou physique conçues comme sources de complémentarité : dans cet esprit, l'École maternelle refuse, dès le plus jeune âge, toute forme de ségrégation.
  • Les finalités précédentes ne peuvent être poursuivies que grâce à l'équilibre dans les relations de réciprocité, la mesure dans les jugements, l'acceptation et la reconnaissance de l'altérité qui favorise d'ailleurs l'affirmation du Moi, le respect de certaines règles. Celles- ci ne diffèrent guère dans les classes élémentaires, mais elles se nuancent à l'École maternelle, du fait du très jeune âge des enfants, de la nécessité où ils se trouvent pour sortir d'une vision syncrétique du monde, d'agir sur l'environnement, de se mouvoir, de tenter des expériences, de se prendre en charge dans l'élan initial, présidant à la construction de leur personnalité.

De la même manière et bien qu'ils s'inscrivent dans un processus continu de développement, les objectifs définis à l'école maternelle durent se nuancer en fonction de l'originalité propre à cette tranche d'âge, à chaque niveau et, à la limite, à chaque enfant.

Doc. 2. Élèves de classe de Maternelle en phase d’agitation créatrice

Doc. 2. Élèves de classe de Maternelle en phase d’agitation créatrice
Photo École maternelle Jules Verne, s.d.
Coll. Archives municipales de Mulhouse (2 Fi 1644)

L’école élémentaire connaît également d’importantes évolutions : la constitution de groupes scolaires (autour d’un potentiel de 12 classes), l'instauration de la mixité, importante modernisation des programmes avec une démarche concentrique (23 février 1923), la confirmation des choix de 1923 quant à une pédagogie intuitive, inductive, active, visant à une éducation globale, à valoriser les contenus scolaires des disciplines de base… Les modifications de cette pratique sont rares : une réduction certes des punitions, l’interdiction du classement des élèves (1969), surtout l’interdiction des devoirs (23 novembre 1956) qui malgré divers rappels (1971…) continuent à passionner parents et élèves le soir après la classe.

Si la pédagogie semble n’avoir pas évolué, d’importantes mutations ont eu lieu :

Doc. 3. Aménagement de la semaine scolaire et répartition hebdomadaire dans les écoles élémentaires et maternelles

Article 1 : La durée hebdomadaire de la scolarité dans les écoles élémentaires et maternelles est fixée à vingt-sept heures, la journée du jeudi et l'après-midi du samedi étant laissés libres de cours.

Art. 2. — Les vingt-sept heures de classe par semaine sont réparties conformément aux dispositions du tableau annexé au présent arrêté.

Art. 3. — La nouvelle durée hebdomadaire de la scolarité dans les écoles maternelles et élémentaires permet aux maîtres de consacrer à leur perfectionnement pédagogique un temps équivalent à trois heures par semaine.

Art. 4. — Le directeur de la Pédagogie, des Enseignements scolaires et de l'Orientation, les recteurs d'académie et les inspecteurs d'académie, chacun en ce qui le concerne, sont chargés de l'exécution du présent arrêté qui prendra effet à compter de la rentrée scolaire 1969.

Le ministre de l'Éducation nationale, Olivier GUICHARD.

Annexe : disciplines

Français (1) : 10 heures
Calcul (1) : 5 heures
Disciplines d’éveil : 6 heures
Education physique et sportive : 6 heures
Total : 27 heures

(1) Les horaires de ces deux disciplines seront groupés de préférence pendant les matinées, et une récréation de dix minutes prélevée sur l'horaire devra séparer chaque séance d'enseignement de la suivante.

Arrêté du 7 août 1969, In Journal Officiel du 8 août 1969.

D’une part, on assiste à une généralisation de la scolarisation à tous les degrés, en fonction d’un calendrier spécifique. Ce phénomène s’inscrit certes dans la continuité des engagements des pères fondateurs de l’Ecole républicaine, mais aussi vise à généraliser le diplôme à tous les élèves scolarisés, à garantir une élévation de la qualification, la réduction du nombre d’élèves sortant du système scolaire sans qualification, une meilleure adaptation entre l’école et le marché du travail, à amener enfin une majorité de lycée à entreprendre et à réussir des études universitaires.

Les formations technologiques et professionnelles

Parmi les réussites, on retiendra l’essor de l’enseignement technologique, à tous les degrés, du CAP/BEP aux formations en IUT. Mais également l’augmentation considérable de la scolarisation des femmes.

Les collèges apparaissent comme de véritables créations. Ils doivent permettre d’une part de lutter contre les inégalités sociales, mais aussi proposer une offre d’enseignement à proximité, en fonction de la carte scolaire, être enfin des établissements polyvalents. Les tâches qui lui sont astreintes sont ambitieuses, d’autant plus qu’elles doivent établir un rapport étroit avec les parents, proposer une culture qui n’est pas celle élitiste du lycée, unifier deux corps de professeurs (les instituteurs et les professeurs certifiés), lutter contre la difficulté scolaire en inventant le soutien scolaire, sans utiliser abondamment le redoublement ou l’orientation… En fait, malgré la volonté politique, l’action désintéressée des équipes pédagogiques et des directions d’établissement, force est de reconnaître que la démocratisation n’a pas été totale.

Parmi les évolutions considérables, on retiendra la construction d’une formation technologique et professionnelle complexe : le baccalauréat technologique apparaît dès 1968, doublé d’un baccalauréat professionnel en 1985, de l’ouverture des études en BTS à ces jeunes, enfin de la naissance des licences professionnelles (1999) et du master pro (2002). Cette réussite permet d’une part à l’Éducation nationale d’offrir une formation professionnelle de haute qualité, mais aussi de permettre une intégration efficace dans le monde du travail. Elle évite tout monopole, puisque l’apprentissage, à tous les niveaux, demeure une formation plébiscitée en Alsace.

Doc. 4. Les formations technologiques

Doc. 4. Les formations technologiques
Photo Lycée technique d’État : salle de cours des monteurs en appareils pour l’industrie chimique, 1966
Coll. Archives municipales de Mulhouse (2 Fi 778)

Doc. 5. Lycée technique commercial : salle de dactylographie

Doc. 5. Lycée technique commercial : salle de dactylographie
Photo , 1964
Coll. Archives municipales de Mulhouse (2 Fi 783)

La photographie (document 5) témoigne d’une part de l’importance accordée en France aux formations technologiques et professionnelles, du tertiaire en particulier, mais aussi de l’extension considérable de la scolarisation des filles. Si seules 3 % des jeunes femmes de 20 ans en 1946 faisaient des études, elles furent 11 % en 1962 et une majorité, 62 % à partir de 1996, devançant le taux de scolarisation des garçons.

Exemples d'adaptation de l’enseignement aux spécificités de l’histoireRevenir au début du texte

L’enseignement religieux en milieu scolaire

La place de la religion à l’école est spécifique du fait de la législation régionale : on retrouve en effet une pratique de l’enseignement religieux au sein des écoles, pour la moitié environ des élèves, mais aussi des difficultés à trouver des ressources pour cet enseignement.

Il va sans dire que l’existence d’une autre religion, non reconnue, l’islam, est de nature à susciter de la part des autorités de cette communauté un souhait identique de reconnaissance.

Doc. 6. Aménagement du statut scolaire local en vigueur dans les établissements du premier degré des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle

Article Premier - La durée hebdomadaire de la scolarité dans les écoles élémentaires des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est fixée par l'arrêté du 7 Août 1969 susvisé comprend obligatoirement une heure d'enseignement religieux.

Dans les cours élémentaires deuxième année et les cours moyens, l'horaire peut être porté par décision du recteur de l'académie, à vingt-huit heures, comprenant deux heures d'enseignement religieux, lorsque seront remplies les conditions nécessaires en ce qui concerne les effectifs et les enseignants.

Article 2 - L'enseignement religieux est assuré normalement par les instituteurs qui se déclarent prêts à le donner, ou, à défaut, par les ministres des cultes ou par des personnes qualifiées proposées par les autorités religieuses et agréées par le recteur de l'académie. […]

Article 4. Les parents qui le désirent peuvent faire dispenser leur enfant de l'enseignement religieux, dans les conditions prévues à l'article 6 du décret du 10 octobre 1936 susvisé.

Décret du 7 décembre 1972.

Doc. 7. Aménagement du statut scolaire local en vigueur dans les établissements d'enseignement du premier degré des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle

Article 3 : Dans les cours élémentaires deuxième année et les cours moyens, l'horaire peut être porté, par décision rectorale, à 28 heures, sur proposition des directeurs d'école établie à la demande des parents d'élèves. Ces propositions feront apparaître le nombre des élèves désirant recevoir l'enseignement religieux ainsi que les moyens en personnel disponible.

Article 4 : Les instituteurs ont la possibilité de se déclarer prêts à donner soit l'enseignement religieux prévu à l'article 1 du décret susvisé, soit l'enseignement prévu aux alinéas 1 et 2. Les échanges de services sont autorisés entre instituteurs, un même maître ne pouvant pas cependant donner plus de 6 heures d'enseignement religieux.

Article 5 : Les directeurs d'école communiquent chaque année à l'Inspecteur départemental de l'Education Nationale, dix jours avant la date de début des vacances de Pâques, la liste des instituteurs qui se déclarent prêts à donner l'enseignement religieux au cours de l'année scolaire suivante, cette liste faisant apparaître le nombre d'heures d'enseignement religieux souhaité. Un état néant est fourni s'il y a lieu.

Article 6 : Les instituteurs qui ne se déclarent pas prêts à donner l'enseignement religieux consacrent l'heure de service ainsi rendue disponible, suivant les instructions du directeur d'école :

  • soit à l'enseignement de la morale à des élèves dispensés de l'enseignement religieux,
  • soit dans l'enceinte de l'établissement, à des tâches touchant à l'organisation pédagogique ou administrative de l'école,
  • soit au perfectionnement pédagogique des instituteurs remplaçants ou débutants,
  • soit à toute autre activité d’intérêt scolaire.

Article 7 : les personnes sollicitant l'agrément prévu à l'article 2 du décret du 7 décembre 1972 doivent produire un dossier comprenant :

  • un bulletin n° 3 du casier judiciaire,
  • un certificat médical attestant (que l'intéressé n'est atteint d'aucune maladie ou infirmité ou vice de constitution incompatible avec les fonctions qu'il sollicite),
  • les titres universitaires,
  • les lieux d'exercice proposés.
  • le maximum d'heures pouvant être données.

Les dossiers sont adressés aux autorités religieuses. […]

Article 9 : L'agrément peut être retiré en cours d'année scolaire par le Recteur intéressé sur la demande motivée des directeurs d'école ou des autorités religieuses.

Article 10 : Les personnes qualifiées agrées peuvent être chargées par le Recteur intéressé de donner l'enseignement religieux pour la durée d'une année scolaire ou pour une durée plus courte. […]

Fait à STRASBOURG et à NANCY, le 24 février 1973.
Le Recteur de l'Académie de STRASBOURG,
Le Recteur de l'Académie de NANCY-METZ.

Arrêté rectoral du 24 février 1973.

Ces textes reconnaissent l’enseignement religieux comme un enseignement obligatoire, intégré au temps scolaire, limité à une heure ou à deux, à délivrer par des maîtres volontaires. Les enfants peuvent bénéficier de dispenses, dans le respect du décret du 10 octobre 1936.

Cette législation est étendue au collègue (depuis 1959).

Langue régionale et Langue et culture régionale

Si un enseignement des langues et cultures régionales a été introduit en France par la loi du 11 janvier 1951 (loi Deixonne, à tous les niveaux), l’alsacien n’avait pas été alors reconnu à l’identique du breton, du basque du catalan ou de la langue occitane comme une langue régionale. La reconnaissance de l’alsacien dans de tels dispositifs scolaires est plus tardive, au cours d’une seconde vague, en 1988, à l’identique du corse (1974), du tahitien (1981) ou encore du créole (2002).

Ces langues ont peiné à être reconnues comme des disciplines spécifiques : la première valorisation est liée aux circulaires du 21 juin 1982 et du 30 décembre 1983 qui leur offre non plus un statut de matière facultative mais de discipline à part entière, avec des programmes, des épreuves d’examens, du personnel. Cette place est confirmée par la loi d’orientation du 10 juillet 1989. La loi d’orientation du 23 avril 2005 va d’ailleurs même plus loin.

Doc. 8. Les langues régionales dans la loi du 23 avril 2005

Article 20 : Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.

Un enseignement à parité horaire

Doc. 9. Développement de l’enseignement des langues et cultures régionales à l’école, au collège et au lycée

L'article L. 312-10 du code de l'éducation a réaffirmé la possibilité de dispenser un enseignement des langues et cultures régionales tout au long de la scolarité dans les régions où celles-ci sont en usage. L'éducation nationale se doit de faire vivre ce patrimoine culturel, de veiller au développement des langues régionales et de contribuer à leur transmission. Oublier cette responsabilité ne serait pas un signe de modernité. Ce serait au contraire une perte de substance de l'héritage culturel national.

L'enseignement des langues et cultures régionales favorise la continuité entre l'environnement familial et social et le système éducatif, contribuant à l'intégration de chacun dans le tissu social de proximité. Cet enseignement s'applique actuellement au basque, au breton, au catalan, au corse, au créole, au gallo, à l'occitan-langue d'oc, aux langues régionales d'Alsace, aux langues régionales des pays mosellans, au tahitien, ainsi qu'aux langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje).

[…] L'enseignement des langues régionales constitue l'une des composantes de ce plan et à ce titre répond à ses principaux objectifs et orientations : contribution à la diversification linguistique, inscription dans la continuité des parcours des élèves, cohérence entre les différents niveaux d'enseignement.

Cette nouvelle étape doit être aussi l'occasion de concevoir et de mettre en œuvre l'enseignement des langues et cultures régionales dans une perspective d'ouverture à d'autres voisinages culturels et linguistiques.

[…] S'inscrivant dans le plan général de développement des langues dans le système éducatif, l'enseignement des langues régionales répond plus particulièrement aux objectifs suivants :

La garantie, pour l'enseignement de la langue régionale commencée à l'école, de sa continuité sur l'ensemble des cycles de la scolarité du collège et du lycée, est un des principes fondamentaux de son organisation.

Pour cette raison, sa mise en place s'effectue en cohérence avec les autres enseignements de langue vivante présents dans l'académie, au sein de la carte académique des langues élaborée sous la responsabilité du recteur.

[…] Dans le premier degré, l'enseignement de et dans la langue régionale est assuré par des instituteurs ou professeurs des écoles dont la compétence linguistique aura été attestée à l'issue de la formation initiale ou par une commission d'habilitation.

Il pourra être également pris en charge, le cas échéant, par les professeurs des écoles issus du concours spécial organisé à partir de 2002.

Dans le second degré, ces enseignements sont assurés :

  • par des professeurs de langue et culture régionales ;
  • par des enseignants d'autres disciplines volontaires, dont la compétence est attestée par la mission d'inspection pédagogique régionale.

Le service des enseignants certifiés de langue et culture régionales peut comprendre, outre l'enseignement régulier de la langue régionale et éventuellement de leur discipline d'option, en fonction des besoins du service et sur la base du volontariat :

  • des interventions dans le cadre des cours des autres disciplines conjointement avec un autre enseignant sur certains points de programme en littérature, histoire-géographie, éducation civique, et pour des projets spécifiques ou des ateliers interdisciplinaires transversaux impliquant à un moment donné l'enseignant de langue régionale ;
  • des interventions en langue régionale dans les écoles maternelles ou élémentaires du secteur de recrutement de leur établissement d'exercice, dans le cadre du développement à l'école de l'enseignement des langues vivantes.

Pour donner toute son efficacité à ce dispositif, les chefs d'établissement sont invités à notifier dans leurs propositions relatives à la préparation de rentrée leurs demandes de création de postes définitifs qui pourraient être des postes spécifiques ou à exigences particulières associant la compétence en langue et dans une des disciplines d'option figurant dans le CAPES. […]

Pour le ministre de l'éducation nationale et par délégation,
le directeur de l'enseignement scolaire, Jean-Paul de GAUDEMAR.

5 septembre 2001.

Doc. 10. Enseignement bilingue en langues régionales à parité horaire dans les écoles et les sections langues régionales des collèges et des lycées

Article 1 : Dans les académies dans lesquelles un conseil académique des langues régionales a été créé en application du décret du 31 juillet 2001 susvisé, un enseignement bilingue en langue régionale à parité horaire peut être mis en place par le recteur d’académie dans les écoles et les sections langues régionales des collèges et des lycées, après consultation du conseil académique des langues régionales, avis des comités techniques paritaires académiques, comités techniques paritaires départementaux, conseils académiques de l’éducation nationale, conseils départementaux de l’éducation nationale et avis des collectivités territoriales concernées.

Article 2 : L’enseignement bilingue à parité horaire est dispensé pour moitié en langue régionale et pour moitié en français. Cependant, aucune discipline ou aucun domaine disciplinaire, autre que la langue régionale, ne peut être enseigné exclusivement en langue régionale.

Les parties des programmes ou des enseignements dispensés en français ou en langues régionales seront déterminées dans le cadre du projet d’école ou du projet d’établissement conformément au principe de la parité horaire.

Article 3 : L’enseignement bilingue dispensé dans les écoles et les sections langues régionales des collèges et des lycées s’adresse en priorité aux élèves ayant déjà suivi un cursus bilingue à partir du cycle 2 ou du cycle 3. Ces écoles ou sections pourront toutefois, après avis de l’équipe pédagogique concernée, accueillir également des élèves non issus de ce cursus s’ils sont en mesure de suivre avec profit l’enseignement en langue régionale et les enseignements en langue régionale qui y sont dispensés. […]

Article 5 : Les enseignements en langue régionale dispensés dans les sections langues régionales des collèges et des lycées peuvent être validés au diplôme national du brevet, au baccalauréat général, au baccalauréat technologique ou au baccalauréat professionnel, dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur. […]

Fait à Paris, le 12 mai 2003, pour le ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche et par délégation, le directeur de l’enseignement scolaire, Jean-Paul de GAUDEMAR.

Arrêté du 12 mai 2003, Journal officiel du 24 mai 2003.

Le bilinguisme en Alsace est un bilinguisme de complémentarité. Il s’agit de ne pas nier certaines évidences : le recul des locuteurs du dialecte, la permanence du dialecte dans certaines zones de l’Alsace Bossue et de l’Outre Forêt… La dialectologie des jeunes scolarités est devenue rare et peut prendre la forme d’une dialectophonie passive, de compréhension de la langue, non de pratique. De plus, le vivier des jeunes étudiants, capables de s’orienter vers la langue du pays voisin, au sein des disciplines comme l’histoire ou encore dans les enseignantes de langues et culture régionale se réduisent.

On peut apprécier la politique entreprise par la diversification et l’essor de l’option LRA au baccalauréat.

Doc. 11. Publics scolaires passant au baccalauréat l’option de Langues et culture régionale ou LRA
1985 1990 1995 2000 2004 2007 2010
Candidats, tous baccalauréats confondus 209 1 014 802 539 602 1 2012 1 415
- Dont baccalauréat technologique 214 133 126 235 338
- Dont baccalauréat professionnel 21 47 31 96 94
- Dont BTS 73

Chiffres : MAERI (Mission académique à l'enseignement régional et international). Divers bilans de l’épreuve de langues régionales d’Alsace.

Expression d’une bi-culture spécifique, reconnue par l’Éducation nationale, le pilotage des langues régionales n’en demeure pas moins une ambition complexe.

Doc. 12. Pilotage de la politique des langues selon le rapport de l’Inspection générale

Dans cette perspective, l’axe central de la politique des langues sera très logiquement le développement du bilinguisme allemand-français, offert à tous dès la classe de 6ème. Le bilinguisme devra être repositionné sur des objectifs plus clairs et évaluables et donner accès à des poursuites d’études adaptées à l’ensemble des voies de formation, voie professionnelle et voie technologique incluses. La sous-exploitation actuelle du substrat dialectal et des autres spécificités régionales mérite une réflexion prenant en compte, en les mutualisant et en les développant, les indispensables outils pédagogiques. Pour capitaliser les acquis et endiguer les déperditions d’effectifs, il est nécessaire de baliser les parcours par la mise en place de certifications. La rénovation de la pédagogie de l’enseignement des langues sera une œuvre de longue haleine qui pourra prendre appui sur la dynamique déjà amorcée avec l’engagement de l’académie dans la prise en compte du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe et pour l’utilisation du Portfolio européen des langues.

La question des ressources humaines est déterminante. Une forte mobilisation des universités alsaciennes est impérative pour fournir un nombre suffisant d’enseignants aptes à enseigner leur discipline en allemand, de même que la détermination de l’IUFM à rendre l’enseignement de l’allemand obligatoire dans la formation des professeurs des écoles. La question des moyens appelle également un bilan serein et une clarification. Il n’est pas déraisonnable d’envisager un partage équilibré des coûts générés par une politique dont les effets positifs pour les jeunes générations sont déjà perceptibles, en sorte que la capacité de l’académie à faire face à ses autres obligations, notamment la réduction des inégalités face à l’école, ne soit pas trop fortement amoindrie.

INSPECTION GÉNÉRALE DE L’ÉDUCATION NATIONALE - INSPECTION GÉNÉRALE DE L’ADMINISTRATION DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE. Évaluation de l’enseignement dans l’académie de Strasbourg, octobre 2006, p. 12.

Abibac

Connues dès 1987, ces classes bilingues franco-allemandes permettent à des établissements des deux côtés du Rhin de concevoir et de vivre des projets communs. Le dispositif que l’on rencontre en Alsace est également retenu par près d’une cinquantaine de lycées du reste de la France. Il donne lieu en particulier à des cheminements pédagogiques singuliers, permettant de donner naissance à des publications communes, dont le manuel d'histoire franco-allemand.

Doc. 13. Introduction du manuel franco-allemand

Tout d’abord s’est construite entre la France et l’Allemagne, depuis des décennies et dans tous les domaines, y compris scolaire, une expérience de coopération dont l’ampleur est sans exemple en Europe. Or, une telle coopération n’aurait pas été possible dans un travail de compréhension, de rapprochement et de réconciliation entre les deux pays et les deux sociétés, qui font que nos histoires sont devenues plus que jamais communes.

Des histoires imbriquées, une mémoire partagée et disputée, la saisie d’une même réalité selon plusieurs approches, l’examen des ressemblances, des différences et des interactions au bénéfice d’une lecture enrichie de l’histoire de chaque pays, de l’histoire des deux pays dans leurs relations mutuelles, mais aussi d’une histoire de ces pays dans l’environnement européen et mondial qui est le leur : telles sont les grandes lignes qui ont présidé à l’élaboration de ce manuel. Tels sont aussi les fondements d’une plus-value pédagogique et scientifique qui, tant par ses méthodes que par ses contenus, sont appelés à faire école, c’est-à-dire à servir un jour de fondement à un manuel européen d’histoire.

Avant-propos, rédigé par le Comité de pilotage du manuel franco-allemand.

GEISS Peter ; LE QUINTREC Guillaume (dir.). Histoire, Geschichte. L’Europe et le monde depuis 1945. Manuel d'histoire franco-allemand. Terminales L/ES/S, © Nathan/Klett, 2006.
Le manuel connaît deux versions.

Cette formation donne droit à une double délivrance de diplôme, du baccalauréat français et de l’Abitur allemand. Les modalités ont été réglées par l’accord intergouvernemental du 31 mai 1994 de Mulhouse.

Ces dispositions ne doivent pas faire oublier l’importance des filières bilingues franco-allemandes (sections européennes françaises créées le 19 août 1992), ni les lycées franco-allemands (créés en 1972).