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Confessions, religion et écoles

Par Nicolas Schreck

Publié le à définir

Trois périodes politiques se succèdent, laissant apparaître un contexte complexe, qui impacte directement la question des confessions et de la religion à l'école.

Un contexte complexeRevenir au début du texte

Trois périodes politiques se succèdent :

Doc. 1. Position du curé et chanoine Landelin Winterer (1832-1911), député au Reichstag, quant à l’enseignement obligatoire de la religion à l’école

Le règlement du 4 janvier contient une autre disposition non moins déplorable, qui consiste à prescrire un enseignement religieux obligatoire, auquel l’autorité ecclésiastique est complètement étrangère. Je ne sache pas que l’État ait mission d’enseigner la religion ; cela est du domaine de l’Église. L’État, qui de sa propre autorité prescrit un enseignement religieux et le rend obligatoire sort des limites de ses attributions et usurpe sur les droits de l’Église. Les autorités de l’Etat dépassent toutes les bornes, lorsque, non contentes d’imposer de leur propre chef un enseignement religieux obligatoire, elles excluent formellement le clergé de cet enseignement ; c’est ce qu’a fait en toutes lettres le président de la Haute-Alsace dans son arrêté du 13 mars de la présente année. Je vous prie, Messieurs, de me dire où est la logique dans cette mesure. Le président de la Haute-Alsace n’a aucune mission d’enseigner la religion ; cette mission qu’il n’a pas, il la donne à des maîtres laïques qui la possèdent pas plus que lui-même ! Il interdit enfin l’exercice de cette mission à ceux qui la possèdent de droit. […]

On n’a pu me dire à quel culte appartiennent quelques maîtres entrés en fonction depuis plusieurs mois. D’autres ont l’habitude du blasphème à l’école même ; enseigneront-ils le deuxième commandement de Dieu ? D’autres sont adonnés à l’ivrognerie ; enseigneront-ils la suite des péchés capitaux ? D’autres nient les miracles de l’ancien et du nouveau testament ; enseigneront-ils la divinité de la religion ? D’autres enfin se déclarent partisans du système de Darwin ou de l’origine simienne de l’homme ; enseigneront-ils la création d’Adam et d’Ève ?

SENGER Jules et BARRET Paul. Le problème scolaire en Alsace et en Lorraine – le régime confessionnel – le bilinguisme. Paris : Éditions Temps Futur, 1948, p. 59-60.
(Droits réservés).

Landelin Winterer fut l’un des députés protestataires au Reichstag. Le débat porte sur la place de l’homme de l’Église au sein de l’École, mais aussi porte sur l’instituteur, présenté comme un homme de science, à la croisée des chemins entre la fidélité à la religion et les progrès de la science. On retiendra de l’action de Winterer la restauration de l’église Saint-Léger de Guebwiller, l’hagiographie de Sainte-Odile, ses études sur la Révolution française en Alsace, son analyse du socialisme contemporain.

Doc. 2. Ordonnance du Statthalter du 4 décembre 1880 relative à la création de conseils d’instruction publique

Article 1. Il est créé dans chaque district un conseil d’instruction publique composé des membres suivants :
Le président du district, président ;
Le conseiller scolaire et de gouvernement près la présidence de district ;
Un inspecteur scolaire de cercle ;
L’évêque ou son délégué ;
Un ecclésiastique nommé par l’évêque ;
Un ecclésiastique d’une des deux confessions protestantes ;
Un membre du consistoire israélite ;[...]

Article 2. Le conseil d’instruction publique de district est appelé à donner son avis :
[...] Sur l’état et l’aménagement des écoles de l’enseignement primaire du district,
Sur les réformes à introduire en ce qui concerne l’enseignement, la discipline et l’administration dans ces écoles,
Sur leurs budgets et comptes, Sur les subventions à leur accorder,
Sur le nombre des écoles élémentaires de garçons et de filles à créer dans chaque commune,
Sur la faculté pour les communes d’avoir des écoles élémentaires mixtes au point de vue confessionnel,
Sur la réunion des garçons et des filles dans les écoles élémentaires communales [...]

MINISTÈRE DE LA GUERRE. Organisation politique et administrative et législation de l’Alsace-Lorraine. Première partie. Paris : Imprimerie nationale, 1915, p. 289-291.

Le retour à la FranceRevenir au début du texte

Dès le retour à la France, le 30 octobre 1918, les prêtres demandent le maintien de l’enseignement religieux : en rappelant son caractère légal, mais en exigeant également des maîtres une pratique confessionnelle, jugée impérative pour la cohésion de la société villageoise et l’apprentissage des élèves. S’y ajoute une demande par rapport aux Écoles normales et le souhait de voir les maîtres devenir à nouveau les desservants du culte, comme organiste.

L’IUFM d’Alsace, héritière d’une partie de la tradition des Écoles normales, possède encore sur son site de Colmar un orgue.

Doc. 3. Retour à un enseignement religieux en terre d’Alsace, après la première guerre mondiale : les premières difficultés

Le constat :

Les écoles d’Alsace sont confessionnelles d’après la loi. Faire (et cela indépendamment des heures où le curé le fait) le catéchisme aux enfants, leur faire connaître et aimer la religion ; cette obligation suppose et demande deux choses :
1) Que l’instituteur connaisse la religion ;
2) Qu’il la pratique, comme tout catholique doit le faire pour rester catholique.

La pratique extérieure de la religion est imposée au maître non seulement par suite de ses convictions, requises pour pouvoir avoir droit d’enseigner dans une école catholique, mais aussi par un principe pédagogique, qui oblige le maître d’ajuter à la parole le bon exemple. Nous sommes malheureusement dans la nécessité de dire que cet exemple manque généralement. Il y a bien l’une ou l’autre noble exception, mais bien rare. Les instituteurs qui sont heureux d’enseigner dans nos écoles, ne connaissent, pour ainsi dire, pas la mentalité des gens. La population aime voir que ses instituteurs aillent aux offices les dimanches ; les maîtres actuels nous scandalisent, prêtres et fidèles, par leur abstention et faussent par là la compréhension de nos enfants.

Certes, loin de nous la pensée de vouloir faire violence à la conviction de ces instituteurs, libre à eux de pratiquer ou de ne pas pratiquer la religion, mais alors, n’ayant pas les qualités requises, demandées par nos lois, ils devraient faire place à d’autres, qui répondent, sous ce rapports, aux demandes légales.

Les demandes :

Nous nous permettons d’exprimer le vœu qu’on veuille bien donner à nos enfants après 4 années d’attente des maîtres, qui ont outre la science aussi les qualités nécessaires pour faire aimer et pratiquer aux enfants la religion.

[…] Le programme des écoles normales d’Alsace prévoit la formation religieuse des normaliens. Nos jeunes gens devraient, pour pouvoir aimer la religion, être formés d’abord eux-mêmes. N’y aurait-il pas moyen de trouver parmi le clergé de Belfort ou d’ailleurs un prêtre qui puisse leur donner cet enseignement nécessaire? Chez nous, il est, en outre, d’usage que l’instituteur est organiste. Pour cette raison, il y a aussi dans la programme des cours pour apprendre l’orgue.

Demande adressée à Monsieur Poulet, Administrateur, le 30 octobre 1918.

Coll. Das Elsass von 1870 bis 1932. Alsatia, Band IV : Karten, Graphiken, Tabellen, Dokumente, Sach- und Namenregister, 1938, p. 365-367.