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Guerre et retour à la France

Par Nicolas Schreck

Publié le à définir

Une scolarisation républicaine dans les territoires redevenus françaisRevenir au début du texte

Les territoires ayant retrouvé la France dès août 1914 (Masevaux, Thann, Saint Amarin…obtiennent un retour d’un enseignement en français, réalisé par des militaires ou des instituteurs sous les drapeaux. 89 écoles furent ouvertes, servis par 113 institutrices (dont 90 religieuses) et 99 instituteurs (dont 65 militaires).

L’allemand devient une discipline marginale d’enseignement, à la 8e place en termes d'horaire.

Le retour pose de délicates questions, partiellement traitées : l’administration militaire instaure d’abord un droit à l’enseignement primaire gratuit. Mais sur les autres questions, en particulier la laïcité (prière quotidienne, instruction religieuse, catéchisme), le droit des personnels à appartenir aux congrégations, bien peu de décisions sont prises.

Les programmes dans les territoires redevenus français

Les disciplines d’enseignement sont les suivantes :

Doc. 1. Contenus de l’enseignement moral
Thèmes
1er degré Historiettes racontées par le maîtres et suivies de questions propres à en faire ressortir le sens ;
Fables, récits, exemples, maximes ;
Faire saisir aux enfants le rapport de la faute à la punition, leur inspirer l’horreur de la délation, de la dissimulation, de l’hypocrisie ; mettre au-dessus de tout la franchise et la droiture ;
Faire un appel incessant au sentiment et au jugement moral de l’enfant, lui faire sentir les suites funestes de vices dont il a parfois l’exemple sous les yeux : ivrognerie, paresse, cruauté, etc ; éveiller en lui le sentiment de la reconnaissance, de la charité.
2e degré L’Enfant dans sa famille : devoir envers les parents ; devoirs des frères et sœurs ; devoirs envers les serviteurs ; devoirs envers les animaux.
L’Enfant à l’École : devoirs envers le maître, envers les camarades.
La Patrie : devoirs envers la Patrie et la Société.
Devoirs envers soi-même : le respect de soi-même ; la propreté, la tempérance.
Mettre en garde les enfants contre certaines passions et certains vices : le jeu, l’avarice, la prodigalité, le mensonge, l’orgueil, la vanité, la paresse, la colère, la lâcheté, l’égoïsme, et leur inspirer l’amour de la sincérité, de la modestie, du courage, du travail, du dévouement, du sacrifice.
Redressement des préjugés grossiers, des superstitions (croyance aux revenants, aux sorciers, etc.).
3e degré Devoirs envers les autres hommes ; sentiments altruistes : ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît. Ne portez atteinte ni à la vie, ni à la personne, ni aux biens, ni à la réputation d’autrui. Bonté, Fraternité, Tolérance.
La Société : nécessité et bienfaits de la société. La justice, la solidarité, la fraternité humaine.
La Patrie : obéissance aux lois, discipline. L’impôt ; le vote. Droits correspondants aux devoirs : liberté individuelle, liberté de conscience, liberté du travail, d’association. Explication de la devise républicaine.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, ADMINISTRATION MILITAIRE DE L’ALSACE. Rapport sur l’organisation des Territoires, 1914-1916. Thann : Imprimerie Lefrancs, 1917. Cité dans Coll. Das Elsass von 1870 bis 1932. Alsatia, Band IV : Karten, Graphiken, Tabellen, Dokumente, Sach- und Namenregister, 1938, p. 363-365.

On remarquera que le programme de comporte pas d’enseignement de la religion, rajouté à la demande des autorités dans le programme d’Instruction morale, ainsi qu’une forte filiation avec les programmes français des années 1880. Il s’agissait ainsi, en ménageant simplement une période de transition au niveau de la langue, d’aligner l’Alsace sur le régime du reste de la nation. Le programme reprend la grande ambition d’un enseignement d’instruction morale, première des disciplines de l’école primaire.

Doc. 2. Évolutions dans les méthodes et dans les contenus scolaires, au bout de quelques mois d’enseignement en français

Rien n’a d’ailleurs été négligé par les maîtres pour rendre l’enseignement attrayant et faire de la classe un milieu où l’enfant se sente entouré de bienveillance et d’affection. […]

L’enseignement y est donné uniquement en français ; on ne se contente plus, d’autre part, comme dans les premiers temps, d’enseigner les éléments de la langue française ; on a pu, insensiblement, donner droit de citer dans nos écoles à toutes les matières qui constituent le programme primaire élémentaire, et des progrès rapides ont été constatés, notamment en histoire, en géographie, en français et en instruction civique.

[…] Le principal obstacle à l’assimilation de l’orthographe d’usage réside, en effet, dans la défectuosité de la prononciation alsacienne ; l’enfant a une tendance naturelle, en écrivant, à essayer de reproduire par les signes graphiques les sons tels qu’il les perçoit et tels qu’il les émet. Il écrira bichon au lieu de pigeon.

[…] Mais ce n’est pas uniquement par les matières enseignées et par le régime des classes et des examens que l’école d’Alsace s’est progressivement rapprochée de l’école de France ; c’est aussi par les méthodes employées, par la discipline pratiquée et par l’esprit général qui anime toute la vie scolaire. Sauf de rares exceptions, les enfants qui quitteront l’école cette année savent parler, lire et écrire couramment le français ; ils ont, de plus, reçu une formation intellectuelle qui fait d’eux les frères des petits Français de même âge, en sorte qu’il est permis d’affirmer, sans être taxé d’optimiste, que la substitution de l’école français à l’école allemande est actuellement un fait accompli.

"Le fonctionnement des écoles pendant l’année scolaire 1917-1918". In Bulletin de l’Enseignement des Territoires Alsaciens, n°16, année 1918, mai-juin-juillet, p. 110-111.
(Droits réservés).

Au quotidien des difficultés apparaissent, que relate le document 3. On peine pourtant à croire l’énoncé de toutes ces réussites, d’autant plus que la propagande encadre encore l’expression.

Doc. 3. Visite du ministre de l’Instruction Publique dans les Écoles redevenues françaises de Fullern

Bien vite, les enfants regagnent leurs places. Avec une aisance parfaite, une fillette récite la gracieuse poésie de Théophile Gautier ? le Printemps, un garçon dit avec assurance Les Bœufs, de Dupont et un autre élève Dis-moi quel est ton pays, d’Erckmann-Chatrian. Toute la classe donne, sur les morceaux récités, des explications qui dénotent une assimilation satisfaisante du texte.

Puis les enfants, répondant à des questions posées par les visiteurs, montrent qu’ils ont déjà des connaissances variées en instruction civique, en histoire et en géographie. Il y a bien quelques petites erreurs, mais elles sont vite rectifiées par les élèves les mieux doués et les moins étourdis.

M. le ministre passe ensuite dans la classe du soldat Galliard où il assiste à une leçon de choses faite aux petits sur la chaussure. Les enfants prennent une part active à la leçon. […]

Puis, tout ce petit monde vient rejoindre les grands élèves, et, après l’exécution en plein air de quelques morceaux de chant et de plusieurs rondes enfantines, la visite se termine par l’audition de la Marseillaise et la distribution de récompenses consistant en livres de prix remis, au nom de M. le Ministre, aux meilleurs élèves.

"Compte-rendu de la visite du Ministre de l’Instruction publiques aux écoles d’Alsace [le vendredi 12 avril]". In Bulletin de l’Enseignement des Territoires Alsaciens, n°16, année 1918, mai-juin-juillet, p. 101-103.

Préparer le retour à la FranceRevenir au début du texte

Le retour à la France a fait l’objet d’études, dès le 10 février 1915, avec l’ouverture de la conférence d'Alsace-Lorraine.

La conférence d'Alsace-Lorraine

Cette conférence liste les grandes questions à traiter :

Doc. 4. Exemples de résolutions adoptées par la Conférence, prises le 22 mars 1915

L’Académie de Strasbourg aura la même circonscription qu’avant 1871 ;

Bien que l’Alsace et les parties annexées de la Lorraine ne soient pas destinées une fois redevenues françaises, à constituer une unité administrative, 44 années de malheur commun ont créé entre elles des liens qu’il importe de ne pas rompre tous. Les liens à conserver sont en particulier ceux qui présentent un caractère moral, comme l’administration de l’enseignement. Aussi conviendra-t-il de comprendre, dans l’académie de Strasbourg rétablie, les territoires qui forment actuellement l’Alsace-Lorraine.

Il y aura lieu d’appliquer aux territoires formant aujourd’hui l’Alsace-Lorraine les lois françaises relatives à la liberté de l’enseignement au degré primaire, au degré secondaire, au degré supérieur.

Il conviendra d’établir à Strasbourg une Université investie de tous les droits et privilèges résultant des lois et règlements français sur les Université. […] Suivant le vœu des protestants d’Alsace et leurs traditions séculaires, il serait opportun de maintenir une faculté de théologie protestante dans l’Université de Strasbourg. Si la chose paraît impossible, et s’il est créé à Strasbourg, par application des lois de 1875 et 1880 sur la liberté de l’enseignement supérieur, un établissement libre de théologie protestante, il conviendra de lui attribuer une subvention pendant une période à déterminer et de la reconnaître d’utilité publique, pour lui permettre de recevoir des dons et des legs. Les catholiques d’Alsace-Lorraine, considérant que la faculté de théologie catholique de l’Université allemande de Strasbourg a été créée récemment pour être un instrument de propagande allemande dans le clergé alsacien, ne demandent pas qu’une faculté de cet ordre soit maintenue dans l’Université de Strasbourg. Il leur sera possible par le jeu de la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur de créer un ou plusieurs établissements supérieurs de théologie, qui devront, le cas échéant, être traité par l’Etat français, notamment en matière de subvention et de reconnaissance d’utilité publique, de la même manière que l’établissement libre de théologie protestante.

L’enseignement religieux sera donné dans les lycées, collèges et écoles réales par les ministres des différents cultes, à titre facultatif, selon le vœu des familles, ainsi qu’il est fait dans les lycées de France.

Il conviendra de mettre en vigueur, dès la première année, pour les débutants, les programmes français d’enseignement secondaire, et d’en poursuivre progressivement l’application.

Il conviendra de donner immédiatement en français tous les enseignements, dans toutes les classes. Une large place sera faite à l’étude de la langue allemande.

Procès-verbaux de la Conférence d’Alsace-Lorraine. Tome Ier. Paris : imprimerie nationale, 1917, p. 57-68.
(Droits réservés).

Doc. 5. Principales résolutions adoptées par la Conférence

Article 1. D’une manière générale, il y aura lieu d’appliquer aux territoires actuellement compris dans l’Alsace-Lorraine les lois françaises sur l’organisation, la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’enseignement primaire, sauf exceptions et mesures transitoires.

Article 2. Il convient de maintenir les catégories d’écoles suivantes : écoles maternelles, écoles élémentaires, cours et écoles post-scolaires, écoles primaires supérieures.
Par suite de la gratuité dans les établissements d’enseignement primaire, les écoles moyennes (Mittelschulen) deviendront inutiles. Elles seront d’ailleurs remplacées avantageusement par les écoles primaires supérieures de garçons.

Article 3. Il conviendra d’avoir, par département, une école normale d’instituteurs et une école normale d’institutrice et d’y maintenir des internats. […]

Article 9. La gratuité devra être établie immédiatement dans les écoles d’enseignement primaire.

Article 10. Le régime de l’obligation scolaire appliqué en Alsace-Lorraine ayant donné des résultats satisfaisant, il conviendra de le maintenir entièrement.

Article 11. Les établissements d’enseignement primaire seront ouverts indifféremment à tous les élèves sans distinction de confession religieuse.

Article 12. Il conviendra de maintenir les congrégations enseignantes au moins pendant une période de 10 ans, égale à celle qui avait été prévue pour l’application en France de la loi du 7 juillet 1904.

Article 13. Il conviendra d’appliquer immédiatement les programmes français des écoles primaires. Toutefois, comme ces programmes ne comprennent pas l’enseignement religieux, il conviendra, pour respecter les mœurs et les traditions des Alsaciens et des Lorrains, d’autoriser les ministres des cultes à donner l’enseignement religieux dans les locaux scolaires en dehors des heures de classe, et sans qu’aucun élève puisse être astreint à y assister contre le vœu de ses parents.

Cité dans SENGER Jules, secrétaire du syndicat national des Instituteurs et Paul BARRET. Le problème scolaire en Alsace et en Lorraine – le régime confessionnel – le bilinguisme. 1948, p. 68-70.
(Droits réservés).

Doc. 6. Le Jour de l’Indépendance, fêtes nationales

En Alsace, les cérémonies spontanément organisées jusque dans les plus modestes hameaux par la population alsacienne, les troupes américaines et les autorités françaises, prenaient une signification particulière.

Il serait, en effet, difficile de trouver au monde un pays où la lutte pour l’indépendance ait été plus patiemment soutenue, où le culte de la liberté soit plus ardent. Et, dès lors, le jour de l’Indépendance devait être brillamment fêté par la population de l’Alsace libérée.

Mais ce n’est pas seulement parce que les Territoires Alsaciens délivrés par les troupes françaises ont connu pendant quarante quatre ans le jouge le plus odieux, que la fête du 4 juillet a eu, ici, un tel éclat. C’est aussi et surtout parce que Français, Américains, Alsaciens, réunis en Alsace par un hasard de la guerre, ont un même idéal et que leur histoire se résume dans l’affirmation du même principe : le libre droit des peuples de disposer d’eux-mêmes ; - c’est parce que les Français de toutes provinces, de toutes les origines, de tous les partis, se sont juré de combattre jusqu’à la réalisation complète du vœu des Alsaciens ; - c’est parce que les américains, las des entraves à la liberté du monde que l’Allemagne prétendait imposer par la force, sont généreusement entrés en guerre, faisant leurs les revendications de tous les opprimés et promettant d’aider la France à délivrer l’Alsace. Enfin, c’est pour montrer au grand jour leur mutuelle confiance, leur cordiale fraternité, que ces hommes de races si diverses, mais communiant dans la même espérance et mus par un idéal commun, ont voulu affirmer, dans ce coin de terre alsacienne rendu à la Patrie, que la fête de l’Indépendance était bien leur fête à tous. […]

Le plus souvent, c’est à l’école que se réunissent, dans chaque commune, les autorités civiles et militaires, la population et les troupes alliées. N’est-ce pas à l’école que nous avons pu rendre à l’Alsace, le plus rapidement et de la manière la plus précise, les bienfaits qui l’attachent à la France : la pensée latine, la fine civilisation d’une vieille race, un langage clair, c’est-à-dire des trésors dont la perte avait été cruelle aux alsaciens, au contact de l’odieuse civilisation allemande ; l’école n’est-elle pas demeurée, depuis, un centre d’intelligence et de patriotisme, en même temps qu’un symbole de l’union de l’Alsace à la France ?

Et ces fêtes ont été si touchantes que les instituteurs militaires, qui sont souvent, dans les localités rurales, les seuls représentants de l’administration Française, en ont, d’eux-mêmes, adressé des relations qu’il est regrettable de ne pouvoir publier en entier.

Bulletin de l’Enseignement des Territoires Alsaciens, n°16, année 1918, mai-juin-juillet, p. 97-99.
(Droits réservés).

Tenir compte de la situation singulière de l’AlsaceRevenir au début du texte

Réintroduire l’Alsace au sein des communautés françaises

Enfin, alors qu’aucune politique linguistique n’est définie précisément, les militaires sont appelés à adopter une attitude fraternelle à l’égard des Alsaciens.

Les recommandations portent sur l’héritage historique de l’Alsace, territoire de frontières, sur la place de la langue maternelle et l’allemand, enfin sur la nécessité de considérer les Alsaciens comme une communauté parmi d’autres au sein de la nation… On retiendra les rappels à l’histoire, qui toujours proposent des engagements au service de la France. L’existence de ce rappel est de nature à laisser penser que diverses incompréhensions ou exactions ont été possibles.

Doc. 7. Circulaire du Général de Division de BOISSOUDY, commandant de la VIIème Armée à Monsieur le Général commandant le Ier CAC, 12 juin 1917, sur la mission d’éducation des populations par les officiers de l’armée

Aucun officier et aucun soldat ne peut ignorer aujourd’hui que la restitution, par l’Allemagne, de l’Alsace et de la Lorraine, figure au premier rang des buts de guerre poursuivis par la France et par les Alliés ; mais il est nécessaire de leur faire connaître le passé et la vie des territoires occupés. […] Vous trouverez, ci-joint, quelques exemplaires d’une brochure qui pourra servir de guide aux cadres pour les entretiens. […]

Le rôle des officiers, à tous les degrés de la hiérarchie, est essentiel à cet égard. C’est à eux qu’il appartient d’éclairer les troupes sur l’union de l’Alsace à la France, sur leurs gloires communes, sur les conditions dans lesquelles l’alsace nous a été arrachée par la force, sur la protestation qu’elle a fait alors entendre, sur la rude destinée qu’elle a dû subir malgré-elle. Ils insisteront encore sur les devoirs que nous avons assumés vis-à-vis d’elle et sur l’œuvre de libération à laquelle nous sommes appelés. Ils ne manqueront pas de rappeler que les plus illustres Généraux de la République et de l’Empire ont vu le jour en Alsace, et que c’est à Strasbourg, pour l’Armée du Rhin, que la Marseillaise a, pour la première fois, fait retentir ses accents.

Cette mission d’éducateurs doit être quotidienne : elle est pour les officiers, un devoir militaire précis. Ils travailleront ainsi à faire connaître et aimer l’Alsace par ceux qui ont mission de la défendre et de la délivrer ; ils feront de même connaître et aimer la France par des populations qui en ont été séparées depuis 45 ans.

[…] Tous propos blessants seront évités à l’égard des familles dont l’attitude est loyale, mais dont les parents ont été légalement contraints de servir dans l’armée ennemie. Cette situation de faire, douloureuse, mais inévitable, sera, de la part des officiers, l’objet d’entretiens au cours desquels ils insisteront sur le régime de terreur que l’Allemagne impose aux Alsaciens, animés de sentiments français, qui sont demeurés de l’autre côté de nos lignes, et saisis comme déserteurs. […]

Il en sera de même de la question de la langue. On ne saurait trop s’élever contre l’injustice qui consiste à traiter injurieusement d’Allemands ou de Boches des hommes et des femmes ont l’usage de la langue française a été interdit depuis 1870, qui parlent l’allemand ou l’alsacien, et qui se sont vus, en majeure partie, privés, par la force des choses, de toutes relations suivies avec notre pays. Et cependant, l’alsace n’a cessé de donner à la France des milliers de soldats, des milliers d’officiers, des centaines de généraux, alors qu’à l’heure actuelle, on ne trouve pour ainsi dire pas d’alsaciens comme officier de carrière dans l’armée allemande. Plus de 17.000 alsaciens servent aujourd’hui comme engagés volontaires sous nos drapeaux.

La volonté d’apprendre, dont témoignent les enfants alsaciens qui fréquentent nos écoles, les progrès qu’ils font en français, sont une preuve du ferme désir qu’ont leurs parents de les voir recevoir dans sa plénitude l’éducation française. Et qui oserait, par ailleurs, reprocher aux Bretons, aux Gascons ou aux Provençaux de chez nous, de faire usage de leur langue, de leur dialecte ou de leur patois ?

Coll. Das Elsass von 1870 bis 1932, Alsatia, Band IV : Karten, Graphiken, Tabellen, Dokumente, Sach- und Namenregister, 1938, p. 361-363.

Dès le retour, la question de la religion à l’école resurgit

Déjà avant la fin de la guerre, la question épineuse de la langue et de la religion sont à nouveau posées, avec une première revendication.

Doc. 7. Retour à un enseignement religieux en terre d’Alsace, après la première guerre mondiale : les premières difficultés

Le constat :

Les écoles d’Alsace sont confessionnelles d’après la loi. Faire (et cela indépendamment des heures où le curé le fait) le catéchisme aux enfants, leur faire connaître et aimer la religion ; cette obligation suppose et demande deux choses :
1) Que l’instituteur connaisse la religion ;
2) Qu’il la pratique, comme tout catholique doit le faire pour rester catholique.

La pratique extérieure de la religion est imposée au maître non seulement par suite de ses convictions, requises pour pouvoir avoir droit d’enseigner dans une école catholique, mais aussi par un principe pédagogique, qui oblige le maitre d’ajuter à la parole le bon exemple. Nous sommes malheureusement dans la nécessité de dire que cet exemple manque généralement.. Il y a bien l’une ou l’autre noble exception, mais bien rare. Les instituteurs qui sont heureux d’enseigner dans nos écoles, ne connaissent, pour ainsi dire, pas la mentalité des gens. La population aime voir que ses instituteurs aillent aux offices les dimanches ; les maîtres actuels nous scandalisent, prêtres et fidèles, par leur abstention et faussent par là la compréhension de nos enfants.

Certes, loin de nous la pensée de vouloir faire violence à la conviction de ces instituteurs, livres à eux de pratiquer ou de ne pas pratiquer la religion, mais alors, n’ayant pas les qualités requises, demandées par nos lois, ils devraient faire place à d’autres, qui répondent, sous ce rapports, aux demandes légales.

Les demandes :

Nous nous permettons d’exprimer le vœu qu’on veuille bien donner à nos enfants après 4 années d’attente des maîtres, qui ont outre la science aussi les qualités nécessaires pour faire aimer et pratiquer aux enfants la religion.

[…] Le programme des écoles normales d’Alsace prévoit la formation religieuse des normaliens. Nos jeunes gens devraient, pour pouvoir aimer la religion, être formés d’abord eux-mêmes. N’y aurait-il pas moyen de trouver parmi le clergé de Belfort ou d’ailleurs un prêtre qui puisse leur donner cet enseignement nécessaire ? Chez nous, il est, en outre, d’usage que l’instituteur est organiste. Pour cette raison, il y a aussi dans la programme des cours pour apprendre l’orgue.

Demande adressée à Monsieur Poulet, Administrateur, le 30 octobre 1918.

Coll. Das Elsass von 1870 bis 1932. Alsatia, Band IV : Karten, Graphiken, Tabellen, Dokumente, Sach- und Namenregister, 1938, p. 365-367.

Doc. 8. Situation de la langue allemande dans les territoires redevenus français d’Alsace en 1917

Le but poursuivi a été d’obtenir non seulement que les enfants parlent français, mais aussi qu’ils pensent autant que possible en français. On a voulu éviter qu’entre les choses et le langage français dont l’enfant se servirait pour les exprimer s’interposât la langue allemande.

Ainsi, la préoccupation constante a-t-elle été de réduire l’emploi de l’allemand comme moyen d’enseignement.

L’application de la méthode directe l’a exclu presque complètement de l’enseignement du français, dès le début. Il n’a été toléré, que pour abréger certaines explications et pour vérifier rapidement si les élèves avaient compris. Employé au début pour les enseignements accessoires l’allemand ne l’a toutefois jamais été pour l’enseignement de l’histoire et de la géographie qui n’ont été introduites dans les programmes qu’autant qu’il devenait possible de les enseigner en français.

Dès l’année scolaire 1915-1916 l’allemand a cessé complètement non seulement de servir à l’enseignement des matières accessoires, mais même d’être employé comme moyen rapide d’explication et de contrôle.

Si, comme il vient d’être dit, l’allemand ne doit pas servir à l’enseignement, il est légitime de lui réserver une certaine place dans le plan d’études. Dès à présent, il est enseigné dans la division supérieure des écoles ; on pourra y consacrer plus de temps lorsque les progrès faits dans l’étude de la langue le permettront.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, ADMINISTRATION MILITAIRE DE L’ALSACE. Rapport sur l’organisation des Territoires, 1914-1916. Thann : Imprimerie Lefrancs, 1917. Cité dans Coll. Das Elsass von 1870 bis 1932, Alsatia, Band IV : Karten, Graphiken, Tabellen, Dokumente, Sach- und Namenregister, 1938, p. 368.

Parmi les questions que les autorités ont à traiter, quatre sont prioritaires. Il s'agit :

N’en parler jamais, y penser toujours.
Nous attendons, avec une confiance entière dans l’avenir, que la France régénérée, reprenne le cours de sa grande destinée. Vos frères d’Alsace-Lorraine, séparés en ce moment de la famille commune, conserveront à la France, absente de leurs foyers, une affection filiale, jusqu’au moment où elle viendra y prendre sa place
.
Telle avait été la profession de foi des Alsaciens-Lorrains à Bordeaux.
La Revanche était faite. En 1918, l’Alsace avait acquise à l’égard de l’Allemagne un certain loyalisme et un statut de large autonomie… Elle revenait vers la Mère Patrie avec un sentiment de piété et une mémoire symbolique.