- CRDP d'Alsace - Banque Numérique du Patrimoine Alsacien -
Maîtres et maîtresses
Par Nicolas Schreck
Publié le à définir
Le premier projet visant à la constitution de collèges pour l’instruction des maîtres d’école, dans chaque département du royaume fut présenté à l’Assemblée nationale, par Antoine-Joseph Dorsch, vicaire général de Strasbourg, fortement influencé par les premières mises en œuvre allemande… On connaît la suite, la fondation à Strasbourg, en 1810, de la première École normale.
Il convient d’envisager comment se constitue cette corporation singulière et honnête (Jules Ferry), également l’existence des Écoles normales au temps du Reichsland, enfin quelques éléments du statut des maîtres.
Sommaire
Retour à L'éducation 1939-1945
Les effectifs
| 1882 | 1892 | 1902 | 1912 | |
|---|---|---|---|---|
| Instituteurs | ||||
| Effectifs globaux | 2 684 | 2 914 | 3 298 | 4 235 |
| - dont laïcs | 2 655 | 2 881 | 3 250 | 4 078 |
| - dont religieux | 29 | 37 | 48 | 157 |
| Institutrices | ||||
| Effectifs globaux | 2 573 | 2 820 | 3 011 | 4 026 |
| - dont laïques | 929 | 1 149 | 1 289 | 1 956 |
| - dont religieux | 1 644 | 1 671 | 1 722 | 2 070 |
| Total | 5 257 | 5 734 | 6 309 | 8 261 |
Compilation de diverses sources.
Doc. 2. Instituteurs et institutrices d’Alsace (1882-1912)
Graph. Nicolas Schreck, 2012
Les enseignements à tirer sont de quatre ordres :
- D’abord, le recrutement durant la période du Reichsland a été permanent, plus important à la fin de la période.
On peut expliquer ces recrutements par l’extension des études à l’enseignement maternel, à l’essor de l’enseignement primaire supérieur, à une scolarisation plus massive, peut-être également à un meilleur taux d’encadrement ou à une certaine diversification des formes de la scolarisation.
Les effectifs scolaires ont pendant cette période augmenté de près de 50 000 élèves. - Ramené aux effectifs totaux scolarisés, le taux d’encadrement s’améliore, passant de près de 50 élèves par enseignant dans le primaire à près de 40, démonstration d’un effort mais aussi témoin du maintien de fortes densités au sein des classes.
- Ensuite, la répartition selon le sexe démontre l’importance de l’enseignement des congrégations de femmes au temps du Reichsland.
Si une première période est celle du blocage, voyant le refus des autorités de toute nouvelle nomination de Sœurs enseignantes, la seconde période, après 1880 est plus conciliante à l’égard des sœurs. Plus de quatre cents nouvelles sœurs enseignantes sont nommées, en grande partie après une formation chez les Sœurs de la Divine Providence de Ribeauvillé. En effet, après 1880, les Sœurs acceptent de passer les examens d’État, à la condition que les examens se déroulent au couvent, avec des examinateurs de confession catholique. Le diplôme d’État est nominatif, mais transmis non pas à la titulaire mais à l’ordre. On retiendra l’essor du corps des institutrices laïques, démontrant la vitalité des écoles normales d’alors. - Les effectifs des instituteurs connaissent eux-également un essor. On remarquera que la permanence caractérise cette période, les maîtres religieux restant numériquement peu nombreux.
| Basse-Alsace | Haute-Alsace | Lorraine | Alsace-Lorraine | |
|---|---|---|---|---|
| Écoles maternelles | ||||
| Instituteurs | 0 | 0 | 0 | 0 |
| - dont laïcs | 0 | 0 | 0 | 0 |
| - dont religieux | 0 | 0 | 0 | 0 |
| Institutrices | 183 | 233 | 170 | 586 |
| - dont laïques | 95 | 143 | 16 | 254 |
| - dont religieuses | 88 | 16 | 154 | 332 |
| Écoles élémentaires publiques | ||||
| Instituteurs | 1 178 | 904 | 1 146 | 3 228 |
| - dont laïcs | 1 170 | 895 | 1 146 | 3 211 |
| - dont religieux | 8 | 9 | 0 | 17 |
| Institutrices | 1 022 | 809 | 866 | 2 697 |
| - dont laïques | 533 | 353 | 435 | 1 321 |
| - dont religieuses | 489 | 456 | 431 | 1 376 |
| Écoles élémentaires privées | ||||
| Instituteurs | 11 | 5 | 14 | 30 |
| - dont laïcs | 9 | 5 | 9 | 23 |
| - dont religieux | 2 | 0 | 5 | 7 |
| Institutrices | 26 | 20 | 43 | 89 |
| - dont laïques | 12 | 3 | 4 | 19 |
| - dont religieuses | 14 | 17 | 39 | 70 |
| Écoles de perfectionnement, post-scolaires | ||||
| Instituteurs | 315 | 214 | 129 | 658 |
| - dont laïcs | 309 | 213 | 129 | 651 |
| - dont religieux | 6 | 1 | 0 | 7 |
| Institutrices | 47 | 51 | 2 | 100 |
| - dont laïques | 31 | 35 | 2 | 68 |
| - dont religieuses | 16 | 16 | 0 | 32 |
| Écoles supérieures de jeunes filles | ||||
| Instituteurs | 100 | 53 | 62 | 215 |
| - dont laïcs | 66 | 33 | 28 | 127 |
| - dont religieux | 34 | 20 | 34 | 88 |
| Institutrices | 256 | 158 | 199 | 613 |
| - dont laïques | 190 | 83 | 60 | 333 |
| - dont religieuses | 66 | 75 | 139 | 280 |
| Écoles moyennes ou intermédiaires | ||||
| Instituteurs | 55 | 89 | 44 | 188 |
| - dont laïcs | 55 | 74 | 44 | 188 |
| - dont religieux | 0 | 15 | 0 | 15 |
| Institutrices | 24 | 42 | 17 | 83 |
| - dont laïques | 10 | 37 | 9 | 56 |
| - dont religieuses | 14 | 5 | 8 | 27 |
MINISTÈRE DE LA GUERRE. Organisation politique et administrative et législation de l’Alsace-Lorraine. Première partie. Paris : Imprimerie nationale, 1915, p. 201-211.
| 1870 | 1910 | 1930 | |
|---|---|---|---|
| Écoles pour les tous petits | |||
| Effectifs des établissements | 169 | 153 | 163 |
| Effectifs des sœurs | 200 | 178 | 203 |
| Volksschulen | |||
| Effectifs des établissements | 611 | 428 | 392 |
| Effectifs des sœurs | 1 359 | 1 145 | 1 231 |
| Autres écoles (1) | |||
| Effectifs des établissements | 23 | 23 | 20 |
| Effectifs des sœurs | 355 | 388 | 496 |
(1) En particuliers écoles des filles, écoles ménagères, Mittelschulen, écoles primaires supérieures, pensionnats…
Coll. Das Elsass von 1870 bis 1932. Alsatia, Band IV : Karten, Graphiken, Tabellen, Dokumente, Sach- und Namenregister, 1938, p. 239.
Les principales congrégations sont :
- Les sœurs de la Divine Providence de Saint Jean-de-Bassel, fondées par Jean-Martin Mouë (1762).
- Les sœurs de la Providence de Portieux (dans les Vosges), fondées par Jean-Martin Moyë (1762).
- Les sœurs de la Divine Providence de Ribeauvillé, fondées par l’abbé Louis Kremp (1783). Ces établissements de cet ordre, à Mulhouse, Guebwiller et Molsheim furent fermés.
- La Société de Marie, les Marianistes, fondé en 1817, dont l’école fut fermée de 1872 à 1875.
- Les frères de la doctrine chrétienne, fondés par le Père Georges Schneider, en 1845.
Les écoles normales d'Alsace
Un réseau d'écoles
| Effectifs (en nbr d'élèves) | Confession | |
|---|---|---|
| Écoles d'instituteurs | ||
| Strasbourg | 67 | École protestante |
| Obernai | 93 | École catholique |
| Colmar | 84 | École catholique, inscription d’élèves instituteurs juifs (2 en 1913) |
| Metz | 80 | École catholique |
| Pfalzbourg | 121 | École catholique |
| Écoles d'institutrices | ||
| Strasbourg | 69 | École protestante |
| Sélestat | 107 | École catholique |
| Écoles préparatoires | ||
| Château-Salins | 32 | École catholiques de Filles |
| Neudorf (Village-Neuf) | 58 | École protestante de Garçons |
| Lauterbourg | 65 | École catholiques de Garçons |
| Colmar | 58 | École catholique de Garçons |
| Saint-Avold | 53 | École catholiques de Garçons |
MINISTÈRE DE LA GUERRE. Organisation politique et administrative et législation de l’Alsace-Lorraine. Première partie. Paris : Imprimerie nationale, 1915, p. 216-217.
Doc. 6. L'École normale pour jeunes filles de Sélestat
Carte postale, s.d.
Coll. © CNDP – Musée national de l’Éducation (Rouen)
L’Alsace-Lorraine compte en 1913 cinq Écoles normales d'État pour les instituteurs et trois Écoles normales d’État pour les institutrices.
Pour les instituteurs, ce sont des sites, au sein des villes de Strasbourg, Obernai, Colmar, Metz, Pfalzbourg.
Pour la formation des institutrices, ce sont les écoles de Strasbourg et de Sélestat. Cinq écoles préparatoires existent, dont quatre sont consacrées à la formation des Garçons.
Les Écoles privées pour la formation des institutrices
À ces établissements, il convient d’ajouter les Écoles privées pour la formation des institutrices :
- Les sœurs de la Providence, à Ribeauvillé, forte de 269 élèves (1913) ;
- Saint-Christiania (Metz) de Sablon, près de Metz, avec 27 élèves ;
- Les sœurs de la Providence de Peltre, avec 56 élèves ;
- Les sœurs de la Providence de Saint-Jean-de-Bassel, avec 80 élèves.
Ces écoles forment 432 jeunes institutrices catholiques (1913).
On ajoutera les cours des Écoles de jeunes filles qui possèdent des sections de filles se destinant à l’enseignement, soit 238 jeunes filles catholiques, 123 protestantes, 9 juives.
Les conditions de vie des maîtres
Les instituteurs et institutrices sont rétribués par les communes, alors que leurs homologues français sont devenus des fonctionnaires d’État. Ils bénéficient d’indemnités et de bonifications, en cas d’enseignement dans les deux langues.
Doc. 7. Loi du 11 décembre 1909 relative aux traitements des instituteurs et institutrices des écoles élémentaires publiques, avec les modifications du 21 juin 1913
Article 1er. Les instituteurs et institutrices des écoles élémentaires publiques recevront de la commune un traitement et un logement gratuit ou, à la place de celui-ci, une indemnité de loyer équivalente.
Article 2. Les instituteurs et institutrices nommés à titre définitif recevront comme traitement annuel un traitement de base de 1 200 marks ainsi que des augmentations d’ancienneté. […] Les instituteurs et institutrices auxiliaires recevront comme traitement annuel une indemnité de 1.100 marks. […]
Article 4. À partir de l’époque fixée à l’article 3, il sera accordé comme augmentation d’ancienneté aux instituteurs nommés à titre définitif :
Après 3, 6, 9, 12, 15 ans de service, chaque fois 200 mks.
Après 18 ans, 100 mks,
Après 21 et 24 ans de service, 200 mks.
Aux institutrices nommées à titre définitif :
Après 3, 6, 9, 12, 15 et 16 années de service, chaque fois 100 mks.
L’augmentation d’ancienneté peut être refusée aux instituteurs et institutrices dont la conduite dans le service ou hors du service donne lieu à des critiques sérieuses.
Article 5. Les communes ont la faculté d’accorder sur les fonds communaux aux instituteurs et institutrices des écoles élémentaires publiques, enseignant dans la commune, des indemnités de résidence. […] […]
Article 6. En ce qui concerne les membres d’associations religieuses remplissant des emplois dans les écoles élémentaires publiques, la rémunération continuera à être fixée de gré à gré. A défaut d’accord amiable, il sera alloué, pour chaque instituteur et institutrice qui se consacrent entièrement à leurs fonctions, une rémunération annuelle de 800 marks et un logement gratuit ou, à la place de celui-ci, une indemnité de loyer équivalente.
Article 9a. (ajouté par la loi du 21 juin 1913). Les instituteurs et institutrices, chargés d’enseigner en allemand et en français dans les écoles communales du territoire où les deux langues sont en usage, recevront un supplément annuel, ne comptant pas pour la pension, qui s’élèvera à 200 marks pour les instituteurs et à 150 marks pour les institutrices.
MINISTÈRE DE LA GUERRE. Organisation politique et administrative et législation de l’Alsace-Lorraine. Première partie. Paris : Imprimerie nationale, 1915, p. 294-299.
La rétribution des sœurs est négociée à part. Elle tient compte de la vie en communauté, ne dépasse généralement pas les 800 marks.