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Sebastian Brant
(1458 - 1521)
Par Jean-Marc Siegel
Publié le 18 juin 2012
Né à Strasbourg, Brant étudia à Bâle où il obtint son doctorat en Droit. C'est cependant dans sa ville natale qu'il passa la plus grande partie de sa vie. Convaincu des vertus de l'étude, il alla jusqu'à enseigner le latin à son fils encore au berceau, qu'il inscrivit à l'Université dès l'âge de sept ans…
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Das Narrenschiff, son œuvre maîtresse
La nef des fous
Navicula sive speculum fatuorum - Johannes Geiler von Kaysersberg , Strasbourg : 1511
Coll. Bibliothèque humaniste de Sélestat (K 99, frontispice)
Si ses travaux sont caractérisés par une grande diversité, de la poésie latine à des ouvrages de jurisprudence, il reste néanmoins l'homme d'une grande œuvre, la Nef des Fous, Das Narrenschiff, une illustration d'un genre satirique, alors fort populaire.
L'ouvrage, remarquablement illustré par les gravures de Dürer, eut immédiatement un grand succès et fut traduit en plusieurs langues à travers l'Europe.
Le fou bibliophile
Navicula sive speculum fatuorum - Johannes Geiler von Kaysersberg , Strasbourg : 1511
Coll. Bibliothèque humaniste de Sélestat (K 99, Turba I. III v°)
Les archétypes qui y sont décrits passent en revue les défauts de ses contemporains et, au-delà , soulignent sur le mode burlesque, sans concession, les faiblesses de la nature humaine (avec, au centre, le bibliomane, représenté sur la gravure ci-contre...).
Dans Das Narrenschiff, une critique des abus de l'Église est également présente.
Étant donné l'immense popularité de l'ouvrage, on peut y voir une photographie fiable de l'état d'esprit qui devait caractériser la région rhénane durant cette période du tournant du siècle, immédiatement antérieure aux premiers pas de la Réforme.
Prologue
Partout, en tous lieux, on trouve maintenant
des livres de piété :
Les doctrines des Pères de l’Église,
des Bibles, et tant d’autres livres semblables
que je m’étonne de ne voir personne devenir meilleur.
Au contraire, on méprise les Écritures et la Doctrine.
Le monde demeure dans une nuit profonde
et persiste, aveuglé, dans le péché.
Les rues sont remplies de fous.
Ils mènent leur folie partout
mais ne veulent pas qu’on le dise.
C’est pourquoi j’ai étudié le projet
d’équiper pour eux :
Les nefs des fous !
Des fous et des insensés j’ai ici fait le portrait.
Et celui qui méprise le texte,
ou ne saurait le lire,
peut se reconnaître dans les images.
Il verra à quoi il ressemble,
qui il est en réalité
et ce qu’il devrait corriger en lui.
C’est le Miroir des Fous
dans lequel chacun peut se reconnaître.
Celui qui s’y mire convenablement
comprendra qu’il aurait tort de se prendre pour un sage,
car il verra son vrai visage.
Nul n’est sans défaut
ou peut dire avec assurance :
« Je suis un sage et sans folie ! »
Celui qui reconnaît sa folie
s’en libérera facilement,
mais celui qui se vante d’être toujours sensé,
est un fou – mon compère.
Il gardera une profonde rancune contre moi
s’il rejette ce livret.
Ici on ne lésine pas sur les fous.
Chacun y trouve son portrait,
chacun avec sa particularité
et aussi, pourquoi il y a tant d’insensés.
Ici sont mis en balance –
la valeur de la sagesse
et l’état lamentable de l’insensé.
On y découvre la marche du monde,
c’est pourquoi il est bon d’acheter ce livret.
- Das Narrenschiff : texte en ligne
- Réédition numérique (2011) du cahier Langue et Culture Régionales n°6, qui propose aux enseignants et aux élèves de l'option LCR, mais également à un public élargi, de (re)découvrir un choix de textes de l'œuvre de Sebastian Brant publiée en 1494 et qui lui assura la célébrité. Librement téléchargeable au format PDF, cet ouvrage peut être intégralement imprimé (reproduction autorisée). Illustrations de Robert Beltz.
- La Nef des fous par ses gravures
- Navicula sive speculum fatuorum est un ouvrage de Jean Geiler de Kaysersberg (1511). Les quelques 113 gravures qui y figurent illustrent la Nef des fous de Sébastien Brant. Une édition numérique inédite d'un des trésors de la Bibliothèque humaniste de Sélestat à décourvrir !
À l'écoute de son temps
Sébastian Brant n'a cependant pas été qu'un critique de mœurs. Sa réflexion politique doit beaucoup au sentiment d'insécurité que provoquait alors l'expansionnisme ottoman, lequel menaçait l'Europe chrétienne en Europe centrale.
Sa critique de l'empereur Maximilien, qui peinait à contenir les Turcs, est d'une grande portée.
A contrario, son hagiographie du roi d'Espagne Ferdinand d'Aragon, vainqueur des Maures en 1492 en Espagne, est tout aussi révélatrice : Sebastian Brant reste un conservateur, pour qui les monarques restent les garants de l'ordre temporel du monde.