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Les imprimeurs, artisans, ingénieurs et partenaires

Par Jean-Marc Siegel

Publié le 18 juin 2012

Les imprimeurs occupèrent une place éminente dans cet univers émergent. Certains, comme Mathias et Lazare Schürer, ou encore Froben, traitaient d’égal à égal avec de grandes figures tel Érasme. Leurs marques s’affichaient fièrement sur les pages de garde des ouvrages. Ils étaient un passage obligé, une étape stratégique dans l’élaboration d’un ouvrage.

Et ils en étaient conscients...

Les aristocrates de l’artisanatRevenir au début du texte

Marque typographique de Froben

Marque typographique de Froben
P. Cornelii Taciti equitis Romani Annalium ab excessu Augusti [...] - Tacite, Bâle : Jean Froben, 1533.
Coll. Bibliothèque Humaniste de Sélestat (K 1130)

Les imprimeurs étaient alors les aristocrates de l’artisanat : auréolés d’un grand prestige, admirés par les petites mains, respectés par les intellectuels : sans eux, en effet, pas de République des Lettres...

La qualité des matériaux, de l’encre, la fidélité à l’original manuscrit, le nombre de coquilles, les calendrier des éditions, le rythme des rééditions constituaient des sources de grand souci et de stress pour les auteurs. La contribution exceptionnelle des imprimeurs au grand œuvre humaniste ne fait aucun doute lorsqu’on se rappelle que Gutenberg fut lui-même un imprimeur, que sa Bible en langue latine posa le paradigme, le mètre-étalon à partir duquel l’élan humaniste pouvait s’exprimer pleinement.

Le bassin du Rhin montre une densité exceptionnelle de ces inventeurs/entrepreneurs de la première heure. Outre Gutenberg, Johannes Mentel et Heinrich Eggestein, de Rosheim en Alsace, Peter Schöffer, de Mayence, prolongèrent et perfectionnèrent les nouvelles techniques.

Lazare Schurer, imprimeur

Lazare Schurer, imprimeur
Insequentia in hoc libro continentur Beatis Pauli Gentium Apostoli, Epistole [...] - Saint Paul, Sélestat : Lazare Schurer, 1520.
Coll. Bibliothèque Humaniste de Sélestat (K 747)

Les marques typographiques

Les marques typographiques

Froben à Bâle, Mathias Schürer à Strasbourg, Alde Manuce à Venise ou encore Denis Roce et Jean Petit à Paris... autant d'imprimeurs dont les marques se retrouvent sur de nombreux ouvrages conservés à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat.

Des partenaires à part entièreRevenir au début du texte


La Bible de Gutenberg en latin , v. 1456
Coll. Niedersächsischen Staats- und Universitätsbibliothek Göttingen

Ces hommes adroits, inventifs mais aussi érudits, furent parmi les premiers humanistes dont ils partageaient d'ailleurs les vues : voyageant entre Bamberg, Mayence, Strasbourg et Bâle, en relation avec tout un réseau d’artisans métallurgistes, de marchands de papier (comme Anton Galliciani à Bâle), ils constituaient le socle sur lequel la pensée humaniste put aisément s'inscrire et se diffuser. Cette mobilité infatigable des imprimeurs d'origine rhénane permit une diffusion très rapide de l'imprimerie.

L'Alsace ne furent pas en reste : Strasbourg fut l'une des premières villes européennes à disposer d'une imprimerie, dès 1458, précédant de peu Haguenau, où s'établit Heinrich Gran.


La Bible de Mentel , 1466
Coll. Bayerische Staatsbibliothek

Ces hommes étaient des techniciens avant d'être des intellectuels, bien qu'aucune limite n'empêchait alors d'être à la fois l'un et l'autre. Mentelin et Eggestein étaient calligraphes, copistes, clercs ou laïcs. Schöffer avait étudié à la Sorbonne.

Le printemps humaniste vit plus d'un profil hybride, des hommes aux compétences très variées, trouver une place et l'opportunité d'exprimer leurs talents.

Grâce à des personnalités exceptionnelles comme Mentel, Eggestein et Gran, la précocité de la conversion du versant alsacien du Rhin à l'imprimerie permit l'émergence d'un groupe conséquent d'imprimeurs majeurs, très influents au début du XVIe siècle, tels Knobloch à Strasbourg, Schott qui s'établit un temps à Freiburg, Grüninger et Farckall à Colmar, Schürer à Sélestat, Schirenbrand à Mulhouse... À Strasbourg, Johannes Mentel imprima la première Bible en langue allemande.

Ces ouvrages furent, toutes proportions gardées, de véritables best sellers stimulant curiosité, réflexion et critique.

La Bible suivante fut celle de Luther.