Par Jean-Marc Siegel
Publié le 18 juin 2012
Retour à Enseignement des faits religieux
L’espace rhénan fut, avec l’Italie, l’un des épicentres d’un tremblement de terre intellectuel, scientifique et religieux dont les secousses ébranlèrent par vagues successives l’ensemble de la Chrétienté jusqu’aux limites du monde.
De Bâle à Rotterdam, en passant par Sélestat, Freiburg, Strasbourg, Karlsruhe, Mayence, les villes, liées en réseau, furent des relais, des diffuseurs d’idées, des amplificateurs d’impulsions. L’esprit de renouveau ne s’y limita pas et toucha les campagnes, où les espérances des grands intellectuels trouvèrent un écho parmi le plus grand nombre. Si les rêves de concorde universelle des uns s’achevèrent dans des divisions religieuses durables et douloureuses, les attentes des seconds, l’émancipation et l’autonomie paysanne, trouvèrent bien vite un épilogue tragique.
L’espace rhénan abordé ici est un lieu combiné à un moment : quelques décennies à partir des dernières années du XVe siècle, où l’impression des livres ouvre des horizons inédits, aux années d’après le Bundschuh, vers 1526, où il fallut choisir son camp, où la perspective de concorde universelle s’éloignait à grands pas. La fenêtre d’opportunité que les humanistes ont contribué à ouvrir se referma alors pour longtemps.
On trouve là le meilleur et le pire : cette renaissance, c’est d’une montée en puissance qu’il s’agit, d’un bouillonnement tous azimuts propre à ébranler les certitudes, faire chanceler les équilibres, dynamiser les évolutions en attente.
Des soubresauts de cette magnitude ne pouvaient que brutaliser les vieux pays d’Europe, de vieilles sociétés déjà épuisées par un Moyen Âge finissant et peu avare de crises, de guerres et d’épidémies. Ils en ravivèrent les chairs, en stimulèrent l’esprit, en exaltèrent la part de jeunesse et de création.
Des œuvres majeures témoignent de ce printemps rhénan : on ne citera ici que le retable d’Issenheim, un magnifique instantané de ce moment unique où le vent se remet à gonfler la voile, encore marqué de l’obscurité des heures sombres mais déjà porteur d’optimisme, de mouvement, de reconstructions, d’architectures hardies, d’équilibres lumineux.